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[RP ouvert] Le roman inachevé...

Walan
Ce furent d'abord trois coups discrets qui furent audibles, frappés à la porte tandis qu'à l'intérieur de la pièce une fine main ouvrait une fiole. Un temps plus tard, face au manque de réaction, les coups se firent plus insistants, et à eux s'associèrent une voix. Grave, calme, ferme, la voix qui appartenait sans nul doute possible au seigneur de Meyrieu.

Dame ? Auriez vous l'amabilité de faire entrer un homme et ami, ou le condamnerez vous à devoir choisir entre parler à travers la porte ou enfoncer celle-ci ?

Malgré la nuance taquine dans le ton de Sans Repos, celui-ci n'en était pas moins inquiet. Alors qu'il venait proposer à la dame de Thauvenay de visiter le domaine de Meyrieu et ses forêts de châtaigniers que l'automne parait d'or et de cuivre, la tenancier de l'auberge l'avait informé que depuis maintenant un jour entier, la tempête n'étaient plus sortie de sa chambre et en avait clos porte et volets.

Walan connaissait une partie de l'histoire et des sentiments de celle qui gisait derrière la porte, pour l'avoir entendu les lui conter certains soirs en taverne. Il lui pourtant semblait avoir réussi -sans même chercher vraiment à le faire-, dans une certaine mesure, à lui faire oublier une partie de sa souffrance, et voilà qu'elle se cloîtrait.

Frappant à nouveau à la porte, Walan lança encore à travers celle ci un
"Terwagne ?!" dont l'inquiétude commençait à transparaître. Ne percevant aucune réponse, le vicomte s'écarta légèrement de l'huis, se préparant à enfoncer l'obstacle qui le séparait d'une personne qui lui était devenue chère.
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Terwagne
L'odeur du liquide contenu dans la miniature de bouteille la frappa de plein fouet. C'était tout simplement infecte, répugnant, apte à vous soulever le coeur en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Retenant la nausée qui lui vint, elle se surprit à se demander ce que l'on avait bien pu mettre dans cette potion qui la fasse puer à ce point... L'enchaînement d'idées toutes plus farfelues les unes que les autres ne tarda pas à se faire, aboutissant sur un rire nerveux.


Mwarf! De la terre berrichonne mêlée à de la bave de Duc d'Aiguirande!

Secouée par ce rire qui avait finalement quelque chose de presque dément, suite à son ivresse, elle laissa s'échapper la moitié du liquide hors de son contenant pour se répandre sur sa chemise blanche.Vraiment, c'était malin! Elle ferait bien mieux de boire cet échappatoire avant de renverser le reste.

Elle en était là de ses réflexions lorsqu'il lui sembla entendre des coups dans le couloir, et ensuite une voix lointaine... Quelque visiteur pour la demoiselle vulgaire qui logeait dans la chambre du fond, sans aucun doute. Cela n'arrêtait pas depuis plus d'une semaine. Qu'elle se dépêche de lui ouvrir! Il y avait déjà bien assez de bruit avec les murs qui riaient!

Portant enfin la fiole à sa bouche, d'une main tremblante, la Dame de Thauvenay réussit à y mouiller ses lèvres, alors que la majeure partie s'écoulait surtout à côté de celles-ci, ce qui la fit grogner et lancer le récipient vide sur le mur qui se trouvait en face d'elle, le réduisant ainsi à l'état de morceaux de verre.

Le goût de ce poison n'avait rien à envier à son odeur, pour sûr... Mais l'effet devait être rapide, puisque déjà elle entendait des voix... Ou plutôt une voix, venue du passé, et l'appelant par son prénom.

Le passé... Oui, Hugo n'était pas là, ni personne d'ailleurs, ce n'était qu'un souvenir qui refaisait surface, un appel lancé par lui un soir, derrière la porte du numéro 1 du Rempart des Aristotéliciens, sa maison à Sancerre, celle où tous deux avaient un jour écrit le plus beau des poèmes sur le mur du salon... NOUS...

Elle ferma les yeux, tandis que ses sanglots devenaient sonores.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Walan
Un bruit de verre brisé, puis de lourd sanglots derrière la porte. Il n'en fallu pas plus pour que Sans Repos s'élance contre le bois qui lui faisait obstacle. "BOUM", retentit le choc de l'animé contre l'inanimé dans la pièce et le couloir.

La porte, et le meuble qui la calait derrière, ne se laissèrent bien entendu pas faire et ne cédèrent guère face à l'épaule de l'homme, fut-il vicomte. Plusieurs autres coups sourds ("BOUM, BOUM") furent nécessaires avant que le tenancier de l'établissement ne vienne voir ce qu'il en était, mais le regard glacial que lui adressa le seigneur de Meyrieu en guise d'accueil lui fit rapidement battre en retraite.

"Justum ac tenacem propositi virum". L'homme juste et ferme en son dessein, la devise de Sans Repos.
Son dessein de moment était simple : passer cette porte. Juste, cela n'était pas nécessaire en l'état, ferme par contre il fallait l'être. Tout ce résumait à cela en fait : être plus ferme que le bois de l'huis.

D'autres coups résonnèrent ("BOUM, BOUM, BOUM") puis enfin des gonds cédèrent, un meuble s'effondra et un os se brisa. Rendu insensible aux élancements douloureux qui en résultèrent par l'adrénaline qui parcourait ses veines et l'obstination à atteindre son but, Walan fini par pénétrer dans la pièce.

C'était la première fois que le vicomte d'Ancelle entrait dans la pièce où demeurait la dame de Thauvenay, mais il ne prit pas le temps d'examiner les lieux, sont regard tombant immédiatement sur la femme étendue à terre. Quelques enjambées plus tard, il se rendait à son côté, fronçant nez et sourcil en sentant l'odeur infecte du liquide qui imprégnait les vêtements de Terwagne et qui surpassait encore les relents d'alcool provenant du même vêtements.


