Elle relève le nez, elle n'a pas écrit une ligne. Le dernier courrier d'Alphonse lui laisse un goût amer dans la bouche. Elle le délaisse donc pour y revenir plus tard. Elle salut d'un signe de tête la Duchesse de Brocéliande et l'invite à s'asseoir.
- Duchesse, merci d'avoir fait si vite. J'ai voulu cet entretien parce qu'il me parait nécessaire.
Elle écarte d'une main la pile de papier sur un recoin du bureau.
- Depuis ces six derniers mois j'ai eu le loisir de vous observer et a plusieurs reprises je vous ai signalé que votre comportement n'était pas en adéquation avec votre statut et votre rang.
Vous avez tout d'abord pris à partie dans les premiers jours de mon élection le Gardien des Aedes que vous avez tourné en ridicule le poussant jusqu'à la démission. Je n'ai rien dit.
Vous avez ensuite pris à partie ma vassale, la Duchesse du Tregor, tout aussi dévouée que vous puissiez l'être envers la Bretagne, vous l'avez conspuée jusqu'à l'immoler en plein conseil sur l'autel des traîtres, là encore je n'ai pris aucune mesure.
Vous avez continué ainsi, abusant de la patience de tout un chacun par vos remarques constamment acerbes et rarement productives ne visant finalement qu'à vous mettre en avant en écrasant les autres de reproches. Vous avez contribué à vous seule à instaurer au Conseil Grand Ducal un climat délétère et ce jusqu'au 9 février dernier où je vous ai adressé officiellement un premier avertissement suite à la prise à partie de la Duchesse Régnante. En l'accusant d'abord de se prendre pour la Grande Duchesse car elle recevait à Nantes ici-même, alors que vous ignoriez absolument tout du pourquoi de cet entretien et en premier lieu de l'aval que j'avais donné. Malgré mon démenti en plein conseil vous avez continué à vous en prendre à elle de la pire des manières allant même jusqu'à vous mêler d'une histoire de sceaux qui ne vous concerne en rien puisque vous n'êtes que l'Archiviste du Collège d'Armes et que le Roy d'Armes n'a pas besoin d'un porte-parole pour se faire entendre.
Vous n'avez eu de cesse de vous comporter pendant tout ce temps, comme une petite fille colèrique et capricieuse. Vous nous avez offert vos plus belles crises d'hystérie, vos plus grandes scènes de paranoïa jusqu'à épuiser, que dis-je, user l'auditoire et en tout premier lieu ma patience.
J'ajoute à cela que vous avez honteusement participé à colporter à mon sujet, moi votre Suzeraine, des intentions et des paroles que je n'ai jamais eues. Le premier étant que j'aurais dit que vous ne mériteriez pas Brocéliande. Alors que je vous ai simplement dit que eu égard le décès de votre père je ne pouvais pas vous féliciter. Qui félicite quelqu'un pour un héritage ? Dans mon monde, personne. Mais manifestement dans le votre c'est d'usage. Vous avez également colporté la rumeur selon laquelle j'avais l'intention de vous retirer le fief de Brocéliande alors-même que je n'ai jamais prononcé ces paroles. Que je suis venue vous trouver, vous personnellement, à l'effet de vous rassurer pour vous faire savoir qu'il n'avait jamais été dans mes intentions de le faire. Cela ne vous a jamais empêché de continuer de clâmer partout que je souhaitais offrir ce fief à ma fille que vous insultez allègrement de tous les noms, au motif qu'elle est l'enfant naturelle de Maryane de Brocéliande. Je ne sais même pas comment cette idée a pu germer dans votre esprit jusqu'à vous rendre aussi amère et agressive.
Vous m'avez également accusée et ce devant témoins, de, je cite :
Citation:"Avant que vous ne repartiez reprendre vos discussions avec votre ami Cathelineau ou avant d'aller faire préparer les patentes pour le Duché de Retz dores et déjà promis à Erispoe. "
Vous reconnaissez que ce sont bien vos mots ?
D'abord sachez que je fais ce que bon me semble. Je discute et je reçois à Nantes ou ailleurs qui je souhaite recevoir. J'aborde les sujets qui me concerne et je n'ai aucun compte à vous rendre à vous, Ysaure d'Olon. Vous avez tendance à l'oublier trop souvent à mon goût quand vous n'êtes pas occupée à épier chacun de mes faits et gestes pour en déduire des choses farfelues et nourrir votre paranoïa.
En outre, je promets des titres si j'en ai envie et là-dessus aussi vous n'avez aucun droit de regard.
Enfin, il est bien entendu que je n'ai jamais rien promis à Erispoe de Montfort, aucun titre en échange de sa nomination comme Duc de Bretagne. Qu'il prétende le contraire c'est son problème mais que vous choisissiez de le croire en revanche c'est le vôtre et plutôt que de me poser intelligemment la question, question à laquelle j'aurais répondu avec sincérité, vous avez préféré faire circuler le bruit que je distribuais des terres en échange des votes de confiance.
Vous serez sûrement bien aise de savoir que n'ai pas besoin d'avoir recours à ce genre de stratégie tout à fait critiquable pour me faire élire.
Ces propos relèvent de la diffamation. Et on ne diffame pas son suzerain. On peut ne pas être d'accord avec ses choix et le lui faire savoir, mais on n'accuse pas sans preuve. Et le fait de colporter à tout va des informations erronées dans le but de nuire à la réputation d'une personne surtout si on a prêté allégeance à cette personne est considéré comme de la diffamation et c'est repréhensible de par les lois de ce pays. Je vous invite à aller d'ailleurs consulter cette coutume, référencée si ma mémoire est bonne n° 15.
