Etienne_de_ligny
Le courage est là. Pourquoi ce soir, pourquoi en cet instant ? Cela il l'ignore. Pourtant, il est bien revêtu de ses simples braies, le séant posé dans son fauteuil, la fenêtre devant lui donnant sur les lumières de la ville. Les lumières jouent, fugaces, transformant les ombres des villageois en entité difformes et allongés. Il observe, silencieux et l'esprit vide, les putains qui prennent position dans la ruelle de droite, les maréchaux qui prennent leurs postes et échangent les dernières consignes au loin. La nuit règne, les chaumières habitées s'endorment, là où encore une fois, le Griffé ne trouve toujours pas le sommeil. Chaque nuit depuis sa libération lui semble être l'instant où l'esprit s'éveille le plus. Lambeaux de ses maux, éclatant à ses tempes, sévices, paroles et messes, revenant machinalement alors qu'il semble être conscient de tout ce qui se trame, se vit dans ses songes. Les lippes presque semblent se mouvoir, récitant les paroles du Très Haut, quand le visage se pare de grimaces sous les coups qui se rappellent à son échine. Alors, une fois de plus, il quitte sa couche, l'esprit courroucé, la gorge serrée et s'adonne à cette boisson qui devient, finalement, le seul exutoire moins risqué et vif que les rixes.
Pourtant cette fois-ci, il a eu le courage de sortir cette missive de sa chemise pour en assumer le courroux et les nouvelles. Pourtant, il le sait, il ferait mieux de sépargner. Depuis sa sortie, les situations délicates s'étaient enchaînées, le contraignant à ronger son frein, nourrir une rage tenace et un sentiment d'injustice qui encore aujourd'hui, lui vrille les tripes. Il n'est plus que cela, une coquille animée par ces sentiments contradictoires et vifs, un mort vivant qui se sent étranger tant en son propre domaine, qu'en son lupanar. Un homme qui malgré sa sortie, tant espérée n'a eu de cesse de la regretter. C'est sûrement ce sentiment là, qui est le plus fort, le plus vil à son poitrail. Celui d'être assuré qu'il aurait mieux fallu, resté et demeuré mort aux yeux de ceux, qui se sont fait à l'idée plutôt que bousculer, habitude et vie, par un retour.
Alors pourquoi lire cette missive, s'il en craint le contenu, s'il sait que ce qui peut s'y cacher pourrait soit le soulager soit le condamner. Peut être parce que c'est Lui, parcequ'il n'a jamais été lâche jusqu'à présent et que, les sentiments qu'il lui porte n'ont jamais été anéanti, malgré l'application de ces culs bénis. Quatre ans. C'est le temps d'un deuil, d'une vie qui se reconstruit, d'un amant que l'on oublie. Quatre ans. C'est la fin d'une relation qui pour lui, avait été interrompue, là où pour les vivants, elle s'était effritée pour n'être plus qu'un souvenir. Le De Ligny le sait, il ne doit pas lire cette lettre au risque de sombrer. Et pourtant, à ce jour, il n'a plus rien à perdre puisque tout, a déjà disparu, il y a quatre ans.
Le cachet est retiré. La lettre est lue.
Trois mots. Pas un de plus. Rien que trois mots et pourtant, l'effet sur le Griffé est tel, qu'il doit s'imposer une pause. Il ne saurait dire, si le palpitant est étreint avec violence sous l'effet d'une rage plus corrosive encore ou par cette affection sans borne qu'il lui vouait. Trois mots qui lui balance à la gueule, ce sentiment et en confirme les effets. Trois mots de plus, qu'il n'aurait jamais dû lire et entendre. Trois mots qui brise ce qui reste de Lui, de ce passé dont il fut privé. Trois mots qui rappelèrent à De Ligny, que la vie s'était déroulée en son absence, de manière relativement ingrate pour ce qu'il en avait vu. Trois mots, pour lui faire comprendre que tout ce qui fût, n'est plus.
Le verre est bu d'une traite. Pansement éphémère contre une réalité plus cruelle qu'il n'y paraît et d'une solitude aussi évidente que celle qui habite sa demeure. Un autre est servi, bu et d'autres senchaînent pour calmer cette douleur qui l'habite, qui lui semble plus douloureuse que les maux infligés au cours de ces quatre années. Après tout, les douleurs physiques sont toujours plus douces que celles, qui touchent à l'esprit et cherchent à le briser.