Dieu ... qu'avez vous donc fait ? lâcha Walan d'un air affligé avant de crier d'un ton qui ne souffrait aucune contestation. AUBERGISTE !
Sans attendre, il se saisit du premier contenant un tant soit peu adapté qui lui tomba sous la main avant d'abandonner les manières de la noblesse pour adopter le pragmatisme tout militaire qui était également le sien : ouvrant la bouche de la dame de Thauvenay, Sans Repos y enfonça deux doigts avant de la pencher vers la bassine qu'il avait dégotté ...
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Terwagne
Les yeux clos, la Tempête se noyait dans ses larmes, lorsqu'elle entendit de nouveaux cognements, bien plus forts ceux-là...

Cela ne devait finalement pas provenir de coups frappés contre la porte de l'intrigante du fond, c'était bien plus proche. Les murs? Le plancher? Sans doute, oui... A moins que ça ne soit sa propre imagination? Elle colla ses deux mains contre ses oreilles, voulant s'en aller dans le silence.

Mais les coups redoublèrent, de plus en plus sonores, et puis la porte s'ouvrit, dans un bruit de bois cassé, en même temps qu'une ombre pénétrait dans sa chambre. Ouvrant brusquement les yeux, celle qui à cet instant ressemblait à tout sauf à une Dame aperçut la silhouette, dans l'encadrement de ce qui avait servi de porte jusqu'à il y avait peu. Sa vision était floue, gênée par le voile d'eau salée qui l'encombrait, mais aussi par le peu de lumière, pourtant elle le reconnut.


Hugo... Enfin, vous êtes revenu... Je... Vous...

Non! Non, ce n'était pas vraiment lui! C'était une image du passé, rien de plus! Un effet du poison, rien de plus! Un rêve, le dernier rêve avant le grand voyage!

Otant ses mains de ses oreilles, elle les posa sur ses yeux, avec force, comme pour y enfermer cette dernière vision... Celle de celui qu'elle voulait emporter à jamais dans son coeur devenu trop lourd, le visage de celui qu'elle avait tellement aimé, tellement pleuré, tellement espéré, tellement saigné.


Mon tout, mon toi... Je ne voulais rien d'autre...

Les mots sortaient-ils réellement de ses lèvres, ou bien se perdaient-ils dans ses sanglots, comme elle même bientôt se perdrait dans le sommeil éternel? Elle ne savait pas.

Ce dont elle fut par contre certaine, c'est que le
Dieu ... qu'avez vous donc fait ? qu'elle entendit alors n'était pas prononcé par Hugo, et qu'il n'était pas non plus le produit de son imagination. C'était la voix de Sans-Repos, et lui il n'avait rien à faire dans ses rêves! Il ne faisait pas partie de son passé, ni de ses désespoirs, pas plus que de ses espoirs vains!

Retirant brusquement ses mains, elle ouvrit grand les yeux, et le reconnut bel et bien. Alors, elle tenta vainement de se relever, pestant sur lui qui se permettait de venir assister au spectacle de sa déchéance, mais elle n'y parvint pas, retombant lourdement sur le plancher.

Oh oui, à cet instant c'était à lui qu'elle en voulait!!!!

Elle ne fut pas - comme on aurait pu s'y attendre - prise d'une quelconque honte d'être aussi peu présentable, de s'afficher dans cet état lamentable, sale, ivre, ressemblant à une gueuse sur un quelconque trottoir de la Cour des Miracles... Elle ne fut pas mortifiée de gêne, non... Elle fut en rage contre cet homme à qui elle n'avait rien demandé et qui se permettait de venir interrompre son voyage! Ce spectateur! Cet intrus!

Ses yeux lui lancèrent alors des éclairs tels que jamais encore il n'avait du en voir, un regard noir comme une nuit sans étoile. Le regard non pas d'une tempête, mais bien celui d'une femme remplie de haine...

Une femme qui déteste cet homme qui lui rappelle, sans dire un mot, que lui est là pour elle alors qu'un autre n'est plus qu'absence et indifférence...

Celui qui par sa simple présence vous montre encore plus que vous avez tord d'en aimer un autre...

Incapable de bouger, sentant son âme et sa conscience partir dans un sens alors que son corps lui voulait aller dans le sens opposé, elle ne put que répondre à son appel à l'aubergiste, avec un ton rempli de sarcasme.


Une bouteille de Calva, pour la saltimbanque ratée! Le déchet de f...

Bleurf!... Argh!... Bleurf...


Les doigts poussés dans sa bouche sans son autorisation l'empêchèrent de terminer sa phrase, la faisant surtout régurgiter une quantité infime de ce qu'elle avait absorbé pendant les dernières heures.

Dans un réflexe de défense lui sembla-t-il, elle posa sa main sur la sienne, enserrant son poignet de ses doigts - avec le peu de force qui lui restait - l'invitant à cesser ce geste qui allait bel et bien finir par empêcher son dernier voyage.


Laissez-moi m'en aller, Walan...

Son regard n'était plus ni noir, ni embrumé, les larmes et la colère s'en étaient allées. Il n'y avait plus que détresse et prière dans ses yeux, mais aussi un pardon demandé.

Si vous m'aimez ne serait-ce qu'un tout petit peu, laissez-moi cesser de souffrir...

Sa gorge douloureuse l'empêcha d'en dire plus, tandis qu'elle se laissait tomber contre lui, dans cette attitude propre à un naufragé épuisé se jetant sur une planche non plus en espérant survivre, mais pour cesser de sentir le froid de l'eau lui glacer le sang douloureusement.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Walan
Le premier regard noir qu'elle lui lança avait semblé glisser comme si de rien n'était sur le vicomte d'Ancelle. Cela faisait bien longtemps qu'il n'était plus homme à se laisser arrêter par ce genre de choses, d'autant plus que s'il elle n'avait pas été si sérieuse, la situation aurait plutôt été comique que de voir cette femme ivre et à terre foudroyer du regard l'homme qui venait de défoncer sa porte.
Il ne tint pas plus compte des paroles sarcastiques qui suivirent son appel à l'aide, juste avant qu'il ne la force à se purger du contenu de son estomac, qui contenait semble-t-il du poison en plus de l'alcool.

