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[RP] Le Parfum, l'outil d'une Femme.

Lylie_blanche
Le parfum est comme une empreinte, une part de soi que l'on abandonne sur le corps d'un amant, d'un époux..

C'était l'idée que se faisait Lylie de cette fragrance entêtante, sournoise qu'elle souhaitait se voir échouer à sa peau. Dans son ancien bordel, elle avait toujours vu, cette femme à l'âge certain, parfumer sa gorge, ses monts, l'intérieur de ses poignées voir même l'intérieur d'une cuisse par ces quelques gouttes de parfum. Nombreuses furent les fois où Lylie s'aventura dans sa chambre pour admirer le flacon, le détailler, en humer le contenu avant de s'imaginer, galante de luxe..aux fragrances uniques. Le rêve d'une mioche qui n'avait connu que ça depuis qu'on la conduisit dans ce bordel à ses huit ou neufs ans. Une bouche de trop à nourrir, une femme qui par sa corpulence frêle ne pourrait servir au champ, moins encore à certains labeurs pourtant moins éprouvants. Non, sa mère voyait en ses traits, en sa peau laiteuse, en cette peau douce, plus d'avantage qu'elle n'aurait pu en espérer en soumettant cette dernière à ces tâches usantes. Ainsi, Lylie se retrouva, endettée, rapidement mais elle sut obtenir après plusieurs années une liberté... Mais à quel prix, celui d'un autre endettement et d'une insécurité évidente. Pourtant, coquette, elle ne peut retenir cette envie, surtout qu'elle croise à Montpellier, certaines femmes aisées qui abandonnent sous leur pas, ce parfum unique qui contraint les hommes à marquer une pause, à s’enivrer de cette odeur pourtant éphémères.

Suite à une conversation avec Moïra, cette consoeur et désormais amie, Lylie obtient le nom de ce parfumeur convoité. Beren. C'est donc, le lendemain après une nuit quelque peu précaire sur leur première couche commune dans cette chambre d'appartement de Montpellier, que Lylie prépare son matériel pour rédiger la missive. Si l'écriture et la lecture ont été apprises de manière très personnelle au cours de ces années au bordel, cela n'est pas encore aussi parfait qu'elle l'espérait. Ainsi, il n'est pas rare de voir des mots moins lisses, moins délicats voir même quelques accros sur le vélin, là où la plume accroche, s'effrite sous l'agacement qu'une lettre, voir une incompréhension peut susciter.

La réponse lui parvint en des délais raisonnables au vu de la distance qui semble les séparer. Un accord est entendu, aux dates et heures à sa convenance. Pour l'occasion, Moyra est la première informée de cette rencontre qui tient aux tripes de la Rousse. Les affaires qu'elle avait encore conservées dans sa propre chambre d'une autre auberge ont été apportées dans cette chambre commune, qui n'a vocation qu'à leur offrir une protection, une complicité et de leur permettre de se retrouver, elles..Simples putains au parcours pourtant si différents et néanmoins marqué par les maux. Ainsi, l'appartement est rangé, organisé et Lylie se retrouve loin de ce luxe qu'elle avait pu connaître dans son bordel, c'est bien ici..Dans ce pied à terre, dans ce lieu, qu'elle se sent comme à son aise. Chacune à apporté sa touche, son histoire, ces effets auxquels, elles tiennent de manière un peu pudique. Il n'est pas très vaste, ni même très au point, mais qu'importe.

Beren ne devrait pas tarder à arriver et pour l'occasion, elle ignore si Moyra pourra se joindre à eux. Elle lui avait avoué souhaiter les rejoindre mais Montpellier était cette ville de stupre, de plaisirs..Et nul doute que son retard était le prémices, qui sait, d'un client trop impatient pour remettre sa jouissance et sa compagnie à plus tard..

