Le Vairon écouta Asphodelle, chacun de ses arguments. La vanité des animaux, il le savait, mais au fond… les religieux ne le seraient-ils pas eux aussi en ce cas ? Les Romains qui se disent l'Unique, ne se comporteraient-ils pas comme les désormais animaux ? En tout cas, pour le peu qu'il avait croisé et se revendiquant Romain… la plupart agissaient comme tels désormais. Ne se posant plus de question et suivant ceux qui les ont "éduqué" comme de bons moutons de Panurge. Il trouvait tout cela déprimant à voir… cela dit, les humains ne se prennent pas pour de la chiotte mais… hum… il expliquera son point de vue plus tard. Puis vint la question du "Aimeriez-vous un enfant", question à laquelle le Vairon se crispa légèrement. Non pas qu'il n'en voulait pas ou qu'il ne l'aimerait pas, mais qu'il en avait déjà un. Un disparu quelques mois plus tôt à la mort de sa mère. Jamais retrouvé et personne ne savait où il était. Seule une folle disant avoir écrit à la mère de son fils, puis se disant être un ange capable de parler aux morts, avait dit que son fils était toujours en vie dans les mains d'amis à elle… ce fut l'un des seuls jours où le Vairon aurait aimé avoir un Inquisiteur sous la main pour faire un petit barbecue. C'est qu'il aimait pas du tout les remuages de couteaux dans les plaies. Il écouta donc cette partie sans grand enthousiasme. Heureusement elle ne dura pas longtemps et vint alors le sujet sur la Créature. Vaste sujet que celui-là, sans doute ce qui ne peut être le plus explicable à ses yeux. Il écoutait toujours… puis eut un léger air de surprise à l'évocation de la pensée Cathare. C'était loin d'être la première fois, lorsqu'il parlait religion, qu'on lui parlait du catharisme. Sa sœur, Sloan, avait demandé si il ne souhaitait pas l'être, et d'autres personnes lui avaient fait la remarque. Il s'était intéressé à eux mais n'avait toujours pas pris le temps d'étudier les textes qu'il a trouvé et qui prenaient la poussière chez lui. Une remarque de plus à ce propos… ça en faisait beaucoup à force et renforçait son idée d'étudier tout ça, rien que par curiosité. Puis... oh bah les v'là dans le noir... le vairon eut un sourire en écoutant Asphodelle... puis ce fut à son tour.
Je vais en premier lieu revenir sur un des premiers points. Les humains ne se prennent pas pour de la chiotte, certes… mais je doute qu'ils agissent mieux que les animaux d'alors. Si avant ils s'apitoyaient sur leur sort, désormais ils se croient supérieur en tout. Ils avaient alors choisis de penser, mais désormais, seuls les actes ont de l'importance aux yeux de la plupart. Le Très-Haut ne leur apparaît pas, donc il n'existe pas. Et… vu toutes les religions…
Il les regarda un instant avant de continuer.
On se demande alors, laquelle a la "Vérité" et surtout… est-ce qu'il existe. Et même si c'est le cas, pourquoi vous seriez ses porte-paroles. Pourquoi des écrits de mains d'homme, des paroles d'homme, des actes d'homme… des choses que l'homme a créé seraient divins ? En quoi, si demain j'écris un long texte et proclamerais une nouvelle religion, la mienne serait différente de la votre ?
Il s'interrompit un peu. C'était dit, pas de machine arrière, pas de "gomme", et surtout, pas d'excuses, car telles étaient ses pensées… et il allait les développer.
Voyez-vous… toujours en me basant sur vos écris, il est dit que l'homme créa des églises pour honorer des déités, et que certains hommes se nommèrent alors "prêtres" et faisaient office de clerc. C'est le principe de paganisme… En quoi l'Aristotélisme Romain, Français, Réformé, ne seraient pas des religions païennes ? Parce qu'une main d'homme a dit que non en disant avoir eu un échange avec une divinité ? Mais le Sans-nom fait preuve d'une grande malice… alors… peut-être a-t-il plutôt entendu le Sans-nom plutôt que le Très-Haut. Et puis bon... moi-même je fais des rêves parfois étrange où je discute avec des personnes que je ne connais pas, mais jamais je me dis que le Très-Haut me parle.
Quoique boire un coup avec le Très-Haut dans un bar en discutant religion, ça pourrait être amusant. Imaginez le Créateur bourré ce qu'il pourrait faire...
Sur cette pensée, le Vairon se leva au milieu des ténèbres et commença à se mouvoir dans la pièce tranquillement, sa voix indiquerait sa position aux autres. Il avançait plus lentement… mais sûrement.
Ensuite... voyez-vous… beaucoup demandent le baptême ou équivalent, chacune demande à un être d'entrer dans un "groupe". Or, mon idée à moi est que le Très-Haut est partout. Qu'il entend ce que je dis là, qu'il connait vos pensées, qu'il sait que quelque part, on brule quelqu'un en son nom, qu'il sait quels sont les vices de chacun. Mon idée est qu'il est le seul juge… et que, qu'on soit Romains, Français, Réformé, Athée… on se retrouvera tous dans l'Après, là où Il aura choisit où est notre place… et donc, je crois aussi que le Très-Haut se fiche complètement du baptême ou du mariage. Le premier car nous sommes tous de sa création et que c'est une invention d'homme souhaitant se sentir supérieur en voulant croire que son geste avait une quelconque conséquence divine, et le second car il est inutile si deux êtres s'aiment d'un amour véritable ou du moins, que les deux êtres acceptent de ne rester qu'avec l'autre et de ne pas céder à la tentation de la luxure et donc de s'adonner au simple plaisir charnel avec quelqu'un d'autre que la dite personne... et je ne parle même pas de l’excommunication qui est d'une débilité absolue.