Le bras gauche pendant à son côté, inutilisable avec la clavicule qu'il venait de se briser et dont la violente douleur parvenait maintenant à la conscience de Sans Repos, le poignet droit enserré dans la fine main de la dame de Thauvenay, l'homme était d'une certaine manière immobilisé.

C'est alors que les yeux gris se plongèrent dans le regard empli de détresse.
Durant un instant éphémère, les yeux de Walan devinrent effectivement le miroir de son âme. Consciemment ou non, il abaissa brièvement les barrières qu'il opposait habituellement, il laissa fondre momentanément la glace qui lui servait d'armure.
Ce fut fugitif, mais cela suffit largement pour qu'elle puisse y percevoir les émotions qui animaient le seigneur de Meyrieu à ce moment précis : affection, amitié, tendresse, amour même, et surtout une profonde inquiétude pour la femme près de laquelle il s'était agenouillé.

Et ce fut d'une voix où se mêlait l'affliction et les tonalités tendres d'un amant qu'il répondit doucement :

Dame, je ne vous aime pas un tout petit peu, je vous aime tout court. Et si je ferais tout pour que vous n'ayez plus à souffrir, cela inclut de ne pas vous laisser partir pour l'enfer lunaire en commettant ce genre d'acte.
Alors maintenant, cessez de palabrez et résistez ! Ne me laissez pas seul !
, termina-t-il sur un ton autoritaire qui ne semblait pouvoir admettre aucune contestation.

La sentant s'effondrer contre lui, il l'enlaça de son bras encore valide comme pour l'empêcher de sombrer. C'est dans cette position que le tenancier de l'établissement les trouva, et son air surpris face à la scène ne dura que le temps que Sans Repos ne se rende compte de sa présente et lui lance avec toute l'autorité de noble et d'officier qui était la sienne :

Allez à l'hôtel de Culan et ramenez la dénommée Matheline. Vite !

Sans plus de paroles à l'intention de l'aubergiste qui détallait déjà, Walan reporta son attention sur la femme dans ses bras, murmurant à son oreille des mots qu'elle seule pouvait entendre.
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--Matheline
I'm' veut quoi, l'vicomte ?

Matheline regarde avec méfiance l'aubergiste en sueur qui vient la chercher.

J'vais pas coum' ça en la chambre d'un homme, ma ! Même s'il est vicomte.


Matheline renifle, croise les bras sur son absence de poitrine, lève le menton, vivante image de la vertu outragée.


Ah çà ! la fille ! Le vicomte a dit qu'on vous ramène, et je vais vous ramener, moi, par la peau du dos s'il le faut !

Matheline s'entête, se fait désirer. Elle meurt de curiosité. Qu'est-ce que le beau vicomte fait dans une auberge, et pourquoi veut-il la voir, elle ? L'aubergiste se fait enjôleur.

Allez ! Soyez bonne fille. La tante de votre maîtresse est comme qui dirait un peu malade. Messire d'Ancelle a vraiment besoin de vos talents.


Matheline fronce un sourcil, puis le deuxième, coule un regard en biais à l'aubergiste, finit par lâcher un "mouais" et par attraper sa besace pleine de simples. Elle suit l'homme par les rues, fière comme Artaban, sans daigner répondre aux salutations des commères avec qui elle passe tous les matins des heures à jaspiner, sur le marché.

On parvient à l'auberge, on se précipite vers la chambre. Matheline pousse du coude l'aubergiste, pour voir ce qui se passe, là-dedans.


Mais c'est qu'il la bige (1) ! Seigneur ! Et Dame Maryan qu'est 'core pas chenousie (2)!


Furieuse, la Matheline ! Elle reste sur le seuil, bouche bée.


Ça pue le gnau (3) et la vesague (4), par ici ! C'est-y qu'elle s'est abreuvagée (5) ?


Ça va lui en faire, des choses, à raconter aux commères du marché ! Le vicomte qui blone (6)la Thauvenay, et qui lui marmuse (7)à l'oreille, la Thauvenay ronde comme macabet (8 )à Sainte-Boulasse ...

Elle se délecte du spectacle.


(1) embrasse
(2) moisie
(3) œuf pourri
(4) mauvais vin, vinasse
(5) saoulée
(6) fait la cour à
(7) chuchote
(8 ) vigneron
Terwagne
Toutes ces choses qu'il lui semblait avoir vues dans ses yeux étaient-elles réelles? Ou juste un effet de son esprit délirant, sa semi-conscience se battant entre le passé, la nostalgie du bonheur perdu, et le présent, cette grande inconnue qui l'effrayait tellement? Peut-être une vision née du mélange entre le souvenir de tout ce qu'elle avait vu il y avait bien longtemps dans le regard de Hugoruth et l'image de l'homme se trouvant à ses côtés aujourd'hui? Elle n'en avait aucune idée... Pas plus qu'elle n'était certaine d'avoir bien entendu le début de ce qu'il lui murmura.

Plus tard, bien plus tard, elle regretterait de n'avoir pas réellement vécu ce qui se déroulait à cet instant précis, de ne pas s'en souvenir mieux, de ne pas avoir répondu comme elle l'aurait du à son aveu à lui, de ne pas avoir ressenti toutes ces choses qu'il espérait sans doute lui montrer en baissant son armure de froidure, de ne pas avoir tremblé et frissonné à ses mots... Elle regretterait l'ivresse qui l'avait faite passer à côté d'un moment qui pour lui devait correspondre à un saut dans le vide, de ne pas avoir été en état de lui tendre la main pour combler la sensation de vertige qui devait l'étreindre... Elle regretterait aussi le flou entourant le souvenir de ce premier pas vers l'inconnu dans lequel leur relation venait de basculer... Elle aurait la sensation de lire un récit dont la première page lui manquerait en grande partie...

Mais pour l'heure, l'alcool et le poison qui avaient eu le temps de se mêler à son sang - avant que le Vicomte d'Ancelle ne vienne la sauver d'elle-même - l'empêchaient de comprendre vraiment ce qui se produisait là, sur le plancher sale d'une chambre d'auberge, au milieu de la puanteur environnante.

