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[RP ouvert] Le roman inachevé...

Thorvald_
[Le même matin]

Désormais, le jour baignait tout à fait les lieux, irradiant, porteur d'espoir et de vie. Et là-haut, près du moulin, le géant agenouillé tenait contre lui la noble demoiselle évanouie. Ses bras robustes et hésitants semblaient veiller à ne pas écraser la fragile étoile qui venait de tomber de l'aurore.

Son corps s'était courbé au-dessus d'elle, protecteur et accueillant ; il baissait la tête. Elle avait ouvert les yeux un court instant, et était demeurée immobile. Le temps s'était suspendu, lui laissant tout loisir d'admirer la nacre de son cou, les courbes de son visage, le rond de son menton. Un léger souffle lui parvenait de ses pulpeuses lèvres entrouvertes, délicat bouton de rose rose. Son nez droit et franc, tranchait avec l'ovale parfait de ses joues, délicatement ombrées par des longs cils noirs recourbés et qui semblaient si doux. La peau de ses tempes, si fine et pâle, laissait entrevoir de subtils chemins bleutés et palpitants. Il se pencha plus avant pour respirer le parfum de giroflée dans ses cheveux bruns.

Combien de temps s'était-il écoulé ? Combien de fois avait-il esquissé un mouvement pour lui parler, la réveiller, lui rendre la vie ? Pensait-elle à celui qui l'avait apprivoisée puis délaissée, comme elle l'avait laissé entendre ? Thorvald n'osait pas lui présenter la dure réalité. Ce fut un tiers qui s'en chargea, piétinant sans vergogne les jambes de Terwagne, et venant frotter son poil blanc à ses genoux. Suivit un miaulement d'affamé pour se signaler.


Ah te voila, toi. On peut dire qu'on t'a cherché partout. Mais tu es là, c'est l'essentiel.
Rentrons manger.




Plus tard, Thorvald reviendrait à Vienne. Plus tard, il chercherait à la revoir et guetterait dans ses yeux la lueur du renouveau. Mais pour l'heure, ils rentreraient chacun de leur côté, satisfaits d'avoir retrouvé le petit fugueur, conscients d'avoir touché du doigt l'onde des possibles.
Terwagne
Lorsqu'un chat et des pigeons font tout basculer :

Quelques jours s'étaient écoulés depuis la rencontre de la Dame de Thauvenay et du sieur Thorvald, et il faut bien admettre que cette rencontre avait changé quelque chose en elle... Non pas qu'elle était moins malheureuse depuis, non pas qu'elle s'était mise à penser à lui et non plus à Hugo, loin de là même, mais les mots qu'ils avaient échangés, les images employées à certains moments par lui, et par elle, avaient réveillé chez la dame les cendres d'un feu presqu'éteint nommé Terry, ravivant quelques petites flammes encore timides, mais bien présentes.

Oh, il ne s'agissait pas d'un revirement flagrant dans son attitude, mais de quelque chose de discret, qu'elle seule pouvait ressentir. Le désespoir et la tristesse étaient toujours ses compagnes, la mélancolie aussi, mais l'attente passive s'était peu à peu muée en une période de combat et d'activité.

Comme quelqu'un qui aurait longtemps vécu en quarantaine, laissant la maladie ronger petit à petit ses dernières forces dans la solitude de sa chambre, et qu'un rayon de soleil perçant par la jointure des volets aurait réveillé, elle eut soudain envie non pas de combattre la maladie, elle savait que le remède n'était pas dans ses mains à elle mais dans celles d'Hugo, mais bien d'apprendre à vivre avec, de la domestiquer, en attendant celui qui la guérirait...

Peu à peu, elle s'éveillait à la vie, avait envie de voir la lumière du jour, d'ouvrir les volets, et même de retrouver un minimum de sociabilité.

Au bout de quelques jours, elle se mit donc à fréquenter enfin les tavernes de Vienne, à se renseigner sur ce qu'elle pourrait faire pour se rendre utile au Duché qui l'avait accueillie, posa sa candidature aux comité des festivités, accueilli et aida de ses conseils quelques vagabonds qui semblaient bien perdus... Toutes ces choses, qui chez elle étaient comme des réflexes qu'elle aurait réfrénés un temps, revenaient, sans même qu'elle en aie vraiment conscience peut-être.

La sociabilité revenait, oui, peu à peu, et avec elle l'envie de reprendre sa correspondance avec ses anciens amis sancerrois, ceux à qui elle n'avait plus donné de nouvelles depuis que son coeur saignait de l'absence d'Hugo, ayant bien trop difficile de répondre à leurs questions à son sujet à lui.

Leurs dernières missives, celles où toujours figurait une petite phrase du genre "Mes amitiés à vous et à Hugo", elle les avaient jetées, et jamais n'y avait répondu, par manque de force.

A présent, exactement comme une malade qui soudain préfère dire d'elle même de quel mal elle souffre à ses amis, plutôt que d'éviter leurs questions, elle avait décidé de voir le mal en face, de l'assumer, d'oser en parler, d'affronter la réalité, malgré la douleur toujours bien présente, peut-être même plus encore.

La première lettre qu'elle rédigea, elle l'adressa à un homme qui vivait lui aussi à l'Hôtel de Culan : le Baron d'Aupic. Cet homme qui avait fait d'elle sa vassale il y avait fort longtemps à présent, vivait de la même façon que Hugo depuis au moins autant de temps, ne parvenant sans doute pas lui non plus, à se relever du décès de Mentaig, son âme comme il disait, celle qui partageait sa vie, la cousine de Hugo, tante de Anne et Gabriel.

Pourquoi lui écrivit-elle à lui? Parce qu'au fond d'elle, elle se disait que si lui sortait enfin de sa torpeur, alors Hugo aussi finirait par faire de même... Par répondre à une des nombreuses lettres restées sans réponse depuis des mois.

Mais le Baron d'Aupic ne répondit pas, et Hugo non plus...

La seconde lettre, elle l'adressa à quelqu'un qui avait énormément compté dans sa vie et dans celle de Hugo : Maleus, le flutiste. Maleus et Hugo s'étaient longtemps disputé son coeur à elle, et elle avait fini par trancher, non sans mal, choisissant celui qui la complétait à celui qui lui ressemblait tellement que ça en faisait presque peur. Cela avait ensuite mis du temps à cicatriser chez lui, il y avait eu de très très grosses tensions, querelles, mais ils avaient fini par devenir amis à défaut d'être amants.

A lui seul elle pouvait se confier sans crainte d'être jugée, et elle le fit, par l'intermédiaire des mots qu'elle traça à son intention sur le vélin.



Là où le chat joue un rôle :

Et puis, un jour, une rencontre inattendue en taverne... Thorvald!

Thorvald, en compagnie d'une demoiselle au doux nom de Mely et dont cela crève les yeux que son coeur ne bat que pour lui, annonçant tout de go à Terwagne que si ils sont ici tous deux, c'est parce que lui voulait venir la revoir elle, la demoiselle croisée en pleine campagne un jour de recherche de chat.

Elle ne comprend pas, mais est tout de même bien heureuse de le revoir, dire le contraire serait mentir.

Cet homme la secoue, trop quelques fois, par ses mots, par ce besoin qu'il a de vouloir réveiller encore plus Terry, lui fait mal bien souvent, et pourtant, elle sent au fond d'elle que ce mal est nécessaire, qu'il ne la bouscule que pour son bien.

Par contre, la demoiselle qui l'accompagne est pour le moins étrange, poussant par des chuchotis Terwagne à comprendre que l'homme est tombé amoureux d'elle, le lui disant même ouvertement, et l'encourageant plus que la bienséance ne le voudrait à en "profiter" comme elle dit, tandis qu'à d'autres moments, pour quelques mots échangés en taverne, elle pique des crises de jalousie incroyables et très maladroites, se comportant devant tout le monde comme une chatte jalouse en manque de caresses et qui sortirait les griffes.

Terwagne ne comprend pas, se met à les éviter, se renferme à nouveau quelques temps, mais finit par exploser, par vouloir comprendre, vouloir la vérité de sa bouche à lui, au moins pour Mely qu'elle voit malheureuse au point de se ridiculiser.

La tempête explose, les mots jaillissent de ses lèvres, elle l'empêche de se défiler en quittant la taverne, se place devant la porte, le regard noir, exige qu'enfin il s'explique. Terry a pris le dessus, surprenant tout le monde, et elle la première.

La réponse se fait attendre, le temps d'un duel de regards, puis finit par jaillir, laissant la demoiselle plus perdue que jamais...

Pour la première fois depuis des années, un autre homme que Hugo l'embrasse!
Un autre que lui pose ses lèvres sur les siennes, et elle n'a pas la force de le repousser...



Les heures qui suivent sont terribles pour elle. Elle ne dort pas, s'en veut, ne comprend pas pourquoi elle l'a laissé faire, pourquoi il la trouble à ce point, lui qui vient d'un monde tellement différent.

