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Rencontre avec l'autre enfant maudit... malheureusement inachevé.

[RP] Lorsque la faim, cogne aux tripes

Edvwin
    _ Cinq ans plus tôt


    Il y a de ces voleurs qui n’en sont pas, lorsque la faim aime à cogner à la porte de ces tripes asséchées. Il y a en ce malfrat improvisé, un brigand forcé et contraint par la hargne de s’accrocher à une vie qui n’en vaut pas la moitié d’une et pourtant, comme un appel, un soupçon, un frisson même d’un poing fermé lorsque regard lui se pose, sur cette grande bâtisse qui n’en est pas une. Nous nommerons des terres, un château et comme un esprit de noblesse qui flotte dans les airs. Dernière corde à son arc, les solutions lui manquent, il lui faut manger, et comment résister alors, face à l’assaut de ces effluves endiablées qui viennent violenter ses narines ? Cuisine est proche, non loin doivent se trouver des réserves de nourritures, et la simple idée que de pouvoir enfoncer ses canines au travers d’une banale miche de pain en vient à le faire se plier en deux de douleur. La faim cogne sévère.

    « Allez… Un peu d’courage. »

    Lui n’est point à sa place, il ne l’a jamais été pour tout avouer mais pour l’heure, lui se doit être, là où il sera en mesure de se mettre quelque chose sous la dent. Bras enveloppe un fin tronc d’arbre sur lequel repose sa joue et une partie de son corps affaiblit, regard rivé sur l’immensité au travers des fourrées en lesquelles il se dissimule présentement.

    Il frousse, et pas qu’un peu. Car il n’est pas… « Un voleur, je n’suis pas un voleur... »

    Autre solution aurait été que de prendre son courage à deux mains, ravaler sa fierté et s’en aller mendier aux portes du domaine et pourtant, lui se voit déjà recevoir une correction digne de ce nom, d’un coup de pied aux fesses, de quelques insultes réceptionnées à la volée… Lorsqu’à l’inverse, il se voit tout autant pendu au bout d’une corde s’il en venait à se faire prendre la main dans le sac. Dilemme… Ou pas, car déjà, il s’élance, se lance et s’abat, sur cette herbe faiblement enneigée et qui ne manque pas de lui glacer les orteils au travers de ses chausses.

    « Je prends de quoi manger, et je m’en vais… Je ne suis pas un voleur. »

    Château se rapproche, le stress monte, le froid n’est plus et pourtant, il tremble, sensations inédites de l’instant présent alors que le regard reste attentif à quelconque mouvement potentiel susceptible de survenir dans les environs. Les gardes sont passés il y a peu, ce qui semble lui laisser le champ libre, pour se servir ou tenter une infiltration si maladroite puisse-t-elle être, lui le sait par avance.
    Car déjà, plat de la main vient caresser la pierre, d’infimes fenêtres en rectangle viennent épouser le niveau du sol, certaines sont entrouvertes, d’autres non, seule certitude pour l’heure, les cuisines ne sont pas loin.


    Les yeux se ferment un court instant, faim revient à la charge, grondement d’un estomac vide semblable à celui d’un violent orage, que le Sans Nom en soit témoin, ce n’est pourtant point l’appel de son rejeton. Il ose, il tâte, encore et encore jusqu’à tomber sur cette simple faiblesse d’une fenêtre qui cède et lui offre alors, cette ouverture tant désirée, à lui qui n’y croyait plus et se voyait déjà revenir sur ses pas. Et lorsque les deux jambes passent et viennent alors à la rencontre de la chaleur environnante de l’autre côté de l’épais mur, il le sait, il ne peut plus faire marche arrière car point de non retour est pleinement franchit.

    Son corps fin n’éprouve aucun mal à passer cette barrière qui n’en est plus une, l’endroit est sombre, seulement éclairé par quelques bougies aux flammes vacillantes alors que certaines cèdent et se taisent sur son passage, maladroit, comme il l’avait prévu. Rapide constat, lui se trouve être dans un espace voisin à celui des cuisines car de l’autre côté d’une poterne, les voix s’élèvent, les ordres fusent. Lui était à seulement deux doigts, que de se faire pincer, ça c’est joué à une fenêtre seulement.

    Paradis du moment, juste sous ses yeux, lorsque ses chausses rejoignent le sol d’un geste léger, et que ses mains empoignent d’ores et déjà, ces quelques morceaux d’un lard séché exposés en un panier d’osier. Qu’il serait dommage et bien malheureux, que de les négliger.

Myelie
_ Retourne toi

Étrange. De ces journées où l’on pourrait croire, de prime abord, que rien d’intéressant ne pourrait se produire. De ces instants qui peinaient à passer et s’obstinaient à demeurer, là, impassibles, impassables, figés dans un ennui semblant inéluctable. Ce n’était pourtant pas faute de distractions dont le commun des mortels se seraient généralement contentés. Jouets, poupées, animaux et toute la panoplie des activités que l’on jugeait nécessaires à une jeune fille, de son rang. L’assortiment était à la hauteur de n’importe quel enfant dont l’esprit vagabond et fertile serait béatement doté d’un imaginaire ordinaire. D’un enfant banal, ce qu’elle n’était pas. Ce n'était pas faute non plus d'en avoir d'autres des occupations , moins, conventionnelles celles-là.

Dehors, un léger mantel de neige recouvrait le parc environnant le petit château rendant l’occasion trop belle pour la jeune oiselle de faire ce qu’elle faisait le mieux : s’isoler. Ce vide solitaire, ces instants où les choses n'avaient pas plus d'importance que celle qu'elle décidait de leur accorder. Ce besoin vital de quitter les regards de ceux qui, en sa propre demeure la toisaient et la fuyaient. Elle, la gamine bizarre. Démon. Ses pas étaient légers et ses poulaines s'enfonçaient dans la neige rendant ses déplacement encore plus discrets que de coutume. Ce n'était pas pour lui déplaire.
Ayant, elle aussi revêtu son mantel d'hiver, la môme au cœur froid, tenait entre ses mains la boule de fourrure encore chaude et moite, inerte. Aucun être ne trouvait grâce à ses yeux. Selon toute vraisemblance , sa robe tâchée lui voudrait, à coup sûr, une nouvelle remontrance.
-Mince, ma robe.

On passerai, par contre, sous silence les stigmates de griffures laissées sur ses avants bras et le plaisir qu’elle en tirait. Parce qu'il avait des choses qu'on ne nommait pas. Le diable. Et, une fois le méfait accompli, quelques instants à peine plus tard, c'était tout naturellement qu'elle prit la direction des cuisines, laissant derrière elle, sur la neige carmin, la peau de la bête ainsi que sa tête. Ce soir, ils mangeraient du lièvre à moins que… Prunelles éclairées d’une lueur sadique, d’un glacial peu commun où aucune candeur semblait avoir vécu.

