Rollin
*Rollin était absorbé dans la contemplation de Valentin endormi
Quelque part au fond de lui, il enviait ce petit être paisible et la douce béatitude dans laquelle il était plongé, allongé dans son couffin, insouciant et encore ignorant des misères du monde. Le bébé remua les lèvres dans son sommeil, rêvant surement dune tétée goulue ou de quelque objet à suçoter. Le paysan sourit avec tendresse
et les plis de sa bouche et de ses yeux effacèrent pour un temps les marques de la fatigue et de langoisse. En cet instant, il ne pouvait être que convaincu que lhomme, en naissant, était destiné à la bonté et à lamour
Charité
lamitié des Aristotéliciens
*
*A lautre bout de la pièce, un silence presque religieux sétait installé. Yzalba auscultait le petit garçon avec la plus grande attention. Rollin avait limpression que le temps sétait arrêté Et la boule au creux de sa poitrine qui ne cessait de croitre *
*Enfin sa bien-aimée déboucha flasques et flacons et dans une suite de gestes précis, méthodiques, calculés, elle appliqua baumes et onguents. La douce odeur des simples envahit la petite pièce qui, sous les assauts conjugués du soleil daoût et de la flambée haute et claire de lâtre de pierre, ressemblait de plus en plus à une étuve : la senteur épicée et légèrement fruitée de laigremoine, lherbe de Saint Guillaume, les accents plus lourds, presque capiteux de lachillée et de la camomille, les effluves vivifiants des têtes de girofle, la touche joyeuse et pénétrante de larnica et le subtil et délicat parfum du bleuet La Perle dArmavir jouait des propriétés curatives et mariait les odeurs Et Rollin sourit en pensant que même les couleurs des pétales entraient en résonance Il se promit de lui planter le plus beau jardin qui soit un jardin qui donnerait aux anges eux-mêmes lenvie de sortir dEden pour se promener aux milieux des parterres exhalant des parfums merveilleux.*
*La jeune femme soupira et tourna son regard vers son bien-aimé. Elle ne pouvait dissimuler ses sentiments non, pas en cet instant Ses yeux parlaient pour elle et Rollin savait y lire les secrets arcanes quy tissait lâme de sa compagne. Sa voix douce avait des accents amers que le jeune homme naimait pas à entendre. Elle souffrait aussi, à sa façon, et il devait laccepter, la soutenir et laider Exactement comme elle le voulait faire pour lui Le paysan fixa Yzalba intensément et il vit linquiétude qui lanimait. Sa voix éraillée sortit à grand peine de sa gorge douloureuse tout juste un souffle rauque :*
Mes fantômes Ils me suivent où que jaille, ma Mie *Un sourire douloureux marqua son visage, mais il continua :* Jpense aussi qule ptit sra mieux au Moulin Je Je le porterai, ne tinquiète pas, jy arriverai jai traîné des fardeaux bien plus lourds
*Le jeune homme sétait levé et, sans honte ni fausse-pudeur, il avait ôté la couverture qui enveloppait son corps balafré pour traverser, nu comme au jour de sa naissance, la pièce surchauffée et rejoindre lâtre. Les muscles roulaient sous sa peau et chaque mouvement laissait transparaitre la force tout en retenue. Ses vêtements étaient toujours sales, mais la chaleur étouffante de la pièce avait fait son uvre, au moins étaient-ils presque secs. Rollin shabilla de pied en cape, mais il garda sa chainse à la main.*
*Il fit deux pas vers le lit et prit les mains dYzalba dans les siennes. Il attira la jeune femme à lui et lembrassa dans un élan irrépressible damour et de tendresse. La sentir ainsi près de lui le réconfortait et faisait sévanouir la peur et linquiétude Il laimait tellement Il sourit et leurs lèvres se quittèrent à regret.*
*Rollin se pencha sur le grabat et revêtit lenfant de sa chainse puisque ses guenilles fatiguées et informes nétaient plus que des lambeaux déchirés maculés de sang. Levant un sourcil étonné, il ramassa sur le lit son rosaire qui avait du choir de la dextre du petit garçon. Il le glissa à nouveau contre la paume tiède et referma avec délicatesse les petits doigts meurtris. Tout en douceur, il passa ses bras sous le corps abandonné et le souleva. Et les yeux débordants damour, il se tourna vers sa bien-aimée :*
Donne-moi ta trousse et ta besace, comme ça tu pourras prendre le couffin Laisse tout lreste, je rviendrai les rechercher.