Cet instant tellement important dans toute histoire écrite à deux - qui aurait du ressembler à un conte de fée, avec une demoiselle bien vêtue, souriante et rougissante, baissant les yeux pour empêcher son coeur de trop s'emballer, glissant sa main dans celle de l'homme pour se rassurer sur le fait qu'elle ne rêve pas - était tellement atypique que cela aurait pu en être drôle au fond... Une demoiselle ressemblant à une souillon, grimaçante sous la douleur, blême comme une morte, empestant l'alcool, et se retenant à l'homme à ses côtés pour ne pas sombrer dans la mort qu'à la fois elle désirait et craignait pourtant, se demandant soudain si elle n'avait as eu tord, si il n'était pas trop tard, si elle n'allait pas bel et bien s'envoler avant d'avoir eu le temps de...

Le temps de quoi... ?

Palabrer? Le verbe la transperça, surtout à cause du ton employé, redevenu autoritaire, et elle lâcha enfin son poignet, redressant brièvement la tête, prise d'une fierté aussi soudaine qu'éphémère.

Avait-elle l'air de palabrer? Est-ce qu'il l'avait bien regardée? Ressemblait-elle à une pimbêche coincée et sur son trente et un, s'exhibant, fière d'elle? Se sentant supérieure? Elle voulut se relever, mais savait pertinemment que son corps ne suivrait pas sa volonté, alors elle baissa à nouveau les yeux, perdue, comprenant qu'il faisait allusion à son sarcasme quelques instants plus tôt... Cette manie d'user et d'abuser de l'ironie et du sarcasme qu'ils partageaient tous deux.

C'est également à cet instant que ses mots suivants à lui parvinrent à sa conscience...
"Ne me laissez pas seul !"

Avait-il donc peur lui aussi de cette solitude qui lui glaçait à elle le coeur depuis si longtemps? N'était-il pas aussi fort que ce qu'il donnait l'impression d'être? Etait-il tout comme elle un naufragé luttant sans cesse pour garder la tête hors de l'eau?

Une chaleur incompréhensible et étrange prit soudain place dans son corps, là, juste sous sa poitrine, en même temps qu'une envie folle de lui répondre que tout irait bien, qu'il ne devait pas craindre.

Pourtant, elle ne put pas prononcer le moindre mot, elle se sentait partir, elle se disait qu'il était trop tard, bien trop tard, que la mort était là, glissée entre eux, penchée au-dessus d'elle, prête à la prendre dans ses bras glacés, à répondre à ses prières passées, à réaliser ce rêve de sommeil éternel dont elle ne voulait plus...

Elle l'entendit demander à quelqu'un d'aller chercher Matheline, et en profita pour oser enfin glisser ses doigts dans les siens, comme un appel à l'aide mêlé à une demande de pardon, ainsi qu'à des remords de ne pas pouvoir lui obéir en restant avec lui.


J'ai eu si froid, Walan... Tellement froid, et peur de vivre encore.
Maintenant, il y a cette chaleur, mais aussi cette... peur!

J'ai peur de m'en aller, Walan... Oh oui, j'ai peur!
Mais elle est là!

Je l'ai appelée trop fort, elle est venue me chercher, elle m'appelle, m'attend... Elle va m'emporter, et...


Sa voix était faible, et tremblante, légère comme une feuille morte flottant sur les ailes du vent. Elle s'éteignait, et pourtant était chaude.

Ne la laissez pas me glacer le sang et le corps, si vous le pouvez, le voulez aussi...
Moi je ne peux plus rien y faire.


Ce furent ses derniers mots, tandis que contre lui, dans ses bras qui - elle l'espérait de toute sa détresse - la retiendraient, elle perdait connaissance, juste avant l'arrivée de Matheline, bercée par ce qu'il lui murmurait.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Walan
La situation ramenait à la conscience de Walan des souvenirs qu'il aurait préféré oublier, sortant des bordures troubles de sa mémoire ou il les avait repoussés pour s'imposer à lui par vagues.

Scène de cachot : après trois jours de jeûne forcé dans le froid et l'obscurité, l'apparition d'un visage autrefois considéré comme celui d'un modèle, puis la voix de celui-ci décrivant avec force détails et précisions les tortures et exactions commises par un groupe d'hommes sur Eléanor, celle qui était sa promise et avec qui il aurait dû se marier quelques semaines plus tard. Cette scène, l'une des plus nettes qui restaient de la succession d'événements qui avait conduit le jeune Walan à quitter sa Lorraine natale dans un longue fuite à travers le Royaume de France, pour finir par le mener dans ce Dauphiné qui l'accueillait désormais.

Scène de forêt : une blanche robe de mariée se teintant peu à peu du rouge sang, tandis que la vie quittait le corps de celle qu'il avait tant aimé, qui avait réussi à le détourner de ses sombres souvenirs, Alyanne, "belle dame", rattrapée par son passé et les spadassins qu'il lui avait envoyés. C'est dans les bras de celui qui n'était pas encore Sans Repos qu'elle s'était éteinte, sur une dernière parole d'amour. Il n'était alors que jeune capitaine du Lyonnais Dauphiné.
Cette scène, souvenir de la fin d'un âge d'or où tout semblait plus beau et où tout semblait sourire.

Scène d'église : deux corps allongés sur un catafalque, encore marqués de la multitude de flèches dont ils avaient été percés. Le XVIIe gouverneur du Lyonnais Dauphiné, futur vicomte d'Ancelle, au dernier jour de son mandat, agenouillé devant eux dans la nef vide, et faisant un serment devant Aristote. Le visage pâle et froid de Francesca-Amalya d'Avencourt, dite Freyelda, amie, confidente et mentor, la sœur qu'il n'avait jamais eue, assassinée par les hommes de main de sa propre famille maternelle avec Charles de Macquart, Carnil, alors qu'ils revenaient tout deux de l'Italie où elle avait été enlevée.
Cette scène, brisure d'une amitié profonde et sincère qui durait depuis tant d'années, début d'une morne période consacrée à la protection de cette filleule, cette fille, Aliénor d'Avencourt, passant désormais pour morte aux yeux du monde mais qui il le savait vivait en paix en Italie, et dont il éprouvait parfois cruellement l'absence.