Ce fut alors que la silhouette apparu, aussi fine et décharnée que l'arbre derrière lequel elle s'abritait. Curieux. Le regard enfantin suivait avec intérêt le jeu du rodeur, qui n'ayant pas froid aux yeux, allait de fenêtre en fenêtre à tâtons. C'est quoi? Dextre serrant sa prise sur la carcasse inerte pendant le long de sa robe aux tons foncés, alors que senestre quant à elle renfermait la lame souillée dans le prolongement de ce corps menu et enfantin. L’observation curieuse du malandrin qui parcourant et ensuite poussant les battants qui cédant lui ouvraient les portes de la caverne d'Ali Baba.

Sur ce visage vulgaire et fermé naissait l'embryon d'un sourire malicieux amusé par la providentielle intrusion. Il entra. Sa tête se pencha sur le côté , admirant la bête, l'autre, enjamber et pénétrer dans le garde manger alors qu'il lui suffisait de frapper et de quémander. Père était d’ailleurs d'un naturel aussi généreux que mère était insipide. Pour l'heure, elle se contenterait de laisser faire tout en poursuivant l’approche docile et furtive jusqu'à la lucarne par laquelle le crève la dalle venait de s’introduire dans la demeure familiale, habituellement si tranquille entre deux abominations commises par la demoiselle.

Désormais confrontée au spectacle de cet être qui se repaitrait avidement du lard juste à côté de l’agitation de la cuisine, hissée sur la pointe de ses pieds, sa tête apparaissant par l'ouverture, vairons jaugeaient la créature sans aucune forme d'empathie ni même de dédain. Et, si la noiraude avait été aussi cruelle que certains le prétendaient, elle aurait donné l'alerte. Mais pour l'instant, elle se délectait du spectacle tout autant que de l’apparence de son comédien ainsi que de l'adrénaline venue, pour le coup, chatouiller ses sens et raviver ce palpitant qui, d’après certains, elle n’avait point.

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Tout ceci n'est qu'un jeu...
Edvwin
    Sensation unique, jouissive presque, de cette canine s’enfonçant pleinement en ce mou d’un gras tant convoité, parsemé d’un salé quelque peu relevé, son propre cœur en ferait presque un bond dans sa poitrine à l’instant même où on pourrait percevoir sa chair se teinter de nouveau d’un rouge vif, face à ce réconfort qu’il n’espérait plus. Estomac s’active alors que sa trachée peine à assumer pleinement sa mission demandée, victime d’une mâchoire qui astique et ce, jusqu’à ce que les articulations de son visage commencent à peiner. Bruits d’une bouche en action alors que les dents écrasent ces victuailles qui ne lui appartiennent pas, fruits d’une récente chasse à n’en point douter, que le Très Haut repose en paix, cette nourriture est pleinement savourée.

    Déjà, il oublie l’hiver et son froid, la garde de ces terres environnantes, ce château dont il ne connaît rien et cette vie, qu’il assume plus qu’il ne se délecte si bien fardeau quotidien est lourd à porter. Les doigts fragiles recouverts de ce gras qui transpire et de ce sel qui le recouvre, l’image est telle, que l’on pourrait croire se trouver être face à un loup assoiffé et la gueule salivante exposée face au cadavre d’une brebis éviscérée.

    Les yeux se ferment, l’instant est emplit d’une passion alors que vie gagne à nouveau ses membres et son esprit, pourtant au fond il le sait, au lendemain, il lui faudra recommencer. Bien bas il est tombé, plus bas que cela il ne peut aller si bien, bien trop bas déjà il se trouve être. Enfant oublié, enfant rejeté, d’échecs en échecs, tel un singe allant de branches en branches, le voici désormais non pas rendu à l’état de mendiant, mais à celui de voleur n’éprouvant plus aucune peine à se servir en ce cellier. Et s’il lui faut mourir alors, ça ne sera point en ce jour ou du moins, lui ne mourra pas de faim avant la prochaine aube.

    Un autre instant, tout aussi court que le précédent, l’œil néanmoins sur ses gardes en vient à croiser son propre reflet en un miroir recouvert de crasse, lui rejetant sa propre immondice au visage lorsque dans son dos enfin et en l’extérieur, il devine pleinement cette présence nouvelle, de ce que les comtes pour enfants aimeraient à nommer… Fantôme d’une veuve habillée de sa robe noire.
    Mais il n’en est rien, ce visage trahit semble être celui d’une oiselle bien trop jeune pour être veuve, non, il n’en est rien, ce n’est pas plus un fantôme qu’un mirage, encore moins un tour joué par son esprit attendrit du moment, non, il n’en est rien… Quelqu’un observe.


    Stupeur et effroi le prennent et lui soulèvent l’estomac qui semble déjà bien assez martelé pour cette seule et simple journée, il déglutit amèrement et semble même perdre ses moyens. Fuir les lieux ? Et pour aller où ? Il est cerné, pris à son propre piège, contraint de constater cette seule ouverture vers l’extérieur, barrée de par cette présence dont il se serait bien passé.
    Son esprit résonne et le tourmente, sang bouillonne à ses tempes lorsque les mots « merde, merde, merde ! » emplissent ses pensées. Morceau de lard épargné est lâché maladroitement et vient à rejoindre les autres, dans un *flatch*, du gras qui rencontre le gras.


    Lentement, il se retourne sur lui-même avant de faire pleinement face à ce haut d’un visage qui lui est parfaitement inconnu, d’un regard particulier et différent à la fois qui l’observe, tout comme le sien il est… Il pourrait penser voir son propre reflet, un lui en elle, un oiseau en oiselle mais il n’en est rien. Car son fardeau évident est bien plus lourd à porter encore.
    D’ailleurs, cela lui revient à l’esprit. Sa peau. Sa misérable peau, condamné il est, il l’était, et il le sera encore et ce, jusqu’à son tout dernier souffle de vie.
    « Merde... » Lentement, main se lève, comme pour balayer l’espace, tenter d’instaurer un dialogue qui se pourrait être impossible, que peut-il seulement espérer désormais ?

    « Je… Puisses-tu ne pas crier, je t’en conjure. »

    Et donnons à l’oiselle une seule bonne raison de ne pas crier. Un pas de l’avant est fait, puis, un second, lentement, très lentement.

