Nejma
- ... son âme était restée enchaînée, quelque part, comme un sentiment d'inachevé. Dès son retour sur Paris avec son fils dans le sillage d'un riche marchand qui la protégeait, le sommeil avait fui et son regard se portait sur la nuit Parisienne. A la recherche d'une lueur rouge. Comme une phalène. Lorsqu'elle reprit conscience de ce qu'elle faisait, l'égyptienne avait enfilé son manteau, fixé sa bourse sous son jupon, une robe ostentatoire, mais loin des somptueuses et scandaleuses tenues légères à voiles qu'elle affectionnait lorsqu'elle était courtisane.
Le capuchon relevé, elle filait comme une ombre dans la nuit, imperceptible, retrouvant de vieux réflexes qu'elle pensait avoir oublié. Elle se détestait pour ça, pour cette capacité à se glisser à nouveau dans ces habitudes comme on enfile un vieux chausson. Elle n'avait pas oublié le chemin, les pavés, les ruelles à éviter et les raccourcis qui permettaient de gagner du temps ou d'éviter certains endroits. Et elle était là. La lanterne rouge. L'ombre encapuchonnée resta un instant immobile, dansant d'un pied sur l'autre, hésitante, mais la phalène était attirée par la lueur, et elle finit par se décider. L'impulsion était trop forte, elle entra, accueillit par le serviteur, à qui elle donna son poignard, glissé dans les plis du manteau, puis le manteau long, dévoilant sa silhouette avantageuse, habillée d'une robe de velours rouge sombre, qui se mariait très bien avec son teint naturellement hâlé.
Elle retrouva le décor, les tentures, le parfum. Fermant les yeux, elle savait où elle était exactement dans la pièce. Les bruits, les froissements de tissus, les sons, les murmures. Elle prit une grande inspiration et s'approcha du bar, avant de lever les yeux sur le barman qui allait se retourner pour prendre sa commande.