Anxieuse, Lylie, avait revêtue sa robe verte qui marque aisément sa fine taille et met en avant l’aigue-marine de son regard. Cette robe, elle ne la réservait que pour les grandes occasions, comme se fût le cas avec son entretient à l'Aphrodite. Les mains, un peu moites se portent à sa chevelure cuivré qu'elle range de manière un peu anxieuse sur un côté de son épaule afin de dégager sa nuque. Pour l'occasion également, elle s'est séparée de cette huile essentielle d'abricot qu'elle mettait, à défaut de mieux pour laisser au maître parfumeur, l'occasion de saisir sa propre fragrance.

Les fruits de saisons sont placés dans un plat et trônent au centre de cette pièce, à même leur table. L'eau avait été chauffée pour qu'elle puisse préparer sa tisane et une bouteille de vin, avait été achetée pour offrir quelques plaisirs à leur invité.

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Moyra
Le parfum c'est une signature, et si bien maîtrisée, un bout de l'âme laissé à humer et savourer pour qui s'y intéresse.

D'une simple rencontre naisse les plus simples idées. Un soir à Montpellier chantait un homme. Non pas une chanson d'amour ou de mensonge pour ses cuisses, ni même une chanson douce aux oreilles. Non, là venait un tout autre sens. Il se prétendait maître d'orchestre, maître d'instruments dont la mélodie ne vient pas repaître les oreilles, mais plutôt chatouiller galamment le museau.
Un artiste? Mieux, un Nez. Et un nez plutôt décevant par son absence de ponctualité il faut le dire. L'écossaise s'était vu promettre une soirée et elle n'avait rien eu. Elle n'était guère habituée à se faire poser des lapins, plutôt l'inverse en vérité. Aucune rigueur retenue, car après tout, il ne lui devait rien et avait prévenu un peu à l'avance, mais tout de même, c'est décevant. Non pas du personnage en lui même, il faut dire par contre que l'idée d'une soirée en compagnie d'un homme moins lubrique que la moyenne -ou en tout cas en apparence-, et créateur de fragrance, oui, il faut l'avouer, pour elle, il y a bien pire comme soirée.

Les parfums, à l'instar de Lylie, avaient toujours été un mystère pour elle. Il y a encore quelques années d'ailleurs, elle ignorait bien même l'existence des parfums dans le monde. En même temps, peut-on blâmer une petite paysanne issue des collines les plus perdues d'Ecosse d'ignorer l'existence de gens capable de transformer les cadeaux de la Nature en gouttes aux odeurs envoûtantes. Sa première expérience fût assez récente, sur la grande échelle de la vie. On lui en avait donné, un soir, seulement un soir. Un parfum piquant et sucré au nez. Quel était-il? Aucune idée. Un simple masque sans doute. Un accessoire de plus au déguisement qu'elle avait prise ce soir là, qu'elle avait épousé sur son corps, ses mots et sa démarche. Ce soir là elle devait être une noble. Oui, la petite écossaise des collines noble. Presque un conte de fée, si tout cela n'était pas qu'une farce somme toute assez triste pour celui qui la commanditait. Un homme, sans guère de vertu si ce n'est son nom et sa bourse. En mal de reconnaissance et ayant besoin de quelqu'un à montrer du doigt pour prouver qu'il est un homme comme les autres, un homme à femme. Oui, bien triste que cela de devoir jouer. Mais au moins avait-elle eut droit à un pas dans ce beau monde parisien. Ces soirées si étranges pour l'étrangères. Elle avait dû se retenir de sauter sur la nourriture, après tout, une jolie noble de bonne éducation ne se goinfre pas. Aussi avait-elle eut tout le loisir de faire poteau souriant durant la soirée, de danser, parfois, avec quelques hommes trop ivres. Et quand le passage de partenaire se faisait, alors, pouvait elle respirer discrètement les douces effluves d'une voisine. Cela l'avait fasciné.
Elle avait tenté d'oublier, car après tout, peu probable qu'elle rejoigne de nouveau ce monde là. Mais comment faire? Comment faire quand on est une enfant des campagnes plongée dans le monde luxueux et pervers de l'aristocratie de Paris?
On attend, en repensant aux différentes touches qui l'avait effleurés, à toutes ces marques laissés parfois ne serait-ce que le temps d'un battement de coeur. Elle trouvait ça grisant, la petite campagnarde, de pouvoir toucher un peu de la vie de ces grandes dames, et puis, elle est jeune, la jeunesse c'est cela un peu. Des envies.

