Terwagne
"Dites ces mots, Ma vie, et retenez vos larmes." (Louis Aragon).
Les larmes, cela faisait bien longtemps qu'elles n'avaient plus coulé le long de ses joues... Non qu'elle n'eut pas le coeur bien lourd et triste, mais parce que même cela, elle n'en avait plus la force.
Elle se sentait vide, juste vide...
Et ces deux semaines passées loin de tout, dans la solitude d'un monastère, à écouter le silence pour essayer d'entendre sa voix à elle enfin rejaillir du fond de ses entrailles, n'y avaient rien changé. Sa voix était restée muette, et les seuls mots qu'elle avait entendus hanter ses jours et ses nuits étaient ceux qui encombraient ses souvenirs...
Des mots d'amour au rouge fané...
Des mots prononcés jadis par les deux hommes qui l'avaient faite devenir celle qu'elle était aujourd'hui, cette femme perdue et désenchantée... Des mots murmurés jusque dans son sommeil par la voix d'un homme mort sur un buché, avec qui elle allait se marier avant que l'inquisition s'en mêle, et puis des mots sortant des lèvres d'un deuxième homme, qui depuis bien longtemps n'était plus qu'une ombre, un absent, pour qui elle avait abandonné ce qui était sa vie et ses rêves à elle, qui l'avait demandée en mariage, lui avait pendu au cou le bijou transmis de génération en génération par les femmes de sa famille, et ensuite semblait l'avoir oubliée, peu à peu...
Zeltraveller, son premier amour, celui qui lui avait appris à jouer de la flûte, avec qui elle avait parcouru tant de lieues, visité tant de villes, chanté dans tellement de tavernes d'un soir, planifié un mariage et une vie de troubadours, faite d'amour et d'eau fraiche, mais que les flammes de la justice avaient emporté quelques jours avant la célébration.
Hugoruth... HIM...
Celui qu'encore aujourd'hui elle aimait, plus que tout, et espérait... Hugo... Celui qui, bien plus que son premier amour, avait modifié sa ligne de destin.
Elle se souvenait comme si cela avait eu lieu la veille de leur rencontre, dans une des tavernes de Sancerre, cette ville où elle se trouvait lorsque le ciel lui avait repris Zeltraveller...
Elle se souvenait aussi de chaque étape de leur histoire d'amour : de ses fuites à elle, qui refusait de prendre le risque d'encore souffrir un jour, de ses mots à lui, de l'énergie folle qu'il avait dépensé pour la rattraper, lui donner confiance, la main tendue, attendant qu'elle y glisse la sienne... De ses déchirements à elle entre lui et Maleus le petit flutiste amoureux, de leurs querelles à tous deux, du départ de celui-ci après qu'elle aie fait son choix... De sa difficulté à elle de s'installer dans une ville sans plus en bouger, abandonnant sa vie de troubadour pour l'amour d'un noble qui allait devenir Duc de Berry et voulait l'épouser...
Duc, il l'avait été, oui... L'épouser, elle attendait toujours, elle son éternelle fiancée.
Elle avait fini par s'investir à son tour dans ce Duché auquel il tenait tellement, le Berry, devenant Maire, puis conseillère ducale, reprenant même les rênes du mouvement politique qu'il avait fondé avec ses deux cousins, après le décès de ces deux êtres qu'elle avait elle aussi aimé, presque autant que lui, et son désintérêt à lui pour la politique, suite à ces deuils pensait-elle.
La politique, le Berry... Elle s'y était investie pour se rapprocher de lui, sans doute, mais aussi pour oublier tout ce qu'elle avait abandonné pour donner une chance à leur histoire d'amour de vivre, de grandir, de tenir, malgré tout ce qui les séparait à la base, lui le noble attaché à sa terre et sa famille, elle la troubadour sans attache, sans famille, qui ne rêvait que de vent et de routes.
