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[RP] A la croisée des chemins

Gloria.
Il arrive toujours un jour où l'enfant veut savoir. Il aura fallu du temps et du courage à Gloria pour se décider à se lancer devant la mère supérieure du couvent qui l'a vu grandir. Bientôt quinze ans, l'âge où les jeunes filles qui ne choisiraient pas de consacrer leur vie au Très Haut devraient plier bagages et mener leur vie seule. Si ce dernier détail angoissait maintes d'entre elles, Gloria ne semblait pas apeurée de ce choix, persuadée qu'Aristote et les saints veilleraient sur elle tant qu'elle cultiverait sa foi.

Héloïse, la mère supérieure en savait certainement davantage qu'elle ne le laissa penser. Gloria, proche de sa sortie définitive, insistait de jour en jour pour glaner des informations sur une éventuelle famille qui l'attendrait hors du couvent. Mais les nouvelles ne furent guère enthousiastes.

Gloria se chargea d’aller au marché du village voisin avant le déjeuner afin de prendre l’air et d’encaisser le choc de la révélation.


"C’est un jeune garçon qui t’a amené au couvent. De longs sanglots coulaient sur ses joues tandis qu’il te tendit à moi. Il insista sur le fait que tu devais être bien traité et que tu devais garder ce bijou pour que “qui de droit” puisse te reconnaître…"

A ce songe, la main délicate de la jouvencelle vint se poser contre son poitrail là où, dissimulé sous l’étoffe religieuse, pendait un anneau de métal.

“A quoi ressemblait ce garçon?
Oh...Il était brun comme un corbeau et en tenue de combat.
A-t-il dit autre chose?

Mère Héloïse, s’il vous plait…
Je dois rentrer au camp, je dois enterrer maman.


Les grands yeux noirs s’embuèrent spontanément à cette dernière phrase résonnant dans son esprit. Le coeur serré, les doigts se crispèrent légèrement sur le tissu près du palpitant soudainement pincé. Il fallut quelques secondes à Gloria pour que la douleur ne passa et qu’elle reprenne son cheminement calmement.

Une bonne demi-heure plus tard, elle se trouvait devant le maraicher qui la dévisagea. Les joues légèrement comprimées dans le voile religieux, l’arrondi du visage de la demoiselle était accentué par les contours du tissu porté. Ses cheveux recouverts de la racine aux pointes, on ne devinait sa blondeur qu’à la pigmentation de sa ligne de sourcils.

Vêtue d’un habit immaculé marquant son appartenance au couvent du coin, il fallait être des environs pour savoir que cette tenue était réservée aux orphelines recueillies par les religieuses. Usant de politesse et de courtoisie, malgré la peine qui alourdissait ses pensées, Gloria remplit son panier de légumes de saison puis rebroussa chemin sans plus d’attention.

La anse de son large panier en osier bien garni coincé dans l’articulation gauche et un bâton de marche au poing droit, la svelte silhouette regagna d’un bon pas son établissement. Ses obsidiennes observaient le paysage murissant et reposant de ce début de printemps. Les rayons de soleil dardaient les champs avoisinants de leur douce chaleur, éblouissant la vue à son zénith.

Les enjambées longeaient le petit fossé bordant la route des champs de blé. Bientôt, et par habitude, la jeune fille le savait, allait se présenter un croisement boisé entre le chemin peu fréquenté menant au couvent et la continuité de la route marchande, laquelle Gloria en avalaient les mètres depuis un bon quart d’heure.

Inconsciemment, son pas accélera sans pour autant qu’il n’y ait de signes d’alertes dans les parages. Encore quelques foulées et là voilà, entamant le sentier bordé de part et d’autre de hauts arbres courbés telle une arche au-dessus de sa tête. Le regard de la jouvencelle scruta avec attention les alentours, ceux-ci semblant désert. Elle tendit l’oreille de longues secondes avant de venir poser son lourd panier au pied d’un tronc, se sentait définitivement isolée.