Elle se sent sale, honteuse, faible...

C'est Hugo qu'elle aime!
Hugo qu'elle attend!
Hugo qu'elle espère!
Hugo dont elle a besoin pour vivre!
Hugo qu'elle pleure!
Hugo dont elle se meurt!

Prenant de quoi écrire, elle rédige une lettre à l'attention de Thorvald, lui demandant de s'en aller, de ne plus vouloir l'aider, qu'il a déjà fait assez de mal comme cela, profitant d'un moment de faiblesse chez elle qu'elle ne se pardonnera jamais. Car il ne s'agissait bien que de cela, un moment de faiblesse!


Là où les pigeons jettent les dés :

La lettre ne partira pas, mais finira noyée sous les larmes que provoquent l'arrivée de deux pigeons.

Le premier lui délivre une missive dont les premiers mots font naître un sourire sur ses lèvres : " Chère perle noire,'.

Maleus!

Maleus lui a répondu, et sa lettre est remplie de franchise et de douceur, sans aucune vérité édulcorée et vide de sens. Cette lettre est fidèle à toutes celles que ces deux êtres tellement semblables se sont échangées par le passé.


Citation:
Chere perle noire,

(... )

L'amour est le pire des poisons, je m'en suis rendu compte

(...)

C'est à vous de faire vos choix...De montrer à Hugo ce qu'il risque de perdre si il ne montre plus signe de vie, si il continue à vous délaisser.
J'aurais été à votre place j'aurais mis un terme à cela, l'absence d'un être cher est des fois bien pire qu'un tranchant d'épée.
Mais voila je ne suis pas vous.
Peut etre devriez vous, comme avant, vous laisser porter par le vent, parcourir les routes du royaume et rencontrer hommes et femmes exceptionnels.
Même si je vous souhaite de retrouver votre homme.

( ...)

Prenez soin de vous Terry.

Mal'


Cette lettre d'un être cher, et qui la comprend si bien, la plonge en pleine réflexion, lui faisant oublier un instant celle qu'elle même vient de rédiger à l'attention de Thorvald et qui attend d'être envoyée.

En pleine réflexion, oui... Réflexion qui prend fin avec l'arrivée d'un second courrier quelques instants plus tard à peine, et qu'elle n'espérait plus.

N'espérait plus? Non, "espérait ne jamais recevoir" serait plus correct.

L'état de décrépitude de la lettre ne la frappe pas au premier abord, tant l'écriture qu'elle reconnait au dehors la rend fiévreuse et impatiente de lire les mots tracés par la main aimée.

Décachetant ce qui représente un "trésor" à ses yeux en cet instant, elle ne se pose pas de questions sur le fait que cette lettre semble avoir traîné en chemin pas loin d'une semaine, essuyant pluies et égarements de volatiles. Elle ne le comprend qu'en voyant la date indiquée dans le coin droit supérieur, juste au-dessus du "Terwagne, ma si chère Terwagne".

La suite, elle s'en souviendra sans doute pendant le restant de ses jours... Même si l'eau qui jaillit alors de ses yeux ne laisse que quelques passages lisibles et non délavés sur le papier.


Citation:
Terwagne, ma si chère Terwagne.

Ce message est sans doute le plus dur que j’aie jamais eu à écrire (... ) je ne sais que trop bien que le silence dans lequel je suis et l’attente dans laquelle il te force à être est pire encore

(...)

Tu dois déjà me détester, je m’en doute (...) je sais que tu attendais tellement de moi, que tu avais confiance

(...)

J’ai peur, de ne jamais pouvoir te rendre heureuse comme je le voudrais et comme tu le mérites

(...)

Alors déteste-moi, je le mérite. Je sais que je te déçois énormément, au moins autant que tu m’aimes.

(...)

C’est pour cette franchise que je t’écris cette lettre. Par respect pour toi, par respect pour ce que nous avons vécu ensemble.

Hugo…


Le monde, son monde, s'écroula...
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
Dix jours plus tard :


Depuis cette lettre, et la chute, rien de bien intéressant ne s'était produit dans sa vie, et pour tout dire, celle-ci n'avait plus de vie que le nom...

Thorvald était parti en retraite chez les moines pour une très longue durée, et c'était sans aucun doute bien mieux ainsi. Sa présence n'aurait servi qu'à la troubler, et elle n'avait vraiment pas besoin de cela en ce moment. Elle s'était bien faite la réflexion qu'il était tout de même étrange d'être ainsi abonnée aux relations avec des êtres absents, mais ne s'y était pas attardée.

Après tout, que pouvait lui faire l'absence de ce tentateur troublant en comparaison de la décision de Hugo? Rien, une goutte d'eau dans un océan...

A peine la missive de Hugo lue, elle avait fait ses bagages et quitté l'Hôtel de Culan, où elle n'avait plus rien à faire, puisqu'elle ne faisait désormais plus partie de cette famille.Le coeur en lambeaux, elle avait juste écrit une brève missive à Anne, la filleule de Hugo, lui expliquant la situation et le pourquoi de son départ pour une chambre d'auberge en ville.

La réponse de la jeune fille ne s'était pas faite attendre, non pas par des phrases couchées sur le vélin, mais bien par une main tendue dans la nef de la Cathédrale, et deux petits mots prononcés : "Ma tante"... Ces deux mots, pour la première fois, Terwagne y avait répondu par un "Ma nièce".

Depuis, la Dame de Thauvenay logeait à l'auberge, dans la solitude et le chagrin, et s'était jetée à corps perdu dans le travail, aussi bien à la Cour d'Appel qu'au sein de l'APD qu'elle avait rejoint. Elle s'y animait quelques fois dans une discussion ou l'autre, comme une échappatoire à tout le reste. Elle était de toutes les réunions, de toutes les rédactions, remplissant son emploi du temps au maximum.

Mais est-ce que cela empêche d'être malheureuse? ...

Et puis, une visite annoncée de la part de son parrain Astaroth, qui arriverait de Sancerre dans quelques jours... Cette visite, elle s'en réjouissait autant qu'elle l'appréhendait, leurs relations ayant toujours été très aléatoires et tendues.

Mais en l'attendant, elle n'en pouvait plus de se sentir si seule, alors elle avait pris la route pour aller rejoindre Anne_Blanche à Vienne... Et c'est là qu'elle retrouva également Astaroth, avec qui les choses ne se passèrent pas aussi bien que lui l'avait sans doute espéré.

D'humeur maussade et acide, la Dame de Thauvenay ne supportait plus ni la solitude, ni les discussions... Elle se rendait bien compte elle-même qu'en d'autres temps elle aurait été moins désagréable, plus conciliante.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
De retour à Vienne :

Les quelques jours passés à Lyon lui avaient fait du bien, dans le sens où elle avait été heureuse de partager quelques moments bien trop rares avec sa nièce, Anne_Blanche, et où elle avait fait de nouvelles rencontres plutôt agréables, mais en ce qui concernait sa relation avec son parrain, tout était allé de mal en pis, et c'était peu de choses de le dire.

C'est donc sans échanger un mot qu'ils prirent ensemble la route pour rejoindre Vienne, où la Dame était attendue pour rêgler quelques affaires.

A peine arrivée, la première chose qu'elle fit, après l'avoir abandonné sans même un regard échangé dans une des auberges de la ville, fut de lire les quelques missives qui l'attendaient dans celle où elle même logeait en attendant de se décider à emménager enfin dans un "chez elle".

Quelques missives de propagande politique, d'autres concernant la Cour d'Appel, et enfin, une réponse du Baron d'Aupic...Elle en fut heureuse, même si le contenu de celle-ci n'était guère réjouissant sur un éventuel retour de sa part à la vie active et en société.

La fin de la lettre la laissa cependant bien triste, car il lui demandait des nouvelles de ses noces avec Hugoruth... Que lui répondre? Comment lui annoncer? Elle chercha longuement comment tourner la missive qu'elle lui enverrait, puis décida que le mieux à faire était encore de rester fidèle à elle-même, et de parler sans détour, laissant couler les mots comme ils venaient, sans les canaliser.


Citation:
Très cher Baron,

Quelle joie d'enfin recevoir de vos nouvelles! Je vous avoue avoir craint un instant que votre besoin de solitude et de recul ne vous donnent même pas l'envie de m'écrire.

Je mentirais si je disais que je n'espère pas vous revoir un jour plus présent parmi nous, mais je comprends parfaitement le choix que vous avez fait, et je crois même pouvoir dire que par moment j'ai bien envie moi aussi de faire le même. Mais il y a Anne, qui est déjà si seule... Anne à qui bien des gens manquent...


Pour le reste de votre missive, j'avoue humblement que je ne sais comment répondre à vos interrogations au sujet de mes noces, cher Baron... Peut-être que le mieux que je puisse est de le faire en étant moi-même, celle que vous disiez quelque fois trop tempête, toujours directe et franche...