Il faut quelques minutes pour que l'alcool lui monte aux tempes, pour que l'agacement, l'injustice et ce sentiment d'impuissance lui blanchisse les phalanges. L'échine se dresse, les effets sont débarrassés avec violence, réveillant la servante qui, finalement devient un souffre douleur. Il ne la congédie pas, non. Il déverse sa bile, tout ce qui lui a échappé au cours de ces quatre années et qu'il n'a pu retenir, étreindre. Il ne maîtrise pas sa rage et pour la première fois, malgré ses vices et ses colères déjà habituelles, c'est une frayeur sans non qu'il lit sur le visage tuméfié de sa servante. Les mains tremblent alors qu'elles protègent son visage, lorsque le corps entier, recroquevillé semble déjà brisé. A sa porte, deux autres servantes qui partagent le même regard et se fige sous l'horreur d'un masque qui se brise pour la première fois. Plus de contenance, plus de limites. De Ligny avoue une nature qui lui échappe sous le poids de ces mots..de trop.
Les servantes sont invités sous une menace rauque et transpirante à dégager la donzelle de sa piaule quand la porte est claquée derrière elle.
Seul. Il l'est. Seul, il le restera sans nul doute. Pourtant, il ne peut se résoudre à laisser filer, une fois de plus cette vie. Vélin est pris, égoïstement alors qu'il abat les mots. Est-ce pour mieux se convaincre que ce sentiment d'être de trop est bien réel ? Qu'il aurait peut être fallu qu'il y reste ? Sûrement. Il n'a plus à rien à perdre, alors autant..s'achever et retirer ce dernier lambeau de porcelaine qui reste à ce masque trop précieux.
Tu m'as demandé de ne jamais revenir...J'ai désobéi.
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Pourtant cette fois-ci, il a eu le courage de sortir cette missive de sa chemise pour en assumer le courroux et les nouvelles. Pourtant, il le sait, il ferait mieux de sépargner. Depuis sa sortie, les situations délicates s'étaient enchaînées, le contraignant à ronger son frein, nourrir une rage tenace et un sentiment d'injustice qui encore aujourd'hui, lui vrille les tripes. Il n'est plus que cela, une coquille animée par ces sentiments contradictoires et vifs, un mort vivant qui se sent étranger tant en son propre domaine, qu'en son lupanar. Un homme qui malgré sa sortie, tant espérée n'a eu de cesse de la regretter. C'est sûrement ce sentiment là, qui est le plus fort, le plus vil à son poitrail. Celui d'être assuré qu'il aurait mieux fallu, resté et demeuré mort aux yeux de ceux, qui se sont fait à l'idée plutôt que bousculer, habitude et vie, par un retour.
Alors pourquoi lire cette missive, s'il en craint le contenu, s'il sait que ce qui peut s'y cacher pourrait soit le soulager soit le condamner. Peut être parce que c'est Lui, parcequ'il n'a jamais été lâche jusqu'à présent et que, les sentiments qu'il lui porte n'ont jamais été anéanti, malgré l'application de ces culs bénis. Quatre ans. C'est le temps d'un deuil, d'une vie qui se reconstruit, d'un amant que l'on oublie. Quatre ans. C'est la fin d'une relation qui pour lui, avait été interrompue, là où pour les vivants, elle s'était effritée pour n'être plus qu'un souvenir. Le De Ligny le sait, il ne doit pas lire cette lettre au risque de sombrer. Et pourtant, à ce jour, il n'a plus rien à perdre puisque tout, a déjà disparu, il y a quatre ans.
Le cachet est retiré. La lettre est lue.
Citation:
Ne reviens jamais.
Trois mots. Pas un de plus. Rien que trois mots et pourtant, l'effet sur le Griffé est tel, qu'il doit s'imposer une pause. Il ne saurait dire, si le palpitant est étreint avec violence sous l'effet d'une rage plus corrosive encore ou par cette affection sans borne qu'il lui vouait. Trois mots qui lui balance à la gueule, ce sentiment et en confirme les effets. Trois mots de plus, qu'il n'aurait jamais dû lire et entendre. Trois mots qui brise ce qui reste de Lui, de ce passé dont il fut privé. Trois mots qui rappelèrent à De Ligny, que la vie s'était déroulée en son absence, de manière relativement ingrate pour ce qu'il en avait vu. Trois mots, pour lui faire comprendre que tout ce qui fût, n'est plus.