Et à ce moment là de la journée, alors que le soleil jouait de couleur avec ces compagnons blancs vaporeux, elle avait envie de son chez soi. Et quel étrange endroit. Non au regard, après tout, ce n'était qu'un piètre appartement comme tant d'autres dans la capitale régionale. Son âme. Voilà qui le rendait bien différent. De toute sa vie, Moïra avait vu de tout. Que ce soit la large hutte de sa région natale, coeur d'une famille entière qui en faisait battre le sang de par une vie sans fin, ou bien le luxueux hôtel parisiens aux richesses accessibles que dans les rêves les plus fous, en passant finalement par les taudis sale et crasseux, où passer pour un homme était une nécessitée pour préserver un peu de pureté. Cela faisait peu de temps au final qu'elle avait quitté sa région natale, mais cela lui avait semblé être mille éternité, comme une autre vie qu'elle aurait embrassé avec fougue en laissant derrière une autre qui semblait appartenir à une étrangère. Et durant ces milles et une éternités, rare furent les fois où elle se sentait chez elle. Enfin, elle n'était pas chez elle, après tout, elle n'avait pas vraiment payé l'endroit pour être tout à fait honnête. Cependant, marquer un pas signifiait respirer un parfum bien inconnu, une certaine sensation d'apaisement, de sécurité. L'ameublement se faisait doucement, mais à chaque chaises placées, à chaque coussins laissé au sol, elle s'y sentait mieux.

Jouait aussi dans cette étrange équation Lylie. Blanche comme beaucoup d'hommes l'appellent. Etrange jeune femme en vérité, très étrange même. Pas l'étrange qui fait office de critique déguisé, ni même celui qui révèle l'opposition d'esprit. Elle est l'étrange qui a réussit à lui faire cracher le morceau sur un secret bien gardé depuis longtemps, et tout cela en à peine deux jours. Sans qu'elle ait à forcé en plus de tout cela. Impossible de savoir pourquoi, mais elle lui inspirait un sentiment allogène, la confiance. Elle avait décidé de la lui donner, et bien plus vite qu'elle ne l'aurait prévu. Après tout, pour Moïra, Lylie n'était qu'une simple rencontre de taverne, à renouveller peut-être avec chance et temps. Et voilà qu'elles prennent un appartement ensemble, qu'elles partagent leurs objets, ces choses si chères et que l'on pense sien par l'histoire partagée, voilà qu'elle les disposait aux côtés des siens, et curieusement, pour elle, ça rendait encore mieux.
Oui, c'est étrange d'avoir une amie, mais n'est-ce pas étrange aussi d'inviter un quasi inconnu chez soi pour que d'une analyse psychologique sûrement vinassé, donne un verdict teinté de fragrances apparemment familières?

Baignoire avait été emprunté à l'amant de l'après-midi. Endormi, enroulé dans ses couettes, il ronflait doucement, l'air de l'homme apaisé. Elle aimait bien cet air qu'elle donnait aux hommes, certains paraissaient alors sous leur vrai jour parfois, loin de ce masque de virilité que beaucoup portent aussi bien que Lylie porte Blanche sur son visage.
Elle se complaisait dans son bain, dans cet instant de tranquillité et de détente. Un instant de calme, et c'est bien rare à Montpellier, quasiment impossible à saisir pour tout dire. Toilette se fait, sous le couvert d'un chant doux, une musique aux relents étrangers, une musique de chez elle. Mais elle ne s'attarde pas dans ce petit moment de grâce dans la chaleur réconfortante de l'eau. Ce soir, il y a un invité, et un invité attendu. Pas question de perdre une minute plus que nécessaire.
Aussi, l'étrangère ne tarde pas à quitter le baquet, et à entamer un brin de coquetterie vaniteuse, parce qu'après tout, pourquoi pas, la vanité superficielle est une part d'elle, elle doit le reconnaître.