Scène de chambre : une femme alitée, terrassée par une maladie plus forte qu'elle. Maryan d'Ambroise, mère de Gabriel, d'Anne et de Blanche de Culan, celle qui avait permit le renouveau de Sans Repos, qui avait su briser la glace -ou en tout cas s'en accommoder-.
Cette scène avait été la fin d'un espoir, la confirmation qu'il valait mieux pour Walan de ne pas s'attacher trop, puisque toutes celles qu'il aimait, d'une manière ou d'une autre, étaient rappelées à Aristote trop tôt.

Et pourtant, voilà qu'il serrait à nouveau une femme aimée et agonisante dans ses bras, répétant l'histoire encore et encore. La répétant vraiment ? Peut être pas ...
Sans Repos avait bien des défauts, mais baisser les bras n'en faisait pas partie. Détournant son esprit de ses souvenirs et son cœur des paroles qu'il venait d'entendre dans un souffle, le vicomte tourna la tête vers l'aubergiste et Matheline, qui étaient arrivés et les observaient.
La voix claqua dans l'air comme aurait pu le faire un fouet. Ferme, dure et froide :

Aidez la, plutôt que de rester planter là !
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--Matheline
Et vas-y que j'te quinche du tétiau (1)! Et que ça riboule ! (2)Et que ça roigne (3)et que ça réaccousine la cabêche (4) ! Le v'là ben brelot (5), le Walan. Lui qu'a même pas chialé quand Madame a trépassé. Oui-da ! Guère d'usances, tout vicomte qu'il est. L'en avait l'autre en vue à m'ner à la muloche (6)!

Matheline oscille entre plaisir et haine. C'est qu'il est beau, le vicomte, avec ses yeux de braise qu'on croirait que ça vous transperce jusqu'à l'âme. Matheline en aurait bien fait son ordinaire, quand les nuits sont fraîches. Mais ce bâsin n'a jamais fait mine de la remarquer. Ah ! Elle n'est qu'une pauvre servante ! Ah ! Elle n'a pas de beaux affûtiaux comme toutes ces dames, là... Mais elle a un cœur, la Matheline, comme tout un chacun, qu'est-ce qu'il croit ? Si elle avait su qu'il suffisait de s'abreuvager et de faire la cacou (7) pour lui tomber dans les bras, pour sûr qu'elle aurait forcé sur la bug, elle aussi.


Aidez la, plutôt que de rester planter là !

Matheline s'empresse, la mine pincée, trouve moyen de minauder.

Au service de Messire Vicomte...

Elle lorgne la bassine, se contraint à renifler, grommelle dans sa barbe.

Misère de misère ! Ya pas que d'la vesague, là-dedans. Et si qu'elle passait, la Thauvenay ? Ce s'rait 'core d'la faute au pauv' monde. Misère de misère...

Matheline se penche sur la Thauvenay, la peur au ventre, désormais. Le Sans-Repos, pour sûr qu'il va pas la louper si elle fait pas c'qu'il faut. Elle écoute les battements désordonnés du cœur, cherche de la main des suées absentes, soulève une paupière pour découvrir une pupille immense. Le verdict tombe.

Bella Dona...


Et pour faire la fière, elle ajoute à l'adresse du vicomte.


C'est l'nom d'une plante qu'est ben poisonneuse.

Matheline a la situation bien en mains, et ça lui plaît. Non seulement elle va pouvoir tarbater ( 8 )au marché, mais en plus, elle pourra se targuer d'avoir sauvé la Thauvenay.

Aubergiste !

'fin, la sauver... Si l'Très-haut 'l'a pas mis dans son idée de l'envoyer au Soleil, l'autre.

Aubergiste ! De l'eau tiède, et que ça saute ! Portez l'entonnoir avec.

L'aubergiste doit avoir peur, lui aussi. Un mort dans son auberge, ça ferait désordre. Il fait diligence, revient avec l'entonnoir et une pleine seille d'eau tiédasse que Matheline se met en devoir de faire ingurgiter, puis recracher à Terwagne. Elle en a oublié le beau vicomte. Elle met du cœur à l'ouvrage, mue tant par la peur que la Dame lui passe entre les bras que par réel plaisir. Si feu son bâsin de père ne l'avait pas mise en service à 12 ans, elle aurait continué à cueillir les simples avec le curé de Culan, le Très-haut l'accueille en son paradis solaire. C'est tout de même bien plus intéressant de préparer des décoctions que de vider les pots de chambre et remplir les cuviers de ces dames. Mais voilà : le père, il a trouvé malin de la placer au château.

Terwagne a ingéré et rendu plusieurs pintes d'eau tiède. Son cœur bat moins fort. Matheline se redresse, sa robe et son davantiaux trempés, et interpelle le vicomte, petite vengeance aux lèvres.


Aidez-ma donc à la porter su' l'lit, au lieu de rester les bras ballants.

(1)penche la tête
(2)roule des yeux
(3)rumine
(4)rapproche la tête
(5)sot
(6)au tas de foin
(7)s'évanouir
( 8)faire du bruit
Walan
Walan avait relâché sa prise sur la dame de Thauvenay avec un mélange de regret et de soulagement. Regret de s'éloigner de celle qu'il allait peut être perdre, soulagement de voir que Matheline s'y connaissait apparemment suffisamment pour éviter ceci.

Si Sans Repos avait quelques connaissances médicales, essentiellement glanées via son activité de soldat et à la suite de batailles ainsi que pour avoir longuement fréquenté quelques physiciens -notamment Freyelda-, celles-ci consistaient dans les soins des blessures de guerre et celles occasionnées par les entraînement et manœuvres, ainsi que quelques bases sur l'usage des simples. Jamais il n'aurait été capable de reconnaître le poison en question, et encore moins de le traiter, ce qui semblait par contre être le cas de la domestique.

Par contre, il avait pleinement conscience, à en juger par la douleur fulgurante qui accompagnait le moindre de ses mouvements du bras pendant à son côté et qu'il supportait stoïquement, de s'être brisé la clavicule. Il avait défoncé la porte en frappant du côté sénestre, le bras d'écu, gardant ce réflexe de vétéran qui consistait à toujours avoir son bras d'épée libre et prêt à frapper.