Le verre est bu d'une traite. Pansement éphémère contre une réalité plus cruelle qu'il n'y paraît et d'une solitude aussi évidente que celle qui habite sa demeure. Un autre est servi, bu et d'autres senchaînent pour calmer cette douleur qui l'habite, qui lui semble plus douloureuse que les maux infligés au cours de ces quatre années. Après tout, les douleurs physiques sont toujours plus douces que celles, qui touchent à l'esprit et cherchent à le briser.
Il faut quelques minutes pour que l'alcool lui monte aux tempes, pour que l'agacement, l'injustice et ce sentiment d'impuissance lui blanchisse les phalanges. L'échine se dresse, les effets sont débarrassés avec violence, réveillant la servante qui, finalement devient un souffre douleur. Il ne la congédie pas, non. Il déverse sa bile, tout ce qui lui a échappé au cours de ces quatre années et qu'il n'a pu retenir, étreindre. Il ne maîtrise pas sa rage et pour la première fois, malgré ses vices et ses colères déjà habituelles, c'est une frayeur sans non qu'il lit sur le visage tuméfié de sa servante. Les mains tremblent alors qu'elles protègent son visage, lorsque le corps entier, recroquevillé semble déjà brisé. A sa porte, deux autres servantes qui partagent le même regard et se fige sous l'horreur d'un masque qui se brise pour la première fois. Plus de contenance, plus de limites. De Ligny avoue une nature qui lui échappe sous le poids de ces mots..de trop.
Les servantes sont invités sous une menace rauque et transpirante à dégager la donzelle de sa piaule quand la porte est claquée derrière elle.
Seul. Il l'est. Seul, il le restera sans nul doute. Pourtant, il ne peut se résoudre à laisser filer, une fois de plus cette vie. Vélin est pris, égoïstement alors qu'il abat les mots. Est-ce pour mieux se convaincre que ce sentiment d'être de trop est bien réel ? Qu'il aurait peut être fallu qu'il y reste ? Sûrement. Il n'a plus à rien à perdre, alors autant..s'achever et retirer ce dernier lambeau de porcelaine qui reste à ce masque trop précieux.
Citation:
A toi, Alphonse Tabouret..
Je ne saurai par où commencer quand cette lettre pourtant me semble être la dernière, qu'il me faut t'adresser par respect pour celui que tu fus et demeure à mes yeux.
Il y a quatre ans, suite à notre dispute, je suis revenu à mon domaine. J'ai été accueilli par mon grand père, propriétaire de nos titres, de notre prestance et conservateur très dévoué, de nos valeurs. Il a eu vent de mes maux, de mes vices, de mes travers. Les pieds de nez furent de trop et sous bonne garde, je fus conduit dans un lieu, austère.
Crois-moi, que si j'avais su..Tout ce que je perdrai ce jour là, je me serai battu avec plus de fougue, de hargne. Mais comment aurais-je pu, faire autrement, quand j'ignorai finalement ce dessein qu'il me réservait..Je pensais aller en geôle pour quelques jours, au pire quelques mois..Mais il n'en fût rien. Il m'a conduit dans un lieu reculé et pieu, un lieu de redressement où les âmes impies sont sauvées de leurs maux.
Ces hommes de foy, ont essayé de guérir une maladie qui n'en est pas une. De soigner, un vice qui n'en est pas un. De sauver une âme qui aujourd'hui, n'est plus.
Je t'écris ce soir après avoir recouvert ma liberté, il y a pourtant deux semaines. De tous les maux qui m'ont éclatés au visage au cours de ces quatre années et à ce retour, celui-ci est de loin, celui que je craignais le plus. J'ai conservé ta missive, tous les jours dans le revers de ma veste, sans oser l'ouvrir, jusqu'à ce soir.
Je t'écris par égoïsme, par besoin, assimilant désormais que la vie s'est poursuivie, là où la mienne est restée en suspens. Je suis étranger de mon propre domaine, de mon propre lupanar. Fantôme que l'on a cru mort et qui finalement, devrait l'être.
