Alphonse_tabouret
Chat à ses pavés semble toujours inaccessible quand il ne sillonne pourtant son territoire que de rituels ; même les chemins quil varie au travers des ruelles restent le reliquat des discrétions et des précautions, couloirs faits de prudences mercantiles.
Paris est un livre de premières fois que Tabouret a ouvert à lâge de huit ans, y collectant depuis contes de fées, vaudevilles et tragédies ; cité épinglée de couleurs comme de fractures suit le cours dune Seine capricieuse et dont les berges Océanides ondulent dinattendus. Printemps a ouvert ses bras sur ses vingt-sept ans et si les journées prennent de lampleur à lalêne dun soleil doux, soirées, elles, attardent quelques fraicheurs aux noctambules peu avisés.
Alphonse a pris ses quartiers au Carré lorsquil vient à Paris, Rouquine et sa bienveillance en Sainte Patronne, et selon la fréquentation du lieu, navigue dune table reculée au long comptoir occupé par Jules. Sil attarde parfois une conversation, lon ne le voit jamais suivre un mignon, ni une courtisane aux confins de sa chambre, atypique client dont la compagnie tient invariablement au verre à ses doigts.
Tabouret a toujours eu le gout des bordels, des fauves et des gazelles qui viennent sy désaltérer, des comédiens qui y évoluent, des raretés que lon y trouve ; terrain de jeu, apprentissages, il leur doit son premier ange, quelques-uns de ses démons et tous ses bleus à lâme. Microsome tenu à ses secrets pour la pérennité de ses affaires, chacun ici sait que le silence vaut plus que les convenances et que les portes, comme les bouches salées, sont dinviolables sceaux ; il nen faut pas plus à un porteur de masque pour sy sentir délassé.
Parfois, dune gourmandise, noirs sattardent sur les courbes dune gorge, sur des hanches marquées, sur le gras dun rouge qui dessine les lèvres, sur une ombre à paupières qui capture le regard : les femmes ne lui manquent pas mais elles restent un spectacle dont il apprécie la légèreté des volutes, auquel il aime laisser parfois lestampe dun souvenir aiguiser la salive au palais.
Homme, définitivement, il sent encore sous ses doigts le délictueux grain dun sein lourd, le parfum des cuisses et étonnamment, ny nourrit aucune concupiscence ; aux souvenirs, points de regrets ou de nostalgie, juste la mémoire des jolies choses et des jolis moments. Courtisans ne lintéressent pas plus ; charmants à regarder, auxquels répondre dun sourire qui se refuse mais ne ment pas, mignons sont trop mignons pour aiguiser lappétit dune violence que le bleu sest approprié dune ferveur et à choisir, le seul quil trouve bandant est le seul qui ne se vend pas, affairé à ses bouteilles.
Ce soir est un soir de comptoir, fin de soirée en vue ; les clients qui fendent le salon se dirigent pour la plus part désormais à la sortie, et aucun ne sarrêtera pour occuper les mains du gaillard de cette heure restant pour clôturer la nuit.
Tabouret y voit là le paradoxe des opulences ; lon vient assurément pour les putains et lon délaisse les merveilles les plus prisées dont la luxure se pare, car où, sinon dans le feutré dun bordel que lon veut confortable, trouve-t-on en lalcool en qualité et en quantité ? Si comme à chacun, Alphonse se saoule aux occasions, le palais est éduqué, réflexes-contrôles vitrifiés jusquaux os et lon trouve plus souvent le garçon aux dégustations quaux inclinaisons. Verre vide se pousse au billot vers son silencieux compagnon de fortune ; taiseux lun comme lautre aux abords des discussions de salon, ces deux-là nont encore jamais dépassé le cadre des ententes tacites.
Jusquà ce soir.
Le verre vide depuis plusieurs minutes se pose au billot de bois et les noirs trouvent leurs vis-à-vis sans sy hisser ; âge et taille à de raisonnables écarts, se valent chez les deux hommes.
Maccompagneriez-vous dun dernier verre ? Je vous laisse le choix de l'étiquette
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