Les premiers rayons de soleil apparaissent pour signaler la nouvelle journée, les chants d'oiseaux remplacent progressivement ceux des insectes nocturnes et, sur un sentier entouré d'une épaisse forêt, le vieux mercenaire étouffe un feu de camp bien réconfortant. Quelques fruits suffiront pour son repas matinal et déjà reprend-il le chemin, décidé à ne pas perdre de temps vers sa destination.
Moins d'une heure après, l'oreille du mercenaire se mit à frémir quand il entendit des pas lourds d'indiscrétion. Ses déboires à Arles lui avaient elles valu qu'on le chasse, une brune voulait elle s'assurer qu'il n'hante plus ? Pas de temps de tergiverser, il faut mieux surprendre qu'être surpris. Un bosquet touffu servit à merveille les plans précipité de l'homme mur qui s'y dissimuler. Quelques secondes après, il pu voir un jeune homme chargé d'un sac en bandoulière, le teint rouge d'essoufflement, courant à perdre haleine. La curiosité ou l'espoir eurent de la prochaine action du mercenaire. Il empoigna sa hache et, d'un geste vif, sorti du bosquet pour fondre sur le flanc du jeune coureur qui n'eut que le temps d'avoir un regard surpris avant de se voir choir violemment au sol, la lame aiguisée d'une hache sur sa gorge moite et tendue.
Quelques formalités furent échangées ou, selon le coureur, les injonctions. Ce dernier était porteur d'un message pour un "Brun à la hache" qu'il se devait de retrouver. Cette révélation fit donner au mercenaire un sourire malicieux avant d'empoigner le parchemin enroulé dans la main tremblante du jeune homme menacé.
L'homme vindicatif se fit moins menaçant, courrier en main, libérant de son emprise viril l'homme apeuré, lui intimant toutefois d'attendre avant de fuir. Les mains imposantes du mercenaire libérèrent le faible cachet et le premier mot qu'il pu lire "Gentilhomme" provoqua chez lui un frisson et une excitation toute particulière. Le restant des mots étaient absorbés par son regard brillant de délectation.
"Mais il faut se rendre à l'évidence, j'ai apprécié sentir vos dextre et senestre sur ma peau et votre voix autoritaire tout en ne pouvant m'empêcher de la contrer... un frisson de danger mêlé à la douce folie de l'ignorance où tout cela peut mener."
Un soupire exhalé par le mercenaire fit sursauter le coureur surpris, qui pu observer son bourreau se saisir du nécessaire pour répondre à ce courrier. Ce geste rassura le pauvre homme qui vu la une échappatoire à cette situation.
Instant de réflexion pour le mercenaire, il se devait de choisir ses mots pour inciter la réponse en son sens, appâter la bête curieuse. Puis le sourire vint accompagner une écriture difficilement déchiffrable.
"Suivez donc cet ordre, ne me cherchez pas! Vous en trouverez un monstre bien plus dur que celui que vous avez vu."
Cependant, l'appétit de l'homme ne pu s'arrêter à cette seule proie, l'envie irrésistible de rendre ce défi plus délectable et dangereux. Eud, en plus de l'intérêt que le mercenaire lui porte, est habitée d'un devoir de protection envers sa belle sur. Pourtant, ce n'est pas cette protection qui força l'opportuniste mercenaire d'user d'Eud mais plus la rage dont elle est habitée qui aura laissé la marque d'un poing serré sur la joue de la frêle femme enceinte.
Il dut donc alimenter cet excès de rage, prouvant toutefois qu'il est de son côté et animé de bonne foi envers elle, et prit un nouveau papier et se mit à coucher une écriture, toujours aussi peu soigné, à l'attention d'Eudoxie.
"Elle est semble t il toujours en quête de réponse à mon sujet, intriguée par ce que je lui ai fait partager... Je ne peux vous cachez qu'elle m'a contacté grâce à l'homme qui attend son dû, devant vous.
...
Surveillez la, maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.
...
Quant à vous, je n'ai toujours aucune réponse, à mon grand désespoir."
Il ferma les deux messages et les remis au coureur avec l'obligation d'un retour à l'envoyeur.Un nouveau matin se lève sur cette forêt silencieuse, perturbée par les plaintes d'un vieux grincheux à la fraîche plaie douloureuse, son corps, aussi bien que son esprit, aiment à lui rappeler ce qu'il doit faire. Un bruit plus discret se fit entendre en haut d'un arbre, le piège mis en place la veille semble avoir eu son effet. Gymnastique disgracieuse et douloureuse, quelques grognements et injures et l'homme se saisit du volaille de bonne taille, bien trop dodu pour être sauvage.
Descente de l'arbre faite, le bourru inspecte l'oiseau et en voit un message attaché à sa patte. Son poing se ferma autour du dodu visiteur et un craquement à peine audible vint à bout des quelques battements d'ailes. Le message fut détaché et l'animal préparé pour un bon repas matinal.
Le teint du volatile changea gentiment de couleur au-dessus des flammes, et le mercenaire s'intéressa au message enroulé, un entête bien mystérieux "Commander est une chose...". La curiosité de l'homme le fit dérouler ce message. Un grand sourire se fit sur son visage avide, du rouge sang complétait l'entête "Se faire obéir en est une autre". La folle engrossée semble ne pas avoir tenu compte de ses ordres de mise à l'écart. Un air de défi dans ce court message.