Toujours est-il que le vicomte d'Ancelle et de Charpey observait, le visage redevenu impénétrable bien qu'il ne fasse guère de doute qu'il suivait l'évolution de la santé de Terwagne avec attention, la manœuvre de Matheline, qui faisait ingurgiter et régurgiter une quantité impressionnante d'eau lorsqu'elle lui lança une réflexion qui lui arracha malgré lui un léger sourire en coin.


Je crains de ne pouvoir faire autre chose que de garder ballant l'un d'eux, répondit-il calmement avant de se ravancer néanmoins pour se pencher vers la dame de Thauvenay et aider à la mener à son lit de son bras valide, réprimant une expression douloureuse alors qu'un voile rouge passait devant ses yeux lorsque ses mouvements ravivèrent la souffrance de son épaule.

Une fois placée sur le lit, Walan resta un moment le regard rivé sur le visage de Terwagne, avant de relever les yeux vers la domestique et de l'interroger.

Est-elle tirée d'affaire ?
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Terwagne
Inconscience :

La chaleur, de plus en plus forte...
Le noir, aveuglant, et le silence, assourdissant...

Etait-ce à cela que ressemblait la mort? Elle l'avait imaginée tellement différemment : glacée, bruyante aussi, à l'image d'une tempête de neige au milieu de laquelle s'entrechoqueraient des lames d'acier, une mélodie métallique, un vacarme à vous donner envie de hurler, un froid à vous geler les larmes au bord des paupières.

Mais non, il y avait juste le silence, la chaleur, l'obscurité...

Soudain, le silence se brisa, faisant place à une musique à la fois douce et brutale, une espèce de berceuse enivrante et effrayante à la fois ( Fond musical ). Elle vous donnait envie de vous laisser emporter sur la vague de ses notes, mais en même temps semblait vouloir vous rappeler que tout n'était que combat et lutte.

Au même moment, le noir sembla s'ouvrir, pour laisser apparaitre des nuances rouges, oranges, jaunes, qui explosaient en tous sens. Des flammes, cela ne pouvait être que le feu de l'enfer.

A moins que... Les flammes, celles qui avaient emporté Zeltraveller, celles qui lui avaient pris son premier amour, elles venaient accompagner son départ à elle comme elles avaient accompagné le sien! Oui, elle partait de la même façon que lui, pour aller le rejoindre... Ils allaient enfin se retrouver! D'ailleurs, petit à petit, une silhouette apparut au milieu d'elles, se détachant peu à peu pour s'avancer dans sa direction, en lui tendant la main et prononçant des mots que seul lui aurait pu dire.

"Ma jolie tempête. Que diable avez-vous encore fait?"


Zel... Enfin, je vous retrouve... Zel, mon Zel... Je vous retrouve, enfin!

Les mots franchirent ses lèvres, brisant l'agitation qui régnait dans sa chambre d'auberge, mais dont elle n'avait absolument pas conscience. Elle n'entendait que cette musique, et la voix de Zeltraveller. Elle ne voyait que lui, même plus les flammes, juste lui. Comme il était beau, plus beau encore que dans ses souvenirs, sa pipe au coin des lèvres, son regard souriant et chaleureux, comme sa voix... Pourtant, soudain, il cessa de sourire, et retira sa main, la poussant dans sa poche. Ensuite, il fit demi-tour, lui tournant le dos, retournant dans le feu, l'abandonnant avec quelques derniers mots :

" Fidèle à vous-même, ma Jolie Tempête, vous n'avez toujours pas cessé de "fuir le bonheur avant qu'il ne se sauve (Jane Birkin)"...
Alors, vous fuyez la seule vraie main tendue devant vous, le seul homme qui aujourd'hui veut votre bonheur. Celui qui peut l'être."


A nouveau le noir et le silence.

Ensuite, la musique qui reprend, et la pluie qui se met à tomber, inondant son visage. Un éclair ouvrant le ciel, le vent qui se déchaîne, et...


Hugo! Mon tout mon toi! Hugo!
Jamais tu ne me laisserais retirer ma main avais-tu dit! Jamais...


De nouveaux mots franchissant ses lèvres, retentissant contre les murs de la chambre, de façon brutale, teintés de colère.

Et lui, il la regarde froidement, comme impassible, insensible, là sans y être vraiment, la tête sans doute ailleurs, comme toujours, dans un quelconque dossier de la Cour d'Appel. Elle voudrait se lever, se jeter contre lui, le supplier de redevenir celui qu'elle avait rencontré, lui dire qu'elle ne comprend pas, qu'elle l'aime, qu'elle se sent perdue sans lui.

Sans un pas vers elle, il finit par lui répondre :

"Je ne t'ai pas laissé retirer ta main, Terry, j'ai retiré la mienne.
Ce n'est pas toi qui es en cause, c'est moi qui ai cessé de t'aimer.
Je ne t'aime plus... Déteste-moi, je le mérite... Je ne t'aime plus..."


Les larmes jaillissent à nouveau sur ses joues, tandis qu'un cri muet voudrait exploser son coeur et que le froid lui glace le sang dans ce corps brûlant de haine.

Parce que oui, à cet instant précis, elle le hait! Elle voudrait qu'il disparaisse de sa mort comme il a choisi de disparaitre de sa vie! Qu'il quitte ses souvenirs comme il a décidé de quitter son futur! Qu'il la laisse mourir ou vivre en paix, peu importe, mais qu'il disparaisse de sa tête! Elle voudrait ne plus savoir qu'il existe, qu'elle l'a connu et aimé, qu'elle l'a pleuré, qu'elle l'a souffert.


Pars! Va-t-en!!!!! Je te hais!!!

Un hurlement... Ce fut un hurlement, associé à un redressement violent de son corps, en position assise, ses yeux s'ouvrant brusquement sur le vide qui s'y trouvait. Ensuite, un retour aussi brusque à l'inconscience, couchée et tremblante, murmurant des choses pratiquement incompréhensibles.

Ni vivant, ni mort...
Ni passé, ni futur...
Ni demain, ni hier...

