Cixi_apollonia
Du fer, du feu, du sang ! C'est elle ! c'est la Guerre. Debout, le bras levé, superbe en sa colère, animant le combat d'un geste souverain. Aux éclats de sa voix s'ébranlent les armées ; autour d'elle traçant des lignes enflammées, les couleuvrines ont ouvert leurs entrailles d'airain. Partout chars, cavaliers, chevaux, masse mouvante. En ce flux et reflux, sur cette mer vivante, à son appel ardent l'épouvante s'abat. Sous sa main qui frémit, en ses desseins féroces, pour aider et fournir aux massacres atroces toute matière est arme, et toute âme soldat. Puis, quand elle a repu ses yeux et ses oreilles de spectacles navrants, de rumeurs sans pareilles, quand un peuple agonise en son tombeau couché, pâle sous ses lauriers, l'âme d'orgueil remplie devant l'uvre achevée et la tâche accomplie, triomphante elle crie à la Mort: « Bien fauché ! »
Oui, bien fauché ... Vraiment la récolte est superbe, pas un sillon qui n'ait des cadavres pour gerbe... Les plus beaux, les plus forts sont les premiers frappés. Sur son sein dévasté qui saigne et qui frissonne, l'Humanité, semblable au champ que l'on moissonne, contemple avec douleur tous ces épis coupés. Hélas ... Au gré du vent et sous sa douce haleine ils ondulaient au loin, des coteaux à la plaine, sur la tige encore verte attendant leur saison. Le soleil leur versait ses rayons magnifiques ; riches de leur trésor, sous les cieux pacifiques, ils auraient pu mûrir pour une autre moisson.
Apollonia à l'abri des regards a versé une larme dans un soupir hagard, et sa lame est tombée sous un souffle à ses pieds. Parfois à trop de volonté rien ne germe, si ce n'est l'effroi et la colère qui s'étend au derme. Leçons ont été prises, et ne seront plus données. Si vivre c'est lutter, à l'humaine énergie pourquoi n'ouvrir jamais qu'une arène rougie ? Pour un prix moins sanglant que les morts que voilà l'homme ne pourrait-il concourir et combattre ? Manque-t-il d'ennemis qu'il serait beau d'abattre ? Le malheureux ... Il cherche, et la Misère est là .
L'heure semblait propice et la Hase candide, croyait dans le lointain d'une aurore splendide voir de la paix déjà poindre le front tremblant. On respirait. mais la leçon quittait sa couche... La trompette à la bouche, la fin de la guerre annonçait, plus âpre et plus farouche l'exil inéluctable loin des liens naissants à peine. Écrasant le progrès sous son talon sanglant sans pitié et sans peine. L'emporter ou périr. Voilà le bilan. On ressasse souvenir. Cette inconnue qui venait des champs ou de la forge était une soeur ; il fallait l'embrasser, - on l'a égorgée. Et chacun s'en ira chez soi? Dénué de pensées et vide?
On l'enverra être qui elle doit. Apollonia n'est qu'apatride.
Les hameaux, les cités s'écroulent dans les flammes. Les pierres ont souffert ; mais que dire des âmes ? Près des pères les fils gisent inanimés. Le Deuil sombre est assis devant les foyers vides, car ces monceaux de morts, inertes et livides étaient des curs aimants et des êtres aimés.
Guerre, au seul souvenir des maux que tu déchaînes, fermente au fond du cur le vieux levain des haine. Dans le limon laissé par tes flots ravageurs des germes sont semés de rancune et de rage, Hase est vaincue d'être victorieuse et n'a plus, dévorant son outrage, qu'un désir, qu'un espoir : enfanter des vengeurs. Des vengeurs pour hanter ce Père réputé sans coeur. Qu'il la voit, qu'il l'entende, qu'il retourne les terres. Sa fille n'est plus à vendre, plus une trace aux parterres... Jeune fille est partie, avant la fin de la nuit. Sans un mot, sans un bruit, avant que Chevreuse ne l'emporte. Ainsi Paternel à force de revanches, arbre découronné, verra mourir ses branches. Adieu, sombres futurs ! Salut ailleurs nouveaux ! En ce départ raté tendresse est impossible. Plus d'ombre, plus de fleurs ! Et ta hache inflexible, pour mieux frapper le fruits a tranché ses rameaux. Apollonia s'échappe de ce joug infernal. Ce secret trop poisseux et ses murmures crânes.