    « Je me nomme Edvwin, j’avais… Je mourrais de faim là dehors. »

    Tenter de se justifier… N’est-ce finalement pas la façon la plus significative de se libérer d’un simple et grossier : « Ce n’est pas ce que tu crois. » ?
Myelie
La viande déchiquetée par les canines acérées dans un geste bestial ardent d'avidité, silhouette épiée semblait trop égarée dans les méandres de la gourmandise d’un repas, par trop espéré, pour remarquer damoiselle jusqu'à ce que miroir fût croisé. Regards s'entrechoquèrent par l'intermédiaire de leurs reflets. Et tandis que lard rejoignait ses paires dans un bruit répugnant et gras, ils se virent pour la toute première fois. Aucun son ne parvint à franchir la frontière labiale, qui pourtant brulait, pour exprimer le : Qu'est-ce…

En cet instant, les interrogations fusaient ,tandis que vairons écarquillés s’imprégnaient, sans ménagement, de ce visage insolite semblant se décomposer, au propre comme au figuré, après qu’il ait décelé son importune présence. Faisant fi de l’intrusion et du larcin, l’occasion faisant le larron ; son esprit se vautrait soudain, se prenant de plein fouet, l’horreur de ce visage dissimulé, encore, en grande partie, par la pénombre ambiante. Jamais pareille sensation, jamais pareille expression ne se manifesta chez elle et jamais plus elle ne retrouva cette impression. La surprise fut telle que ses mains lâchèrent prise laissant choir sur le sol immaculé leur contenu ensanglanté. Et sans l’étourdissement et les picotements venus darder insidieusement les extrémités de son corps et ses joues, elle en aurait oublié de respirer. Manger pour survivre et respirer pour vivre. Ses lippes s’entrouvrirent pour laisser passer un fin filet d’air froid exhalé aussitôt sous la forme d’un petit nuage vaporeux et silencieux s’estompant presque instantanément. … que… ?

Plonger momentanément dans ce regard et s’y voir, au point de se demander si un jour, elle aussi, deviendrai comme lui. Était-il, tout comme elle, maudit ? Ou était-il, comme on le lui disait, habité par le Sans Nom ? Qu’avait-il bien pu faire pour mériter pareille imprécation ? Et, si sa noirceur, à lui, paraissait de l’extérieur, marquant sa peau, la sienne était intérieure, plus fourbe, moins visible et donc plus facilement dissimulable, moins douloureuse aussi.

Mirettes ne parvenaient pas à se détacher des prunelles, happées, et alors qu’il la priait de ne pas crier, elle se contenta d’acquiescer d’un léger mouvement de tête. A cet hochement, presque involontaire, suivit rapidement un pas en arrière répondant à celui fait en avant par celui qui se présentait à elle, tentant probablement une approche subtile, avec l’intention de l'apprivoiser. Sa curiosité et sa crainte venaient de se percuter de plein fouet laissant la gamine, déjà silencieuse, plonger dans un mutisme exacerbé. Sa laideur, ses plaies, cette peau de noir teintée étaient à la fois régal et horreur mystifié.

La fenêtre obstruée était désormais dégagée permettant à l'homme, s'il le souhaitait, de s'extraire du piège fermé. Debout, poulaines encrées dans la poudreuse, interdite, sa robe et ses mains maculées de sang, sa longue chevelure noire tombant librement sur ses épaules, elle attendait, craintive et à la fois excitée, que sorte par la lucarne l'intrépide brigand dénommé Edvwin et de pouvoir enfin l’admirer en pleine lumière. Le vent venu balayer ses cheveux et mordre sa chair, induisant un frisson, la ramenèrent soudain à la réalité du présent. Mais que se passerait-il une fois le sauvage dehors ? Qu'en ferait-elle ? Que ferait-il? Avait-elle seulement envisagé que cet être suppliant pourrait être pavé de mauvaises intentions ? Non, pas un seul instant.

Ce régal de curiosité, cet être vagabond, tombant à point nommé pour chasser un ennui ainsi qu'un isolement déjà bien marqués, prenait des allures de providence pour cet esprit solitaire et détraqué. Puisque question s'imposant, en cet instant précis, de la suite à donner à cette découverte impie. Cherchant dans le hasard, qu'elle vénérait, réponse à ses interrogations, il lui sembla tomber sous le sens que tout cela était écrit d'avance.

Tout comme le marteau se savait promis à frapper l'enclume, cette rencontre était peut-être prédestinée. Tout comme le Ying appelait le Yang leurs pas devaient se croiser. Mais si tout ça, même si tout ça, pourrait sembler insensé et se jouer d'avance dans un esprit mal tourné, que pourrait bien faire malicieuse gamine, à la dizaine presque entamée, ,de malandrin marbré adulte et vacciné ?

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Tout ceci n'est qu'un jeu...
Edvwin
    Lui se souvient d’une chanson, à cet instant précis où les regards se croisent, un long instant durant lequel le temps semble suspendre son cours. Non, ce n’est en réalité pas d’une simple chanson dont il se souvient, cela ressemble bien plus encore à… Un simple air sifflé à la volée lors d’une balade dominicale sur les sinueux sentiers de terres dont il ne connaît rien. Mais cet air alors, n’est-ce en réalité pas celui de ce fardeau qui frappe encore à sa porte, comme si le Sans Nom en personne s’était décidé, à lui rappeler ? Lui rappeler qui il est mais surtout, ce qu’il est. Un enfant rejeté alors que quelque part il le sait, une sœur vit en cette enveloppe parfaite, d’un visage si pur et d’une peau si douce.

    Rien ne lui vient en retour pour l’heure, pas même un signe, pas un clignement des yeux ni un soupçon ou un frisson. L’instant s’égare, comme s’ils étaient seuls en cet espace qui leur est présentement dédié, comme si enfin une occasion, se présentait à lui, l’occasion que de pouvoir converser avec le monde des vivants, sans que ce dernier ne prenne la fuite, par simple peur.
    Non, il n’en est rien, inconnue se recule alors que lui s’avance d’un autre pas, ainsi elle libère le passage pour celui qui fut pris la main dans le sac, il y a peu, ses lèvres sont encore recouvertes du fruit de son larcin.

    Les moyens lui manquent, tout comme son sens de l’orientation d’ailleurs, lui qui ne sait plus vraiment où il se trouve, sur cette terre et, en son esprit. Que penser lorsque l’adversité semble ne point vouloir émettre la moindre once de vivacité à son égard ? Comme si une nouvelle fois, il n’existait pas, comme s’il n’avait en réalité jamais existé. Les mains se lèvent lentement, comme pour calmer un jeu dont les règles sont encore inconnues de toutes et tous.


    « Je vais sortir. »

    Mieux vaut prévenir même s’il convient de guérir, ce qui l’aura déjà été par le passé. Mieux vaut panser, ce que les pensées elles-même aiment à garder à vif. Aux yeux d’une majorité, il n’est rien d’autre qu’un monstre que l’on rejette sans cesse sur les routes, il n’est rien si ce n’est une simple raison de plus que de fuir à chaque fois que les premières insultes fusent. Comment alors, ne pas pouvoir en vouloir à une vie toute entière lorsque le soleil en personne ne saurait venir éclairer son âme ? Est-ce donc ainsi que les monstres résonnent en leur for intérieur ? Eux, tout bonnement destinés à crever sur le pavé, la bouche ouverte et les yeux crevés.

    Les mains agrippent, les bras forcent et les muscles se tendent alors que le vent vient de nouveau gifler son visage, gifle du revers de la main lorsque ses cheveux se trouvent être chamboulés par une nouvelle crise passagère. D’un regard à l’œil océan, et de son opposé, aussi sombre que la cendre frotté contre un mur blanc et vierge à la fois, lorsque les tâches qui le recouvrent en viennent à donner l’impression, qu’il n’est rien d’autre qu’un morceau de vélin humidifié et dont la pourriture se veut être naissante.