La politique, le Berry... Elle y avait reçu des coups, forcément, comme d'autres avant elle, comme d'autres après en recevraient, et elle avait espéré qu'il l'épaulerait, la soutiendrait, lui qui avait traversé tout cela bien avant... Mais cela n'avait pas été le cas, pas même lorsqu'elle avait été victime d'un "accident" dans une des mines et avait failli y mourir... Hugo n'était plus qu'une ombre, un absent, trop pris par ses procès à la cour d'appel et ses ambitions pour faire attention à quoi que ce soit d'autre.
Elle, elle espérait... L'aimant, comme au premier jour, souffrant de plus en plus pourtant.
Et puis, il y avait eu ce voyage, ce déménagement pour Vienne qu'il avait voulu, afin d'aller retrouver sa famille à lui, les enfants de son défunt cousin, Anne et Gabriel, où, disait-il, ils pourraient tous deux construire quelque chose enfin, loin du Berry et de l'ambiance haineuse qui y régnait envers les Cornedrue, dont elle faisait presque partie.
Elle avait une fois encore abandonné tout, ses terres, sa taverne, sa fonction de Diacre, pour le suivre, espérant... Espérant follement que là-bas tout redeviendrait comme avant, qu'elle retrouverait le Hugo qui l'aimait.
Mais rien n'avait changé...
Depuis qu'ils étaient arrivés, il y avait de cela des semaines et des semaines, pas le moindre signe de vie de sa part... Il n'avait pas le temps, il était occupé à Paris, il continuait à n'être qu'une ombre...
Une ombre qu'elle aimait, et qu'elle espérait voir reprendre vie un jour... Une ombre qu'elle attendait, se disant qu'un jour, enfin, il se souviendrait d'elle.
"On se refuse longuement
De n'être rien pour qui l'on aime
Pour autrui rien, rien par soi-même
Ça vous prend on ne sait comment..." (Louis Aragon)
La Dame de Thauvenay, cela ne l'avait pas encore prise...
Assise sous un arbre, comme elle aimait à le faire avant sa rencontre avec Hugo et le véritable amour, elle se demandait à quoi remplir ses jours et ses nuits, en attendant le réveil de celui qui détenait les clés de son coeur, le souffle dont elle manquait, le soleil dont elle avait besoin... Celui qu'elle aimait au point de se perdre...
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Les larmes, cela faisait bien longtemps qu'elles n'avaient plus coulé le long de ses joues... Non qu'elle n'eut pas le coeur bien lourd et triste, mais parce que même cela, elle n'en avait plus la force.
Elle se sentait vide, juste vide...
Et ces deux semaines passées loin de tout, dans la solitude d'un monastère, à écouter le silence pour essayer d'entendre sa voix à elle enfin rejaillir du fond de ses entrailles, n'y avaient rien changé. Sa voix était restée muette, et les seuls mots qu'elle avait entendus hanter ses jours et ses nuits étaient ceux qui encombraient ses souvenirs...
Des mots d'amour au rouge fané...
Des mots prononcés jadis par les deux hommes qui l'avaient faite devenir celle qu'elle était aujourd'hui, cette femme perdue et désenchantée... Des mots murmurés jusque dans son sommeil par la voix d'un homme mort sur un buché, avec qui elle allait se marier avant que l'inquisition s'en mêle, et puis des mots sortant des lèvres d'un deuxième homme, qui depuis bien longtemps n'était plus qu'une ombre, un absent, pour qui elle avait abandonné ce qui était sa vie et ses rêves à elle, qui l'avait demandée en mariage, lui avait pendu au cou le bijou transmis de génération en génération par les femmes de sa famille, et ensuite semblait l'avoir oubliée, peu à peu...
Zeltraveller, son premier amour, celui qui lui avait appris à jouer de la flûte, avec qui elle avait parcouru tant de lieues, visité tant de villes, chanté dans tellement de tavernes d'un soir, planifié un mariage et une vie de troubadours, faite d'amour et d'eau fraiche, mais que les flammes de la justice avaient emporté quelques jours avant la célébration.
Hugoruth... HIM...
Celui qu'encore aujourd'hui elle aimait, plus que tout, et espérait... Hugo... Celui qui, bien plus que son premier amour, avait modifié sa ligne de destin.