Non ce n'est pas à nous, penseurs et chantres austères de nier les grandeurs d'un sabotage volontaire... mais à ce fier brutal qui frappe et qui mutile, aux silences destructeurs, aux fermetés inutiles, qui la ferme dans son horreur. Hase s'oppose par la fuite, évitant toutes les questions.
Un mot dans les affaires de Zoyah, glissé à son insu au feu de camps.
Il faut plaire. C'est ce qu'Il voudrait. Il voudrait , même s'il ne daigne pas reconnaître aux yeux du monde qu'Il l'a mise au monde, qu'elle plaise au monde. Comme pour satisfaire un orgueil secret. Plaire, elle sait faire. C'est un don inné que la vie lui a donné. même dure. même revêche. même fuyarde comme une jeune Hase. Apollonia plait de son indépendance. De sa fierté. De son indicible gout de liberté. Cixi plait de filer entre les doigts. Intenable, et attachante. L'on brûle de la saisir, d'en saisir le sens, de l'ouvrir comme une boite et d'en percer les froides rétentions. Couleuvre. Paradoxale. Elle plait de ne pas en dire assez, de laisser ses deux prunelles claires le faire à sa place. Chacun peut y lire ce qu'il veut. Pourtant sous la colère, sous le silence des lettres mortes, se tient son drame secret. Elle ne Lui plait pas à Lui. S'il en avait été autrement, elle aurait déjà été amenée à Rubroek. Elle se tiendrait devant Lui, à cet instant précis, et peut-être, sans doute même, Lui trouverait-il des ressemblances avec sa mère? mais se souvenait-il seulement de sa mère...
Une main gantée serre le médaillon contre son plexus.
Faut-il aimer? Est-ce bien raisonnable... Aimer ne garde pas des ennuis. Il semble même qu'il les catalyse, sans quoi, Il aurait aimé. Sa mère. Puis Elle. Plutôt que de les reléguer au rôle de l'encombrant fardeau dont on ne sait pas bien que faire... Que l'on entoure de secrets. Que l'on travestit, étouffe d'un ordre, et que l'on veut bien surveiller de loin. De très loin. Par les yeux des autres. Faudrait lui dire que l'on ne peut pas aimer par le cur des autres. C'est comme ... Regarder le soleil par les barreau des geôles. Elle a sentit qu'elle ne pouvait pas se garder d'aimer. De lier des attachements singuliers. Certains interdits. Comment pouvait-il en être autrement, elle était depuis la mort de Celestina, seule au monde. A l'âge où aimer prend son premier sens. Éveille les premiers sens. Des amours différents, d'intensités différentes. Autant de liens à ne pas entretenir, pour ne pas causer de tort.
Le bijou est rangé entre les entrelacs tièdes de cuir et de laine, senestre vient glisser le pouce au ceinturon, flirtant avec la garde d'une épée courte.
Courir était vital. Il ne fallait pas s'arrêter de courir, comme si le diable était à ses trousses. Partir en sens opposé, souvent, et contourner tous les endroits à découvert. C'est ainsi que le lièvre fait. C'est ainsi qu'elle a appris à vivre, depuis qu'elle était partie. Sauter des talus, se plaquer au mur à l'approche de pas... Se tendre d'un poumon figé... Et brandir lame à la gorge du pauvre hère qui sursaute et recule, un pli à la main, la main sur la garde. L'épée s'élève comme le Lansquenet le lui a appris. Toi tu aurais mieux fait de ne pas me suivre, disent les billes froides, les gestes qui se suspendent d'un seul cri:
- J'ai des messages! Ne... Arrêtez ...!
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Oui, bien fauché ... Vraiment la récolte est superbe, pas un sillon qui n'ait des cadavres pour gerbe... Les plus beaux, les plus forts sont les premiers frappés. Sur son sein dévasté qui saigne et qui frissonne, l'Humanité, semblable au champ que l'on moissonne, contemple avec douleur tous ces épis coupés. Hélas ... Au gré du vent et sous sa douce haleine ils ondulaient au loin, des coteaux à la plaine, sur la tige encore verte attendant leur saison. Le soleil leur versait ses rayons magnifiques ; riches de leur trésor, sous les cieux pacifiques, ils auraient pu mûrir pour une autre moisson.