"Et jusqu'ici
nul n'a jamais pu me faire obéir aisément !
Sans me prendre pour la Belle, je n'ai pas peur de la Bête
qui est bien moins mauvaise et effrayante qu'elle ne le pense pour vouloir ainsi préserver mon corps et mon esprit de la folie qui les attire en elle. Le monstre aurait-il peur d'avoir trouvé son maître ?"
Le mercenaire chiffonna le papier dans sa main forte, un sourire de victoire se dessina sur son visage, il l'eut enfin, son défi.
Il arracha de ses dents la chair cuite de l'animal et songea déjà à une réponse à lui retourner, sans équivoque, menaçant, attirante... L'animal eut un gout de sang dans la bouche de la Bête avide, avide du sang de la Belle.
Peu de temps après, il prit plume et papier pour répondre à la folie, l'attirer à lui.
"L'erreur de toutes les Belles c'est de croire que la Bête est apprivoisable, gentil au fond d'elle, en quête d'amour. Je n'ai peur de rien, de personne, d'aucun défi.
...
Vous et moi pouvons-nous revoir, mais oserez-vous perdre ce que vous êtes, perdre votre liberté et redevenir ce que jadis vous étiez?
Venez à moi, défiez-moi... Je suis prêt et vous?"
Il allait griffonner une signature mystérieuse mais fut interrompu par un nouvel animal, qui se posa au côté de la carcasse dépiautée. Le corbeau, loin d'en être effrayé, claqua son bec contre l'animal mort pour en prendre les quelques restes. La patte de l'oiseau intéressa l'homme. Un message y fut attaché. La bête non peureuse se laissa approcher et saisir.
Le message accroché finit de satisfaire la joie du vieux mercenaire, la gardienne répondu. Une longue lettre à la belle écriture. La satisfaction de cette réception ne fut pas entachée par sa lecture, bien que certains passages présentent un risque évident pour le vieil homme.
"Merci de m'en avoir avertie, j'apprécie, même si sans connaitre le contenu de sa missive je savais qu'elle vous avez écrit.
...
J'ai donc vu le coursier, le même que vous avez fait revenir vers elle et vers moi, le même que j'ai failli tirer comme un lapin pour que vous n'ayez jamais son courrier.
...
J'ai réceptionné le votre d'ailleurs... les votres. Je ne vous cache pas que la tentation de lire, tout comme de détruire celle destinée à Enimia fut grande. Je n'en ai rien fait.
...
J'ignore si j'ai réussi à la convaincre de se détourner de vous, j'ai usé de tout ce que je pouvais, ça semble l'avoir atteint, touchée, mais elle reste à avouer que vous exercer une attraction qu'elle ne s'explique pas.
...
Je ne lui ai pas dit que j'étais revenue vous voir après son départ.
...
La considération que vous me portez me flatte autant qu'elle m'intrigue, même si flatter n'est pas le terme le plus approprié mais je n'en trouve pas d'autre pour l'heure.
J'aimerais pouvoir vous aider à trouver cette réponse, je crains hélàs que vous soyez le seul à le pouvoir, mais ne vous désespérez pas pour autant de ne pas y parvenir, serais-je tel fléau sur votre route que cela vous pousse au désespoir ?
Je vous ai promis de ne pas user de cela, vous pouvez être assurer qu'il n'en sera rien, je m'en mordrais peut-être les doigts, l'avenir en sera juge."
Le mercenaire sait qu'elle représente un danger pour lui, mais quel défi n'en présente pas? Le défi serait-il d'ailleurs intéressant, sans une dose d'incertitudes et de risque ? Non, l'homme aime les défis dangereux. Cette femme représente d'autant plus un réel amusement pour le mercenaire. Elle semble dissimuler une part de terreur en elle, qu'elle ne semble pas accepter. L'homme compte bien s'en délecter, la faire germer. Et quelle meilleure façon, pensa-t-il, que de tenter plus encore sa curiosité que d'envoyer deux messages à la Gardienne.
Douce manipulation en main, il écrivit, toujours aussi mal, sur un nouveau parchemin.
"J'ai beaucoup médité quant à votre influence sur moi, heureusement elle s'estompe quand je m'éloigne de vous, je ressens la force et la détermination me revenir.
...
Mais je sais qu'une fois devant vous, cette attractivité se réveillera de nouveau et ce respect que je hais au plus profond de mon être renaîtra. Délicieuse torture que cela m'impose.
...
Mais j'en viens à un fait nouveau, si on peut dire, elle me défie. Dois-je en dire plus?
...
Rien ne pourra m'arrêter tant que je n'aurai pas gagné, j'ignore pour l'instant l'objectif, mais je ne renonce jamais et ne me laisse jamais faire, quoiqu'il se passe. Si vous vous mettez entre elle et moi, je combattrai cette force que vous dégagez en vous et vous aussi deviendrez ma proie.
...
Vous avez le courrier de réponse pour la jeune insolente. Lisez le ou pas, brûlez le ou remettez-lui, tout ça n'a plus d'importance, elle est ma proie désormais.
Et vous, Eud, que voulez-vous être pour moi?"
Les deux messages furent enroulés et simplement fermés, ouverts à toute curiosité malsaine. Il les attacha solidement aux pattes de l'emplumé et le laissa repartir dans les airs.
Il se remit dès lors en marche, persuadé que la suite sera des plus intéressantes.