Qui plus est, vous avez tenu à Trecesson, m'a-t-on rapporté, une table ronde. Lors de cette réunion, vous avez déclaré, je vous cite toujours et vous me direz si ce sont bien vos propos :Citation:" Par contre, il est temps de montrer ce que l'Alliance peut faire...
politiquement en montant une liste ducale et tenir sur la durée ce qui peut déjà être une réponse...et qui peut l'entraver un peu...
Et également en restant soudés dans la volonté de ne plus lui simplifier son mandat pendant les 6 prochains mois...des votes blancs, des non participations massives à tout ce qu'elle propose ou bien trainer des pieds comme d'autres l'ont fait...
Servir la Bretagne, n'est pas servir Lallie... ce qu elle n'a pas du tout saisi pour le coup. "
Vous reconnaissez vos propos ?
Ou bien ceux de votre vassal, le Comte de Loyat et actuel Duc de Bretagne :
Citation:"Quel est notre but premier ?
Agir pour la Bretagne, oui, certes, mais surtout ?
Contrer la politique de Lallie qui, par ses dernières actions, a littéralement acheté des voix pour être reconduite à ses fonctions alors qu'elle ne le mérite pas, à mes yeux.
Pourquoi ai-je accepté de partir sur la liste d'Erispoe ? Pour une raison simple, je viens de donner en partie la réponse. Pour créer une vraie opposition à Lallie il faut être unis. Je n'avais donc pas le moindre choix que d'accepter d'entrer dans cette liste. Deux listes n'auraient créé que des opposition. Je me suis dis, tant pis pour mes envies, je fais passer le bien commun avant tout le monde. "
Outre le fait que vous déclarez ouvertement vouloir me nuire en voulant m'empêcher par tous moyens pendant six mois de faire ce pourquoi j'ai été élue, ce qui ne relève pas d'une grande intelligence, vous reniez votre engagement vassalique.
L'opposition est légitime, on a le droit de ne pas être d'accord et de s'opposer. C'est dans le débat que naissent la plupart des solutions. Mais vous êtes ma vassale, et à ce titre vous avez fait un serment. Celui notamment de m'obéir, de me conseiller. Ce qui ne vous empêche pas de me faire savoir quand vous n'êtes pas en adéquation avec ma politique. Or vous ne conseillez pas, vous intriguez dans mon dos.
Le lien vassalique suppose donc confiance et loyauté. Car si vous servez la Bretagne vous me servez moi aussi. C'est le principe élémentaire de la féodalité. Aujourd'hui je pense que le lien essentiel qui régit toute vassalité, à savoir la confiance, est rompu.
A cela s'ajoute que vous vous croyez probablement au-dessus des règles qui régissent manifestement la noblesse, à savoir le Jus Nobilitas. Ce Jus Nobilitas vous impose de me concerter préalablement à tout anoblissement. Si le Roy d'Armes ne m'avait pas informée que vous projetiez d'anoblir sur vos terres deux personnes, sans m'avoir consultée alors que j'avais prononcé l'édit de gel, vous auriez anobli sur vos terres en toute illégalité. Et vous savez pertinemenent que vous avez l'obligation de m'informer.
J'essuie votre défiance perpétuelle depuis de nombreux mois maintenant, on me rapporte vos insultes, vos propos diffamatoires. Dernièrement au Conseil Ducal vous vous conduisez mal, mieux on me refuse des informations d'ordre sécuritaires, quand bien même il s'agit de rumeur. Vous n'avez pas jugé utile, vous en tant que ma vassale, de m'en faire part, ni vous ni aucun de vos vassaux.
Je vous rappelle donc les termes du Jus Nobilitas, Citation:2-5- Un vassal doit également conseil auprès de son suzerain, ainsi qu'un esprit et un comportement de loyauté et de fidélité indéfectible, devoirs induit par les serments de consilium et d'obsequium. Afin d'exercer son devoir de conseil, le Grand Duc lui offre une place au conseil Grand Ducal. Il peut néanmoins en être exclus temporairement, en raison de son comportement.
Citation:2-11- Un noble doit tenir son rang, de par sa conduite et son comportement en société.
Citation:4-4- Un haut noble est libre d'anoblir des vassaux sur son fief, mais devra toutefois en avertir son suzerain, le Grand Duc de Bretagne. Ce dernier ne peut refuser un anoblissement, ayant délégué la gestion du domaine à son vassal, mais il peut toutefois donner un avis qui soit négatif. Si le vassal persiste à effectuer l'anoblissement il peut s'exposer à une punition.
Citation:4-6- En cas de manquement à ses devoirs, de trahison, ou d'un comportement de défiance perpétuel vis à vis de son suzerain, ce dernier peut punir son vassal en le destituant. Il existe d'autres punitions, à caractère temporaire, qu'il peut également mettre en oeuvre : abaissement du titre, enlaidissement des armoiries, ajout d'un sobriquet au nom du noble, obligations de services publics (mines, cueillette, maréchaussée...), lettre d'excuses publiques, etc...
Avant de vous faire part de ma décision vous concernant, je vous laisse le droit de me répondre sur ces points et uniquement sur ces points que j'ai évoqués. Je connais votre habileté à sortir tout et n'importe quoi de son contexte aussi je vous invite pour une fois à rester dans le sujet et ne pas déborder sur des considérations dont je me fiche éperdument.
Je vous écoute.
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