Mes noces n'ont pas eu lieu, et n'auront pas lieu.

Depuis le décès de son cousin et de votre Ame, Mentaig, le Vicomte Hugoruth avait commencé à s'isoler lui aussi, sortant de moins en moins, ne s'intéressant plus à grand chose, pas même à moi.

J'ai attendu, espéré, prié pour que cela finisse, qu'il redevienne celui qui m'avait demandée en mariage, celui qui répondait à mes lettres, partageaient ses soirées avec moi... Si vous saviez à quel point je l'ai espéré, et plus encore lors de notre départ du Berry pour venir nous installer auprès des enfants. Mais rien ne s'est produit... Absolument rien...

Jusqu'à cette lettre datant d'il y a quinze jours, dans laquelle il me rend ma liberté.

Je ne serai jamais son épouse, et ne suis même plus la moitié de ce NOUS auquel j'avais tant cru et tant donné...

Suite à cela, j'ai quitté l'Hôtel de Culan, où ma place n'était plus, mais suis restée en contact avec cette chère Anne, que j'aime comme j'ai aimé ses parents.

Je crains que cette lettre ne vous remonte pas vraiment le moral, mais je suis incapable de vous leurrer sur mon état d'esprit : je ne vais pas très bien en ce moment.

Avec toute mon affection,
Terwagne
Terwagne
[HRP] Fait suite à des "Retrouvailles"[/HRP]


Que de choses s'étaient produites en quelques jours!

Des retrouvailles virant au cauchemar avec celui que désormais elle ne considérait plus comme son parrain, Astaroth le Sancerrois, et s'achevant par un coup d'épée au visage, des retrouvailles bien plus agréables avec celui de qui elle était la vassale, le Baron Homme-des-Bois, les élections ducales, son entrée au Conseil Municipal de Vienne,...

La Dame de Thauvenay n'avait donc guère vu le temps s'écouler, d'autant plus que chaque jour elle avait passé la soirée à échanger avec un homme qu'elle découvrait chaque jour un peu plus, et qui, il faut bien l'admettre, avait réussi à l'apprivoiser plus qu'elle-même ne l'aurait cru au départ.

Ce soir-là, pourtant, pour la première fois depuis des jours, aucune visite de sa part... Et étrangement, elle se surprit plusieurs fois à regarder l'heure, se demandant si il ne lui était pas arrivé quelque chose, si elle l'avait offusqué la veille, ou si simplement il était déjà lassé de sa compagnie?

C'était idiot! Pourquoi diable s'attendait-elle à des visites régulières? Elle avait été bien sotte de s'imaginer que chaque soir il était venu papoter avec elle par simple plaisir... Bien entendu ces échanges n'étaient dus qu'aux élections, et maintenant que celles-ci avaient eu lieu, il avait sans doute mieux à faire...

Et puis d'ailleurs, qu'est-ce qui lui prenait à elle de s'habituer à sa présence? Après tout, elle avait bien d'autres choses à faire pour tuer le temps!

En attendant, elle se fit un devoir de répondre à une missive qu'elle avait reçue dans l'après-midi, et dont les derniers mots la faisaient sourire.


Citation:
En espérant que cette missive me permettra d'échapper à vos foudres et de continuer de vous tourmenter


Elle répondit d'ailleurs à ceux-ci sur le même ton, souriant à l'avance de savoir que cela l'embarrasserait lui.

Citation:
Oserais-je vous dire qu'en plus de me faire plaisir, votre lettre m'a aussi fait sourire? Oui, j'ose...

(....)

Je terminerai cette missive en comblant votre espoir par quelques mots : de foudres vous ne méritez pas de ma part, et quant à la tourmente, savez-vous ce qu'on en dit? On dit que "L'esprit tourmenté s'égare dans le rêve". Reste donc à savoir si c'est vers là que vous aimeriez que le mien se dirige...


Bien à vous,
Terwagne de Thauvenay.


Elle chercha ensuite son sceau dans le tiroir du meuble où elle était attablée, et tomba sur une autre missive, reçue quelques jours plus tôt, écrite par la main d'un homme parti chez les moines et qui avait réussi à se procurer de quoi écrire en cachette depuis son lieu de retraite : le sieur Thorvald.

Elle relut sa lettre, rêveuse...


Citation:


(... )

En sortant j'irai au moulin sur la colline. Je sais que vous n'y serez pas, vos affaires doivent vous accaparer. Mais j'aime à y croire parfois, et mes rêves se peuplent de vos tendres attentions ...

Je vous embrasse

T.


Et là, soudain, alors que les heures défilaient, qu'elle rêvassait malgré elle et attendait son visiteur en vain, elle repensa à Hugoruth... Hugoruth qu'elle avait aimé plus que tout... Hugoruth qui lui avait brisé le coeur!

Quelques larmes glissèrent le long de sa joue, qu'elle essuya rageusement.

Le voyage qu'elle avait prévu pour le lendemain en compagnie du Baron d'Aupic lui ferrait le plus grand bien, il l'empêcherait de se remettre à croire que certains hommes sont différents.

Il le lui avait dit, il l'accompagnait sur les routes pour la protéger, même si ce n'était pas du danger auquel lui pensait.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
Valence, deux jours plus tard....


Si le voyage qui l'avait menée dans cette ville qu'elle visitait pour la première fois c'était bien passé, en la charmante compagnie du Baron d'Aupic, la première journée qui suivit n'eut rien à lui envier. Une matinée passée à déambuler dans les rues animées de la ville, un repas copieux pris à l'auberge, une après-midi faite de rencontres agréables en taverne,..

Malheureusement, la soirée fut quant à elle toute autre, et c'est le coeur tourmenté que la Dame de Thauvenay chercha en vain le sommeil durant bien des heures.

Une missive lui était parvenue de la part de Thorvald dans l'après-midi, dans laquelle il lui annonçait être de retour à Vienne alors qu'elle-même n'y était plus, et cela l'avait contrariée de se dire qu'il choisissait le lendemain de son départ pour refaire surface.

Si elle avait été seule, elle aurait fait demi-tour, et retardé son projet de tournée du Duché, mais là elle ne pouvait pas, elle était en compagnie du Baron d'Aupic, et d'un autre homme qui venait de se joindre à eux, et ils se demanderaient si elle se moquait d'eux de vouloir faire demi-tour dès le premier jour... Qu'à cela ne tienne, puisqu'il était prévu que tous trois restent à Valence jusque dimanche soir, Thorvald avait encore le temps de les rejoindre!

Elle rédigea donc très rapidement une missive à son attention, où bien malgré elle sa mauvaise humeur quant à l'imprévu était palpable.


Citation:
Mais enfin! Vous m'aviez dit partir pour un mois, pas trois semaines. Et moi,n'en pouvant plus de me sentir si seule, j'ai organisé un voyage d'une dizaine de jours.... Vraiment c'est malin! Vous auriez du me prévenir. Maintenant, je me vois mal faire faire demi-tour aux deux sieurs qui m'escortent si gentiment.

J'ignore ce que vous déciderez de faire, mais si le coeur vous en dit, je ne me trouve qu'à un jour de marche, à Valence, et y resterai jusque dimanche soir... A vous de voir...

Avec toute ma déception.
T.


La journée s'était achevée sans qu'il ne lui réponde, contrairement à ce qu'elle avait espéré, oubliant à nouveau qu'elle s'était promise de ne plus laisser un seul homme décider de son humeur et des battements de son coeur, oubliant qu'en chacun d'eux sommeillait un Hugoruth.

Et le lendemain, elle avait espéré le voir arriver, mais cela n'avait pas été le cas, pas plus qu'aucun pigeon n'était arrivé non plus. Alors, exaspérée, elle avait fini par lui écrire une nouvelle lettre, sans réfléchir, laissant courir la plume sur le vélin avec le même naturel que celui d'une respiration.


Citation:
Cher Monsieur T,


Me boudez-vous? Moi qui espérais une réponse de votre part dans la journée, me voici obligée de me rendre à l'évidence, je n'aurai guère de signe de votre part avant d'aller rejoindre Morphée.

Les belles Viennoises vous ont-elles déjà fait tourner la tête au point que je ne sois plus qu'un souvenir vague?

Je sais, vous n'êtes pas homme à aimer une seule femme, vous me l'avez dit, et pourtant je crois qu'au fond de moi je l'espérais, au moins quelques temps.

Pour ma part, j'étais réellement pressée de vous revoir, et peste au plus haut point d'être absente de Vienne pour plusieurs jours alors que vous vous y trouvez.

A quoi donc occupez-vous votre temps?


Terry


Ensuite, elle rejoignit sa chambre d'auberge, où la solitude et le silence la firent plonger dans le labyrinthe de sa vie affective...