Saisissant son bâton de marche à deux mains telle une épée longue, les poulaines crissèrent sur le sol gravilloneux quand elle exécuta une fente avant droite. Les pans de la robe s’étirèrent dans l’écart de jambes.


“En garde, mécréant! Et que le Très-Haut guide mon bras!”

En garde face à un imposant tronc d’arbre qui lui servait d’ennemi, la demoiselle rassembla toutes ses idées noires sur la cible et engagea le combat. Elle frappa encore et encore, flanc gauche.

“Etait-ce mon ainé ce jeune soldat larmoyant?”

Taille au flanc droit.

“Mère est-elle vraiment décédé en couche ou n’est-ce qu’une excuse?”

Reprise de garde.

“De toute façon, moi aussi, je serai un soldat...”

Coup d’estoc.

“Et je retrouverai ce ‘qui de droit’ “

Penchée en avant, une main sur sa gorge, l’autre maintenant le bâton-épée pointe au sol, Gloria inspirait et expirait à plein poumon. Quelques boucles blondes s’échappaient de sa coiffe blanche tandis qu’elle reprenait son souffle en chassant sa myriade de pensées.


“Je servirai Aristote et la Reyne...”

Souffla-t-elle entre deux respirations, persuadée de sa destinée.
Siegfried_fechter
De profundis clamavi

    Il y’a de cela quinze ans. Là où la terre pue le sang et l’acier. Sous une égide faite de lin que les rayons d’un soleil qui s’éteint peinaient à traverser, se tenaient deux figures.

      - Ce n’est pas grand-chose, je sais. Mais j’aimerais que tu gardes cela avec toi, comme une promesse…


    Quinze longues années. C’était il y’a si longtemps, mais le souvenir était encore gravé dans sa mémoire. Frais comme au premier jour, suppurant comme une plaie, s’immisçant dans les chairs de sa poitrine comme une dague acérée qui serait trop douloureuse à retirer. Quinze longues années…

    Le jeune homme, maintenant ayant la quarantaine bien entamée, avisait d’un œil torve le reflet d’un rayon de soleil sur la lame d’un petit couteau. Il n’avait rien de particulier, il n’était ni gravé ni particulièrement bien ouvragé. Mais de mémoire d’homme, Siegfried n’avait plus jamais été vu sans depuis ces quinze dernières années.

    Le soleil d’un été naissant le frappait durement, les années n’ayant pas facilité l’adaptation au climat de la France qui lui était tropical. Le chant d’insectes qui se réjouissaient de la période chaude, les blés qui se dressaient haut et fiers, transformant les champs en de véritables labyrinthes où il n’était jamais bon de se perdre.

    La route de terre soulevait de la poussière, le pas Trencedur se firent rapidement trot. Toujours aussi mauvais cavalier malgré des années de pratiques, Siegfried se contentait de diriger d’un mouvement de rênes tout en maintenant un trot assis, la réelle et seule technique de monte qu’il connaissait et maîtrisait un tant sois peu. Il portait non pas son armure, cette dernière était empaquetée derrière la selle, sur la croupe du colossal cheval, mais un épais et élégant gambison avec des chaînes-de-jacques qui avaient été finement ouvragées. Une tenue de voyage qui assurait une protection confortable a défaut d’être parfaite. Sur la tête, il portait son éternel chapeau de lansquenet.
    Alors que les sabots de Trencedur soulevaient de la terre une poussière fine, brune, le cavalier aperçut au loin les signes de civilisation. Un clocher.

    D’un mouvement de bride, d’un coup d’éperons un peu mal mesuré dans les flancs de sa monture. Ils partirent en demi-galop, le cheval montrant à nouveau son désaccord prononcé d’un mouvement de tête et d’un hennissement marqué. Deux tapes réconfortantes sur l’encolure et un « Przepraszam Trencedur. » eurent temporairement raison de la vexation équine.

