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[RP] Et si....

Meliedesvalois
Il était tard ce soir là. Les clients avaient disparu dans la pénombre hurlante d’un silence dont seuls eux avaient le secret. Tout le monde avait regagné ses appartements. Tout le monde prenait ce voile sur chaque visage dès que l’Aphrodite s’arrêtait de tourner. Ce Monde venait de se figer, comme les autres soirs, dans un sombre que Mélie ne pouvait connaitre. Quelque chose trainait, planait sur cette atmosphère alors que les habitants tentaient, tant bien que mal, de se réjouir de chaque instant passé avec l’autre. Les traces d’un évènement survenu très certainement avant son arrivée. Le temps panserait sûrement les blessures.
Le métronome commençait en marche. Les mèches déliées des épingles en laissant tomber la chevelure dans le dos. Le taffetas changé en lin quand la légèreté se faisait criante. La poignée tourna pour écouter ce silence qu’elle aimait entendre et de s’inviter dans celui-ci afin de s’en imprégner. Elle descendit dans le grand salon dans une discrétion impressionnante et de se servir la boisson de sa mère, l’arak. Le tour du comptoir se fit, caressant le marbre avec des phalanges douces, adulant ce froid qu’il offrait et de ressentir ces nervures qui lui donnaient quelques frissons parfois. Les émeraudes ne se privèrent d’admirer cette magnifique pièce qui résistait dans toute sa splendeur aux débordements des clients. Elle gardait cette netteté qu’elle possédait lorsque l’on entrait à l’intérieur, ce secret que chacun lui confiait et cette pudeur que l’on raffolait de lui accorder. Une gorgée de cet anis léger et les bras se posèrent à ce marbre lentement. Un simple souffle venant envahir la pièce et de découvrir la lueur qui s’échappait de l’Enfumée. Le contenant dans la main droite, ses pieds l’emmenèrent jusqu’à l’ouverture. Les phalanges caressèrent les nervures de la porte et de la décaler un soupçon pour déterrer le corps qui se lovait là.

Une épaisse fumée se dégagea en premier lieu. Puis vint une clarté diffuse. Les pupilles se dilatèrent, cherchant ce corps, ce visage qui se cachait en cet endroit. La liquette légère, l’épaule gauche nue, la peau fine, l’assise près du sol entourée de coussins moelleux. Le buste était affalé, un coude posé sur l’un des poufs et les bruns flottant doucement avec l’atmosphère. Le dos s’offrait à elle. Un tissu entourait le cou, noué dans cette nuque éclatante. Les émeraudes ne se privèrent d’admirer le Fléau assise devant elle. Mélie l’observa dans un éclat terne, sombre, à la limite de l’inertie. Comment pouvait-elle être si sombre alors que la lumière l’entourait de toute son intensité…Et de se rappeler du goût sucré de ses lèvres gardant au bout de la langue ce miel que la Scandinave adulait depuis sa plus tendre jeunesse, la fraîcheur de ce baiser, la tendresse de l’instant, la captivité de l’endroit. L’odeur suave que son corps dégageait cette fois-là revint à son odorat pour s’en délecter quelques secondes. Une gorgée qui se délaya à son œsophage et d’oser rompre le silence.


Est-ce la nouvelle mode de porter le foulard ainsi ?

Une simple question demandant une simple réponse. Une simple question s’invitant avec elle, désireuse de la revoir pour contempler la beauté de cette femme, exalter ses gestes, goûter son monde à elle. Mélie ôta ses chausses, les déposa à l’entrée et de piétiner l’épais tapis qui recouvrait le sol. Pas une seconde ne fut laissé à Angèle de réfléchir pour lui répondre par la négative. Quelques coussins rapatriés et de s’installer lentement en face de ce bouleversement délicat. Les émeraudes qui se permirent de la dévisager, cherchant la soupape de désamorçage alors que ses mèches furent mises sur son épaule.

Je t’accompagne en cette nuit.
Angele
La nuit avait été plus courte que d'habitude, clients désertant le bordel à une heure avancée de la nuit, apanage des nuits se rallongeant et du froid s'installant. Autre rythme à prendre, hiver gagnant du terrain. Pour la petite pie hantant l'Aphrodite, ça signifiait aussi galérer un peu plus pour choper quelques bijoux un peu mieux planqués par les étoffes malgré la chaleur distillée par les cheminées toujours allumées. Ce soir avait été maigre, alors Angèle avait décidé de jeter son dévolu sur la cave du bordel d'où, de temps en temps, elle réussissait à remonter une bouteille planquée sous ses fringues. Et à cette heure là, elle savait que personne ne viendrait la faire chier car ils étaient tous partis au pieu, ou pas encore réveillés pour les servantes qui devaient nettoyer le bordel laissé par les nuits de stupre. Le spectacle n'était pas bien folichon, au creux de l'Enfumée où elle avait élu domicile avant de filer dans sa chambre qui lui rappelait trop son entrevue avec Ludwig la veille. Une simple chemise sur le dos, découvrant une épaule, foulard recouvrant son cou, une main arrimée mollement à la bouteille volée dont une partie du contenu avait été avalé, et une autre portant une pipe à demi éteinte. La débauche à l'état pur, sans le sexe et sans homme. Après tout, c'était parfois bien plus reposant comme ça.

Les paupières lourdes d'avoir encore trop bu et trop fumé, Angèle manquait de s'endormir à tout instant, plongeant dans un presque sommeil où voguaient gitan et courtisan, courtisan et gitan, visages masculins se dessinant tour à tour, vaporeux, avant de s’effacer. Lorsque la voix féminine brisa le silence, il lui fallut du temps pour réaliser qu'une présence s'était faufilée dans la pièce sans qu'elle ne s'en rende compte. Putain, elle ne faisait vraiment plus attention à rien ces derniers temps, c'était désespérant. La nuque se pencha en arrière pour découvrir à l'entrée la petite blonde reçue avec Ludwig quelque temps auparavant. Elle l'avait eue à l’œil, celle-là. L'avait suivie, quelquefois, avait particulièrement fait attention à son comportement avec les clients durant les quelques nuits précédentes. Angèle était quasiment sûre d'avoir percé son petit secret, mais il lui fallait encore jouer un peu avec la petite souris avant de pouvoir la serrer un peu plus dans ses pattes de chat.

Elle la regarda s'avancer, sans répondre, sourire aux lippes lourdes d'alcool et de chanvre. Elle était jolie. Son teint donnait envie d'aller y poser la main tellement il était blanc. Ce qu'elle fit, d'ailleurs, avançant son bras une fois la courtisane assise en face d'elle après avoir déposé la bouteille entre elles, découvrant sans honte un sein en déliant son geste. La paume se cala à la joue de Melie, avant de, doucement, faire glisser le bec de la pipe à ses lèvres, goûtées la dernière fois en un baiser sucré. Puisqu'elle s'y invitait, autant s'y mettre tout de suite.


J'croyais que ta peau serait aussi glaciale qu'elle est blanche. Mais non.

Mais de réponse à la question du foulard, il n'y eut pas. Après tout, c'était elle qui posait les questions, ici.
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