Perceval-Aelis,
Vous trouverez ci-joint le conte qui vous est resté en mémoire, puisquil vous interpelle tant. Considérez y remerciement de ma part pour votre affection, de quoi agiter les rouages de quelques uns de ces illogismes qui vous contrarient autant que vous fascinent ; ny prenez pas un rhume, votre médecin ne me le pardonnerait pas.
Miel quant à lui a rejoint ma table. Merci.
Jai appris que votre visite à Paris avait soigné votre poignet et votre amitié davec Montfort. Vous men trouvez satisfait ; vous sembliez, lun comme lautre, y dépérir de froid.
Lon croit à tort que, solaire, Faust ne se nourrit que de lumières, mais comme chaque plante, il a besoin du vent, de leau, de la nuit,des insectes, et peut-être, parfois, aux envahissements qui assiègent toute terre fertile, dune main pour léclaircir de ses humeurs, y trier les graviers qui semmêlent aux racines.
Ne lui épargnez pas les fruits trop verts, les questions ou même les réponses. Lamitié se nourrit de tout ce qui vous fait, pas seulement de vos sourires ou de vos quiétudes ; elle est mouvement, défi, conciliation, foi, havre autant que périple, et je ne connais pas une âme qui supporterait que lun des siens endure la pénibilité dune épreuve sans venir sen confier.
Lon grandit à ses amis, à ses amours, éternellement ; aimeriez que Montfort racornisse le sien de peur de
comment le dites-vous
Vous ennuyer ?
Je crois que lon aime différemment chaque personne qui compte, quil y a autant damours que de gens que lon en dote
Un peu, beaucoup, passionnément
pourtant, je crois aussi à la pertinence du cur à reconnaitre lunicité comme dune évidence quand il sagit de lAutre.
A la folie.Lon aime de désirs, de tendresses, dappétits, de sagesses, de dévotion, parfois tout sy mêle, dautres fois non, et parfois encore, lon aime à haïr
Il ny a pas quun langage, mais un langage et sa polyphonie qui népargne aucun âge et dont vous distinguerez, avec le temps, les mesures, les règles
Les règles dailleurs ne vous plairont pas, je le crains, car elles ont tant dextrêmes, de nuances ou dharmonies selon labsurdité de l'heure ou du temps quil y fait, que vous devrez parfois y baisser les armes et vous contenter dune autre, plus générale, moins précise, mais qui ouvre le ciel : Aimer, quelle quen soit la façon, ou lâme que lon y souhaite, est un saut dans linconnu.
Sautez, il ny a que comme cela que lon apprend.
Voilà plusieurs courriers déjà que ce sujet aiguise vos angles, et si je suis flatté que vous my pensiez gardien de quelques réponses, je nai en main que les miennes et mon cur, Perceval-Aelis, ne bat que rarement.
Le vôtre aurait-il soubresaut pour quau miroir, parfois, votre nez penche vers votre nombril ?
Je nai pas eu la célérité de vous souhaiter un bon anniversaire à lannée passée et regrette de ne pas avoir su vous envoyer quelques pensées à cette date aux froides mélancolies. Mes Hommages à Feu votre Mère auront peut-être la saveur de quelques anachronismes à celui qui ne connait pas le gel et ses rigueurs, mais vous saurez, jespère, y trouver tout mon respect à vos écueils.
Votre père oublie votre anniversaire et le mien crache probablement à celui qui me marque.
Est-on jamais ce que nos parents attendent de nous ?
Responsable à mon tour, je my déchire dégoïsmes et je suis tombé si souvent, jai déçu tant de fois, que jai perdu tout droit dy juger les échecs de mes pairs. Tout au plus puis-je me dire que si je ne suis pas à la hauteur des aspirations des autres, je peux tâcher dêtre digne des miennes, et jespère que cest là une chose que je saurais apprendre à Antoine.
Aux heures tranquilles, de celles où vous aurez envie, donnez-moi quelques nouvelles.
Prenez soin de vous, et des vôtres,
Alphonse.
Quand la terre était plate et que les montagnes touchaient encore le ciel, nous la parcourions librement, de deux paires de bras, deux paires de jambes, et de deux visages agencés dune face de chaque côté de la tête pour pouvoir regarder tout autour de nous , parler pendant que nous lisions, ou rire tout en pleurant.
Nous étions un, entier, présomptueux, et nous ignorions alors tout de lamour.
Lon comptait trois différents genres : Lun, ressemblant à deux hommes mêlés, était appelé les Enfants du Soleil ; les Enfants de la Terre, eux, accordaient deux jeunes filles enroulées lune à lautre, quant au troisième, les Enfants de la lune, ils étaient comme une fourchette coincée sur une cuillère : un peu soleil, un peu terre, un peu garçon, un peu fille.
Puissants, libres, heureux autant que complets, nous vivions de linstant sans autre préoccupation que le présent et navions besoin de rien dautre, ni de personne, si bien que les dieux commencèrent à médire de notre manque de dévotion et à craindre notre force.
Sur le Mont Olympe, Héphaïstos prit le premier la parole devant tous et annonça, saisissant arme pour la démonstration: "Mon marteau na pas de pareil. Ordonnez-le et il sabattra sur eux. Je les tuerai tous, comme jai tué les géants ! ", mais Zeus leva une main autoritaire et simposa, poignards déclairs empaumés ; lui plus que tous les autres était en colère après nous : " Non, jutiliserai ma foudre comme des ciseaux, ainsi ai-je coupé les jambes des baleines pour les condamner à locéan, et changé les dragons en lézards pour quils ne fassent plus dombre à nos fronts. Eux, je les diviserai par le milieu, dune seule ligne, moitié pour moitié. "
Le ciel sobscurcit et se mirent alors à y apparaitre dimmenses et brulantes lézardes blêmes ; un instant le silence, puis
La foudre sabattit et déchira tout au long de la chair, chacun des enfants du Soleil, de la Lune et de la Terre.
Il revint à Hestia et ses surs de se saisir des corps ensanglantés, et den coudre la plaie jusqu'au nud quelles enfouirent à nos ventres en lappelant Nombril, pour assoir leçon et nous rappeler à tout instant et à jamais, le prix que nous venions de payer. Eole et Poséidon, ramenèrent les nuages à leurs mains, soufflèrent un ouragan sur les océans pour nous disperser loin, loin les uns des autres, dans une tempête de vent et de pluie, une mer de vagues immenses, les courants violents dun raz de marée et cela fut fait en quelques minutes à peine.
Nous réapparurent seuls, immaculés et perclus dune douleur rectiligne, étourdis encore, ignorant maintenant, mais sachant tous, sans exception, que si nous nous arrachions nos fils, alors ils recommenceraient, et que cette fois ci, nous finirons sur un seul pied, à regarder le monde au travers dun unique il.
C'est cette douleur qui coupe une ligne droite à travers le cur que nous avons alors appelé Amour.
Ce fut une soirée froide et sombre que cette nuit-là lorsque, par la puissante main jovienne, lon nous divisa, et lon pourrait trouver cela triste dêtre devenus de solitaires et bipèdes créatures, mais cest là, lorigine de lamour, et sa quête perpétuelle au travers de lautre, à ne redevenir quun en étant désormais deux.
Voilà, comment est né lAmour.