Edvwin
- _ Cinq ans plus tôt
Il y a de ces voleurs qui nen sont pas, lorsque la faim aime à cogner à la porte de ces tripes asséchées. Il y a en ce malfrat improvisé, un brigand forcé et contraint par la hargne de saccrocher à une vie qui nen vaut pas la moitié dune et pourtant, comme un appel, un soupçon, un frisson même dun poing fermé lorsque regard lui se pose, sur cette grande bâtisse qui nen est pas une. Nous nommerons des terres, un château et comme un esprit de noblesse qui flotte dans les airs. Dernière corde à son arc, les solutions lui manquent, il lui faut manger, et comment résister alors, face à lassaut de ces effluves endiablées qui viennent violenter ses narines ? Cuisine est proche, non loin doivent se trouver des réserves de nourritures, et la simple idée que de pouvoir enfoncer ses canines au travers dune banale miche de pain en vient à le faire se plier en deux de douleur. La faim cogne sévère.
« Allez Un peu dcourage. »
Lui nest point à sa place, il ne la jamais été pour tout avouer mais pour lheure, lui se doit être, là où il sera en mesure de se mettre quelque chose sous la dent. Bras enveloppe un fin tronc darbre sur lequel repose sa joue et une partie de son corps affaiblit, regard rivé sur limmensité au travers des fourrées en lesquelles il se dissimule présentement.
Il frousse, et pas quun peu. Car il nest pas « Un voleur, je nsuis pas un voleur... »
Autre solution aurait été que de prendre son courage à deux mains, ravaler sa fierté et sen aller mendier aux portes du domaine et pourtant, lui se voit déjà recevoir une correction digne de ce nom, dun coup de pied aux fesses, de quelques insultes réceptionnées à la volée Lorsquà linverse, il se voit tout autant pendu au bout dune corde sil en venait à se faire prendre la main dans le sac. Dilemme Ou pas, car déjà, il sélance, se lance et sabat, sur cette herbe faiblement enneigée et qui ne manque pas de lui glacer les orteils au travers de ses chausses.
« Je prends de quoi manger, et je men vais Je ne suis pas un voleur. »
Château se rapproche, le stress monte, le froid nest plus et pourtant, il tremble, sensations inédites de linstant présent alors que le regard reste attentif à quelconque mouvement potentiel susceptible de survenir dans les environs. Les gardes sont passés il y a peu, ce qui semble lui laisser le champ libre, pour se servir ou tenter une infiltration si maladroite puisse-t-elle être, lui le sait par avance.
Car déjà, plat de la main vient caresser la pierre, dinfimes fenêtres en rectangle viennent épouser le niveau du sol, certaines sont entrouvertes, dautres non, seule certitude pour lheure, les cuisines ne sont pas loin.
Les yeux se ferment un court instant, faim revient à la charge, grondement dun estomac vide semblable à celui dun violent orage, que le Sans Nom en soit témoin, ce nest pourtant point lappel de son rejeton. Il ose, il tâte, encore et encore jusquà tomber sur cette simple faiblesse dune fenêtre qui cède et lui offre alors, cette ouverture tant désirée, à lui qui ny croyait plus et se voyait déjà revenir sur ses pas. Et lorsque les deux jambes passent et viennent alors à la rencontre de la chaleur environnante de lautre côté de lépais mur, il le sait, il ne peut plus faire marche arrière car point de non retour est pleinement franchit.
Son corps fin néprouve aucun mal à passer cette barrière qui nen est plus une, lendroit est sombre, seulement éclairé par quelques bougies aux flammes vacillantes alors que certaines cèdent et se taisent sur son passage, maladroit, comme il lavait prévu. Rapide constat, lui se trouve être dans un espace voisin à celui des cuisines car de lautre côté dune poterne, les voix sélèvent, les ordres fusent. Lui était à seulement deux doigts, que de se faire pincer, ça cest joué à une fenêtre seulement.
Paradis du moment, juste sous ses yeux, lorsque ses chausses rejoignent le sol dun geste léger, et que ses mains empoignent dores et déjà, ces quelques morceaux dun lard séché exposés en un panier dosier. Quil serait dommage et bien malheureux, que de les négliger.