Quelques instants plus tard, la voilà à toquer quatre coups à la porte, donnés par duo rapide, ils signent son arrivée et son identité à la flamboyante, plus pratique que de simplement gueuler son prénom en espérant être reconnue. Pour l'occasion, elle porte également la seule pièce de sa garde robe qui ne renvoie pas à la pauvreté ou son métier, une robe simple mais jolie, épousant son buste d'un pourpre léger.
Dans le doute, on tente la poignet, ah, c'est ouvert. Elle pousse la porte doucement, et dépose sa contribution à la soirée, une bouteille de cidre qui vient rejoindre celle de vin. Fesses s'installent au fond d'un fauteuil à l'air usé. Lippe est mordue légèrement, l'impatience, un peu de stress aussi sans doute, et pour aucune bonne raison. Que faire? Ah, oui. D'une petite lumière au bout d'une brindille, elle embrase le foyer de sa pipe. Grande inspiration se fait, et aussitôt muscles se relâchent légèrement, libérés de cette longue journée.
Beren
Le Parfum, c'est un bout de lui, qui s'échappe en fumée incolore.

Un petit bout de soi laissé à l'identité d'un ou d'une autre, en nuage de vapeur olfactive. Une signature en essence, glissée entre les gouttes. C'est la déraison d'un instant, celle où les narines sont saisies par la subtilité d'une fragrance, que l'esprit s'arrête, juste une once de temps, pour se suspendre au fil ténu que l'exhalaison suscite.

Equilibriste bouquet qui vient danser en arabesques, ses touches se marient, se séparent et se meuvent en un ballet délicat. Il n'y a rien de plus complexe qu'un parfum ; il n'y a rien de plus vrai. Trop franc, il jure sur une peau réfractaire ; trop chargé, il tait et camoufle l'essence même de celui ou celle qui le porte. Il faut être subtil, impénétrable ; que chaque parcelle d'arôme se dévoile peu à peu, comme un déshabillage de l'âme, et soudain, il apparaît ; un parfum réussi, c'est celui qui épouse si bien son porteur qu'il ne semble pas artificiel, qu'on le croirait émaner de lui, directement. On ne choisit pas un parfum, il nous choisit.  Réside là l'une des quasi certitudes du Nez, alors qu'il s'interroge sur l'ironie de ce rendez-vous ; on ne ment pas en couchant sur sa peau une odeur ou bien une autre.

Mais comment créer, alors, pour une courtisane ? Comment savoir comment habiller l'une de ces nymphes qui ont fait de l'effeuillage leur métier ? Comment déceler-même dans le discours de cette dernière la vérité dont il a besoin pour la mettre en bouteille ? Car c'est ainsi qu'il créé, Beren ; il s'accorde et accorde un entretien au commanditaire, pour le découvrir mieux, pour interpréter ses dires ou ses silences, et il en propose une interprétation parfumée. Comment faire, alors, lorsque la cliente est de celles dont on peut prendre les lèvres, dont on peut goûter la peau, décider de ses gestes, même dicter ses mots ; soumettre à ses plaisirs, tant que le compte est bon, arracher des sourires, même changer son nom* ?