Pour la première fois, après la lecture de cette missive, j'ai vu une frayeur que je n'avais jamais vu sur les visages de mes servantes. Je crois que si je peux accepter d'avoir perdu quatre ans de vie, te perdre toi, sous le poids de ces trois mots, fut..de trop, même si je ne pouvais te souhaiter que cela, une vie ..qui je l'espère, serait meilleure.
Je t'aime Alphonse et cela a toujours été le cas. Tu as subi le joug de ma frustration, de cette nature que tu as éveillé et que j'ai mis du temps à assumer, te soumettant par la violence et les rejets à des maux, à cet amour sincère et violent que je te portais et que tu as fais naître malgré mes efforts pour te repousser. Tu as été celui dont on a, durant quatre années, essayé d'arracher et de salir le souvenir. Celui qui pourtant, m'a permis de tenir. Celui pour qui, à ce jour...je dois me résoudre à plier le genoux pour ne plus Aimer, là où je te fais l'offense de revenir dans ta vie à travers cette missive.
Puisses-tu entendre Alphonse que je n'ai jamais voulu t'abandonner...
A toi, Alphonse Tabouret..
Je ne saurai par où commencer quand cette lettre pourtant me semble être la dernière, qu'il me faut t'adresser par respect pour celui que tu fus et demeure à mes yeux.
Il y a quatre ans, suite à notre dispute, je suis revenu à mon domaine. J'ai été accueilli par mon grand père, propriétaire de nos titres, de notre prestance et conservateur très dévoué, de nos valeurs. Il a eu vent de mes maux, de mes vices, de mes travers. Les pieds de nez furent de trop et sous bonne garde, je fus conduit dans un lieu, austère.
Crois-moi, que si j'avais su..Tout ce que je perdrai ce jour là, je me serai battu avec plus de fougue, de hargne. Mais comment aurais-je pu, faire autrement, quand j'ignorai finalement ce dessein qu'il me réservait..Je pensais aller en geôle pour quelques jours, au pire quelques mois..Mais il n'en fût rien. Il m'a conduit dans un lieu reculé et pieu, un lieu de redressement où les âmes impies sont sauvées de leurs maux.
Ces hommes de foy, ont essayé de guérir une maladie qui n'en est pas une. De soigner, un vice qui n'en est pas un. De sauver une âme qui aujourd'hui, n'est plus.
Je t'écris ce soir après avoir recouvert ma liberté, il y a pourtant deux semaines. De tous les maux qui m'ont éclatés au visage au cours de ces quatre années et à ce retour, celui-ci est de loin, celui que je craignais le plus. J'ai conservé ta missive, tous les jours dans le revers de ma veste, sans oser l'ouvrir, jusqu'à ce soir.
Je t'écris par égoïsme, par besoin, assimilant désormais que la vie s'est poursuivie, là où la mienne est restée en suspens. Je suis étranger de mon propre domaine, de mon propre lupanar. Fantôme que l'on a cru mort et qui finalement, devrait l'être.
Pour la première fois, après la lecture de cette missive, j'ai vu une frayeur que je n'avais jamais vu sur les visages de mes servantes. Je crois que si je peux accepter d'avoir perdu quatre ans de vie, te perdre toi, sous le poids de ces trois mots, fut..de trop, même si je ne pouvais te souhaiter que cela, une vie ..qui je l'espère, serait meilleure.
Je t'aime Alphonse et cela a toujours été le cas. Tu as subi le joug de ma frustration, de cette nature que tu as éveillé et que j'ai mis du temps à assumer, te soumettant par la violence et les rejets à des maux, à cet amour sincère et violent que je te portais et que tu as fais naître malgré mes efforts pour te repousser. Tu as été celui dont on a, durant quatre années, essayé d'arracher et de salir le souvenir. Celui qui pourtant, m'a permis de tenir. Celui pour qui, à ce jour...je dois me résoudre à plier le genoux pour ne plus Aimer, là où je te fais l'offense de revenir dans ta vie à travers cette missive.
Puisses-tu entendre Alphonse que je n'ai jamais voulu t'abandonner...
Tu m'as demandé de ne jamais revenir...J'ai désobéi.
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