    Il manqua probablement d’écraser quelqu’un sur la route, un homme qui partait au champ pour continuer le travail de la récolte après le repas, une femme avec ses enfants qui lui lancèrent un cri de protestation dans un patois que le cavalier ne comprenait pas.

    Mais c’est sans grand mal qu’il arriva dans le village. Modeste, paysan, humble et surtout, franc. Le genre de villages qui lui plaisait tant. Loin de la ville, loin de la vie moderne des cités fortifiés. Non, une simple bourgade qui vivait presque en autarcie et en paix. Se présentant au Bailli et remettant Trencedur a l’écurie du village pour un traitement de roi. Il parti en quête d’un repas et de quoi refaire ses provisions et pour ça. Rien ne valait un bon marché bien vivant.

    Et en cette période estivale, là où les greniers sont remplis à ras-bord de nourritures, n’importe quel homme aurai pu y trouver son bonheur. Viande séchées, légumes, fruits, du bon pain encore tendre. Ne manquerait-il pas l’odeur des épices d’un marchand berbère ou ottoman que l’on aurait pu se croire en Italie.

    Faisant preuve de faste, il s’offrit un pain blanc, de la viande séchée ainsi qu’un peu de fromages, ainsi qu’une liste de provisions qu’il voulait prêtes avant la tombée de la nuit, mains graissées et bourse délestée de quelques écus et l’affaire était dans le sac.

    Alors qu’il croquait dans une pomme bien trop juteuse pour être mangée sans donner une odeur sucrée a sa barbe, une jeune femme manqua de le bousculer. Une tenue blanche digne d’une bonne sœur. Un je ne sais-quoi d’étrange dans la corpulence, comme si le corps avait grandi trop vite, trop haut. Il retroussa le nez et n’en pensa rien.

    L’épée à la ceinture, il décida de partir se balader un peu, le chapeau à bords larges protégeant son visage d’un soleil qui lui semblait bien cruel. Une pomme dans la main mutilée, l’autre reposée sur le symbole de son statut, son épée longue qui pendait à sa ceinture dans un long fourreau. Fredonnant, il essayait d’avoir le cœur léger.

      - Kur tu augai tarp balių, tarp šių žalių samanų, Ei ei ajajaj, tarp šių žalių samanų ?*

    Sa voix était grave, rauque. Alors qu’il marchait, entrecoupé par des reprises de souffle, des croquements de pomme et il s’arrêta à plus d’une reprise pour regarder le village, repensant à la vie qui lui avais été volée, là-bas, où le froid règne.

    Il croqua dans le trognon en grimaçant, ouvrir trop la bouche tirait sur l’atroce balafre qui défigurais la partie gauche de son visage. Les années n’avaient pas été tendres avec lui.

      - En garde…


    Clac. Qu’étais-ce ?

      - … Jeune soldat…


    Clac. Une voix de femme ?

      - … Qu’une excuse…


    Thunk. Siegfried tourna la tête vers la provenance du son et s’en approcha, silencieux malgré la chaine-de-jacques et l’épée qui frappait contre sa cuisse. Il s’arrêta un peu en hauteur pour retrouver cette jeune femme qui l’avait bousculé, armée d’un redoutable bâton.

    Elle tenait l’épée pointe vers le sol, l’autre main sur sa gorge. De sa coiffe pendait une boucle blonde, le souffle rauque par l’effort et une phrase. S’échappa.

      - Je servirai Aristote et la Reyne…


    L’homme ne put retenir un léger rire, appuyé qu’il était contre un arbre avec sa pomme dans la main. Il haussa un peu la voix.

