C'était une torture.
Mélissandre ne parvenait pas à mettre de l'ordre dans ses idées. Prostrée dans un coin de canapé, elle chiffonnait un papier entre ses mains, cherchant quels mots coucher pour parvenir a expliquer à Maiwen ce qui la tourmentait.
Citation:
Maiwen,
Je vais finir par la haïr et je ne peux pas. Je refuse de la perdre. Pas elle. Pas même pour vous. Surtout pas pour vous.
Je suis jalouse. J'en crève. Pourquoi m'avoir retiré notre si doux absolu? Pourquoi avons nous quitter cet Anjou, ce cocon ou nous nichions secrètement nos sentiments?
Je suis égoiste. Je vous veux à moi seule. Je ne sais pas aimer d'avantage que je suis aimé. Je ne suis pas capable d'aimer assez fort pour me disputer votre attention. Je refuse d'en venir à craindre croiser la femme que j'aime le plus au monde par peur de perdre l'homme que j'aime le plus au monde.
J'ai besoin de vivre pour moi. Vous m'affaiblissez. Vous me faites croire que l'avenir sera... Qu'il peut y avoir un avenir pour une femme comme moi. Je vous déteste.
Maiwen, je vous en supplie, suivez moi.
Les ratures étaient désespérées. Tracées si fort qu'elles en transperçaient le papier comme une dague vous déchirait le coeur en deux. Quoi qu'elle fasse, l'expression douloureuse de Maiwen quand elle l'avait éconduit pulsait entre ses tempes, torturant sa cervelle confite d'alcool.
Finalement Mélissandre chiffonna la lettre à deux mains jusqu'à n'en faire qu'une petite boule sans importance. La lune ne savait vivre que dans la lumière, répugnant à subir la moindre once d'ombre qui lui rappelait son statut de vaste cailloux cosmique privé d'un rayonnement propre. Elle n'existait qu'illuminée par les regards, renvoyant au monde une aura qui lui était devenue vitale. Si bien que le papier vola dans la pièce jusqu'à rebondir dans un froufrou contre un mur et se perdre sous un meuble.
- C'est absurde. Absurde.
Ca l'était. Mélissandre savait qu'elle s'amputait volontairement de son soleil pour une question d'égo. Parcequ'elle ne parvenait pas à trouver en elle la force d'accepter le lien entre sa cousine et l'homme dont elle s'était éprise. Si ils n'avaient été qu'amant, la chose aurait été aisée. La princesse n'était pas d'un tempérement jaloux, ayant elle même du gout pour les badinages intempestifs. Mais avant d'être l'homme qui l'abreuvait de sa bouche veloutée, Maiwen avait été son meilleur ami. Son mur porteur. Ses fondations. Son sourire. Son formateur. Son rêve. Et c'était cela qu'elle ne parvenait pas à négocier. L'absolue de leur lien avait nourri son amour. En absence de cette certitude là, elle préférait arborer le visage lointain et méprisant de la princesse de sang qu'elle était avant tout, quand les portes des tavernes se refermaient sur ses rêveries provinciales d'amoureuse.
Mélissandre n'avait plus le temps. Elle devait vivre. Vite et fort avant que la mort ne fauche sa jeunesse. Son séjour au Sanatorium l'avait tout à la fois soulagé et horrifié. La bas, c'était comme regarder dans un miroir impie et y découvrir ce que serait les mois à venir. Ces visages décharnés, ces corps blancs, ces fleurs pourpres qui fleurissaient partout ou elle regardait avait achevé de balayer ses espoirs. Quelles que soit ses décisions et sa force de vivre, les lendemain ne seraient que douleur. Telle la rose envoutée que la bête gardait précieusement, les jours qui lui restaient à vivre normalement ségrainaient, indifférents à toute notion de pitié.
- Emilien?
Le secrétaire leva vers elle son faciès joufflu.
- Pourriez vous je vous pris verser son salaire à Thomas et veiller à ce que ma cousine ai bien fais ses malles?
Déjà il séclipsait dans ses formulations d'usage. Mélissandre profita de sa solitude pour sortir de derrière un coussin la chemise dérobée à Maiwen quelques mois plus tot. Elle y plongea son petit visage enfantin, comme une enfant chercherait l'odeur de sa mère. Le parfum du Cerf était devenu aussi familier que le sien propre et lui arracha ses premières larmes depuis que sa décision avait été prise. Et si sa prime impulsion fut de rejeter le tissu pour se convaincre qu'il serait aisé d'apprendre à vivre sans sa voix chaude et ses mains sur sa taille. Elle n'en fit rien, fourrant la chemise dans le sac qu'elle prendrait avec elle.
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