    Quelques efforts de plus et le voici alors, en l’extérieur des murs, chausses rencontrent la neige, sourcils se froncent quelque peu alors qu’au coin de ses lèvres, né un sourire, à la fois timide et bienveillant. Permettez-lui ceci, permettez-lui de vivre, l’espace seulement, de quelques courts instants. Il est plus grand, plus âgé aussi, les certitudes fusent mais les réponses hâtives aux questions point encore posées ne sauraient que l’induire en erreur mais, pour l’heure il se délecte encore, de cette présence qui ne fuit pas. Pas encore.

    « Je ne te veux aucun mal et... »

    Son visage… Son visage se tourne comme pour échapper à la réalité ou au jugement, mais quelle est la différence après tout ?

    « Ce n’est pas contagieux, sois rassurée. »

    Douceur des mots et du ton employé, douceur d’un instant terrorisé, douceur d’un calme ambiant, bien loin de la fureur des éléments. Visage se lève à nouveau en sa direction et les regards s’invitent à se croiser, une nouvelle fois. Un point en commun ils ont, anges et démons ils sont, les regards trahissent, ce que l’âme aime à enterrer, à bien des mètres sous les pieds.

    « Tu… As un nom ? »

    Et non, stupides ne sont pas, toutes les questions du Monde, puisse-t-elle seulement ne pas le trouver immonde.
Myelie
Alors que monstre de la tanière sortit, alors que regards se cherchent et fuient, alors que l'instant semblait figé à l'infini, alors que se mouvoir paraissait interdit, l’éclairage se posa enfin sur lui. L’ombre devint lumière et visage marbré apparait claire aux yeux vairons ébahis . Et si dans sa peau se reflète son âme, celui qui n'a de monstre que l'apparence infâme, devrait laisser paraître désormais sa véritable essence. Ce fut là que donzelle réalisa, bien qu'un peu tard, que chausse moribonde, frôlait la lame qu'elle laissa choir. Mais bien plus tranchant encore fut ce sourire qui, lancé d'un air sincèrement gêné, venait de la désarmer.

Et de ce geste, simple il est certain, naissait, incontestablement, un désappointement en son sein. Alors machinalement, comme répondant au reflet de son propre miroir, elle le rendit sans s'en apercevoir. Car il était un fait indéniable, cette voix mielleuse au ton édulcoré, comme s'adressant à son pareil, sans qu'aucune hypocrisie ni crainte ne s'y décèlent, était une nouveauté. Contraste évident entre l'instant passé et le présent, entre un adulte et une enfant. Mêlés en son for, une contradiction de sensations, prise en étau entre l'enclume et le marteau, se tordaient de douleur.

Aussi certain que d’autres doutent, elle comprit soudain l'intérêt des autres . Cette appréciation n'était ni compassion, ni pitié mais une irrésistible envie d'en apprendre plus sur lui. Peu importait son fondement, ou même les intentions poussant subtilement muraille à céder sous des assauts tout juste entamés. Le sens de ses quelques mots, profonds d’authenticité , venus se heurter à ce cœur glacial, égocentrique, fait du marbre sculpté de pierre tombale, luisaient suavement dans la noirceur abyssale. Assurant, pour sa part, qu'il ne lui voulait aucun mal, justifiant d'une approche somme toute banale, bien que ses intentions lui importaient peu, puisqu'il était fait.

Vint alors la question nominale, parachèvement ordinaire d'une entrée en matière d'un démon curieux d'un autre. Parallèlement, puisque piquée à vif par la curiosité, l'emportant sur l'instinct de conservation, corps enfantin, mut de cette envie viscérale, ne tarda pas à parcourir la distance les séparant, laissant entier le mystère sur le nom à lui donner. Car un autre, bien plus grand la taraude assurément. Pénétrant sans ménagement dans la bulle du brigand, senestre, tendue en avant, approcha visage charbonneux sans la moindre hésitation. Vairons, cherchant œil sombre, perçants, tandis que bout des doigts tendent à effleurer, sans oser la toucher, peau ébène.

Difficile de concevoir pareil affront au sans nom, balayant outrageusement d'un revers d'indiscrétion l’armure de charbon, nul n’aurait pu imaginer pareille satisfaction, enivrant la belle, de cette curiosité assouvie. Ce geste, ni tendre ni virulent, fût accompagné d'un simple éclat de voix, qui entre le murmure et le frémissement de ses lèvres s'échappa :

Myelie.

Résonnant comme l'évidence, ce prénom à la teinte doucereuse, n'était que nouvelle façade et démenti d'un acidulé ressenti. Mais puisque à ses yeux, la vie d'autrui n’a de valeur, mais bien un prix, tout comme la sienne d'ailleurs, combien serait-elle prête à débourser pour ce démon qui en cet instant la ravie.

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Tout ceci n'est qu'un jeu...
Edvwin
    Certains disent, que le démon lui, aime à séduire tous les esprits et ce, en s’invitant pleinement en ces derniers, sans la moindre peine aucune et l’âme emplie d’une noirceur sans pareille, présageant alors, bien de sombres pensées, envies et malices qui à jamais n’auront de cesse de causer du tort, ou pire encore, la mort. Et jugé tel un démon, Edvwin lui, à tout jamais n’aura eu de cesse que de se battre, par la fuite, par la contrainte des événements, essuyant les rejets, les affronts et les menaces, le voici qui se tient en ce jour, face à une épreuve nouvelle, qui pour l’heure ne saurait que le rendre bien plus curieux encore.

    Vie est triste, vie est même, parfois belle et pourtant, il est de ceux, qui ne sauraient entrer en cette case à la forme prédéfinie, malgré lui, conscience en est et pourtant, alors que ses chausses s’enivrent de la froideur de cette neige à même le sol, il se sent enfin, comme chez lui. Ce château n’y est pour rien, pas même ce vaste domaine accueillant en son antre bien des vivres et autres victuailles qu’il convoite tant, non, raison est toute autre.
    Cette jeunette, oiselle qui lui fait pleinement face et qui semble ne pas prendre peur, cette carcasse de chair et de sang encore chaud, ce regard, différent des autres, il se sent lui, il se sent elle, lui qui semble ne plus sentir le vent à la caresse accrocheuse contre son visage, contre sa peau.

    Brune s’avance, lui observe avec la plus grande des attentions qui lui soit possible d’offrir et ce, tout naturellement. Et comment ne pas se délecter de pareille situation, n’importe qui aurait hurlé au voleur en le voyant faire quelques instants plus tôt, mais pas elle… Interrogation le démange, l’envie de savoir, pourquoi… Elle s’approche encore, son œil est alors comme attiré par ce sang, présence délicate et non désirée, ce n’est pas le sien, il le sait, mystère, envie de savoir, envie d’apprendre, curiosité prend forme, elle se veut être naissante, mais lui aime cela, ça a le don de le rendre… Heureux, tout simplement.