Dans l'allée principale, dont elle ne parvenait pas à sortir, Hugoruth : les rêves brisés et la douleur...

Sur la droite, Thorvald : la tentation de l'interdit et de la chaire, l'histoire vouée à l'échec et au chagrin...

Sur la gauche, le sieur Walan : les soirées à échanger leurs idées et visions, à sourire et rire, mais le blocage à chaque fois que la conversation devenait plus personnelle... Et puis, surtout, le mur pris de face lorsqu'enfin elle avait osé, fort maladroitement, l'inviter à l'accompagner à un évènement officiel...

Une fois de plus, elle se coucha en espérant sentir son coeur et son corps devenir pierres.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
Montélimar...

C'est au petit matin qu'ils y étaient arrivés tous deux, elle et Thorvald - il avait finalement décidé de la rejoindre à Valence pour voyager avec elle - harassés par les heures de voyage. Elle l'avait d'ailleurs abandonné plutôt rapidement, afin de rejoindre au plus vite la chambre d'auberge qu'elle avait faite réserver à son nom dans cette ville qu'elle voyait pour la première fois.

Ouvrant la lourde porte derrière laquelle elle pourrait se reposer, elle pénétra dans les lieux, referma l'assemblage de bois, verrouilla en faisant tourner la clé qui semblait bien petite, et déposa sa besace sur le meuble qui devait servir de secrétaire.

Au milieu de la pièce, un lit immense trônait, dans lequel elle aurait sans doute encore une fois bien du mal à trouver le sommeil, et à son pied se trouvait la petite malle qu'elle avait confiée à celui qui avait eu la charge de préparer son parcours en Lyonnais-Dauphiné. Comme toujours, il avait tout exécuté parfaitement, et elle lui en était reconnaissante.

Se dirigeant vers le-dit coffre, elle s'apprêtait à en soulever le couvercle pour prendre de quoi se changer, lorsqu'elle aperçut une missive sur le couvercle. Sans doute l'aubergiste était-il passé la déposer en venant s'assurer que tout serait prêt pour son arrivée... Elle la prit, et s'assit sur le lit pour l'ouvrir.

Astaroth! Comment osait-il encore lui écrire!?

Après un instant d'hésitation en reconnaissant l'écriture, elle finit par la parcourir des yeux, tandis que son visage affichait une expression bien étrange, mélange de colère et de tendresse. Et pour cause...


Citation:
Bonjour Dame de Thauvenay, Terwagne ou Alizée, prends le comme tu le sens.

Comme tu le vois, même avec les differents qui nous oppose, je ne peux passer à coté de ça en tant que parrain.

Bon anniversaire.
Que ce que tu entreprends abboutissent et que tes souhaits se réalisent.

Que tu me haïsse ou non, je t'embrasse et je pense souvent à toi.

Ton parrain, Astaroth


C'était tout de même étrange, de se dire que la première personne à lui souhaiter son anniversaire soit justement la dernière dont elle avait envie de recevoir une lettre... Elle décida d'y répondre, de façon neutre, peut-être simplement parce que jamais elle ne laissait une missive sans réponse, peu importe qui en soit l'expéditeur, peu importe quel en soit le contenu.

Se levant et prenant de quoi répondre dans sa besace, elle s'installa à la table et rédigea sa réponse.


Citation:
Sieur Astaroth,

Je vous remercie pour vos voeux, vous qui serez sans doute le seul à vous souvenir que c'est mon anniversaire aujourd'hui.

Terwagne de Thauvenay.



Ensuite, puisqu'elle avait à présent la plume en main, elle en profita pour écrire deux autres missives, plus longues.

La première fut adressée au Baron d'Aupic, qui l'avait quittée la veille, désolé de l'abandonner en plein voyage, suite à la nouvelle du décès d'un ancien Sancerrois, Jelubir. Le Baron était le parrain de ses enfants, et il était normal qu'il décide de se rendre là-bas le plus rapidement possible, auprès de la veuve et des orphelins.


Citation:
Cher Baron,

J'espère que le voyage qui doit vous ramener en Berry se déroulera au mieux, et que vous ne ferrez pas de mauvaises rencontres sur les routes.

Pour ma part, je voulais vous rassurer, je suis bien arrivée à Montélimar ce matin, sans la moindre encombre. Le sieur Thorvald compte m'accompagner durant le reste de mon voyage, et vous pouvez donc dormir tranquille, je suis en sécurité.

Prenez soin de vous, et remettez mes condoléances à Aryan.

Terwagne de Thauvenay.


Aryan... Comme elle aurait voulu la serrer dans ses bras, lui dire qu'elle était de tout coeur avec elle dans cette lourde épreuve qu'elle avait à subir... Elle-même ne s'était plus vraiment entendue avec Jelubir après l'histoire de l'incendie criminel qu'ils avaient mis à la taverne de Whoopie, lui et Astaroth, mais il n'en restait pas moins qu'elle avait toujours beaucoup apprécié sa chère et tendre.

Ne pouvant quant à elle prendre la route vers le Berry avec le Baron - elle refusait de laisser Anne plus seule encore en Lyonnais-Dauphiné - elle ne pouvait faire mieux que de lui écrire. Et c'est ce qu'elle fit...


Citation:
Chère Aryan,

Comme beaucoup je présume, j'ai appris la terrible nouvelle... Je ne sais pas trop que te dire, moi qui sais mieux que quiconque à quel point les mots sont inutiles et vains lorsque la mort nous reprend l'être aimé.

Lorsque Zeltraveller s'en est allé rejoindre les cieux, rien ne soulageait ma colère, tu t'en souviens sans doute, ni vos mots, ni vos efforts pour me sortir de mes idées noires... Seul le temps m'a permis de cicatriser, et il en ferra de même pour toi, même si tu en doutes aujourd'hui.

En attendant, sois forte pour vos enfants. Sois forte comme il aimait que tu le sois, surtout.

Et si tu as besoin de quoi que ce soit, ne serait-ce même qu'une oreille à qui te confier, n'hésite pas, je serai là, malgré la distance.

Terry.


Elle descendit ensuite à l'a réception de l'auberge, demanda qu'on lui fasse préparer un bain dans sa chambre, chercha un messager à qui confier les trois missives, puis remonta...

La grande bassine d'eau chaude l'attendait, et après avoir fait glisser sur le plancher ses vêtements rendus poussiéreux par le voyage, elle y plongea son corps fatigué... Le parfum dégagé par les pétales de roses flottant à la surface ne tarda pas à lui monter aux narines, réveillant en elle un souvenir bien précis.

Une rose fragile et craintive, un papillon désirant se poser sur son coeur...
Un échange de phrases imagées sur la pelouse d'un terrain de soule, après un match...
La fleur finissant par ouvrir ses pétales, le papillon récoltant du bout de ses ailes les quelques gouttes de rosée trop longtemps retenues...
Le premier "Je t'aime" qui avait franchi ses lèvres à lui, dans un murmure...

Hugo...
Où était-il, en cet instant?
Avec qui tentait-il d'oublier le mal qu'il lui avait fait?
Repensait-il parfois lui aussi à toutes ces heures passées à faire des projets à deux?

Les larmes se mirent à rouler sur ses joues, et elle les cacha en plongeant sa tête sous l'eau. Cette année, personne ne lui enverrait de rose rouge pour lui dire "Bon anniversaire", comme lui le faisait, quand il l'aimait...

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Thorvald_
[Montélimar n'est pas Vienne]

Il s'était infiltré en pinçant la taille de la domestique, une petite demoiselle maigrichonne à laquelle il avait fait les yeux doux avec aisance. Elle avait émis un petit rire en renversant un peu de son eau sur le plancher.

La chambre n'était troublée que par le bruit du bain que l'on remplit. Terwagne n'avait pas encore défait ses malles et seules quelques affaires trainaient sur une table. Il n'y prit garde, sortit de sa poche un objet et chercha un endroit où le déposer.

Le retour de retraite avait été on ne peut plus mouvementé. A peine éveillé de ces semaines de contemplation passive, voila qu'il était mandé de toutes parts en LD, sans compter que l'hiver venant, il pourrait être convoqué à la Rose d'un jour à l'autre. Paris, ses froufrous, l'inconstance et la frivolité ... Mais pour l'heure, loin de sa Reine, il courait après une tornade, pour mieux se laisser attraper à son tour. Éveillant des volontés pour mieux s'y soustraire, fleurtant avec sa colère jusqu'à la déraison. Colère et envie*, voila bien les deux seuls pêchés qu'il ne se reconnaissait pas. Et comme elle semblait si bien les maîtriser, elle le fascinait et l'attirait comme un papillon la lumière vive. "Ma mère m'avait prévenu : Méfie-toi des ampoules nues" **

Il s'échappa avant qu'elle ne remonte, et partit flâner dans Montélimar. L'auberge du Penthièvre débridé existait-elle toujours ? ...


