Ode...
- [29 janvier 1467]
- Nouvelle prise de contact avec le chef de port dHonfleur pour préciser leur passage, preste !
Une demande de descendre un jour ou deux pour profiter de loffice du dimanche, pourquoi pas se confesser et remonter à bord pour poursuivre le voyage. Un passager devant débarquer pour retrouver une amie, la Petite Folie devant prendre vivres et autres pour leur long périple. La demande est claire simple et précise, la réponse lest aussi « Jattends laccord de qui de droit afin de vous autoriser à accoster ! »
Logique, la Duduche à Sa Barbar étant chef de port bretonne, elles connaissent la procédure sur le bout des ongles. Rien de plus banal et logique, aucun souci pour elles, les choses vont se faire simplement. Les vents nont pas été de bons alliés, ils ont déjà perdu un peu de temps, mais sous peu ils verront la côte normande.
Descendre quelques heures pour se dégourdir les jambes, tous le désirent un minima, prendre une chopine dans une taverne en papotant rien de tel pour filer un coup de sang avant de reprendre la route, ou plutôt la mer. Bref ! Jusque là je vais bien, tout va bien!"
- [1 février 1467, Honfleur]
- Depuis la fin de matinée, lHorizon est à lentrée du port dHonfleur.
Une certaine excitation peut se faire sentir sur le pont, certains qui ont le mal de mer sont ravis de mettre pied à terre. Dautres se disent quils vont en profiter pour aller se confesser et dautres encore ont espoir de flâner un peu. Bref, chacun a des plans, des occupations à venir et là cela fait des heures quils contemplent Honfleur du pont.
Cependant cela fait des heures quils attendent quautorisation leur soit donné La Duduche et sa Barbar number one sinterrogent sur lutilité davoir écrit au chef de port depuis plusieurs jours. Aussi, elles tournent en rond, en même temps que peuvent-t-elles faire dautres ?
Le pont est parcouru de long en large et de travers, ils finissent par le connaître par cur à force surtout après avoir passé presque une semaine en mer ! Finalement la plupart en ont assez et retourne se reposer en cabine, pas la jeune Kerloch qui préfère saccouder au bastingage pour profiter de la vue mais aussi du léger vent qui frole sa peau.
Ode en profite pour songer à l'année passée, les mois loin de leur Bretagne chérie, sa jumelle et elle, les quelques semaines passées à la Rochelle, puis le premier faux départ... Le départ, la dispute, le retour à la Rochelle afin de préparer un autre départ. Un retour vers la Breizh natale. Un fin sourire étire ses lippes quand une forme de mélancolie laisse son esprit virevolter à un temps passé.
Ses premiers jours à Tréguier, les rencontres, les jeux, les joies, les peines, les rires et les sourires, une vie tout bonnement. C'est décidé c'est ici qu'elle s'installerait quoi qu'il advienne. De difficiles décisions à prendre, des choix tout aussi compliqués et pourtant la jeune femme les prend en sachant que ça ne plaira pas à tout le monde.
Depuis de l'eau est passée sous les ponts, la rancune à son égard semble tenace et la connerie tout autant mais elle en a cure! Après tout ce sont eux qui se privent du voyage et pas l'inverse, un sourire plus triste car elle n'est pas méchante même si pour le coup, ils mériteraient de recevoir quelques bonnes vérités... Elle n'en fera rien!
Les mois sont passés, les amitiés se sont renforcées, cest la raison pour laquelle cest ensemble quils partent vers linconnu et laventure. Un voyage dont elle attend beaucoup, un dépaysement, mettre en place ses recherches pour Rome, mais également profiter de ses amies et amis. Mais depuis leur départ, cest toujours les mêmes bouilles quelle croise, ô elle les adore alors ça ne la dérange pas bien au contraire même, mais elle regrette que certains ne sortent pas ou peu de leur cabine. Un soupir imperceptible, peut-être que le voyage réservera plus de surprises quelle ne limagine. Déjà, un tas de questions tournent dans sa tête, cette attente ne lui est pas bénéfique, sa remise en question et tant de choses qui la tourmentent actuellement.
Elle rumine tout simplement!
Ne rien faire que réfléchir c'est tourner en rond en son esprit et ça n'a rien ni de drôle, ni d'agréable.
Elle est ainsi, toujours à s'interroger, toujours à vouloir tout gérer, anticiper l'imprévu... Mais il y en a qui la surprenne tellement qu'elle est totalement perdue et actuellement, ses noisettes fixées sur le port d'Honfleur sont perdues dans le vide...
Au final, ce jour Ode ne se demande pas si on la désire mais bien quand ils pourront accoster!
La nuit fraîche tombe sur l'Horizon, ça annonce une nouvelle nuit à passer sur le navire, ce qui étrangement la partage entre une forme de contentement et de déception, Totalement paradoxale mais tellement vrai.
Une nuit face à Honfleur alors qu'ils auraient pu la passer à terre... Dans un vrai lit, dernier goût de confort qui va les quitter définitivement durant les mois à venir, alors en fixant les lumières d'Honfleur.
- Oh pétard!
Face à Honfleur
J'aurais pu vieillir
Face à mon coeur
J'aurais pu mourir
Je me relève
Je prends mon dernier rêve...
Face à Honfleur
C'est toi qui résistes
Face à mon coeur
Ton nom sur la liste
De tout ton être
Cité à comparaître...
Face à Honfleur
On veut tous s'offrir
Quand en mon coeur
De petite mort je veux mourir...*
Un soupire suivi d'un léger rire moqueur, c'est d'elle dont elle se moque, de ses faiblesses, et autres...