    Et ses pensées s’activent, sous la forme de ces mots silencieux, qui fusent en son for intérieur. *Oiselle, toi, sur ma route ou moi, sur la tienne, ta présence réconfortante et tout aussi certainement quelque peu malaisante, mais j’aime ça et d’ores et déjà, je m’y perds, comme si mes membres étaient incapables de me ramener à la surface, alors que je sombre en les fonds marins, perdu au milieu de nul part.*

    Mais qui aurait pu s’attendre à cela, alors que main se lève en sa direction, visage recule légèrement, comme pour se préparer à toute éventualité.


    « Que... »

    Non, sois rassuré Edvwin, il n’y a aucune agressivité en ce geste, pas une once de méchanceté, puisses-tu simplement, profiter pleinement, toi qui ne sais plus rien, de ce que l’homme, sait à offrir, à l’homme. Contact est pleinement établit, frisson lui arrache un léger sursaut, naissant de la pointe du bas de son dos, avant de remonter jusqu’à sa nuque, visage se baisse, les yeux se croisent, les mots manquent à l’appel et pourtant, ils ne sauraient être suffisants en pareille situation.

    Pourtant, les lèvres adverses s’entrouvrent, de cette pulpe dont il ne sait rien, les sourcils se froncent, sans pour autant laisser entrevoir la moindre graine d’une hargne qui n’est pas et qui n’a jamais été d’ailleurs. Le sang ne fourmille plus jusqu’à ses tempes, il s’est même arrêté de pleuvoir en sa poitrine et bien avant que les pupilles n’osent enfin se dilater, il l’entend pleinement. Myelie… Elle résonne en son âme et vient par ailleurs soulever la poussière de ses ossements abandonnés depuis tant d’hivers, réveiller, la pulpe accrochée à ce rebord malmené de par le temps écoulé, raviver une certaine flamme qui ne dansait plus, si bien le rythme lui, s’était éteint.


    « Pourquoi sommes-nous ici présents, Myelie ? »

    Edvwin avait cette particularité, que de représenter – avec une singulière irrégularité - une parfaite incohérence dans ses propos, face à quelconque événement pouvant survenir et ce, en toutes les occasions. Troubler et perturber les esprits, vandaliser ces derniers et ce, sans même s’en rendre pleinement compte. Atypique à souhait, original à n’en point douter, déstabilisant pour les plus astres, il se savait déjà trouver être, face à celle avec qui, il pourrait danser l’éternité durant, à moins que les cieux eux, ne s’y opposent.
Myelie
Comment ne pas s'y perdre, sans même le vouloir, alors que contact devient liaison, alors qu'esprits s'y noient bien plus que de raison. Déraisonnable que de répondre à ces pulsions, qui sans réflexion aucune, poussées par la curiosité, mènent doigts, puis paume, à rencontrer visage, en premier lieu, puis âme. N'était-ce pas là ignominie que d'aller au devant d'un inconnu, malandrin qui plus est, dont les stigmates visibles en feraient fuir plus d'un ? Mais comment s'y résoudre dès lors que la satisfaction du moment, bien qu'insolite, entre cet étranger et elle, semblait découler du destin ? Comment expliquer sinon pareille situation ?

Peau douce ensanglantée vint, donc, expérimenter celle rugueuse teintée, qui l'espace d'un infime instant tend à se dérober, satisfaisant ainsi pleinement la nécessité croissante, de toucher, voir et sentir pour comprendre. Singularité d'un moment, d'une rencontre fortuite ou non, de deux fatalités fusionnées incompréhensiblement, où deux êtres semblaient se détacher du temps et se compléter parce que les mêmes et pourtant différents. Comment expliquer dés lors que cette main se soit tendue, besoin inexplicable, alors que damoiselle ne supporte pas qu'on la touche ?

Temps s'arrête quelques peu autour d'eux, rien d'autre ne compte plus à ses yeux. Et lorsqu'ils s’amalgament à nouveau, qu'ils semblent se comprendre sans devoir user de mots, se perdant dans des eaux noires et profondes, où l'un voit en l'autre à la fois passé et futur, plus rien ne compte. Elle, pour lui, passé. Lui, pour elle, avenir. Et ensemble le présent. Puisqu'on y était, dans leur bulle, hors du temps, puisque leur éternité n'avait en fait duré qu'un instant. Pourquoi là ? Pourquoi eux ? Dans l'esprit froid et solitaire, se remplissant doucement de questions, se bousculaient aussi parfois les réponses, silencieuses, honteuses, parfois.

Vairons se réchauffèrent soudain d'une étrange lueur de vie, masquée rapidement d'une autre plus sombre, évoquant presque tristesse. À sa question étrange, venue percer le silence physique, elle répondit, comme elle croyait :


« C'était écrit. »

Laissant en suspend tout le reste : Pourquoi ? Pourquoi ici ? Est-ce le Sans Nom qui t'envoie vers moi ?

Le hasard fait bien les choses, il fait son chemin, celui-ci leur est heureux mais qu'en sera-t-il demain ? Ses prunelles trahissaient un léger inconfort, dissimulation volontaire et mise en garde à la fois de la contradiction en son sein :

- Vas t'en je t'en conjure. Je ne suis que désolation et destruction, parce que mon cœur est vide. Il ne sent rien, ni mal ni bien. Et pourtant, démon, je veux te connaître, et n'entends pas te laisser partir. Alors reste ! Je t'en prie...

Des éclats de voix, une bulle soudain éclatée, trop tôt, trop vite, trop près. Dans la foulée, regards se détachent, et vairons, redevenus froids et glace, en profitent pour en déceler la provenance. Sans ménagement aucun, d’un geste vif, senestre quitta la joue pour se saisir de sa main. Amorçant un mouvement, tirant avec force, elle entendait bien l’entrainer plus loin. Sa voix s’habille d’urgence pour lancer vivement :


Suis-moi !

Elle n’imaginait pas que ça puisse être autrement. S’il était vu, s’il était su, on lui ôterai cet être devenu important, bien qu’un peu trop prestement, un os à ronger jeté mollement à un mendiant, aussitôt invité à foutre le camp. Il n’en était pas question. Son jeu, son jouet, devenu, aussi, son intérêt, devait rester pour qu’enfin soit assouvies soif et faim de l’esprit. Insistant d’une poignée forte, fermement décidée à le conduire aux écuries, un peu plus loin, pour le mettre à l’abri. Puisse t’il seulement lui faire confiance et la suivre sans conditions. Puisse t’il comprendre l’enjeu de cette vie, qui n’est rien, ou pas grand-chose et pourtant seul être au monde à qui elle ouvrait les portes si hermétiques du sien.

Pour elle, un nouveau jeu commençait maintenant, et si jusqu’ici ils n’ont été que des fous dans l’échiquier de la vie, dans ce damier, il est Roy et elle est Reyne d’une partie naissante, à peine entamée, ou rien ne serait perdu par avance.