En s'habillant, peut-être Terwagne trouverait-elle sur son oreiller un petit flacon d'extrait de giroflées, le parfum qu'elle portait à Vienne. Nul besoin de message, elle comprendrait. Que l'émoi venait d'ailleurs. Qu'il n'exigeait pas que l'on changeât pour lui. Qu'elle "était" la fleur.



*envie = jalousie
**Fersen
Terwagne
" Hugo a soufflé sur nos portes, et tout pour lui fut feuille morte. " (Le même Fersen)

Le visage plongé au coeur de l'eau, elle se répétait ces mots, comme une litanie. Ces mots qu'en cet instant elle considérait comme le requiem de son bonheur... Parce que oui, c'est exactement ce qu'avait été Hugo dans sa vie : un cyclone! Un cyclone qui avait tout chamboulé, puis s'en était allé comme il était venu, en laissant le paysage dévasté.

Dévasté? Oui, certes... Mais elle pouvait encore changer de point de chute! Elle pouvait laisser les débris derrière elle, et reconstruire ailleurs!

Oh bien sûr cela prendrait du temps, demanderait du courage, de la volonté aussi, mais au fond d'elle-même elle savait qu'elle en était capable, qu'il lui manquait juste l'impulsion de départ, et surtout la force de tourner le dos au carnage... L'idée faisant son chemin en elle, elle finit par sortir la tête de l'eau. Peut-être pas au figuré dans l'immédiat, mais au propre en tous cas.

Aussi, si quelques instants plus tard des gouttes d'eau tombèrent sur le plancher de la chambre, elles ne venaient pas de ses yeux, mais bien de son corps s'égouttant au fur et à mesure de sa marche pour rejoindre le lit et s'y étendre un moment avant de se vêtir et de sortir prendre l'air. Elle avait toujours adoré laisser sa peau sécher par elle-même.

Posant la tête sur l'oreiller, quelle ne fut pas sa surprise de sentir quelque chose de dur pénétrer dans sa chaire. Se redressant sur un coude, elle chercha le responsable de ce trouble, et ne tarda pas à le trouver...


Monsieur T. Vous êtes décidément un homme plein de ressources.

Un sourire ponctua la phrase qu'elle venait de prononcer pour elle seule, et elle déboucha la fiole, la humant avec délice.

Les giroflées... Elle avait toujours adoré cette odeur, et s'en était parfumé le décolleté et les cheveux jusqu'à il y avait quelques semaines, après les premiers malaises de Thorvald. Ses symptômes - palpitations, maux de ventre - leur avait fait penser à tous deux, ainsi qu'au sieur Dedelagratte, qu'il y était allergique. Ces malaises ayant donné lieu à un long repos chez les moines, la Dame de Thauvenay avait décidé de cesser d'utiliser cette essence, ne voulant point l'incommoder lorsqu'il reviendrait.

Mais pourquoi lui en offrir? Etait-ce une façon de lui dire que dorénavant elle pourrait à nouveau se parfumer de la sorte sans crainte parce que lui-même ne l'approcherait plus? Non, elle savait qu'il n'était pas homme à disparaitre sans explication! Mais alors, que... ?

"Et la lumière fut"... Elle comprit ce qu'il avait voulu lui faire passer comme message.

Rendue gaie par ce geste, elle se leva d'un bond, telle la tempête spontanée qu'elle était, enfila bas et bottes, ouvrit la porte pour courir le remercier du cadeau.

Ce n'est qu'en entendant le
"OH !" de la femme de chambre se trouvant dans le couloir qu'elle se rendit compte qu'elle était... nue. Volte-face, porte qui claque, malle qui s'ouvre, bruit de chiffons qu'on remue, et elle réapparait dans le couloir, un grand sourire sur les lèvres.

Et bien? Qu'avez-vous, à rester ainsi bouche bée?
Vous n'avez jamais vu quelqu'un prendre la température extérieure pour savoir comment se vêtir?


Abandonnant la jeune femme à son étonnement, elle dévala les marches de l'escalier, et s'en fut profiter un peu de la vie.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
Montélimar, ou quand deux jours s'éternisent...


Deux jours, c'était le temps qu'elle avait prévu de passer à Montélimar avant de poursuivre son tour du Duché, celui qui la mènerait jusqu'à Briançon.

Les deux jours étaient passés depuis belle lurette à présent, et pourtant elle se trouvait toujours à Montélimar, où elle venait de regarder se lever le soleil pour la huitième fois. Une nouvelle journée débutait donc pour elle dans cette ville qui était certes jolie, mais où elle prenait un retard considérable sur ses projets, et où elle avait tendance à ressasser encore plus qu'à l'accoutumée ses souvenirs douloureux, à penser bien trop souvent à celui qui lui avait brisé le coeur, Hugoruth.

Pourquoi était-elle donc toujours là? Parce qu'après le départ du Baron d'Aupic avec qui elle avait entreprit son voyage, et qui l'avait abandonnée en confiant sa sécurité au sieur Thorvald, la Dame de Thauvenay avait vu ce dernier l'abandonner à son tour, pour un nouveau séjour chez les moines, quarante huit heures à peine après les avoir quittés.

Le premier homme qui réussissait à lui donner envie de vivre et de sourire après le "fantôme Hugoruth", qu'elle avait attendu durant des mois, se mettait lui aussi à être abonné aux retraites... Etait-elle donc faite pour ne connaitre que des relations avec des hommes plus souvent absents que présents? Elle se le demandait de plus en plus, en tous cas.

Certes il n'avait pas eu l'air d'y retourner avec plaisir, chez les moines, il lui avait expliqué se sentir de nouveau bien faible et fiévreux, mais il n'en restait pas moins qu'elle-même se demandait si ce n'était pas là un signe du destin, comme une mise en garde lui conseillant de ne pas s'attacher à lui...

Après son départ, se retrouvant seule pour voyager, elle avait décidé de remettre son tour du Lyonnais-Dauphiné à plus tard, et de rentrer à Vienne auprès d'Anne, sa nièce. Seulement, la présence de brigands sur les routes, aux dires de tous, l'avait faite hésiter à prendre la route seule. Elle y avait été laissée pour morte une fois déjà, il y avait bien longtemps à présent, du côté de Cosnes, et ne voulait pour rien au monde revivre cette affreuse expérience. Elle s'était donc donné le temps de chercher d'autres voyageurs remontant vers Vienne ou Lyon, afin de tracer la route en groupe, et avait profité des tavernes de la ville en attendant, espérant cependant trouver rapidement ce qu'elle cherchait.

Le seul avantage de la prolongation de son séjour à Montélimar résidait dans le fait que cela lui avait permis de rencontrer plusieurs fois celui avec qui elle correspondait de plus en plus intensivement depuis plusieurs semaines à présent, et qui lui y était bloqué avec l'armée : le sieur Walan. Elle appréciait ces moments partagés avec lui, même si elle ne l'avouais pas vraiment, ni à lui, ni à elle-même. Il est des choses qui sont mieux tues, se disait-elle quelques fois.

De leurs premières soirées partagées en taverne, elle était ressortie avec le coeur un peu moins lourd, mais aussi avec une mèche de cheveux en moins... Elle ne savait plus très bien comment cela avait commencé, un jeu quelconque, qu'elle avait perdu, et cette mèche qu'il avait choisie comme récompense lorsqu'elle avait dit "Demandez-moi ce que vous voudrez, j'ai perdu"... Qu'en avait-il fait? Elle se le demandait bien souvent, mais ne lui poserait pas la question de façon sérieuse, sachant pertinemment bien que de toute façon il n'y répondrait pas, ou alors par une taquinerie quelconque.

Toujours est-il que ce séjour qui se prolongeait lui semblait finalement bien moins long que ce que cela aurait pu être, et qu'elle appréciait de plus en plus la compagnie de cet homme, même si elle continuait à se réjouir de pouvoir retourner à Vienne en sécurité, et de retrouver Anne.

Pourtant, ce matin, elle ne cherchait plus de groupe de voyageurs, et s'apprêtait même à écrire à la demoiselle de Culan pour la prévenir qu'elle ne rentrerait pas avant plusieurs jours encore... Pourquoi ce changement? Parce que la veille, le sieur Walan lui avait demandé de rester pour aider à la protection de la ville...

Elle n'avait pas eu envie de le décevoir. Elle resterait.

Posant devant elle de quoi écrire, elle rédigea rapidement deux missives : une adressée à Anne, et une adressée au Maire de la ville.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
Vienne : Retour d'une ombre...

Sans même lui murmurer un "merci", elle quitta celui qui avait veillé sur elle durant ce retour à Vienne.

Le jour n'était pas encore levé, et elle avait hâte de se trouver à nouveau seule, dans le silence et le noir, sans sentir des yeux posés sur elle, sans craindre à tout moment qu'un question à laquelle elle n'aurait pas envie de répondre jaillisse.

