Louis_marie
Pour la centième fois depuis votre arrivée dans la capitale, le cuir de tes bottes vient frapper le même gravillon innocent. Qu'est-ce qu'il t'a fait ? Rien, mais il est parisien et c'est une raison bien suffisante pour le haïr. Ton minois rougi par l'air glacé de février s'arrache un instant à la contemplation du sol pour observer les bâtiments, puis se lève jusqu'à apercevoir le ciel grisâtre. C'est un miracle qu'il ne pleuve pas encore. Paris est une ville maudite, malade, tout est recouvert d'un voile de poussière, les maisons semblent s'affaisser les unes après les autres, et plane dans l'air comme une odeur de mort. Tu n'aurais jamais dû venir, tu aimerais partir, retourner en province, loin des souvenirs douloureux. C'est ici, LM, ici que tu as grandi, dans ces ruelles que tu t'es planqué, sur ces marches que tu t'es assis pour avaler les trois miettes de pain te faisant office de repas, contre ces murs que tu t'es adossé, les bras croisés, la moue boudeuse, attendant pendant des heures que ta mère, puis ta soeur, aient fini leur besogne. Qu'est-ce qui a changé, depuis ? Rien. Tu as un peu plus de poils au menton, voilà tout.
Le regard rejoint les pavés, dans un affaissement d'épaules qui ne laisse aucun doute sur ton état d'esprit, et un nouveau coup de pied est porté au caillou désigné arbitrairement pour être victime de tes humeurs. Tu n'as même pas cherché à cacher, depuis votre départ de Limoges, à quel point ce voyage t'agace. Bien sûr, tu es heureux de retrouver celle qui, il y a deux mois, quittait Limoges et votre vie en ne laissant, pour tout adieu, qu'une brève lettre qui n'expliquait rien. Si tu es là, c'est pour elle, pour la sauver, mettre des mots sur le spectacle de son corps convulsant anarchiquement sur le sol et t'assurer que cela n'arrivera plus jamais. Mais Paris t'accable, Paris te ramène à Marie-Gertrude et à ses rires obscènes, à ta panse vide et à tes échecs, à cette soeur qui t'échappera toujours et à Mérance. La sorcière rousse t'a toujours inspiré une sorte d'admiration malsaine, une peur mêlée de curiosité, comme si, conscient du pouvoir qu'elle détient, tu ne t'en méfiais que davantage. Les rares fois où tu as eu à lui adresser la parole, tes phalanges s'agitaient dans tes cheveux en un geste anxieux, et savoir le lien qui les unit, elle et ta soeur, n'améliore rien. Sans doute qu'en ton for intérieur, tu t'es déjà promis un certain nombre de fois que tu ne la reverrai plus jamais. C'est bien trop dangereux. Sauf qu'aujourd'hui, tu as besoin d'elle. Vous avez besoin d'elle.
Tu accélères le pas, continuant de balancer des coups de pied réguliers et calculés dans ton jouet, pour le projeter chaque fois quelques mètres devant toi. À vrai dire, si tu as la même tignasse emmêlée, le même parfum alcoolisé, le même air voyou, qu'au temps maudit de ton enfance, certaines choses ont tout de même changé. Tu ne tenais pas le bras de Gysèle comme tu le fais maintenant, parce qu'elle n'était pas ta femme et parce qu'elle n'était pas blessée. Tu n'avais pas de nièce, encore moins de nièce poignardant ta soeur, et tu n'étais donc pas obsédé par un dilemme constant : protéger la nièce ou venger la soeur ? Signer un aller direct pour l'enfer ou décevoir ton épouse ? LM, quand tu étais petit, tu n'avais ni l'alliance qui décore désormais en permanence ta main gauche, ni l'écharpe qui te protège aujourd'hui du froid. Mais tu avais les épaules bien plus légères.
Il s'agit là d'un fait universellement connu : la nervosité des Ponthieu se traduit toujours par un flot ininterrompu de paroles, débitées à un rythme anormalement rapide. Tu n'as pas cessé de déblatérer des conneries de ce genre depuis votre départ, et c'est un autre miracle que la rousse qui t'accompagne n'ait pas encore osé t'assommer.
Et le caillou, frappé à mort, est envoyé directement dans le caniveau. Son sort à lui est scellé. Bien fait pour sa gueule.
Le titre de ce RP a été bienveillamment soufflé par LJD Gysèle.
- J'déteste c'te ville. En plus, on s'les gèle.