Apollonia à l'abri des regards a versé une larme dans un soupir hagard, et sa lame est tombée sous un souffle à ses pieds. Parfois à trop de volonté rien ne germe, si ce n'est l'effroi et la colère qui s'étend au derme. Leçons ont été prises, et ne seront plus données. Si vivre c'est lutter, à l'humaine énergie pourquoi n'ouvrir jamais qu'une arène rougie ? Pour un prix moins sanglant que les morts que voilà l'homme ne pourrait-il concourir et combattre ? Manque-t-il d'ennemis qu'il serait beau d'abattre ? Le malheureux ... Il cherche, et la Misère est là .
L'heure semblait propice et la Hase candide, croyait dans le lointain d'une aurore splendide voir de la paix déjà poindre le front tremblant. On respirait. mais la leçon quittait sa couche... La trompette à la bouche, la fin de la guerre annonçait, plus âpre et plus farouche l'exil inéluctable loin des liens naissants à peine. Écrasant le progrès sous son talon sanglant sans pitié et sans peine. L'emporter ou périr. Voilà le bilan. On ressasse souvenir. Cette inconnue qui venait des champs ou de la forge était une soeur ; il fallait l'embrasser, - on l'a égorgée. Et chacun s'en ira chez soi? Dénué de pensées et vide?
On l'enverra être qui elle doit. Apollonia n'est qu'apatride.
Les hameaux, les cités s'écroulent dans les flammes. Les pierres ont souffert ; mais que dire des âmes ? Près des pères les fils gisent inanimés. Le Deuil sombre est assis devant les foyers vides, car ces monceaux de morts, inertes et livides étaient des curs aimants et des êtres aimés.
Guerre, au seul souvenir des maux que tu déchaînes, fermente au fond du cur le vieux levain des haine. Dans le limon laissé par tes flots ravageurs des germes sont semés de rancune et de rage, Hase est vaincue d'être victorieuse et n'a plus, dévorant son outrage, qu'un désir, qu'un espoir : enfanter des vengeurs. Des vengeurs pour hanter ce Père réputé sans coeur. Qu'il la voit, qu'il l'entende, qu'il retourne les terres. Sa fille n'est plus à vendre, plus une trace aux parterres... Jeune fille est partie, avant la fin de la nuit. Sans un mot, sans un bruit, avant que Chevreuse ne l'emporte. Ainsi Paternel à force de revanches, arbre découronné, verra mourir ses branches. Adieu, sombres futurs ! Salut ailleurs nouveaux ! En ce départ raté tendresse est impossible. Plus d'ombre, plus de fleurs ! Et ta hache inflexible, pour mieux frapper le fruits a tranché ses rameaux. Apollonia s'échappe de ce joug infernal. Ce secret trop poisseux et ses murmures crânes.
Non ce n'est pas à nous, penseurs et chantres austères de nier les grandeurs d'un sabotage volontaire... mais à ce fier brutal qui frappe et qui mutile, aux silences destructeurs, aux fermetés inutiles, qui la ferme dans son horreur. Hase s'oppose par la fuite, évitant toutes les questions.
Un mot dans les affaires de Zoyah, glissé à son insu au feu de camps.
Citation:
" Altesse,
les jours ont passé, je sais que les langues se sont déliées. Croyez bien que je le déplore, j'ai eu pour seul tort de prendre mon frère en pitié, qu'il est cruel de savoir une vérité que recherche l'autre sans pouvoir la lui donner, surtout lorsqu'il est question de sang. J'aurais sans doute pu mentir à tous, mais pas à un frère, le tribut que le Comte me somme de payer est trop lourd pour un crime dont je ne suis pas l'auteur, et le prix d'un allié qui le connait et le comprend trop précieux. De toutes, vous êtes sans doute la seule que je n'arrive pas à approcher, vous parler m'est difficile. Voyez, l'on vous a placé aussi malgré vous dans un rôle, vous êtes la main du roy, d'une certaine façon. Alors de deux comédiennes qui ne connaissent pas leur texte, qu'y a-t-il à tirer? Guère je le crains.
Je vous remercie de vos attentions distantes mais réelles, de votre il dans lequel j'ai su discerner aussi, la bienveillance qui vous sied si bien. Faites moi une dernière faveur; dites à mon père que je l'allège d'un souci de plus. Je ne tiens pas tant à tenir le premier rôle et à alimenter les discussions, quand il ne songe qu'à me faire oublier.
Dieu nous garde.