Sans parole aucune, le Nez est perplexe comme il perd son regard aux peupliers et lauriers que la voiture dépasse, sur le rythme lent d'un cahot attelé. Bercé du bruit régulier des roues qui ont semblé pénétrer une flaque continue et renvoyer une pluie fine de boue et d'eau sale mêlées derrière la carriole, il réfléchit. C'est Constant qui lui a dit que ce nom lui parlait, et qu'il a fini par retrouver pourquoi. Lors de leur passage dernier à Montpellier, il lui avait proposé les prénoms de quelques femmes qui pourraient peut-être éclairer ses nuits trop blanches d'une compagnie condescendante... et tarifée. Oh, ça ne le gêne pas, en soi. Jamais il ne s'est permis de juger l'une de ces femmes qui vivent leurs nuits de noce, escroquées d'hyménée, chaque nuit avec un homme au visage différent ? C'est un renouveau continu, avec en face de soi, soit la chance d'un type propre, soit la torture d'un répugnant. On dit que le mariage passe ; ici la passe dure quinze minutes, tout au mieux, si le client est rapide et ne pense qu'à lui. Il s'est toujours dit que c'était sans doute mieux pour elles que les hommes qui montaient derrière elles ne se prennent pas l'envie d'une performance. Trop d'imbéciles heureux croient ces soupirs effectifs, quand ils ne sont que lassitude exprimée, et se mettent en tête de satisfaire leur hôtesse. Pauvres maudits ; elles ne le sont que lorsqu'ils sortent, et qu'elles peuvent s'en aller frotter la panse qu'ils ont salie, suffisamment longtemps pour tenir debout, pour croire que peut-être, l'ardoise à leur corps fourbu est effacée.

C'est un monde cruel que celui des putains ; une scène d'artifice quand les coulisses sont âpres ; et ces comédiennes-là savent jusqu'au bout des ongles qu'elle feignent de ne pas perdre sciemment aux omoplates mâles quand elles rendent un peu la brûlure d'une poussée trop vive, que la tragédie s'écrit des actes, que le choeur jamais ne célèbre autrement que par la plainte.

Il n'aura pas l'audace de dire qu'il n'a jamais consommé de ces femmes qui s'offrent, vrillées comme un serpent au bout d'un bâton et qui font tinter leurs bijoux pour le cliquetis d'un petit tas d'or niché dans l'une des poches de braies envoyées gésir entre les chevilles, au mieux. Il n'osera pas nier que, trop occupé à gémir ses passions en écueil entre leurs seins nacrés, il en a oublié leurs peines à elles, d'accueillir ces hommes en essaim, dont le dard pique et pique et meurt en elles, de mille petites morts factices. Seulement cette fois... cette fois il se fera fort de garder en tête cet aspect là de l'histoire de la femme qui lui fera face ; non pas pour la résumer à cela, mais pour prendre garde à la pudeur, peut-être, de n'en dire rien ; au besoin éventuel d'en parler, au contraire, à ne pas écarter. Tout serait un indice.

Enfin, les remparts de Montpellier annoncèrent leur lointaine proximité ; dans cette ville où personne ne reste bien étranger à l'autre sitôt le veut-il, il était invité dans la chambrée de sa cliente, cela favorisait l'intimité.


« Au 22, rue des Croisés », avait-il annoncé au cocher après lui avoir demandé de le conduire à Montpellier. Et bientôt, la bâtisse se présenta. Il prit son matériel, paya la course et prit le temps de lisser sa chemise et sa veste pour les défroisser, avant que de frapper à la porte. Un, puis deux coups, suspendant le troisième en se sermonnant lui-même d'être si fébrile.

Oui mais... Comment créer, quand on n'a pas créé depuis des mois ?



*JJ Goldman, Fermer les yeux.

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Lylie_blanche
Les coups caractéristiques. Moïra. A peine le temps de s'avancer qu'elle voit la poignée s'enclencher et esquisse un sourire de soulagement lorsque finalement, les traits de son amie se dessinent. Elle l'observe, sourire aux lippes, alors que cette dernière se pose sur la chaise, avec ce côté désinvolte qui la caractérise. Pipe en bouche, bouteille de cidre sur la table. La soirée s'annonçait prometteuse.