Le regard rejoint les pavés, dans un affaissement d'épaules qui ne laisse aucun doute sur ton état d'esprit, et un nouveau coup de pied est porté au caillou désigné arbitrairement pour être victime de tes humeurs. Tu n'as même pas cherché à cacher, depuis votre départ de Limoges, à quel point ce voyage t'agace. Bien sûr, tu es heureux de retrouver celle qui, il y a deux mois, quittait Limoges et votre vie en ne laissant, pour tout adieu, qu'une brève lettre qui n'expliquait rien. Si tu es là, c'est pour elle, pour la sauver, mettre des mots sur le spectacle de son corps convulsant anarchiquement sur le sol et t'assurer que cela n'arrivera plus jamais. Mais Paris t'accable, Paris te ramène à Marie-Gertrude et à ses rires obscènes, à ta panse vide et à tes échecs, à cette soeur qui t'échappera toujours et à Mérance. La sorcière rousse t'a toujours inspiré une sorte d'admiration malsaine, une peur mêlée de curiosité, comme si, conscient du pouvoir qu'elle détient, tu ne t'en méfiais que davantage. Les rares fois où tu as eu à lui adresser la parole, tes phalanges s'agitaient dans tes cheveux en un geste anxieux, et savoir le lien qui les unit, elle et ta soeur, n'améliore rien. Sans doute qu'en ton for intérieur, tu t'es déjà promis un certain nombre de fois que tu ne la reverrai plus jamais. C'est bien trop dangereux. Sauf qu'aujourd'hui, tu as besoin d'elle. Vous avez besoin d'elle.
Tu accélères le pas, continuant de balancer des coups de pied réguliers et calculés dans ton jouet, pour le projeter chaque fois quelques mètres devant toi. À vrai dire, si tu as la même tignasse emmêlée, le même parfum alcoolisé, le même air voyou, qu'au temps maudit de ton enfance, certaines choses ont tout de même changé. Tu ne tenais pas le bras de Gysèle comme tu le fais maintenant, parce qu'elle n'était pas ta femme et parce qu'elle n'était pas blessée. Tu n'avais pas de nièce, encore moins de nièce poignardant ta soeur, et tu n'étais donc pas obsédé par un dilemme constant : protéger la nièce ou venger la soeur ? Signer un aller direct pour l'enfer ou décevoir ton épouse ? LM, quand tu étais petit, tu n'avais ni l'alliance qui décore désormais en permanence ta main gauche, ni l'écharpe qui te protège aujourd'hui du froid. Mais tu avais les épaules bien plus légères.
- J'suis sûr qu'elle va pouvoir la sauver. J'ai t'jours pensé qu'il fallait pas trop faire confiance aux gens comme elle, mais après tout, elle fait des choses qui fonctionnent bien. Et puis y'a rien d'mauvais, hein, c'sont juste des plantes. Des plantes, des herbes, des choses comme ça. Pas d'magie là-d'dans. Si y'en a, c'rien du tout, juste quelques p'tites formules parce que ça lui fait plaisir d'dire des trucs qu'ont pas d'sens, mais rien d'répréhensible. Rien qui pourrait nous attirer des emmerdes. Non, non, tout va bien aller. En plus, t'sais qu'il paraît qu'les crises de Grenouille ont empiré ? J'ai réfléchi, et j'me suis dit qu'j'voyais pas bien comment ça peut être pire que c'que c'était. M'enfin, en tout cas, elle s'ra contente quand Mérance l'aura guérie. Oui, vraiment, elle s'ra contente. Ravie même. Elle voudra nous r'mercier d'l'avoir présentée à Mérance, forcément. Parce que du coup, c't'un peu nous qui l'aurons sauvée, indirectement, t'vois ? P't'être qu'elle abandonnera les roux pis qu'elle rejoindra Limoges pour v'nir vivre avec nous. Tu crois qu'c'est possible ?
Il s'agit là d'un fait universellement connu : la nervosité des Ponthieu se traduit toujours par un flot ininterrompu de paroles, débitées à un rythme anormalement rapide. Tu n'as pas cessé de déblatérer des conneries de ce genre depuis votre départ, et c'est un autre miracle que la rousse qui t'accompagne n'ait pas encore osé t'assommer.
Et le caillou, frappé à mort, est envoyé directement dans le caniveau. Son sort à lui est scellé. Bien fait pour sa gueule.
Le titre de ce RP a été bienveillamment soufflé par LJD Gysèle.