Nattascha
rp ouvert à tous... enfin, ceux qui voient quelque chose à y faire ^^
Dernier jour derrance 25.07.1457
Des jours et des jours de cheminement. Des jours le ventre tordu par un chagrin qui ne lui laisse aucun répit, épaules tombantes, les yeux perdus dans le vide devant elle. Limpression davoir perdu sa route. De ne plus en avoir, de route. Les yeux pleins de pluie et de brume. Chaque pas, chaque lieue parcourue étant comme un voyage vers lenfer que serait à présent son quotidien. Sans lui.
Saumur en point de mire, demain elle y serait.
Pour quoi faire ?
Personne pour lattendre, personne pour la rejoindre chez elle. Personne à serrer dans ses bras. Solitude involontaire, subie, déchirante. Là bas ils sont tombés. Là bas ils sont restés.
Il est resté. Lautre moitié delle-même.
Pourtant Elle le sent, elle sent sa présence et sa force près delle malgré tout. Elle croit goûter par instant comme une sensation de chaleur qui létreint, comme son souffle sur sa nuque, lui arrachant un frisson.
Au travers de sa peau qui frémit à cette brise chaude, qui la remue au plus profond de ce qui lui reste denvie de vivre, elle espère peut être peut être que comme à Angoulême il a été recueilli, peut être quon le soigne quelque part, quil vit, quil lui reviendra. Un espoir infime qui laidera à ouvrir les yeux chaque matin. Un espoir qui chaque jour la fera regarder vers lest, appelant de tout son être le galop dun destrier noir répondant au nom de Viento de Abril, portant sur son dos un Andalou aussi fougueux que dans son souvenir.
Elle avait passé tellement de temps à errer dans Joinville, à fureter dans la moindre ruelle sordide, pieds trempés dans les miasmes suivant les averses, à questionner lautochtone, à appeler dans le vide. Elle avait attendu, des heures, en solitaire, à la taverne de son Andalou, espérant voir souvrir la porte sur deux émeraudes brillantes.
Mais aucun signe de vie, aucune information, rien ils étaient tombés, Il était tombé. Comment faire le deuil dun homme quon aime avec autant de force mais dont on na même pas retrouvé un cheveu, un signe le corps.
Depuis cest comme vidée et sans objectif quelle avance. Là bas, à Saumur sont leur maison, sa forge, leurs champs. Le début dune vie quils navaient pas eu le temps de gouter ensemble. Mais elle se battra, comme elle la toujours fait, pour ne pas sombrer totalement dans ce tunnel qui lentement lensevelit peu à peu.
Dans ses bras, leur fille. La descendance andalouse quils avaient espérée et attendue avec tant dimpatience. Petite Estrella.Iona. Petit morceau de femme en devenir, yeux clairs, cheveux aussi sombres que ceux de ses parents, gazouillis pour mélodie en toile de fond. Sans ce petit bout dhumain elle aurait rejoint son Autre du côté sombre, à peine quittés les chemins de bourgogne.
Mais non elle doit vivre. Oh, pas pour elle. Mais pour leur fille. Laider à grandir, lui raconter ce père quelle ne connaitra peut être jamais. Lui apprendre sa force, sa douceur aussi, son rire, son regard pour lequel elle aurait déplacé des montagnes, de muscles ou de roche. Lui raconter ses combats, les lui donner en héritage. Elle devait lui apprendre à aimer cet homme qui pourtant ne la tiendra peut être jamais dans ses bras. Cest pour ça, et juste ça quelle continuerait à vivre. Elle lui apprendrait aussi sa propre haine. Sa haine de la Bourgogne, de ceux qui avaient assassiné son père. Assassiné celui qui faisait battre le cur de sa mère depuis ce soir là, où ils sétaient croisés sur les chemins.
Pour lheure, elles avancent. Loca trainant lentement, très lentement une carriole au sol jonché de foin, leur permettant quelques heures de sommeil rapide à loccasion. Pas une nuit entière na été consacrée au repos. Fuir au plus loin de cet abject duché avait été une priorité. Quelques petites haltes pour nourrir la petite, se rafraichir à un ruisseau ou une rivière, laver un peu de linge et elles repartaient. Dans le ciel au dessus delles, quelques pigeons passent de temps en temps, entre aperçus dans le bleu du ciel entre les branches des arbres qui apportent un peu dombre et de fraicheur, dans ces journées assommantes de chaleur. Pas un ne vient se poser près delle pour lui apporter la nouvelle quelle espère plus que tout au monde. Dans le silence profond de cette campagne environnante, il lui semble parfois entendre sa voix, son rire
Couché au fond, contre les panneaux de bois qui retiennent lherbe sèche, dort Ven Aqui, le chien quAlix lui a offert lors de son passage à Langres. Un molosse sensé veiller sur leur sommeil en rase campagne. Une bête capable de courir des lieues près de la charrette sans jamais sessouffler. Ce genre de chien que les nobliots utilisent pour aller tuer le sanglier ou la biche. Une bonne pâte, au caractère bien affirmé. Lui aussi avait un nom venu du pays de son Autre. Une façon comme une autre de lavoir près delle.
Les lieues se suivent et apparaissent enfin les remparts de Saumur. A-t-elle vraiment envie de sy arrêter ? De retrouver leur toit recelant les trésors laissés derrière eux au moment du départ ?
Envie ou pas, elle doit prendre sur elle, lutter contre cette hâte daller toujours plus loin qui ne la quitte plus depuis le départ de Joinville. Leur chez eux, cest aussi là quEstrella apprendra à connaitre son père alors elle fait claquer doucement les rênes sur le dos de Loca, et la carriole passe la porte des murailles.
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