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Rollin, membre de la corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry.
"Toujours Fidèle et Dévoué"
*A lautre bout de la pièce, un silence presque religieux sétait installé. Yzalba auscultait le petit garçon avec la plus grande attention. Rollin avait limpression que le temps sétait arrêté Et la boule au creux de sa poitrine qui ne cessait de croitre *
*Enfin sa bien-aimée déboucha flasques et flacons et dans une suite de gestes précis, méthodiques, calculés, elle appliqua baumes et onguents. La douce odeur des simples envahit la petite pièce qui, sous les assauts conjugués du soleil daoût et de la flambée haute et claire de lâtre de pierre, ressemblait de plus en plus à une étuve : la senteur épicée et légèrement fruitée de laigremoine, lherbe de Saint Guillaume, les accents plus lourds, presque capiteux de lachillée et de la camomille, les effluves vivifiants des têtes de girofle, la touche joyeuse et pénétrante de larnica et le subtil et délicat parfum du bleuet La Perle dArmavir jouait des propriétés curatives et mariait les odeurs Et Rollin sourit en pensant que même les couleurs des pétales entraient en résonance Il se promit de lui planter le plus beau jardin qui soit un jardin qui donnerait aux anges eux-mêmes lenvie de sortir dEden pour se promener aux milieux des parterres exhalant des parfums merveilleux.*
*La jeune femme soupira et tourna son regard vers son bien-aimé. Elle ne pouvait dissimuler ses sentiments non, pas en cet instant Ses yeux parlaient pour elle et Rollin savait y lire les secrets arcanes quy tissait lâme de sa compagne. Sa voix douce avait des accents amers que le jeune homme naimait pas à entendre. Elle souffrait aussi, à sa façon, et il devait laccepter, la soutenir et laider Exactement comme elle le voulait faire pour lui Le paysan fixa Yzalba intensément et il vit linquiétude qui lanimait. Sa voix éraillée sortit à grand peine de sa gorge douloureuse tout juste un souffle rauque :*
Mes fantômes Ils me suivent où que jaille, ma Mie *Un sourire douloureux marqua son visage, mais il continua :* Jpense aussi qule ptit sra mieux au Moulin Je Je le porterai, ne tinquiète pas, jy arriverai jai traîné des fardeaux bien plus lourds
*Le jeune homme sétait levé et, sans honte ni fausse-pudeur, il avait ôté la couverture qui enveloppait son corps balafré pour traverser, nu comme au jour de sa naissance, la pièce surchauffée et rejoindre lâtre. Les muscles roulaient sous sa peau et chaque mouvement laissait transparaitre la force tout en retenue. Ses vêtements étaient toujours sales, mais la chaleur étouffante de la pièce avait fait son uvre, au moins étaient-ils presque secs. Rollin shabilla de pied en cape, mais il garda sa chainse à la main.*
*Il fit deux pas vers le lit et prit les mains dYzalba dans les siennes. Il attira la jeune femme à lui et lembrassa dans un élan irrépressible damour et de tendresse. La sentir ainsi près de lui le réconfortait et faisait sévanouir la peur et linquiétude Il laimait tellement Il sourit et leurs lèvres se quittèrent à regret.*
*Rollin se pencha sur le grabat et revêtit lenfant de sa chainse puisque ses guenilles fatiguées et informes nétaient plus que des lambeaux déchirés maculés de sang. Levant un sourcil étonné, il ramassa sur le lit son rosaire qui avait du choir de la dextre du petit garçon. Il le glissa à nouveau contre la paume tiède et referma avec délicatesse les petits doigts meurtris. Tout en douceur, il passa ses bras sous le corps abandonné et le souleva. Et les yeux débordants damour, il se tourna vers sa bien-aimée :*
Donne-moi ta trousse et ta besace, comme ça tu pourras prendre le couffin Laisse tout lreste, je rviendrai les rechercher.
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Rollin, membre de la corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry.
"Toujours Fidèle et Dévoué"