Beren
Je ne suis pas terrible en mensonges. J'aime trop la vérité, et même souvent sa cruauté, son absence de tact, sa rudesse, ses ravages aussi, avouons-le, et je suis trop masculin pour savoir le faire bien. Le mensonge, c'est un truc féminin, quand il est réussi, c'est une excuse minable quand il est conjugué au masculin. Il n'y a qu'à voir le nombre de crétins beurrés qui fomentent ensemble des plans foireux pour expliquer à la femme de l'un, à la concubine de l'autre, que leur homme n'a pas bu, ça non. Qu'ils ne l'ont pas vu, pas vrai ? Et d'ailleurs, même, ils ne le connaissent pas vraiment, alors qu'ils viennent de prendre la murge du siècle en beuglant des chansons paillardes.
Je suis nul en mensonges, et j'ai pas envie de faire de progrès, parce que quand je te mens, toi, tu fais semblant de me croire. C'est tellement gros, la manière dont je rougis un peu à ton sourire que je devine, que je m'engueule en dedans de ne pas être plus doué. Et en même temps ça me plaît, que tu saches que j'ai menti, cette fois.
Parce que tu vois que je sais pas le faire, et tu sais quand j'ai été vrai.
Parce que tu m'épargnes en le sachant, le fait de devoir formuler.
Parce que toi et moi, on n'a jamais eu besoin de ça, non plus. Pour s'aimer, pour se détester, pour se blesser.
Et là, cette fois, je ne cherche pas à te briser ; tu ne cherches pas à m'abattre ; on se ment pour la bonne cause, en étant tout à fait conscient que l'autre sait pertinemment qu'on joue la comédie, en s'en trouvant heureux, pour une fois, et c'est si rare. Y a pas de honte à ce mensonge là mise à part cet aveu terrible d'être si piètre comédien -, parce qu'il est criant de vérité. Parce qu'il dit « tu es sa mère, alors que je gueule que tu l'es plus depuis des mois. », parce qu'il crie « je t'aimerai toujours un peu, et cette fois, je ne t'en veux plus pour ça », parce qu'il concède un « Sois heureuse sans moi, je serai toujours un peu là », parce qu'il ne nie rien, enfin, du lien qu'il y a entre toi et moi et qu'aucun parchemin, document, contrat, ne pourra briser. Parce que la messe est dite maintenant, et qu'on aura su se dire « au revoir », comme « adieu » se refusait à nous. Tant qu'on se détestait, tant qu'on était fâchés, on ne pouvait pas laisser vraiment l'autre aller. Maintenant, c'est fait, et la manière dont ça se fait, ça soulage. Ca répare, à peine, juste une once, mais salvatrice.
La chaise traîne quand tu t'écartes de la table, mais pas autant que je l'aurais voulu. Elle a pris un peu son temps, a marqué le sol ; des rainures claires, c'est presque la pierre blanche qui marquera ce jour où on a cessé d'être deux imbéciles haineux. Quand tu t'es levée, je ne sais pas ce que j'ai espéré. Je ne sais pas - ou peut-être que je le sais un peu, à vrai dire ; mais je ne le dirai pas -, pourquoi le palpitant s'est emballé et pourquoi mon estomac s'est creusé. Mais ce baiser, loin de celui que tu m'as un jour promis, à savoir de me déterrer s'il le fallait pour qu'il soit le dernier que j'aurais reçu et qu'il m'avait alors horrifié d'imaginer ça m'a hanté, sans déconner- ; ce baiser-là, à la tempe, sous laquelle a battu si longtemps un sang ravageur de colère contre toi, ça m'apaise. J'en ferme les yeux, et il me semble respirer enfin sans ce poids pénible que j'avais sur le plexus depuis des lunes. Le murmure même me fait sourire, c'est dire. Et malgré moi, je presse un peu tes doigts, comme un « merci » que ma bouche ne sait pas formuler. Pas encore. Mais par contre, ce que je sais dire, c'est le chuchotement que je te concède:
- Celle-là, non. L'autre document... Chaque fois.