Tu n'as rien à faire ici, Hugo, plus rien à faire ici...
Je ne te veux plus ni dans ma vie, ni dans ma mort...
Tu n'es plus rien, je ne veux plus...


Hugo reste là. Il ne bouge pas... Ne s'avance pas, mais ne recule pas... Il est là, devant ses yeux, lui bloquant le passage... Elle ne peut pas regarder vers l'endroit où Zel est apparu tout à l'heure, mais pas non plus chercher la sortie de cet endroit où elle se sent si mal.

Dans un nouveau hurlement, elle se redresse à nouveau, le pousse violemment, l'éjecte de son univers inconscient, le chasse de son combat, l'envoie dans l'oubli.


Tu n'existes plus!!!! Plus jamais, nulle part!!!!

La voix de Zel réapparait, brièvement, dans un souffle tiède et une odeur d'herbe mouillée, comme après un orage.

"Ne fuyez plus le bonheur, Jolie Tempête. Je veux vous savoir heureuse.".

Alors, soudain sereine, comme on peut l'être après avoir remporté un combat dont on pensait ne jamais voir l'issue, elle ouvre les yeux, et cherche le visage du bonheur possible. Il est là, penché au-dessus, d'elle, entouré de gens qu'elle ne connait pas, mais dont elle n'a cure.

Lui est là, et peu lui importe le reste...


Mon bonheur possible... Je ne te fuirai plus.

Elle ne trouva rien d'autre à lui dire, mais cela était-il nécessaire? Ces quelques mots résumaient à eux seuls bien des choses, qu'il comprendrait ou pas, mais qui étaient en tous cas la révélation de ce sur quoi elle avait fermé les yeux bien trop longtemps.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
--Matheline
Je crains de ne pouvoir faire autre chose que de garder ballant l'un d'eux.

Pfff ! Faut toujours que ça se plaigne, les hommes ! C'est fort comme un Turc, et ça trouve moyen de laisser le pov' monde faire tout le boulot. M'enfin bon... On arrive tout de même à hisser la Thauvenay sur le lit, et Matheline trouve même un semblant de compassion pour la recouvrir d'un drap, dégager son visage des cheveux qui le voilent. C'est qu'elle n'est pas vilaine, même avec son teint de moribonde.
Matheline sent que le vicomte l'observe, se relève tout à trac.


Est-elle tirée d'affaire ?

Ah ben...

Oui, elle est probablement tirée d'affaire. Mais pourquoi l'annoncer tout de suite ? Une lueur perverse passe dans l'œil sombre de Matheline.

Ah ben ça, seul le Très-haut pourrait le dire. En attendant, vous voyez ben qu'elle bouge 'core.


Ça, pour bouger, elle bouge. Elle s'agite pis que feuille en octobre, et se met à raconter des choses si intéressantes que Matheline, au prétexte d'éponger le front de sa patiente, qui n'en a nul besoin, s'assoit, l'oreille aux aguets.

Zel... Enfin, je vous retrouve... Zel, mon Zel... Je vous retrouve, enfin!

Sourire mauvais aux lèvres, elle tente de lire sur le visage du vicomte l'effet que ça lui fait. Ah ben ouiche ! Pour lire quelque chose sur cette face de bois, faudrait se lever de bonne heure ! Pis qu'un de ces cailloux immondes que mangent les Bretons, qu'il est. Des "huit", ils appellent ça. Ben le Walan, l'est comme une "huit". Plus fermé que la bourse au Clérel(1).

Hugo! Mon tout mon toi! Hugo!
Jamais tu ne me laisserais retirer ma main avais-tu dit! Jamais...


Norf de norf ! La v'là qui huche le nom de Messire d'Angillon, à c't'heure ! Et le vicomte qui est toujours là !

Allons, allons, mon petit. Tout va bien. Heulà !!!


Pars! Va-t-en!!!!! Je te hais!!!

Dame Terwagne s'est redressée assise dans le lit, manquant au passage d'en faire tomber Matheline. Celle-ci se tourne de nouveau vers le vicomte, laisse tomber d'une voix faussement compatissante.

Faut pas faire mine ni point baufuter(2), Messire Vicomte. L'a point toute sa tête, p't'êt' qu'elle vous hait pas tant que ça, qui sait ?


Matheline force Terwagne à se rallonger, joue les indispensables, des fois qu'on déciderait de la faire sortir de cette chambre où, au fond, elle n'a plus rien à faire. Elle tend de nouveau l'oreille, essaie de discerner les morts de la malade. Elle comprend qu'elle parle de Hugo, encore et toujours, et sent une bouffée d'espoir lui monter à la tête. Tant qu'elle en aura après son Hugo, le Meyrieux peut se lasser, et se rendre compte que Matheline, c'est pas qu'une planche posée dans un coin.
Elle se relève, s'approche de Walan, sourire mielleux aux lèvres. La voix de Terwagne la fait sursauter.


Tu n'existes plus!!!! Plus jamais, nulle part!!!!

La voilà de nouveau assise. Matheline n'a même pas le temps de la recoucher qu'elle le fait d'elle-même.


Mon bonheur possible... Je ne te fuirai plus.

Norf de norf ! Avec un peu de chance, le vicomte n'a pas entendu. C'est lui que Matheline regarde, maintenant, plus la malade, dont elle sait pertinemment qu'elle va se remettre, vu le traitement qu'elle lui a fait subir.
Matheline fronce les sourcils. Elle s'aperçoit soudain que Walan se tient une épaule nettement plus basse que l'autre, et que son bras gauche pend effectivement à son côté, inutile.


Dites donc, vous ! Pour de sûr qu'il est dégarcillé(3), vot' bras. Faites voir donc ça, tant qu'chuis icite.


(1)Thomas de Clérel, ancien duc de Berry, à la solide réputation de pingre.
(2)critiquer
(3)abîmé
Walan
Cris, murmures incompréhensibles, agitation avaient suivi la réponse de Matheline à son interrogation. Walan n'avait pu empêcher une ride d'inquiétude d'apparaître sur son front, se demandant si le poison avait raison de l'esprit de la dame de Thauvenay juste avant de la terrasser.
Puis il compris que la jeune femme s'était -elle aussi- retrouvée plongée dans des souvenirs d'une réalité visiblement stupéfiante.

