Ravaillac
Une route sombre, entre chien et loup, quelque part entre Argentan et Lisieux, une voiture qui se trimballe de droite à gauche dans des craquements sinistres de bois et des crissements de pièces de métal. Un cocher mal assuré et deux chevaux épuisés d'avancer sans fin depuis des jours et d'affronter, tout en remontant vers le nord, des conditions climatiques épouvantables. Et dans l'appareil lancée à molle allure, Ravaillac de Kermabon, qui, à défaut de pouvoir se reposer, tente en buvant du vin d'oublier que ce voyage entrepris il y a trop longtemps est en train de lui broyer le dos et de lui enfoncer la colonne vertébrale dans la tête. Mais rien n'y peut rien. La route et si mauvaise, ou bien le cocher, qu'il lui est impossible de porter la coupe à ses lèvres sans que le vin n'éclabousse partout. Pour un verre qu'il se sert, un autre vient repeindre l'intérieur de cette maudite voiture.
Il eut été presque plus confortable de voyager directement à cheval, quoi que moins convenu pour un homme de son âge et de son milieu. Le roulis de ce cercueil sur roue l'empêchait même de lire. Par trois fois la lanterne intérieure s'était renversée, et avait même manqué une fois d'enflammer les tissus des sièges. De la cire épaisse recouvrait le mantel du voyageur qui n'avait décidément pas d'autre alternative que de soupirer en pestant après l'Alençon qui n'était pas fichu d'entretenir ses routes.
Fichtre ! Faut-il que nous passions encore combien d'heure dans cette boîte avant que d'arriver à Lisieux ? Fit-il d'une voix suffisante pour couvrir le bruit assourdissant des sabots des chevaux et de tout l'attirail, à l'attention du cocher.
Mon bon seigneur, nous approchons assurément. Que l'on me coupe un bras si nous n'y sommes pas dans deux heures.
Ravaillac marmonna qu'il lui aurait bien coupé les deux bras sur le champ ainsi que la tête, à ce stupide cocher. Mais il n'était encore que trop loin de pouvoir imaginer que le pire n'allait qu'arriver.
Dans un fracas tonitruant, la voiture fut projetée sur le côté et sous son poids l'essieu se brisa d'un coup sec, projetant vers l'avant une pièce de bois pointue qui vint se ficher dans la croupe de l'une des deux bêtes qui gémit de douleur comme toute bête qui se voit mourir.
L'accident dura quelques secondes avant que tout ne se stabilise, à l'exception du cheval blessé qui se mit au galop dans une fureur telle et si soudaine que tout l'avant du véhicule s'arracha subitement, emportant le cocher à la suite des bêtes paniquées.
Seul et tout renversé dans sa caisse de torture, Ravaillac de Kermabon n'était pas mort. Par chance dans ce malheur une malle s'éventra et libéra des vêtements qui amortirent la chute sa chute. Mais étourdi, il l'était. Et lorsqu'il sortit du véhicule éparpillé, ça n'était pas sans tituber.
Que ce cocher soit maudit puisqu'après tout j'ai bien l'impression que je suis totalement maudit moi-même. Peste soit des grouillots qui ne savent plus travailler correctement.
Au loin s'éloignaient les deux bêtes écumantes, trainant derrière elles quelques cordages et planches de bois, souvenirs désormais perdus d'une voiture, sur lesquels tant bien que mal un pauvre cocher tentait quelques manuvre désespérées pour sauver sa vie.
Peste soit de ce faquin... A cette allure, il sera à Lisieux bien avant moi !
Ravaillac, les chausses flanquées dans la boue, se résolu à remonter la route pour trouver âme qui vive. Il se résolu à laisser sur place les débris de son voyage, mais pris soin avant tout d'emporter avec lui quelques documents qui ne souffriraient pas de tomber dans de mauvaises mains. Il constata que deux jarres de vin s'étaient brisées durant l'accident. Mais la dernière était restée intacte. Il s'en empara et se donna ainsi un peu de courage avant d'emprunter la route.
La nuit tombait et il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. L'idée de se retrouver nez à nez avec quelques bêtes sauvage l'ennuyait plus que tout.
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Il eut été presque plus confortable de voyager directement à cheval, quoi que moins convenu pour un homme de son âge et de son milieu. Le roulis de ce cercueil sur roue l'empêchait même de lire. Par trois fois la lanterne intérieure s'était renversée, et avait même manqué une fois d'enflammer les tissus des sièges. De la cire épaisse recouvrait le mantel du voyageur qui n'avait décidément pas d'autre alternative que de soupirer en pestant après l'Alençon qui n'était pas fichu d'entretenir ses routes.
Fichtre ! Faut-il que nous passions encore combien d'heure dans cette boîte avant que d'arriver à Lisieux ? Fit-il d'une voix suffisante pour couvrir le bruit assourdissant des sabots des chevaux et de tout l'attirail, à l'attention du cocher.
Mon bon seigneur, nous approchons assurément. Que l'on me coupe un bras si nous n'y sommes pas dans deux heures.
Ravaillac marmonna qu'il lui aurait bien coupé les deux bras sur le champ ainsi que la tête, à ce stupide cocher. Mais il n'était encore que trop loin de pouvoir imaginer que le pire n'allait qu'arriver.
Dans un fracas tonitruant, la voiture fut projetée sur le côté et sous son poids l'essieu se brisa d'un coup sec, projetant vers l'avant une pièce de bois pointue qui vint se ficher dans la croupe de l'une des deux bêtes qui gémit de douleur comme toute bête qui se voit mourir.
L'accident dura quelques secondes avant que tout ne se stabilise, à l'exception du cheval blessé qui se mit au galop dans une fureur telle et si soudaine que tout l'avant du véhicule s'arracha subitement, emportant le cocher à la suite des bêtes paniquées.
Seul et tout renversé dans sa caisse de torture, Ravaillac de Kermabon n'était pas mort. Par chance dans ce malheur une malle s'éventra et libéra des vêtements qui amortirent la chute sa chute. Mais étourdi, il l'était. Et lorsqu'il sortit du véhicule éparpillé, ça n'était pas sans tituber.
Que ce cocher soit maudit puisqu'après tout j'ai bien l'impression que je suis totalement maudit moi-même. Peste soit des grouillots qui ne savent plus travailler correctement.
Au loin s'éloignaient les deux bêtes écumantes, trainant derrière elles quelques cordages et planches de bois, souvenirs désormais perdus d'une voiture, sur lesquels tant bien que mal un pauvre cocher tentait quelques manuvre désespérées pour sauver sa vie.
Peste soit de ce faquin... A cette allure, il sera à Lisieux bien avant moi !
Ravaillac, les chausses flanquées dans la boue, se résolu à remonter la route pour trouver âme qui vive. Il se résolu à laisser sur place les débris de son voyage, mais pris soin avant tout d'emporter avec lui quelques documents qui ne souffriraient pas de tomber dans de mauvaises mains. Il constata que deux jarres de vin s'étaient brisées durant l'accident. Mais la dernière était restée intacte. Il s'en empara et se donna ainsi un peu de courage avant d'emprunter la route.
La nuit tombait et il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. L'idée de se retrouver nez à nez avec quelques bêtes sauvage l'ennuyait plus que tout.
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