Nouveau regard sur le port endormi...
- Ô rage ! Ô mes espoirs!
Quand tu veux tu nous laisses accoster.!
Ouai, ouai on sait tu veux pas!
Dépitée elle tourne les talons pour jeter son regard à coeur perdu face à la mer....
- [2 février 1467, Honfleur]
- Euripide était Grec et non Normand quon ne sy trompe pas !
Pourtant les Normands sont des taiseux, car ils nont au petit matin toujours aucune nouvelle. Elles peuvent faire des pieds et des mains écrire à qui de droit , rien, « Silence ça tourne ! » hé oui car le cycle du jour et de la nuit se poursuit malgré quils poireautent comme des cons le bon vouloir du prévôt.
La bretonne est têtue aussi cest naturellement quelles partent en quête de renseignement, chacune de son côté, car lattente est longue. Attendre sans savoir est à la limite du non-respect des personnes qui font le pieds de grues.
Les heures passent et toujours aucune nouvelle, de temps en temps, le chef de port qui sexcuse de navoir toujours pas de réponse. Mais les Normands ne se demandent pas si tous sur le navire ont de quoi subvenir à ses besoins, non ils sen tapent comme de leur première pomme, de leur premier calva. Mais pas de problème ils patientent, même Frangipane ne sait si elle a le droit de passer chez elle ou non, le comble, ils laisseraient crever de faim une compatriote, belle mentalité !
La roue de la journée tourne, la nuit tombe, et cest peu avant minuit quenfin la Duduche reçoit une réponse qui dit à peu près ça «la Duchesse a décidé que seules Frangipane et la personne qui doit rencontrer la duchesse peuvent descendre. ».
Les deux femmes se regardent, peu avant elles avaient appris que la Titi était Persona non grata en Normandie, déjà Ode avait bien ri.
- Gast ! Mais quest ce quelle leur a fait au mois de décembre notre Titi pour être ainsi désignée Persona non grata ? Si ça date pas dil y a quelques semaines alors ce prévôt a juste un effet de zèle !
En fait, a part ce faire chier en décembre Titi na rien fait. Elle na tué personne, elle na volé personne, elle ne sest pas révoltée, elle na craché sur personne, elle sest juste fait chiée !
La Duchesse du Trégor et la Baronne de Trelévern connaissent un peu le passé de la Baronne de Lézardrieux, mais ça date ! Enfin cest pas dhier quoi ! ça fait même quelques années y a prescription non ? Depuis cette époque il ne sest rien passé !
Après le dégoût, la surprise de cette connerie, Ode éclate de rire
- Ma Duduche, as-tu vu aussi de quel équipage tu te prévaux ?
Un Cardinal , une préfète du Saint Office, une garde épiscopale, ton fils remarque ton fils lest terrible, il râle souvent. Tuck qui nous voue les biens faits de la Normandie et du calva à chaque godet de chouchen. Un homme en la personne de Nath qui emmerde personne, Frangipane la normande qui aime à passer du temps en Breizh ! Et toi !
Tous des brigands faut croire ! Ils refuseraient même laccès à notre nouveau pape sil avait été Breton je suis sûre !
Ça leur suffit pas davoir le Mont-Saint-Michel ? Faut encore quils soient idiots au point dun jour autoriser une personne et le lendemain linterdire ?
Ils sont à la limite de lincident diplomatique ! Bordel !
Cela la gave grandement, sils avaient eu les couilles de leur dire avant, ils ne seraient pas restés là à poireauter comme des cons ! Sans rire, ils ont autre chose à foutre !
Mais elle préfère prendre ça avec une forme dhumour bien que là elle aurait le prévôt en face delle, elle lui signifierait sa manière de penser sans détour, cest quelle a pas sa langue dans sa poche la Dimezell.
- Sont plus Royalistes que leur Reine eux, tu paries?
Un regard vers le port, Ode secoue vivement la tête, soit le lendemain leur passager et sa Petite Folie descendront et eux resteront à bord, mais ils viennent de leur faire perdre au moins deux jours, sans déconner, « Quelle bande dabrutis ! » pense-t-elle avant de fredonner « Oui on aura ta peau ! » cest la chanson fétiche de sa Duduche quand elles sont agacées par la connerie humaine, après lavoir chantée en général elles partent dans un grand éclat de rire et passent à autre chose. Pas certaine que ce soit le cas cette nuit-là, mais Ode se demande franchement sils ont une once de jugeotte ces normands qui restent campés dans des histoires passées, il faudrait quils évoluent un peu un jour Enfin cest à espérer, tant quil y a de lespoir y a de la vie, quoi que paraît que cest plutôt mort la Normandie. Pour le coup, elle pouffe en regagne une cabine pour passer une nuit câline ;
- Tendrement enlacés
Se grisant de baisers
Les amants deux par deux
Cherchent les coins ombreux
Nuits de Chine, nuits câlines, nuits d'amour
Nuits d'ivresse, de tendresse
Où l'on croit rêver jusqu'au lever du jour !
Cest sûr que cest pas à Honfleur que cela serait possible !
Une fois en cabine, de sa plume elle note les noms de certains normands qu'elle se fera un plaisir de non recevoir en Breizh si tant est qu'ils osent sortir leur cul de leur "trou normand" c'est pas gagné ça! Ensuite sa plume servira à d'autres jeux , longera d'autres velins pour des mots plus poétiques, plus extatiques, plus angéliques...
Tout ceci ne l'aide plus à accepter la situation... Mais elle devra faire avec et le lendemain dire des au revoir...
* une partie de face à la mer, un peu transformé.
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