Ta main est lâchée avec douceur, après qu'un baiser ait été déposé à son dos. Avant que tu ne t'éloignes trop dans mon dos, je précise, comme pour te retenir encore :
- Finalement, tu sais aussi les soigner, tes sorties, tu vois. Andrea ? Merci.
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Je suis nul en mensonges, et j'ai pas envie de faire de progrès, parce que quand je te mens, toi, tu fais semblant de me croire. C'est tellement gros, la manière dont je rougis un peu à ton sourire que je devine, que je m'engueule en dedans de ne pas être plus doué. Et en même temps ça me plaît, que tu saches que j'ai menti, cette fois.
Parce que tu vois que je sais pas le faire, et tu sais quand j'ai été vrai.
Parce que tu m'épargnes en le sachant, le fait de devoir formuler.
Parce que toi et moi, on n'a jamais eu besoin de ça, non plus. Pour s'aimer, pour se détester, pour se blesser.
Et là, cette fois, je ne cherche pas à te briser ; tu ne cherches pas à m'abattre ; on se ment pour la bonne cause, en étant tout à fait conscient que l'autre sait pertinemment qu'on joue la comédie, en s'en trouvant heureux, pour une fois, et c'est si rare. Y a pas de honte à ce mensonge là mise à part cet aveu terrible d'être si piètre comédien -, parce qu'il est criant de vérité. Parce qu'il dit « tu es sa mère, alors que je gueule que tu l'es plus depuis des mois. », parce qu'il crie « je t'aimerai toujours un peu, et cette fois, je ne t'en veux plus pour ça », parce qu'il concède un « Sois heureuse sans moi, je serai toujours un peu là », parce qu'il ne nie rien, enfin, du lien qu'il y a entre toi et moi et qu'aucun parchemin, document, contrat, ne pourra briser. Parce que la messe est dite maintenant, et qu'on aura su se dire « au revoir », comme « adieu » se refusait à nous. Tant qu'on se détestait, tant qu'on était fâchés, on ne pouvait pas laisser vraiment l'autre aller. Maintenant, c'est fait, et la manière dont ça se fait, ça soulage. Ca répare, à peine, juste une once, mais salvatrice.
La chaise traîne quand tu t'écartes de la table, mais pas autant que je l'aurais voulu. Elle a pris un peu son temps, a marqué le sol ; des rainures claires, c'est presque la pierre blanche qui marquera ce jour où on a cessé d'être deux imbéciles haineux. Quand tu t'es levée, je ne sais pas ce que j'ai espéré. Je ne sais pas - ou peut-être que je le sais un peu, à vrai dire ; mais je ne le dirai pas -, pourquoi le palpitant s'est emballé et pourquoi mon estomac s'est creusé. Mais ce baiser, loin de celui que tu m'as un jour promis, à savoir de me déterrer s'il le fallait pour qu'il soit le dernier que j'aurais reçu et qu'il m'avait alors horrifié d'imaginer ça m'a hanté, sans déconner- ; ce baiser-là, à la tempe, sous laquelle a battu si longtemps un sang ravageur de colère contre toi, ça m'apaise. J'en ferme les yeux, et il me semble respirer enfin sans ce poids pénible que j'avais sur le plexus depuis des lunes. Le murmure même me fait sourire, c'est dire. Et malgré moi, je presse un peu tes doigts, comme un « merci » que ma bouche ne sait pas formuler. Pas encore. Mais par contre, ce que je sais dire, c'est le chuchotement que je te concède:
- Celle-là, non. L'autre document... Chaque fois.
Ta main est lâchée avec douceur, après qu'un baiser ait été déposé à son dos. Avant que tu ne t'éloignes trop dans mon dos, je précise, comme pour te retenir encore :
- Finalement, tu sais aussi les soigner, tes sorties, tu vois. Andrea ? Merci.
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