Le Vairon s'arrêta alors et se tourna vers les personnes auxquelles il parlait. Ayant un peu tourné autour de tous.
Les animaux se croyaient supérieurs aux autres créations du Très-Haut, ils en ont été punis. Ils se croyaient être les "préférés", et ils en ont été punis… ces multiples religions, tous ces clercs, tous ces religieux… au fond, n'est-ce pas agir comme les animaux d'alors que de prêcher ce qu'on croit être la parole divine ? Qu'on croit être dans la "vraie" religion ? Celle que le Très-Haut souhaite que nous suivions ? A mes yeux, si.
Mais je ne suis pas de ceux qui croient en un Créateur qui est intransigeant. Je crois plutôt en un, doté de compréhension et de compassion, capable de donner des secondes chances aux êtres les plus impurs et d'accueillir les purs qui ont été perdus en pensant suivre la Vérité... Tout être peut être perdu un jour, tant sur le plan physique que spirituel… Il nous a créé ainsi et Il en prend compte.
Le Vairon retourna alors à sa place. A côté de Cer dont il chercha la main pour la serrer doucement. Il allait éviter la partie sur les enfants, n'ayant pas envie d'en parler. Pour la Créature, il attendrait encore un peu.
Vous parlez de l'obscurité et de la lumière en faisant le lien avec le mal et le bien. C'est un point de vue intéressant… mais que je ne partage pas. Certes, sans lumière, il n'y a que les ténèbres… les ténèbres ne font que s'obtenir. Mais regardez, vous parlez d'enfer lunaire et de paradis solaire. Regardez alors ces astres… enfin non, regardez juste la lune. Oui, que la lune car si vous essayez de regarder le soleil, vous ne verrez plus rien du tout après. La lune, qui est censé être l'enfer, on peut la voir, alors que le paradis, lui, nous détruit un sens ? Quelle étrange image que cela… certains parlent d'éclat divin. Mais j'en doute fortement. Enfin bref, revenons à l'avis que je ne partage pas. Pour ma part, j'ai toujours préféré la nuit. L'éclat argenté de la lune, des étoiles… ça a un charme que j'apprécie grandement. Je peux passer des heures à regarder cela sans aucun ennui, juste là, sans rien faire, allongé dans l'herbe. Maintenant… la journée. Toute vide, avec juste ce petit astre jaune destructeur d'yeux. Vous me direz alors que ce n'est pas vraiment des ténèbres, de l'obscurité… m'enfin. Pour moi, ça a son importance car c'est les ténèbres qui m'ont protégés par le passé et non pas la lumière du jour. C'est dans la nuit que je me sens le mieux, dans l'obscurité… alors que le soleil, je n'aime pas trop, car brulant les yeux, la peau en été… il m'apparaît, à moi, destructeur. Donc, la lumière est destructrice.
Vous parlez du feu… le feu, donc la lumière, détruit. Les incendie, les buchers… tout cela le montre bien. Mais il purifie. C'est grâce au feu que certaines nourritures ne nous rendent pas malade, c'est grâce au feu que nous pouvons cautériser les plaies… le feu est un outil aussi bon que mauvais suivant l'utilisation.
Vous dites, donc, que le mal est à l'obscurité ce que la lumière est au bien… Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est le contraire, mais vous dites que le mal est rendu par l'absence de bien… moi je pense plutôt que le mal grandit pour détruire le bien. Dès lors, qui de la lumière ou de l'obscurité fait disparaître l'autre ? Les ténèbres sont effacés, détruits par la lumière. Le bien est détruit par le mal…
Il eut un léger sourire bien qu'invisible dans l'obscurité.
Tout ça n'est qu'une question de point de vue… non pas de croyance.
Le reste désormais… la perfection serait de tendre vers lui… or, je ne vois pas du tout ce en quoi il faudrait tendre. Je suis moi, je suis tel que j'ai été créé, faisant les choix qui me paraissent justes et ayant mes propres idées. Or, dans mes idées, il n'y a pas cette histoire de tendre vers quelque chose.
Vous me demandez ce que je pense… je n'ai cessé de vous en faire part là. En gros, pour moi il suffit juste de croire en Lui et de vivre tranquillement en évitant de céder aux péchés. Ensuite, pour l'histoire de la Créature… j'ai deux idées :
Soit elle n'existe pas et le Très-Haut a insufflé sa part de "Mal" en sa création pour la tester, voir qui a assez de volonté ne pas se laisser dépasser par le mal qui est en lui tout comme le ferait ce créateur.
Soit le Très-Haut a créé un monde auparavant parfait mais qu'un Dieu-Démon jaloux aurait altérer en insufflant le "Mal" dans le cœur de la Création.
Mais je ne crois pas en une créature créée par lui qui aurait la possibilité d'altérer la création sous les yeux du créateur sans qu'il ne fasse quoi que ce soit.
En bref… je crois en quelque chose qui diffère plus ou moins, mais en quelque chose de bon. Quelque chose qui ne nécessite que la croyance pure, sans autre acte religieux. Je ne crois pas au Dieu-Démon unique que les Romains semblent adorer désormais. Je ne crois pas à l'autorité des églises qui m'apparaissent contraire à mes idées…
Néanmoins… je sais que toutes vos cérémonies, Cer y tient, car elle croit en leur bien fondé. A moi elles me paraissent inutiles, mais si il le faut… je m'y plierais. Même si, je vous avoue que le baptême, je ne suis pas très enthousiaste.
Voilà, si avant il avait parlé de son incompréhension des textes, il parlait là de ses pensées, ce en quoi il croyait. Il n'était rien, ni Athée, ni Aristotélicien… il ne se définissait pas. Et pour lui, il n'y a rien à définir.
Vivre selon sa conscience… le jugement sera en conséquence