      - Les ennemis de la reine sont plus coriaces que des arbres, jeune fille. Dit-il en se repoussant de l’arbre d’un mouvement d’épaule. Et ce n’est certainement pas avec un simple bâton que tu y parviendras. Il s’approchait d’elle, avec un visage qui transpirait de cette rigueur prussienne d’avant-garde, l’œil dur, disciplinaire. Tu portes une tenue de bonne-sœur. Dit-il avec un air un peu dur. Echappée d’un couvent peut-être ? Se demanda-il avec son accent slave. Qu’importe, où sont mes manières ? Il s’inclina brièvement. Siegfried Fechter, de l’ordre du corbeau. D’un mouvement répété des centaines de fois, il détacha son fourreau de sa ceinture et s’approcha d’elle, pommeau pointée vers la jeune fille. Essayez avec ça, on verra si vous êtes capable de tenir votre serment.



Citation:
Note du traducteur :
- De profundis clamavi : Des profondeurs, je pleure. (Latin)
- Kur tu augai tarp balių, tarp šių žalių samanų, Ei ei ajajaj, tarp šių žalių samanų ? : Oh chère mère, pourquoi m'as tu élevé ? Pourquoi m'as tu élevé et envoyé à la guerre ? (Lithuanien)

_________________
Gloria.
Gloria ne savait pas se ménager dans l'effort ni maîtriser ses coups. Elle ne contrôlait pas l'impact du bâton sur l'ennemi fictif. Elle envoyait valser son arme improvisée, se laissant même souvent emporter par l'élan. Ses fentes n'étaient pas stables et sa garde trop ouverte. La jouvencelle haletait, courbée près du tronc qu'elle venait de malmener maladroitement quand une voix rauque l'a surpris. La personne dans son dos avait été assez discrète pour l'espionner au moins les dernières minutes d'assaut pour répliquer de la sorte.

Gloria lâcha aussitôt le bâton comme pour nier les faits et recoiffa chastement ses boucles dans son voile blanc tout en se retournant. Elle observa son interlocuteur tandis que sa carrure massive se décollait d'un arbre. Il était très grand et bien charpenté, le genre de nature peu commune. D’ailleurs, c’était la première fois que la jeune fille voyait une taille aussi haut. Il aurait pu sembler menaçant avec ses traits raturés mais il était trop bien habillé pour qu’elle ne le prit pour un brigand. Il avait l’oeil froid et dur, de sorte que les obsidiennes ployèrent à leur croisement. Par politesse, Gloria ne chercha pas à l’interrompre et par courtoisie, elle ne rectifia pas son jugement. Il finit par se présenter et la jeune fille en fit de même, inclinant timidement du chef, elle répondit de sa voix chaude:


"Gloria, mess..."

A peine eut-elle le temps de lui répondre que ce dernier lui tendit son épée. Les joues de la jouvencelle s'empourprèrent d'une certaine gêne tandis que ses iris de jais détaillèrent l'arme avec fascination. Gloria n'avait jamais tenu de vraie épée dans sa main. Depuis toujours, ses combats n'étaient que fictifs, l'ennemi résidait en un tronc d'arbre plus ou moins gros et le fil de son épée n'était faite que de bois. Tout d'abord, elle hésita mais bien vite l'envie fit taire la politesse maladive pour s'emparer du pommeau. Comme elle avait l'habitude de saisir son bâton de marche, elle prit l'arme entre ses deux mains fines et laiteuses. La demoiselle écarquilla les yeux, surprise du poids entre ses paumes. Même si l'épée devait être de très bonne facture, elle demeurait bien plus lourde que son bâton. Penaude, elle redressa son regard sur les traits austères et déformés de Siegfried, attendant le moindre accord de sa part pour utiliser la lame ou pour lui la rendre. Mais puisqu'elle se pensait en position de force, arme au poings et se permit de questionner:

"Vous êtes un Chevalier, messire Fechter?"
Siegfried_fechter
      - Rycerz* ? S’étonna-il un instant avant de rire un peu. Nie, rien de tel, jeune fille. Répondit-il.

    L’homme croisa les bras sur son imposant poitrail en jaugeant cette jeune fille. Pas tant sa façon de tenir l’arme, non. Ni la façon qu’elle avait de se camper sur ses appuis, pas même la posture de ses épaules et de son bassin. Rien de tout ça, non.