Oh, le sieur Walan avait été charmant comme toujours, ne l'obligeant pas à parler plus que ce qu'elle n'en avait envie, ne lui demandant rien au sujet de celui qui l'avait rejointe à Montélimar et qu'elle abandonnait brusquement, et rien non plus sur les longs jours de silence et d'isolement total qu'elle venait de traverser... Il n'avait pas non plus posé de questions sur sa mine fatiguée, ni sur la grimace de douleur qui semblait ne pas vouloir quitter ses lèvres ne serait-ce que durant quelques secondes. Et elle lui en était reconnaissante.

Peut-être mettait-il tout cela sur le coup d'une fatigue passagère due à la préparation des festivités et à son emploi du temps à la Cour d'Appel, et c'était très bien ainsi...

Elle n'avait pas envie de lui avouer que si elle se jetait à corps perdu dans le travail, c'était simplement pour s'efforcer de rester vivante, de trouver un semblant de sens à sa vie, s'obliger elle-même à se lever le matin et à sortir... Pas envie non plus de continuer à porter, durant ce voyage de deux jours seule avec lui, le masque de la femme pleine d'énergie et de passion qu'elle affichait devant les membres du comité des fêtes et ceux de la CA.

Lorsque les portes de la ville furent en vue, au bout de ces deux jours de route sans presqu'échanger un mot, elle lui fit un petit sourire teinté d'une tristesse qu'il ne dû pas apercevoir dans l'obscurité régnante, et prit la direction de l'auberge où elle logeait avant d'entreprendre ce voyage dans le Duché qu'elle avait finalement avorté, même si il avait duré un peu plus de trois semaines. Il penserait qu'elle était pressée d'aller se reposer...

La chambre qui était la sienne là-bas, elle la rejoignit en effet, mais pas pour s'y reposer... Elle y déposa son bagage, et y relut le brouillon de la lettre qu'elle avait adressée à Thorvald au moment de quitter Montélimar.


Citation:
Cher Monsieur T.


Pourrez-vous jamais me pardonner d'être si peu vivante que depuis quelques jours, et de ne plus me montrer, alors que vous étiez venu à Montélimar pour me rejoindre? Je l'espère...

Le coeur a ses raisons que la raison ignore dit-on souvent, et le mien depuis quelques jours est en berne.

Rien ne me donne plus envie d'ouvrir les volets en ce moment, rien ne me donne plus envie de mettre un pied devant l'autre, même si je n'en ai que deux (Fersen^^). Je vis dans la solitude, cherchant en moi la force de quitter la plongée dans la douleur et les souvenirs que ma déraison m'a de nouveau poussée à prendre.

Je ne peux vous en expliquer les raisons, je ne les connais pas moi-même... Je sais juste que tout en moi n'est que chagrin et douleur, souvenirs et lassitude de la vie.

J'aurais aimé que ce vent que vous aviez mis dans mes voiles perdure, encore et encore, que le sourire et la force que vous aviez réveillés chez moi demeurent, que l'envie surtout ne me quitte plus jamais... J'aurais voulu, oui... Aristote seul sait à quel point.

Mais depuis votre dernier séjour chez les moines, tout s'est évanoui, et je suis redevenue l'ombre que vous aviez croisé un matin assise au pied d'un arbre... Cette ombre qui attend Hugoruth, qui ne se sent plus rien depuis tellement de temps.

Je voudrais vous dire que cela n'est que passager, mais je n'en sais rien... Je voudrais vous dire que la Terry qui se sentait tellement bien en votre compagnie va reprendre le pas sur la Dame de Thauvenay, triste comme la lune qui regarde les autres en pleurant sur sa solitude... Mais je ne peux rien vous promettre, et vous estime bien trop pour vous mentir.

Je voudrais vous dire tant de choses, mais ai tellement de mal à comprendre moi-même vers où je vais, vers quoi je tend, si ce n'est que je prie pour qu'enfin vienne la fin de cette douleur, quelle qu'en soit l'issue, fusse-t-elle même la mort.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, dans un de mes rares moments de lucidité, alors que j'ai un peu de courage et de force, je pense aux vivants qui m'entourent, à ceux qui comptent pour moi, et surtout à ma nièce, Anne, à qui j'avais promise de ne pas rester trop longtemps absente.

Je la sais seule à Vienne, attendant mon retour, et je profite du fait que le sieur Walan prenne la route de Montélimar à Vienne pour y retourner moi aussi. Je n'y serai guère plus vivante qu'ici, pas plus présente non plus, mais là, près d'elle malgré tout... Elle qui pendant longtemps aura fait partie des liens m'unissant à Hugoruth, elle qui est tout ce qui me reste comme lien entre lui et moi.

Ne m'en voulez pas pour ce départ précipité, je vous en conjure, mais j'ai besoin de cela pour ne pas laisser mes yeux se fermer définitivement ce soir.

Je ne vous oublie pas, vous qui m'avez tellement donné envie de redevenir la Terry que je pleure, la Terry qu'il avait rencontrée et aimée.

Je vous emporte avec moi, dans un coin de ma tête, espérant pouvoir un jour vous revoir, quand vous le désirerez, malgré le poids de ces chaînes qui sont miennes.


Madame T.


Cette missive qu'elle lui avait envoyée deux jours plus tôt, il n'y avait pas répondu, et elle le comprenait... Comment aurait-il pu ne pas s'offusquer de ce départ précipité avec un autre, décidé dans l'heure, sans même lui demander si il voulait les accompagner?

Poussant ce premier jet de lettre dans un tiroir, elle prit ensuite de quoi écrire, et rédigea deux missives.

La première était adressée à Anne_Blanche:

Citation:
Ma chère nièce,

Je vous écris très brièvement, vous ne m'en tiendrez pas rigueur, afin de vous avertir de mon retour à Vienne.

J'y suis arrivée ce matin, en compagnie du sieur Walan, qui s'était fort aimablement proposé de veiller à ma sécurité durant le voyage, en homme charmant et toujours prêt à rendre service qu'il est.

Vous vous en doutez, ce voyage m'a quelque peu fatiguée, aussi ne puis-je pas vous promettre de vous rendre visite aujourd'hui, mais ai cependant bien hâte de vous revoir, sachez-le.

A très bientôt je l'espère,
Votre tante Terwagne.


La question qui lui brûlait les doigts ne figurait pas sur le vélin, mais Aristote sait à quel point cela lui fut difficile de ne pas tracer les mots demandant à la demoiselle si elle avait des nouvelles de son parrain, le Vicomte Cornedrue.

La seconde missive, elle l'adressa à celui qu'elle avait oublié de remercier en entrant dans la ville, le sieur Walan :


Citation:
Cher ami,

Comment pourrais-je me faire pardonner mon manque de politesse de cette nuit, mais surtout mon manque de gratitude à votre égard? Je n'ai aucune circonstance atténuante, mais suis rongée de culpabilité de vous avoir ainsi faussé compagnie, sans même un "merci" d'avoir si bien veillé sur moi durant notre voyage.

Cette lettre ne sera sans doute qu'une bien maigre tentative de rachat à votre égard, j'en ai bien conscience, mais sachez que je l'écris avec toute la sincérité dont je suis capable.

J'en profite également pour m'excuser d'avoir été une compagne de voyage d'aussi mauvaise compagnie, et de ne pas avoir été plus bavarde, ni plus amusante.

J'espère que votre retour à Vienne se passera pour le mieux, après toutes ces semaines passées à monter la garde à Montélimar, et que vous vous y reposerez un peu, vous semblez en avoir grand besoin vous aussi.

Avec toute mon affection muette,
Terwagne de Thauvenay
Thorvald_
Il ne s'en était nullement offusqué. Comment aurait-il pu lui en vouloir, lui qui l'avait poussé vers la voie de la raison. Lui qui, le cœur déchiré de n'avoir su l'aider, de n'avoir su l'aimer, reprenait tranquillement son chemin. On ne peut aider celui qui ne s'aide pas ...

D'ailleurs, cette nuit-là, ils avaient tous deux cheminé ensemble, sans le savoir, vers Valence, car au matin il reconnut au détour d'une ruelle le pan d'une robe connue. Un tissu couleur de lune, chute de velours d'étoile ... Terry. Il n'avait osé troubler sa quiétude et sa silencieuse marche auprès de l'homme qu'il reconnut être Walan. Ne pouvant que lui souhaiter, par la pensée, d'être heureuse avec lui ...

Adieu belle Dame T.
Terwagne
Quand les journées deviennent trop courtes...

Les derniers jours étaient passés à une allure folle, l'empêchant de se poser un instant pour laisser son esprit vagabonder ne serait-ce que quelques minutes. Mais était-ce un mal, au fond? Peut-être pas, puisqu'Aristote seul sait si ce vagabondage l'aurait emmenée vers le rêve et l'espoir, ou vers la nostalgie et les pleurs à nouveau.

