Alphonse_tabouret
Orléans, Février 1467
Cité tranche de ses toits un ciel clair et limpide ; vent froid traverse les ruelles mais ne chasse aucun de ceux qui se sont arrêtés au soleil, réchauffés dune douceur jusquaux sourires qui éclairent les visages. Lhiver poursuit sa marche mais étourdi déjà aux premiers bourgeons qui percent timidement les branches dépenaillées, se laisse déborder de quelques inattentions.
Retrouvailles et adieux ponctueront lescale, chacun le sait et chacun sy est fait, étirant alors dune insouciance bienveillante les instants communs ; pas de regrets, pas de tristesse, Temps est laissé seul maitre des liens salins, libre de ses envies ou de ses suspensions pour renouer les trames délaissées en bords de Loire.
Aux quais, Le Chat à la Fenêtre somnole ; lagitation qui a vidé ses cales est désormais retombée et à lexception dune plume que lun des rapaces a perdu en battant des ailes et qui persiste à signer le bas de la passerelle dune ligne claire, le navire sensommeille à sa halte.
La taverne choisie est fréquentée sans être pleine, et la table, à lécart dun renfoncement, près dune petite fenêtre nourrissant le décor dune percée sur une rue inondée de monde. Le bruit de fond repousse le silence dun ressac perpétuel et noie les conversations dun anonymat bruyant ; quinze jours en mer rendent sensibles nimporte quelle oreille.
Ils sont trois, assis à la table, et deux discutent autour dune vente quand Alphonse, nez à ses carnets, nécoute que dun réflexe exercé la transaction que Faust est en train de conclure. Pensées sont tournées ailleurs, projetées à une colonne de chiffres nets, et une série dannotations ; au hasard des calligraphies, prenant de la hauteur, lon remarquerait au carnet une étrange asymétrie de lencre au vélin clair, et lon ne saurait dire si lon y voit lesquisse de boucles brunes, ou blondes.
Tournant page pour y lancer la mine de plomb, lil redécouvre le dessin sommaire réalisé quelques jours auparavant, soirée marquée de raclements de gorge et de stupéfactions, de rires clairs dispersant momentanément de plus grandes angoisses: tête, bras et jambes sétirent de proportions négligées, hâtives, le visage neutralisé dun vide, le pubis marqué dun triangle sec, pressé, et les seins réduits à deux demi cercles sans même laumône dun téton.
La femme selon Faust.
Sourire sétire malgré lui et le regard coule brièvement dune rayure tendre sur son voisin dont le visage sérieux de négociant cache de toute évidence ses grands talents de dessinateur et son autistique misogynie. Jais se posent dun instant sur la demoiselle qui lui fait face avant de retourner à son calepin, ses chiffres, leur fils ; les ventes de volatiles nont dintéressant pour Tabouret que la soustraction quelles offrent: Un faucon vendu, cest cinquante poussins de moins.
_________________