    C’étaient ces deux yeux. Ces pierres de jais qui siégeaient dans un crâne trop innocent. Ces deux abîmes qui s’éclairaient d’une flamme passionnée et dévoraient l’acier de sa lame comme les langues de feu de la pentecôte, comme si elle était animée par le saint-esprit. Mais ces yeux, si particuliers le captivèrent un instant, il inspira puis détourna le regard dans un geste de pudeur. Relevant le visage vers le ciel, il crut l’espace d’un instant apercevoir un quelconque oiseau de proie les survoler. Un gerfaut, un faucon, un aigle ou une corneille peut-être.

    Il secoua la tête l’espace d’un instant, comme pour chasser un frisson et empêcher le couteau de se frayer un chemin vers son cœur en profitant d’un moment de faiblesse. Se pivotant vers la jeune femme, Siegfried la dévisagea un instant.

      - Je suis un ancien lansquenet, un soldat professionnel que l’on retrouve en Empire. Annonça-il avec un mouvement de main. Je suis actuellement membre de l’ordre du corbeau mais je n’ai pas encore eu l’honneur d’être fait chevalier. Bien que je ne manque guère d'expérience, je dois faire mes preuves.


    Ses iris dont le vert émeraude s’était terni avec l’âge la dévisagèrent, elle avait un je-ne-sais-quoi qui lui intimait l’ordre de la prendre sous son aile. Une force inconnue qui le poussait, le destin peut-être, sous les aruspices d’un oiseau de proie qui se riait de la situation ? Siegfried ferma un instant les yeux et soupira longuement.

    Et d’un geste circulaire de la main, il l’enjoignait à poursuivre.

      - Si tu veux apprendre à utiliser une épée, tu dois d’abord savoir comment se donne un coup. Dit-il d’une voix froide et autoritaire. Tu frappes avec ton bâton comme un ivrogne bats sa mule trop fatiguée par le travail au champ ou un enfant tentant de frapper un chien sauvage. Aucune forme, aucune technique, juste de la force brute. Ce n’est pas une barre de fer que tu tiens en main jeune fille. C’est une épée, une arme raffinée qui demande beaucoup de finesse.


    Les mains du lansquenet se joignirent dans son dos, il avait un je-ne-sais-quoi de moderniste. Instructeur militaire, maître d’armes, bailli, un étrange et hétéroclite mélange de ces trois fonctions qui l’aidaient à prendre un air autoritaire que sa gueule renforçait. Cependant, le langage corporel était clair, le poméranien s’était fait professeur improvisé.

      - Tes grands mouvements te laissent ouverte a n’importe quelle contre-attaque, tu veux apprendre à utiliser une arme, Gloria ? Très bien. Affirma-il avec un air froid, suivant cette étrange force qui le poussait et qui faisait se gausser l’oiseau de proie qui les survolait. Privilégie la vitesse a la force, les meilleurs combattants sont ceux qui font les gestes les plus courts et les plus rapides ! Clama-il. Campe-toi bien sur tes jambes, ta jambe maîtresse, c’est-à-dire celle qui est liée à ta main dominante, en avant et l’autre, en arrière, dans un angle droit un peu décalé afin d’avoir les hanches libres et une bonne position de base. Ensuite, essaie d’aligner le tranchant de l’arme avec l’angle de ta frappe et lance une attaque, rapide, avec les mouvements les plus courts possibles. Sans y mettre trop de force, tu utilises ton bassin, ton dos et tes bras pour frapper. Essaie sur cet arbre, que je voie si on peut faire de toi un serviteur du Très-Haut et de la Reine.


    D’émeraudes plongeant dans le jais sous les augures d’un oiseau de proie. La première leçon allait commencer. A la croisée des chemins, l’ancien lansquenet rencontrait sa gloire.


      Citation:
      Note du traducteur :
      - Rycerz ? [...] Nie [...] : Chevalier ? [...] Non [...]