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Tout ceci n'est qu'un jeu...
Edvwin
    C’était écrit. Ainsi, soit-il. Et les mots de l’adversité résonnent comme une évidence en la caboche du rejeté, lui, qui l’espace de quelques courts instants, semble subjugué par cette réponse qu’il n’attendait et n’espérait plus. Intérieurement, il hurle et crie à la mort, mais que faisait-elle, toutes ces années durant, le laissant ainsi à l’errance de sa propre destiné, condamné à essuyer ce qu’aucun être vivant ne serait habituellement capable d’absorber. Et déjà, il aime à se laisser hanter par sa simple présence, de celle, qui lui fait tout oublier de ce qu’il est en réalité. Depuis bien longtemps, enfin il est lui, de par ce que renferme cette enveloppe de chair, bien plus en avant que cette laideur qui le recouvre. Et si dans le fond, elle semblait n’éprouver aucune peine, à le ramener à sa juste vérité de ce qu’il a toujours été ? Ainsi soit-il, elle vient de le graver, dans la pierre et dans les flammes d’un foyer ravivé de plein fouet, en son cœur.

    Loin de lui l’idée que de reprendre ainsi espoir avec une parfaite aisance, car l’espoir ne saurait se profiler sans la confiance, l’un ne va pas sans l’autre et les deux forment une parfaite paire qu’il convient de ne pas séparer, différence ne trouve point sa place, lorsque terre ne peut subsister, sans sa lune et son soleil au quotidien. Référence semble des plus primaires et pourtant, elle demeure véritablement vraie, même si l’homme aime à croire que tout n’est que preuves avérées, et ne voit que par les faits, bien avant cette magie qui inonde le monde depuis sa plus triste et pourtant pure création.

    Retour en ce semblant de vérité est comme pourtant inévitable, lorsque les regards se croisent à nouveau et que les mots eux, se veulent être toujours aussi absents, ils sont tout bonnement inutiles et ne sauraient trouver leur véritable place en ce lieu, entre ces deux acolytes du moment qui s’observent, directement et pourtant tout aussi discrètement. Les âmes parlent quant à elles et avouent, ce qu’il y a de plus immonde aux yeux de toutes et tous, les âmes parlent et aiment à raconter ce qu’eux seuls semblent capables d’apprécier, une valeur juste d’une juste valeur qui ne fait défaut à quiconque si ce n’est, au reste du monde. D’un monde s’octroyant la puissance du jugement lorsque jugement lui-même n’est que triste constat de ce que l’homme, réserve de plus mauvais à l’homme. Semblables rejetés, bien plus souvent recrachés et pourtant, ils subsistent et n’auront de cesse de se redresser. L’espoir vient, avec la confiance et la confiance se profile, lorsque les âmes s’expriment, au moyen d’un simple sourire en coin.

    Lui n’avait rien remarqué de la présence nouvelle, de par un simple éclat de voix, là où elle avait tout perçu de par une simple oreille tendue et le voici déjà, contraint de suivre, d’une main qui se saisit de la sienne, le voici alors entraîné sur ce flot nouveau, de ces vagues enivrantes et d’une expression sans faille, lui ne maîtrise plus rien, et le froid semble être de nouveau devenu un ennemi mortel.
    Bientôt déjà, de lourdes portes en bois, des écuries, ça il n’a aucune peine à le deviner et se laisse même absorber sans crainte par l’antre de ce nouveau repère. Il comprend enfin, cette hâte et cette envie que de vouloir le protéger des autres, de ceux qui pourraient éventuellement, ne pas accepter sa présence en ces terres, comme elle vient pourtant à l’inverse, tout juste de le faire.

    Mais alors qu’il lui tourne le dos, observant cette statique scène qui l’entoure, les yeux rivés sur les hauteurs, et ces larges et solides poutres qui passent d’un bout à l’autre, lorsque le vent qui n’est plus, lui procure cette chaleur qu’il recherche tant. L’hiver n’est jamais un bon ami, pour ceux qui ne sauraient trouver un foyer en ce pourtant si vaste royaume.


    « Merci. »

    Regard jeté par dessus son épaule, de cet œil teinté intégralement d’un noir intense et profond à la fois.

    « Tu... »

    Lentement, il se retourne et lui fait pleinement face. Main passe dans ses cheveux, doigts se frayent un chemin et en viennent à replacer le tout.

    « Tu n’es pas comme les autres… Myelie. »

    Nouveau sourire en coin, il n’a pas peur, il ne craint rien lorsqu’elle est présente, comme si elle venait de chasser la haine, d’un simple et pourtant rassurant élan en l’intérieur de cette écurie.
Myelie
L’espoir devint permis lorsque, main senti céder résistance et que force devint souplesse. Lui, lui faisait-il donc confiance ? Ou n’était-ce que simple coïncidence ? Ce n’était alors pas simple impression que cette présumée connexion ? Coin de la bâtisse fut vite contourné, au pas de course, pour rejoindre annexe écurie. Portes furent ouvertes puis fermées et pendant qu’elle leur fait encore face, survint un « merci ». Môme se retourna, puis dos vint épouser le bois, à la fois soutien et barrière fermée sur leur monde. Devant-elle, l'être qu'elle venait de mettre à l'abri, derrière lui une écurie . Accrochés sur les murs : cordes, selles, étriers, colliers d'épaule et vieux fers à cheval pendent à d'épais clous. Le sol jonché de paille, foin et de crottin, dans les airs flottait comme une odeur animale. Au fond, quelques ballotins de paille, sacs de céréales et un panier en osier tressé contenait pommes et carottes destinées aux chevaux. A côté de ce dernier, une petite échelle, discrète, menait à une mezzanine ou d'autres ballotins étaient empilés, l'endroit paraissait assez correct pour accueillir et abriter du froid son invité, momentanément du moins.

Toi non plus…

Répondit elle simplement fixant cet œil sombre perçant, à travers mèche rebelle. Cinglant constat, criant de vérité même, ni insulte, ni compliment, simple observation faite par une enfant. Laissant en suspend ce prénom offert auparavant, comme s’il restait coincé entre ses dents. Désormais, elle le jaugeait dans son ensemble, se demandant si empreinte du Sans Nom se limitait à son seul visage. Du haut de ses dix ans, môme aux yeux vairons brulait de découvrir ce corps, pas comme un adulte l’entendrait soit dit en passant. Quelles curiosités pouvaient bien cacher ces vêtements ? Mais alors que silence tendait à s’imposer telle une évidence, elle prit les devants tout en se décollant de l’entrée et s’avançant vers lui :

Tu… peux… rester ici…

Senestre venue dégager mèche rebelle, désignait maintenant échelle au fond, comme s’il était hors de question qu’il ait pu dire non.
Au… moins jusqu’au… printemps.
Proposition est faite sans ménagement, spontanément et sans autre idée que celle de le garder. Comme si, tout cela était évident, comme si manifestement il ne pouvait en être autrement. Comme si âmes jumelles se retrouvaient une vie après l’autre, depuis la création et qu’elles reprenaient leurs droits ici encore naturellement.
Tu peux t’installer là-haut.
Soudainement, tout en parlant, réalisant qu’elle ne s'était adressée à personne depuis bien longtemps, appréhendant un refus, un revers, nouvelle gifle pour celle qui, pour une fois, avait pris les devants. Alors, comme pour s'y préparer, pour éviter la désillusion, vairons s'étaient baissés, espérant ainsi échapper au regard de dédain de celui qui , par son désaveu, lui rappellerait durement que son destin n'était qu’exclusion. Se mettre ainsi en position de faiblesse, était une faute involontairement commise. Comment ne pas être déçue, maintenant ? Comment accepter qu’il veuille la quitter alors que tous deux ont tant à partager, encore ? Pourquoi cette crainte était-elle venue l’embrasser? Comme si adulte avait envie de perdre son temps avec elle, enfant démon, que tous fuyaient ? Tant domestiques que parents ?