Elle se souvenait comme si cela avait eu lieu la veille de leur rencontre, dans une des tavernes de Sancerre, cette ville où elle se trouvait lorsque le ciel lui avait repris Zeltraveller...
Elle se souvenait aussi de chaque étape de leur histoire d'amour : de ses fuites à elle, qui refusait de prendre le risque d'encore souffrir un jour, de ses mots à lui, de l'énergie folle qu'il avait dépensé pour la rattraper, lui donner confiance, la main tendue, attendant qu'elle y glisse la sienne... De ses déchirements à elle entre lui et Maleus le petit flutiste amoureux, de leurs querelles à tous deux, du départ de celui-ci après qu'elle aie fait son choix... De sa difficulté à elle de s'installer dans une ville sans plus en bouger, abandonnant sa vie de troubadour pour l'amour d'un noble qui allait devenir Duc de Berry et voulait l'épouser...
Duc, il l'avait été, oui... L'épouser, elle attendait toujours, elle son éternelle fiancée.
Elle avait fini par s'investir à son tour dans ce Duché auquel il tenait tellement, le Berry, devenant Maire, puis conseillère ducale, reprenant même les rênes du mouvement politique qu'il avait fondé avec ses deux cousins, après le décès de ces deux êtres qu'elle avait elle aussi aimé, presque autant que lui, et son désintérêt à lui pour la politique, suite à ces deuils pensait-elle.
La politique, le Berry... Elle s'y était investie pour se rapprocher de lui, sans doute, mais aussi pour oublier tout ce qu'elle avait abandonné pour donner une chance à leur histoire d'amour de vivre, de grandir, de tenir, malgré tout ce qui les séparait à la base, lui le noble attaché à sa terre et sa famille, elle la troubadour sans attache, sans famille, qui ne rêvait que de vent et de routes.
La politique, le Berry... Elle y avait reçu des coups, forcément, comme d'autres avant elle, comme d'autres après en recevraient, et elle avait espéré qu'il l'épaulerait, la soutiendrait, lui qui avait traversé tout cela bien avant... Mais cela n'avait pas été le cas, pas même lorsqu'elle avait été victime d'un "accident" dans une des mines et avait failli y mourir... Hugo n'était plus qu'une ombre, un absent, trop pris par ses procès à la cour d'appel et ses ambitions pour faire attention à quoi que ce soit d'autre.
Elle, elle espérait... L'aimant, comme au premier jour, souffrant de plus en plus pourtant.
Et puis, il y avait eu ce voyage, ce déménagement pour Vienne qu'il avait voulu, afin d'aller retrouver sa famille à lui, les enfants de son défunt cousin, Anne et Gabriel, où, disait-il, ils pourraient tous deux construire quelque chose enfin, loin du Berry et de l'ambiance haineuse qui y régnait envers les Cornedrue, dont elle faisait presque partie.
Elle avait une fois encore abandonné tout, ses terres, sa taverne, sa fonction de Diacre, pour le suivre, espérant... Espérant follement que là-bas tout redeviendrait comme avant, qu'elle retrouverait le Hugo qui l'aimait.
Mais rien n'avait changé...
Depuis qu'ils étaient arrivés, il y avait de cela des semaines et des semaines, pas le moindre signe de vie de sa part... Il n'avait pas le temps, il était occupé à Paris, il continuait à n'être qu'une ombre...
Une ombre qu'elle aimait, et qu'elle espérait voir reprendre vie un jour... Une ombre qu'elle attendait, se disant qu'un jour, enfin, il se souviendrait d'elle.
"On se refuse longuement
De n'être rien pour qui l'on aime
Pour autrui rien, rien par soi-même
Ça vous prend on ne sait comment..." (Louis Aragon)
La Dame de Thauvenay, cela ne l'avait pas encore prise...
Assise sous un arbre, comme elle aimait à le faire avant sa rencontre avec Hugo et le véritable amour, elle se demandait à quoi remplir ses jours et ses nuits, en attendant le réveil de celui qui détenait les clés de son coeur, le souffle dont elle manquait, le soleil dont elle avait besoin... Celui qu'elle aimait au point de se perdre...
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