_________________
Gloria.
Tout allait beaucoup trop vite pour la jouvencelle. Elle, qui , il y a quelque instants à peine, s’en retournait au couvent, s’essayant à des fantaisies chevaleresques au détour d’un sentier, se retrouvait maintenant avec une véritable épée entre les mains. Les Saints avaient-ils décidés de réaliser ses voeux en plaçant cet étranger austère sur son chemin? Gloria ne comprenait pas grand chose de ce que lui disait ce lansquenet tout droit venu d’on-ne-sait-où avec un accent à trancher au couteau. Mais elle n’allait pas laisser filer sa chance et écoutait attentivement ses conseils jusqu’au bout. Jusqu’à cette fameuse phrase, lancée comme un défi, qui l’a pris aux tripes.

Ragaillardie par cette provocation, il était temps de mettre en oeuvre cette pléthore de recommandations. De prouver qu’elle était digne de s’armer pour le Très-Haut et la Reyne. Les sourcils blonds se froncèrent entre la colère et la concentration. Les obsidiennes s’embrasèrent d’une détermination non feinte. En inspirant profondément, elle se repassa toutes les règles listés par le slave. Tout d’abord, elle referma ses jambes, prit appui sur la droite et plia légèrement les genoux afin d’être stable mais souple dans sa posture. Ce n’était pas une pose dont elle avait l’habitude, plutôt raide dans ses mouvements, il lui fallait gagner aisance et mobilité. La demoiselle testa sa décontraction en faisant vaciller son bassin. Les pans de sa robe de religieuse suivèrent le mouvement sans que le tissu ne marque de trop les hanches en floraison.

Quand Gloria sentit que sa position fut bonne, elle leva l’épée tenue entre ses deux paumes face à elle. Verrouillant les coudes pour supporter le poids de l’arme, elle se rendit aussitôt compte que sa posture l’aidait beaucoup et qu’elle avait besoin de bien moins d’effort pour la maintenir. Le fil de l’épée proche du bon axe, ses iris de jais fixèrent le tronc ennemi. Il fallait un coup court et rapide. Quelque chose de sec et non de brutal. Le tranchant ferait le reste du travail.

Campée sur ses appuis, Gloria s’étira avec vitesse et au lieu de lancer son bâton, accompagna l’arme contre le flanc de l’arbre dans le prolongement de son bras. Les gestes n’étaient pas naturels mais leur harmonie semblait plus facile. La lame taillada l’écorce comme du beurre et la jeune fille fut surprise de la marque. D’habitude, son arme factice prenait plus de dégâts que sa cible. C’était un véritable progrès par rapport aux premiers coups mais la préparation avait été longue. C’était toute une découverte pour Gloria, une nouvelle prise en main à adopter, toute une gestuelle à adapter. La chorégraphie manquait de flexibilité mais le résultat lui convenait déjà. Mais qu’en était-il du professeur improvisé?

Les pupilles luisantes roulèrent vers ce dernier et avant même qu’il ne réagisse, Gloria s’élança de nouveau contre le tronc. Elle s’exerça à gagner en rapidité mais plus elle gagna en vitesse plus elle perdit en équilibre. Après de longues secondes de duel contre l’écorce, tandis que celle-ci se dénudait un peu plus à chaque coup, la posture ne fut plus d’équerre. Mais au lieu de la rajuster, la demoiselle fit l’erreur de puiser dans la maigre puissance de ses bras pour combler le manque. La dernière estocade ne ressemblait plus à grand chose désormais. Les joues rouges d’effort et les bras tétanisés, elle maintenue à bout de force l’arme entre ses doigts aux jointures blanchies. Son souffle était lourd et entre ses lippes entrouvertes, sifflait l’air inspiré. Si les épaules s’étaient recourbées sur le reste de son poitrail, la tête demeurait droite et les obsidiennes se braquèrent dans les émeraudes du juge et maître de son destin.
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