Elle avait bien entendu été très occupée par la supervision des festivités pour l'anniversaire du Duché (angoissée qu'elle était de cette première organisation depuis sa toute récente nomination comme Présidente du Comité des fêtes ducales), mais aussi par la surcharge de travail à la Cour d'Appel suite aux nombreuses retraites spirituelles qui avaient ralenti la machine judiciaire durant les deux derniers mois, sans compter la dernière chose, à laquelle elle ne s'attendait absolument pas, son entrée au conseil ducal, en milieu de mandat, suite à la démission d'un des conseillers... Conseillère ducale, elle l'avait certes été par le passé, durant pas mal de mois, mais c'était dans d'autres lieux, aussi lui avait-il donc fallu pas mal d'heures pour trouver son chemin au Castel, comprendre où se trouvait tel bureau, lire les compte-rendus des discussions entamées avant son arrivée, etc...

Toujours est-il que lorsqu'enfin elle eut le temps de faire une pause, ce matin-là, et d'écouter un peu les discussions en taverne, elle se rendit compte qu'elle avait manqué quelques faits sur lesquels elle aurait voulu réagir dans l'actualité du Duché, et plus précisément l'un d'eux... L'élection du sieur Ayorleo, avec qui elle avait si souvent discuté en taverne lors de son voyage à travers le Lyonnais-Dauphiné.

Ravie pour lui, mais aussi pour la ville, elle prit cinq petites minutes de son temps pour lui écrire une missive certes fort simple, mais remplie d'amitié en tous cas.


Citation:
Messire Ayorleo,

C'est avec un peu de retard que je prends la plume pour vous féliciter de votre élection, et vous m'en voyez navrée, mais vous savez ce que c'est... les heures défilent parfois sans qu'on s'en aperçoive.

Cela n'enlève rien au fait que je sois très heureuse pour vous, et que je vous souhaite de vous noyer dans le travail pour ne pas penser à toutes ces choses dont vous et moi avons passé tellement d'heures à discuter en taverne lors de mon passage par votre jolie ville.

Avec toute mon amitié,
Terwagne de Thauvenay


Et puisqu'elle était assise à son bureau, elle en profita pour rédiger une seconde lettre, "officielle" celle-là, à l'attention du Maire de Dié. Il fallait s'assurer qu'il soit à l'ouverture du bal de clôture des festivités le lendemain soir.

Tandis qu'elle rédigeait l'invitation, un léger sourire apparut sur ses lèvres... Cette dernière petite surprise et innovation mise en place par les membres du Comité des fêtes ducales avait été gardée secrète jusqu'à la fin, et elle espérait que tout se déroulerait pour le mieux. Aussi, pour être certaine qu'il ne se doute de rien, elle décida de s'adresser à lui d'une façon quelque peu informelle, voir personnelle.


Citation:

Messire Pouilleux,

Je suppose que vous n'êtes pas sans savoir que les festivités en l'honneur de l'anniversaire du Duché touchent tout doucement à leur fin, et que demain soir se tiendra le bal de clôture de celles-ci.

Vous vous en doutez, l'angoissée que je suis ne respirera calmement qu'une fois celui-ci débuté, craignant jusqu'à la fin qu'un incident quelconque ne se produise.

Aussi, je vous avouerai que j'aimerai réellement voir présentes à ce bal toutes les personnes avec qui je n'ai guère eu l'occasion de parler de façon détendue durant les animations, afin de pouvoir boire un verre tous ensemble.

De plus, je dois bien admettre qu'à l'heure où les derniers préparatifs sont en cours, et où je prépare mon discours d'ouverture pour cette soirée, je tremble à l'idée de me retrouver seule sur la petite estrade prévue à cet effet, et aurais aimé vous demander si vous accepteriez d'y grimper en ma compagnie.

Oh, n'y voyez rien d'inconvenant, juste la demande d'une dame bien plus timide qu'il n'y parait, et qui ne sait trop vers qui se tourner pour la soutenir de sa simple présence... Vous n'êtes guère obligé d'accepter, et je ne m'en offusquerai pas si vous refusiez, soyez-en, certain... Je m'adresserai dans ce cas à un autre Maire, voila tout.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous envoie toute mon amitié.
Terwagne de Thauvenay


Ne prendrait-il pas cela pour une tentative de lui faire du charme? Elle espérait sincèrement que non, mais ne trouvait pas d'autre façon de s'assurer de sa présence sans qu'il se doute de quelque chose...

Il ne lui restait maintenant plus qu'à rédiger une seule missive, personnelle celle-ci, et sans aucun doute la plus compliquée à faire.


Citation:
Messire Walan,

J'espère que cette lettre...


Non, trop impersonnel, trop froid, trop... Ce n'était pas spontané, pas... Elle recommença, plusieurs fois, avant de laisser enfin les mots courir sur le vélin, comme elle les ressentait, sans chercher à les masquer par d'autres, sans rien cacher de ce qui lui passait par la tête ou par le coeur, de façon peut-être un peu décousue par moments, mais libres de toute barrière.

Citation:
Monsieur l'Ours,

Alors que je dois en être à ma dixième tentative de missive à votre intention, mais que chacune d'elles me semble pire que la précédente, je me décide à cesser de traumatiser ma plume, et à aller au bout de cet ultime essai d'invitation, qui risque d'être fort maladroite, mais digne de moi.

Avouez que si tout à coup je devenais adroite avec les mots et les convenances, vous vous demanderiez si c'est bien moi qui m'exprime, de toute façon.

Quoi qu'il en soit, cette missive a donc un but d'invitation, vous vous en doutez bien (à moins que vous ne m'ayez lue en diagonale, ce qui serait fort regrettable, vu le joliesse de ma prose)... Une invitation, disais-je donc, que je voudrais vous adresser à vous.

Vous, mon plus cher ami dans ce Duché où j'ai décidé de me construire une nouvelle existence, même si parfois je vous parle de mes envies de prendre le large pour oublier le chagrin... Vous qui si souvent m'avez fait oublier mes idées noires sans même en avoir conscience... Vous qui m'avez donné envie à nouveau de m'investir dans quelque chose de constructif plutôt que de rester à ruminer sur ma douleur et mes souvenirs... Vous sans qui à l'heure actuelle je serai sans doute en train de croupir dans une cellule d'un couvent, cherchant l'oubli dans la solitude et la prière... Vous qui devez quelques fois subir ma mauvaise humeur, sans en être la cause réelle...

Mais par dessus tout cela, vous sans qui jamais je n'aurais eu la force de me présenter aux comité des festivités ducales il y a quelques semaines, et encore moins de poser ma candidature à sa présidence. Oh, bien sûr, vous allez vous dire que vous ne vous souvenez pas de m'avoir encouragée à quoi que ce soit de ce genre, et c'est tout à fait correct, puisque je ne vous en avais même pas parlé... Mais ces deux choses sont la conclusion d'un processus vers lequel vous m'avez poussée, ce processus par lequel peu à peu je regagne confiance en moi.

Pour toutes ces raisons, à l'heure où je mets au point les derniers préparatifs pour le bal de clôture des fêtes d'anniversaire du Duché, soirée au cours de laquelle je vais devoir faire un petit discours, moi qui ai cela en horreur, mais aussi me montrer sous mon meilleur jour, j'aimerais que vous m'accordiez l'immense honneur deme rendre à ce bal en votre compagnie.

Ne vous sentez pas obligé d'accepter, surtout, et si vous ne me dites oui que pour me faire plaisir ou par peur de me froisser, je préfère recevoir de votre part un "Je n'en ai pas envie".

Avec toute mon affection maladroite,
La tempête.



S'empêchant de relire ce qu'elle avait écrit, ne sachant que trop bien qu'ensuite elle changerait d'avis et recommencerait encore et encore sa lettre, elle la ferma et la confia à un messager, en même temps que les deux autres.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Terwagne
Une femme à part entière ?

Pourquoi cette question lui avait-elle traversé la tête l'autre jour, alors qu'elle discutait avec sa nièce, voyant en elle l'enfant que jamais elle n'aurait? Elle ne se l'expliquait pas...

Mais était-ce réellement une question? Non, c'était plutôt une espèce de certitude...

De son amour avec Hugoruth, dans lequel elle avait laissé filer les années de sa jeunesse, sans y prendre garde, aucun enfant n'était venu, et aucun ne viendrait sans doute jamais à présent de son ventre qui dans peu de temps serait devenu aussi incapable d'enfanter que son coeur l'était aujourd'hui d'encore se lier à un autre, d'encore croire et espérer.

Elle finirait sa vie en n'ayant même pas satisfait au rôle premier de la femme, donner la vie.

Une existence ratée, qui n'aurait servi à rien, pas même à procréer... Voila ce qu'aurait été la sienne!