Le vicomte avait suivi ce qui avait tout d'un délire sans bouger, ne faisant guère attention à la domestique, à ses sourires, ses regards ou ses paroles. Il gardait les yeux rivés sur Terwagne, cherchant à déterminer la cible de ces cris de haine et d'oubli, à quels démons de son passé elle faisait face. Etant donné ce qu'elle lui avait révélé sur ce dernier, le vicomte d'Ancelle avait sa petite idée sur le sujet, mais ne pouvait de s'empêcher de se demander si ces souvenirs n'allaient pas faire perdre la raison à la jeune femme.

Un fin sourire fini par apparaître sur les traits de Sans Repos lorsqu'il entendit la Tempête prononcer ces mots qui, il le savait au regard qu'elle lui adressait, lui étaient bel et bien adressés d'un air on ne pouvait plus sain d'esprit. S'approchant du lit, non pas en réponse à la demande de Matheline -à qui il adressa néanmoins un signe de tête en guise d'autorisation pour examiner son bras et de remerciement pour ceci- mais pour s'asseoir auprès de la dame de Thauvenay, dont il prit la main entre ses doigts rendus calleux par le métier des armes avec une tendresse néanmoins indéniable.


Vous m'en voyez ravi dame, dit-il à mi-voix avec petit sourire en coin, car il m'aurait été fort compliqué d'être sans cesse à la poursuite d'une tempête.
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Terwagne
A peine avait-elle murmuré les quelques mots que ses lèvres avaient bien voulu laisser sortir, qu'elle sentit la peur l'envahir, et se mit à trembler de tout son corps.

Qui était cette femme aux côtés de Sans-Repos, qui lui parlait de son bras en le regardant de façon étrange, avec le même genre de regard que Horvy devant Ysandre de Mistra, la bave lui coulant le long du menton?

Et cet homme en retrait près de la porte? Qui était-ce?

Pourquoi se trouvaient-ils là tous deux?

D'ailleurs, à bien y réfléchir, où se trouvait-elle au juste? Pourquoi était-elle dans cet état? Et cette odeur répugnante, d'où venait-elle? Pourquoi le Vicomte d'Ancelle donnait-il l'impression d'être à son chevet plus que tout autre chose?

Alors qu'il prenait place à ses côtés, elle chercha des réponses dans son regard, un sentiment quelconque qui aurait pu l'éclairer quelque peu sur ce qui venait de se produire... De la peur, du soulagement, de l'inquiétude, de la colère, du réconfort? Une de ces choses lui aurait au moins donner un petit indice, une piste pour tenter de comprendre, de se souvenir... Mais il n'y avait rien! Absolument rien!

Dans d'autres circonstances, cela l'aurait sans doute énervée, l'aurait faite pester intérieurement sur lui et son côté marbre, mais pour l'heure, cela la fit se sentir encore plus perdue au milieu de son océan d'incompréhension.

Tandis qu'elle sentait la peur devenir encore plus grande, il enroula sa main dans ses doigts, avec une chaleur qu'elle ne lui connaissait pas - du moins il ne lui semblait pas - et lui adressa quelques mots à voix basse, en souriant faiblement. Ce sourire aussi, elle aurait aimé pouvoir l'analyser, en comprendre la raison...

Etait-il seulement la conséquence de l'aveu qu'elle venait de lui faire dans un souffle? Ou plutôt une espèce de gêne devant tout ce que ses yeux à elle avaient envie de lui dire, et qu'il tentait de dissimuler de la sorte? Ou encore autre chose qu'elle ignorait? Ces questions la rendaient nerveuse, mais moins que la sensation de peur qui lui tiraillait le coeur et le corps.

Elle se sentait perdue comme une naufragée qui vient d'échapper à la mort, avec la terre en vue, une plage pas très loin, à quelques mouvements de bras à peine, mais au milieu d'un paysage totalement inconnu, avec des silhouettes qui ne lui disaient rien. Le seul repère qu'elle pouvait avoir, c'était un phare.

Et en cet instant précis, pour Terwagne, le phare c'était Walan.

S'accrochant à son faible sourire et à la chaleur de sa main, elle lui demanda de faire sortir les autres personnes présentes. Elle avait besoin de calme, mais aussi de réponses à son incompréhension.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Walan
Avec un bref sourire d'excuse, Walan fit signe à Matheline de s'approcher tout en expliquant rapidement à voix basse à la dame de Thauvenay qu'il risquait de finir par s'évanouir s'il ne se faisait pas arranger rapidement l'épaule qu'il s'était brisée.

Il pressa la domestique de faire au plus vite, restant assis auprès du lit et gardant ses doigts dans ceux de Terwagne, exception faite des moments les plus douloureux où son visage se crispa en un rictus ne faisant guère de doute sur l'intensité de la souffrance et où sa main valide agrippa fermement les draps. Sans Repos supporta silencieusement, la mâchoire néanmoins particulièrement crispée, les soins de son infirmière de fortune, bien que sa conscience sembla dangereusement vaciller tandis qu'elle lui tirait sur le bras pour remettre l'os convenablement.

Une vingtaine de minutes plus tard, et après qu'il ait faiblement mais fermement et poliment signifié à Matheline qu'il ne comptait pas se dévêtir pour le moment et que le bas de son dos n'avait aucun besoin d'être ausculté par ses mains quelques peu baladeuses, le vicomte d'Ancelle finit donc par remercier -dans tous les sens du terme- la domestique.

Libéré de la violente douleur, son bras gauche désormais maintenu par un bandage formant un huit dans son dos et lui passant sous les deux aisselles -et effectué pour le moment par dessus ses vêtements, au grand damne d'une Matheline qui aurait visiblement bien aimé voir un vicomte torse nu-, Walan si concentra alors exclusivement à répondre aux questions qui lui posait la dame de Thauvenay avec, en guise d'introduction, une nouvelle remarque faite avec un fin sourire.

Vous pourrez vous vanter de nous avoir fait peur, aujourd'hui.
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