Pour la première fois, elle se sentit bête, désarmée face à ce qui semblait être des… sentiments ? Cœur froid, ne le semblait plus tant que ça. Il cognait même prestement. Joues s’étaient animées d’un pourpre gênant.
Au dehors des voix se rapprochaient, encore, laissant percevoir clairement les propos émis par ceux dont elles émanaient. Son corps se tendit, en même temps que l'oreille, et mouvement la conduisit à la porte pour évaluer la situation :
Voix masculine d'abord, doucereuse, semblant insister :


Alleeeeeez viiiiiiiens, Elise, vit’fait… personne saura riiiien… Petit gloussement féminin, assez typique et faussement gêné.
On va s'faire prendre… t'es…
Mais j'compte bien… te...

Vairons roulèrent subitement, oubliant jusqu’à la proposition, soulagée presque d'avoir échappé à ce "non". Voilà-t-il pas qu’antre choisi, était lieu de convoitise d’une autre paire illégitime, mais pour différente raison ? Fallait le faire. Tête s’était lentement détournée vers Edvwin, index senestre posé sur ses lèvres, tandis que l'autre désignait échelle au fond. Et, sans qu’il n’ait eu le temps de lui répondre, Myelie s’était glissée dehors et refermé dans son dos, laissant l’homme seul.
On entendit la femme pousser un cri surpris, silence, des pas, puis plus rien pendant un long moment.

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Tout ceci n'est qu'un jeu...
Edvwin
    Il n’y avait rien avant cela, pas l’ombre d’un espoir nouveau venant caresser du bout de ses doigts, la chance offerte d’une quiétude apaisante d’un peu de chaleur, et de quelques victuailles dérobées sans aucune compassion. Attiré par le salé de ces viandes, tel le cochon en quête de ce qui n’aura de cesse de raviver son insatiable estomac, lui désormais, ne saurait s’enivrer à nouveau de ces vivres, point sur ces terres, point tant que l’on ne l’aura invité à le faire. Et point encore, tant que cette même invitation, ne saurait découler de la grâce même de ladite Myelie, arborant alors, le parfait visage de ce renouveau inattendu, l’apaisant visage, de ce qu’est cet espoir dont il se conforte d’ores et déjà tant. Ainsi, à jamais, elle restera gravé en son for intérieur, il s’en fait présentement la promesse.

    Silencieux il se veut être, parfait observateur, mystérieux et curieux à la fois, celle qui lui fait présentement face, semble cacher en elle, un fardeau qui saurait encore échapper à sa raison. Le temps est une force, un apprentissage qu’il convient de savourer sans la moindre peine aucune car Edvwin le sait… Bienheureux est celui qui n’apporte aucune justification à son propre fardeau. C’est ainsi, et lorsque le marteau de la vie frappe le bois, il convient de rester silencieux même lorsque le marteau frappant le métal vient à son tour inonder les esprits d’un destin bien trop souvent cruel. Ainsi, bien que les questions le submergent, elle n’y verra qu’un simple sourire en coin, déjà fidèle, éternel à souhait, qu’elle s’en délecte dès à présent, ou jamais.

    Lui pourrait oser, venir caresser cette chaire, du bout de ses doigts aux ongles crasseux, contempler son âme de cet œil impur, embrasser et embraser son être, de par cette simple volonté qui lui est propre, et qui lui tient à cœur. L’envie de converser et d’échanger, bien que trop forte, le voici alors dans l’incapacité non désirée que de pousser le moindre mot, préférant ainsi la douceur du silence mariée à souhait avec la chaleur des lieux renfermant ces deux carcasses en quête d’une découverte qui n’appartient à nul autre.
    Et pourquoi Diable vouloir ainsi dénaturer ce qui en vient à graver la pierre et le marbre, silence est une arme et il n’est que vérité lorsque danse s’offre entre deux de ses âmes vivement éveillées par ce petit quelque chose que tous deux ne maîtrisent point.

    Quelqu’un vient, il le devine aisément, mais alors que Myelie s’absente dans l’optique de récolter le fruit de cette invitation soudaine, le voici alors quant à lui contraint que de maintenir son silence, avant que l’ordre ne fuse enfin. L’index désigne l’échelle dans son dos, nouveau signe, et il se doit de s’y tenir. Ainsi, l’invitation donnée prenait alors tout son sens, lui ne passerait pas un nouvel hiver dans le froid à errer, loin des siens, loin de lui, loin de tout.
    Palpitant s’accélère, il ne lui faudrait néanmoins pas se faire prendre, sans quoi il se pourrait bien qu’il rejoigne bien assez rapidement les geôles de la ville la plus proche. Les pas sont pressés alors que ses mains déjà agrippent les barreaux de l’échelle, l’ascension débute, jusqu’à ce qu’il en viennent à se retrouver au niveau supérieur.

    Jeté de l’avant, allongé à même le sol, il roule, sur deux ou trois mètres, ne prenant pas garde à la paille qui s’accroche à ses tissus, et c’est sur le dos qu’il se retrouve enfin, yeux rivés vers le plafond, mains jointes derrière son crâne, comme pour soupeser ce dernier et toujours, cet éternel sourire au coin de ses lèvres.

    Intérieurement, il chante, intérieurement, il respire enfin, désormais bien loin de s’inquiéter pour ce danger potentiel en approche. Myelie n’en fera qu’une bouchée, intérieurement, il le sait.
Myelie
Sortir, braver le froid, n’avoir d’autre choix pour préserver chaleur provisoirement abandonnée à l’intérieur. Subir la morsure du vent sur sa chair, encore, se confronter au contact glacial des autres, encore. Silhouette enfantine se dressait, tel cerbère, devant la porte, toutes griffes et dents dehors, prête à tout, ou presque, pour que nul ne pénètre en leur antre. Le spectacle était digne d’une histoire d’épouvante, celles racontées aux enfants, en soirée, au coin du feu ; debout, face à eux apparition fantomatique, cheveux noir de jais ondulent balayés par le vent, vairons figés, bras longeant mollement son corps et à leurs extrémités, mains ensanglantées. Il n’en fallait pas plus pour causer chez les importuns, surpris, un trouble profond, et chez la femme, un cri à la vue du spectacle sanglant. Comme prévu, le couple ne tarda pas à s’éloigner, à reculons d’abord, tournant les talons ensuite, comme prévu, ils donnèrent l’alerte et, comme elle le prévoyait encore, père déboulerait quelques instants plus tard, furieux.