Apollonia."
les jours ont passé, je sais que les langues se sont déliées. Croyez bien que je le déplore, j'ai eu pour seul tort de prendre mon frère en pitié, qu'il est cruel de savoir une vérité que recherche l'autre sans pouvoir la lui donner, surtout lorsqu'il est question de sang. J'aurais sans doute pu mentir à tous, mais pas à un frère, le tribut que le Comte me somme de payer est trop lourd pour un crime dont je ne suis pas l'auteur, et le prix d'un allié qui le connait et le comprend trop précieux. De toutes, vous êtes sans doute la seule que je n'arrive pas à approcher, vous parler m'est difficile. Voyez, l'on vous a placé aussi malgré vous dans un rôle, vous êtes la main du roy, d'une certaine façon. Alors de deux comédiennes qui ne connaissent pas leur texte, qu'y a-t-il à tirer? Guère je le crains.
Je vous remercie de vos attentions distantes mais réelles, de votre il dans lequel j'ai su discerner aussi, la bienveillance qui vous sied si bien. Faites moi une dernière faveur; dites à mon père que je l'allège d'un souci de plus. Je ne tiens pas tant à tenir le premier rôle et à alimenter les discussions, quand il ne songe qu'à me faire oublier.
Dieu nous garde.
Apollonia."
- Plaire.
Il faut plaire. C'est ce qu'Il voudrait. Il voudrait , même s'il ne daigne pas reconnaître aux yeux du monde qu'Il l'a mise au monde, qu'elle plaise au monde. Comme pour satisfaire un orgueil secret. Plaire, elle sait faire. C'est un don inné que la vie lui a donné. même dure. même revêche. même fuyarde comme une jeune Hase. Apollonia plait de son indépendance. De sa fierté. De son indicible gout de liberté. Cixi plait de filer entre les doigts. Intenable, et attachante. L'on brûle de la saisir, d'en saisir le sens, de l'ouvrir comme une boite et d'en percer les froides rétentions. Couleuvre. Paradoxale. Elle plait de ne pas en dire assez, de laisser ses deux prunelles claires le faire à sa place. Chacun peut y lire ce qu'il veut. Pourtant sous la colère, sous le silence des lettres mortes, se tient son drame secret. Elle ne Lui plait pas à Lui. S'il en avait été autrement, elle aurait déjà été amenée à Rubroek. Elle se tiendrait devant Lui, à cet instant précis, et peut-être, sans doute même, Lui trouverait-il des ressemblances avec sa mère? mais se souvenait-il seulement de sa mère...
Une main gantée serre le médaillon contre son plexus.
- Aimer.
Faut-il aimer? Est-ce bien raisonnable... Aimer ne garde pas des ennuis. Il semble même qu'il les catalyse, sans quoi, Il aurait aimé. Sa mère. Puis Elle. Plutôt que de les reléguer au rôle de l'encombrant fardeau dont on ne sait pas bien que faire... Que l'on entoure de secrets. Que l'on travestit, étouffe d'un ordre, et que l'on veut bien surveiller de loin. De très loin. Par les yeux des autres. Faudrait lui dire que l'on ne peut pas aimer par le cur des autres. C'est comme ... Regarder le soleil par les barreau des geôles. Elle a sentit qu'elle ne pouvait pas se garder d'aimer. De lier des attachements singuliers. Certains interdits. Comment pouvait-il en être autrement, elle était depuis la mort de Celestina, seule au monde. A l'âge où aimer prend son premier sens. Éveille les premiers sens. Des amours différents, d'intensités différentes. Autant de liens à ne pas entretenir, pour ne pas causer de tort.
Le bijou est rangé entre les entrelacs tièdes de cuir et de laine, senestre vient glisser le pouce au ceinturon, flirtant avec la garde d'une épée courte.
- Courir.
Courir était vital. Il ne fallait pas s'arrêter de courir, comme si le diable était à ses trousses. Partir en sens opposé, souvent, et contourner tous les endroits à découvert. C'est ainsi que le lièvre fait. C'est ainsi qu'elle a appris à vivre, depuis qu'elle était partie. Sauter des talus, se plaquer au mur à l'approche de pas... Se tendre d'un poumon figé... Et brandir lame à la gorge du pauvre hère qui sursaute et recule, un pli à la main, la main sur la garde. L'épée s'élève comme le Lansquenet le lui a appris. Toi tu aurais mieux fait de ne pas me suivre, disent les billes froides, les gestes qui se suspendent d'un seul cri:
- J'ai des messages! Ne... Arrêtez ...!
Si tu ne veux pas te faire rattraper, Hase libre, il faut courir plus vite.
Bastian avait tort. Tu n'as pas si peu d'importance que ça.
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