Pour tenter de penser à autre chose, la Dame de Thauvenay aurait voulu se plonger dans le travail, l'étude des dossiers à traiter à la CA par exemple, mais même de cela elle n'avait plus envie depuis quelques jours... Oui, pour la première fois depuis des mois, sa charge de Procureur à Paris ne la motivait même plus, et elle prenait cela comme une corvée et plus rien d'autre.

Les réunions au sein de l'APD n'avaient guère plus son enthousiasme, elle s'y rendait de corps, mais l'esprit ailleurs, écoutait d'une oreille distraite, hochait parfois la tête en signe d'approbation, mais n'argumentait rien, ne donnait aucun avis construit sur rien, ne parlait à personne, pas même au Vicomte d'Ancelle, qu'habituellement elle aimait tellement taquiner pourtant.

Une ombre en tous lieux et tout instant, voila à quoi ressemblait la Dame de Thauvenay...

Et la missive qui lui était parvenue la veille au soir ne faisait rien pour arranger les choses, que du contraire, alors que quelques jours plus tôt elle en aurait été heureuse. Abandonnée sur le petit secrétaire de sa chambre d'auberge depuis, elle attendait une réponse...

Les yeux rougis et cernés par les larmes qui avaient égrené les minutes de cette nuit interminable qu'elle venait de passer, la Dame de Thauvenay la relut une fois encore.


Citation:
Chère Terry,

Le temps passe, la distance éloigne, mais les pensées vont toujours vers celles et ceux qui sont droits et honnêtes.
Et tu en as toujours fait partie à mes yeux.

Je viens, par cette missive, t'annoncer qu'Ilona est née cette nuit, l'accouchement s'est bien passé.

Elle aura un sacré début de vie cette petite... un père qui dit qu'il assume et qui part en voyage, qui envoie en tout 3 missive en neuf mois, dont une pour se victimiser... Elle voit le jour... en pleine nuit, à la garnison, et le premier cri avant le combat de nos armées... c'est le sien...

Pour moi, elle n'est pas la fille d'Asta tu sais... Oui, elle est arrivée par hasard à cause de la connerie et de la faiblesse humaine... mais il ne mériterait pas d'avoir un tel cadeau à mes yeux...

Anakin et moi allons l'élever.... j'irais au combat à la nuit tombée, pendant son sommeil.
Et, si tu le veux toujours, et si nous le pouvons, on viendra te voir... Je tiens à ce que ma fille connaisse Tatie Terry tu sais.

Et toi ma belle ? est-ce que tu vas mieux ? Parviens-tu à "revivre" finalement....
Je pense souvent à toi tu sais... l'ancien Sancerre me manque...

Je t'embrasse et t'accompagne par la pensée.

Claire


Tatie Terry de tous les enfants nés à Sancerre depuis des années, depuis ceux du sergent Gallup et Amélia jusqu'à cette petite Ilona, en passant par les triplés de Jelubir et Aryan... Tante Terwagne de Anne, Gabriel et Blanche...

Voila, elle était tante, et encore, sans lien de sang! Mais à part cela?!

Prenant son courage à deux mains, elle se força à répondre à Claire, son amie, mais le coeur n'y était pas, malgré tous ses efforts pour essayer de cacher cet état de fait dans les mots employés.


Citation:
Ma chère Claire,

J'espère que cette missive te trouvera en bonne santé, ainsi que ta fille et Anakin.

Je suis heureuse pour toi que tout se soit bien passé, mais surtout heureuse que tu aies eu le bonheur de donner la vie et l'amour sur cette terre où la haine et la mort semblent frapper de toute part en ce moment.

Prends bien soin de toi, et surtout d'elle... Le bonheur est tellement fragile, tu sais.

Je ne m'étendrais pas sur le sujet Astaroth, tu sais ce que j'en pense, et tu dois bien te douter que son attitude ne m'étonne guère, j'en ai fait les frais bien souvent moi-même par le passé.

Je terminerais cette lettre en te disant que oui, je veux que vous veniez me voir tous les trois, dès que vous le pourrez, mais le plus vite possible, la vie est tellement courte et apte à s'arrêter à tout moment, sans crier gare...

Je vous attends avec impatience, et prie pour vous qui avez la chance d'être trois à présent.

Mes pensées vont vers vous, sois en certaine.


Terry,
Très touchée que tu aies pensé à elle au moment de partager ton bonheur.


Une fois la lettre confiée à un messager trouvé dans l'auberge, la Dame de Thauvenay regagna sa chambre, ferma les volets, poussa un meuble devant la porte, et se jeta sur sa couche, où des sillons humides ne tardèrent pas à apparaitre à nouveau sur ses joues.

Elle ferma ensuite les yeux, non pas dans l'espoir de retenir ses larmes, mais dans celui que plus jamais ils ne se rouvrent... Personne ne la chercherait avant des jours sans doute, habitués qu'ils étaient tous à ses silences de plus en plus fréquents.

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Terwagne
" O flots abracadabrantesques Prenez mon coeur, qu'il soit sauvé"... (A. Rimbaud)

Perdue dans les flots, voila exactement où elle en était lorsque le soleil se levait sur un jour nouveau...

Les flots s'écoulant de ses yeux, sans un instant de répit depuis près de vingt quatre heures, mais aussi les flots de l'alcool qui devait à présent prendre presque plus de place dans ses veines que le sang qu'elle aurait voulu voir quitter son corps... Ce corps meurtri dans ses années d'enfance, par un père violent et incestueux, ce corps qu'elle avait aimé dompter à l'époque où elle était troubadour, lui faisant faire des tours de plus en plus périlleux, ce corps qu'elle avait aimé sentir tressaillir sous le souffle de Hugoruth, mais ce corps qui jamais ne donnerait la vie, et qui lentement mais surement finirait par la faire ressembler à une fleur séchée, fanée... Ce corps qui se sentait tellement froid depuis la dernière missive de Hugo... Ce corps qui la gardait en vie, malgré elle...

Toujours couchée sur son lit, elle se fit tourner sur le ventre et se pencha vers le sol pour attraper la bouteille posée là quelques minutes - à moins que ce soient des heures, elle avait perdu la notion de temps - plus tôt, au milieu de ses comparses déjà vides.

Voila qu'il se mettait à bouger lui aussi, ce fichu plancher, accompagnant la farandole des murs qui eux tournaient en s'esclaffant depuis un bon moment déjà...

Mais qu'avaient-ils tous à danser et rire ainsi? Pensaient-ils que c'était jour de fête?!?! Fêter quoi, d'ailleurs? La victoire du destin sur elle? Sa fin prochaine si elle finissait par trouver le courage de prendre cette fiole au fond de son sac et de la boire?

L'envie ne lui en manquait pas, juste le courage... Pas celui de tirer sa révérence à cette vie qu'elle savait inutile, non, juste celui de se lever pour aller prendre sa besace dans le coin opposé de la pièce.


Ca suffit! Cessez de vous moquez! Je peux y arriver sans me trébucher! Je sais encore parfaitement mettre un pied devant l'autre!

L'avaient-ils entendue? Sans doute, oui, puisque presque immédiatement la pièce s'immobilisa, tandis qu'elle-même s'asseyait puis se levait, faisant même un pas, puis deux, avant de tout de même prendre appui contre un des murs, qui bien évidemment ne devait attendre que cela pour lui jouer un mauvais tour, se rire d'elle, en reculant d'un bon mètre au moins...

La chute, logiquement, ne tarda pas.


BONG !

Le choc de sa tête cognant le plancher la fit pester plus que souffrir. La souffrance physique, elle n'en avait même plus conscience. Le corps n'est rien, juste une enveloppe à votre âme, et la sienne était bien trop douloureuse pour qu'elle s'inquiète encore du reste.

Restant sur le sol, elle se fit avancer, à la force de ses bras, jusqu'à ce satané sac qui devait apparemment être de mèche avec murs et plancher, puisque lui aussi reculait au fur et à mesure qu'elle s'approchait.

Finissant par réussir à mettre la main dessus, elle le secoua, la tête en bas, répandant sur le sol l'entièreté de son contenu, parmi lequel se trouvait bel et bien la fiole de venin achetée à la Cour des Miracles l'autre soir, en quittant la Cour d'Appel, mais également une missive.

Une missive qu'elle avait oubliée de ranger, et qui lui revint en mémoire, en même temps que celui qui l'avait écrite... Une missive qu'elle avait reçue la veille du bal auquel elle lui avait demandé de lui servir de cavalier...

La dépliant, elle tenta de la relire, mais ses larmes et les mots qui dansaient ne le lui permirent pas. Ses yeux se posèrent alors simplement sur la signature, sur ce "W" tracé avec force et droiture, contrastant tellement avec le "T" penché et comme courbé qui commençait sa signature à elle.

Laissant la lettre tomber sur le sol, elle prit la petite flasque et la déboucha...

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