En attendant, le plus sûr était encore de s’éloigner de l’écurie, le coin de la demeure fut rapidement contourné, elle atteignit ensuite la fenêtre du garde-manger, restée ouverte, y ramassa lame et carcasse, puis attendit. Les écarter de Lui à tout prix était primordial, et pour cela, elle devait attirer les foudres sur elle. Loin d’elle l’idée de faire ce sacrifice pour Lui, non, cette abnégation, elle le faisait pour Le garder, Lui, son intérêt. Respiration se faisait lente, esprit se concentrait sur Edwvin resté dans l’écurie, mains glacées serraient l’emprise sur leur contenu ; à cet instant, elle le sait, elle va passer un mauvais quart d’heure, mais peu lui importe, car esprit est loin de là.

Depuis quelques temps, père était moins compréhensif, moins craintif aussi. Désarmé face aux nombreuses exactions de la noiraude, face à son comportement, face aux deux âmes l’habitant, poussé par mère et tous les autres, il avait fini par prendre conseil auprès de l’Eglise, qui ne manqua pas de lui donner quelques instructions inspirées, sans doutes, par des écrits d’un livre vertueux. Au-delà de ça, punitions étaient devenues plus crues, cruelles, aussi, parfois.

Des années qu’elle subissait des séances de prières, d’exorcisme, de rituels spirituels de toutes sortes sensés la laver, la purifier, sensés déloger cette seconde âme du Sans Nom, cette malédiction venue s’abattre, non pas sur elle, mais sur la famille disait-on. Qu’avaient-ils bien pu faire ? Et elle ? Qu'avait-elle fait ? Rien, du moins au début. Mais, puisque même cela n’avait fonctionné, que patience à bout était arrivée, face à sa passivité, à ses écarts, à ses expériences, tel un animal, on lui inculquait notion de bien et de mal par la force. Alors, en cet instant, elle n'ignorait rien de la scène qui suivrait et, en son for, elle s'en faisait le film avec soin, s'y préparant.

Père arrivera, furieux, regard perdu, déçu, fou. Il l'empoignera par le bras, la jaugera de haut en bas, caressant la Croix et, confronté à l'horreur et à ses vairons froids, il dira d'un ton alliant désespoir et dégoût à la fois: « Qu'avez-vous fait cette fois ? Que vais-je faire de vous ? ». Comme à chaque fois, elle ne comprendra pas, puisqu'elle ignore la frontière entre le bien et le mal. Il verra carcasse du chat, mortifié, gifle raisonnera puis il l'entrainera à l'intérieur, où, après correction, on la lavera, habillera et enfermera un laps de temps, faute de mieux. Tout cela, sera encaissé sans un mot, sans un gémissement, sans une explication, puisque démon en elle appréciera, presque, la douleur, plaisir douteux mais réel d'une gamine qui en vient à en avoir besoin pour se sentir humaine. Un démon sentirait-il la douleur ? La sent-il Lui ? Il faudrait qu'elle en ai le cœur net, elle essaiera, une fois que ce sera fini, pour voir, pour savoir, pour comprendre et saisir cette nuance étrange entre le corps et âme.

Tout se déroula comme prévu. Punition ne durait jamais longtemps, depuis des lustres, divers scénarios étaient préparés et esprit tordu les avait pour la plupart anticipés. Clé de secours, passepartout providentiel , déverrouilla la serrure, puis referma dans son dos, alimentant ainsi bêtement les fantasmes et le mystère entourant l'enfant sur ses capacités mystiques. Dans la salle à manger, mère pleurait le chat et son sort, bien plus que celui de son enfant. Lentement, spectre parmi les vivants, elle se faufila jusque dans les cuisines , où serviteurs affairés, allant et venant, présentaient le repas familial duquel elle était privé, bien sûr. Ne restait plus que la cuisinière, qui trop occupée, ne la vit pas bifurquer en direction du garde manger. Subtilisant un linge propre au passage, quelques vivres y furent entassés à la hâte, dont morceau de lard entamé, miche de pain du jour et quelques fruits séchés. Le tout fut bien emballé et demoiselle, prit la poudre d'escampette par la fenêtre qui avait vu entrer vagabond quelques heures plus tôt.

Poulardes touchèrent le sol et pique-nique en main, elle s'était encouru vers leur repère, en quête de chaleur. Mais y serait-il seulement ? Môme poussa la porte et se glissa à l'intérieur, vairons cherchant désespérément silhouette dans la pénombre. Lumière était sur le déclin au moment même où elle rejoignait l'ombre. Et s'il était parti ? Silence pesant régnait dans l'antre, alors que d'un pas lent la pièce était traversée, jusqu'au pied de l'échelle. Regard levé plein d'espoirs et de doutes à la fois, vers cette mezzanine, et là survint réflexe bizarre, doucement de ses lèvres fines s'échappa un bourdonnement imitant bel et bien celui d'une abeille, manière étrange de s'annoncer, originale même, particulière en tout cas.

Cœur battant, main dextre se fixa sur le barreau, tandis que senestre maintenait le baluchon, montée fut entamée, péniblement, jusqu'au sommet. Cheveux apparurent d'abord, mouillés et tressés, visage ensuite dont joue gauche, rouge, est encore marquée par le gnon paternel, sourire indéfinissable se profile en devinant sa silhouette encore allongée.

Sourire victorieux ensuite lorsqu'elle hisse sur la mansarde le tissu contenant la ripaille. Mais comme elle ne faisait, jamais, rien comme il faut, devinant que par trop bien les reproches qui arriveraient, surement, comme pour excuser encore son éternelle imperfection elle lâcha d'un ton sec :


Edvwin, j'ai… j'ai oublié le vin.

Non, Myelie ne s'en excusait pas, elle prévenait, elle mettait en garde contre la déception qu'elle croyait inévitable et que pour une fois, elle ne voulait pas lire dans ce regard, surtout pas dans celui là. Ne pas le faire fuir, essayer de ne pas laisser paraître ce vide, le cacher encore un peu, pour qu'elle reste cette âme jumelle. Vairons se perdent à nouveau sur visage marbré fascinés par cette créature qu'elle tente tant bien que mal d'apprivoiser. Bien sûr, elle passera sous silence les peines infligées, physiques, son fardeau lui appartient à elle, tout comme lui, elle le portera seule. Pour l'heure, assise en tailleur à un mètre de lui, ses petits doigts propres s'affairent à défaire un nœud, laissant le plaisir à l'autre, de découvrir son contenu et la promesse d'un premier repas somptueux.
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