Tigist
Bordeaux, avril 1467♫
« Misere j'ai trop de souvenirs extraordinaires pour supporter cette vie merdique »
Une rencontre en taverne inopinée alors même que tout la poussait à quitter la Guyenne en désespoir d'ennui. Une bourrasque rousse vieille de plusieurs vies s'est engouffrée par les fenêtres bordelaises.
Nulle doute que ces deux-là ont des choses à se raconter ne serait-ce que pour égayer les flambées de mai à venir. Plus l'âge de porter de virginales couronnes de fleurs, pas moins celui de souffrir des derniers frimas englouties sous une fourrure devant un feu rugissant. Entre deux âges, et pourtant, des années de mémoire pour l'une et l'autre.
D'ordinaire accoudée à la fenêtre à deviser avec des âmes parties trop tôt ou à des étoiles muettes, l'éthiopienne tapote du bout des doigts sur le bord du siège où elle s'est assise avant que de changer de place pour la énième fois.
« Z'avez des vers qu'on dirait. Pis que la p'tite ! »
A la nourrice exténuée, elle jette un regard peu amène avant que de pousser un profond soupir.
« Mais si je ne savais plus comment on fait ?
- On oublie pas qu'on a une âme.
- Facile à dire. »
La cause de son appréhension ? Tigist a passé les derniers mois de cette vie en quasi-recluse entre les quatre murs de l'appartement ou bien sur les routes, protégée par les ombres de Gabriele et Jurgen qui ont toujours su s'accommoder de son mutisme ou de ses désertions. Mais inviter une presque inconnue chez elle pour deviser de choses et d'autres, comme le ferait une nantie, c'est déjà passé le cap d'accepter de frayer avec d'autres gens.
En d'autres termes : Tigist ne sait pas se faire d'amis et n'a jamais eu à s'en faire, puisqu'ils lui sont tombés dessus majoritairement.
Excédée contre elle-même, elle se lève d'un bon pour aller replacer sur le banc-coffre les coussins moelleux, comme si le geste pouvait suffire à apaiser ses craintes. D'un regard circulaire, elle avise la pièce qu'elle a su rendre plus vivante qu'auparavant.
L'appartement cossu acheté à peu de frais puisque déserté par son précédent locataire pour une sombre histoire de dettes de jeux, avait le mérite pour lui de se prêter facilement aux rénovations envisagées par Tigist.
La pièce rendue lumineuse par les hautes fenêtres rend justice au bon goût de l'éthiopienne en dépit de sa déception d'avoir du se conformer au mobilier occidental : Ca et là, des tapisseries pour cacher les éventuelles prises d'air dans les murs et garder la chaleur de l'imposante cheminée. Un bouquet de fleurs des champs repose sur un guéridon jouxtant un lutrin portant un traité acquis à prix d'or et sous le manteau de Fra Mauro. Et quelques sièges pour profiter du temps confortable de la Guyenne. En somme tout pour recevoir et bellement qui plus est, mais elle ne l'a pas encore fait jusqu'à présent.
Pourquoi maintenant ? Parce que l'Ambroise a su la séduire avec sa simplicité d'âme et son esprit bien tournée, et que lorsque deux curs esseulés se rencontrent, ils ont tout à partager.
« N'a-t-on pas oublié de lui dire où se trouvait l'endroit ? »
Aux portes des murs de Bordeaux, non loin de la tour de guet pour mieux apercevoir l'ennemi à proximité du port et dans le dos de l'église, se trouve la rue des pendus et la demeure de Tigist.
C'est de l'humour maure.
Pendant qu'elle se tourne les sangs pour savoir comment bien accueillir une nouvelle personne dans sa vie même quelques heures, le petit souillon est parti poser un courrier à destination de la rousse.
Citation:
Johanara,
Il convient sûrement de vous proposer la chose plus officiellement, et j'ai perdu l'habitude des choses officielles.
Venez donc joindre votre mémoire à la mienne et chassons l'ennui, nous verrons par l'après si nous trouverons à chasser des hommes.
J'habite 2, rue des pendus. C'est de l'humour, mais c'est vraiment là que j'habite.
A vous revoir.
T.
Il convient sûrement de vous proposer la chose plus officiellement, et j'ai perdu l'habitude des choses officielles.
Venez donc joindre votre mémoire à la mienne et chassons l'ennui, nous verrons par l'après si nous trouverons à chasser des hommes.
J'habite 2, rue des pendus. C'est de l'humour, mais c'est vraiment là que j'habite.
A vous revoir.
T.
Et pour l'attendre ? Quoi de mieux que de rejoindre la nourrice après Moïra dans le jardinet jouxtant la demeure avec un sourire attendri aux lèvres l'espace d'un temps en constatant comme les enfants peuvent s'acclimater de chaque vie qu'on leur offre sans jamais paraître en souffrir.
Pourtant tout plaisant que puisse être la contemplation du garçonnet et de la toute petite jouant à courir après deux papillons, la présence d'un adulte avec qui avoir une conversation intelligible lui manque terriblement, alors l'ambre surveille régulièrement l'allée remontant à la maisonnée.
Jamais inconnue n'a été attendue avec autant d'entrain !
RP Ouvert, bien entendu, dans la logique et la cohérence. Mais viendez vous faire kiffer à raconter des vieilles histoires RP !
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