Il ne devrait pas..tarder.. Machinalement, le corps de Lylie se glisse derrière celui de Moïra pour apposer la pulpe de ses doigts sur sa nuque au teint plus hâlé. Nul doute qu'elle revenait de chez un client, même si l'odeur de foutre et de stupre est camouflée, cette lassitude leur était commune, une fois le devoir accompli. Ainsi et pour occuper ses doigts de quelques manières que ce soit, la rousse entame quelques ronds du bout de ses pouces, longeant les omoplates avant de remonter jusqu'à sa nuque et la naissance de son cuir chevelu.

Finalement, après quelques minutes à sentir cette fumée vaporeuse aux effets douteux remonter en brume jusqu'à son visage, elle s'interrompt lorsque d'autres coups, moins codés, viennent à s'abattre contre le bois de la porte. D'un geste, le massage se transforme en une caresse légère qui s'éloigne au rythme de ses pas qui la conduisent vers cette appréhension.

Joues sont pincées, lèvres pincées pour en flatter le pourpre comme à son habitude, tel un rituel malsain hérité de ces années de bordel et de marchandisation. Un dernier regard complice vers Moïra avant d'ouvrir la porte et de faire face à leur Maître parfumeur.

Enchanté messire. Je suis..Lylie..et mon amie, Moïra. Le bras est tendu l'invitant à découvrir leur modeste demeure alors qu'un sourire s'étire au bord de ses lippes. L'appartement ne paie pas de mine, au même titre que la structure. Le grand salon marquant l’entrée est plutôt vide. Il y règne autant de lumière que de meubles, ces derniers n’étant qu’une commode, quelques sièges à l’air confortable, une table et surtout un nid de coussins. Par coquetterie et parce qu'il y a des priorités auxquelles les deux courtisanes ne peuvent échapper, une salle d'eau a été aménagée dans un coin, avec un baquet, une table de chevet comprenant une vasque et un paravent. Guère de fioritures ou autres décorations, si ce n’est une tenture accrochée à un mur, quelques plantes que l'amatrice de tisane laisse sécher et qui offre au toit, un aspect plus floral bien que fané. Au fond, l’artère de l’appartement est visible comprenant en tout et pour tout, trois portes bien fermées à l’exception de la cuisine.

Merci d'être venu, messire Beren. Un hochement de tête se fait, en guise de reconnaissance. Après tout, les hommes viennent se soulager entre les cuisses d'une courtisane, non pour espérer travailler en leur compagnie. Prenez place je vous en prie.. Désirez-vous boire quelque chose après votre traversée ?

Doucement, elle vient se déplacer jusqu'à la table et les meubles pour en récupérer trois godets. Une légère pause pour laisser à leur hôte l'occasion de découvrir l'habitation, précaire, mais néanmoins salutaire pour les deux courtisanes. Un temps aussi pour laisser le temps à Lylie d'observer le Nez et de poser un visage sur un talent.

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Moyra
La voix familière la tire de cet instant si rare où aucune pensée ne vient perturber un calme beaucoup trop recherché dans une ville aussi bondée que Montpellier. Herbes se font nuages de fumée épais et denses, s'écrasant à la taille de la jeune consoeur s'avançant vers elle. Elles pourraient parler de leurs journées respectives, ou comme toutes personnes normales demander comment allaient l'une et l'autre, mais nul besoin de ça avec Lylie. Non pas que la jeune écossaise ait été bénie d'un don de télépathie mais nul besoin de pouvoir quand l'on partage le même métier. Sa fatigue, elle pouvait sans doute le lire comme un érudit lit un bon livre, un trait familier, commun, partagé par les deux femmes.

Ses yeux se ferme un moment, comme pour savourer cet instant de détente à deux. Elle à occuper ses doigts, l'autre à simplement profiter de cette petite attention gracieusement offerte, ses muscles offrant une sensation de soulagement bienvenue à ce moment là. Les pensées se perdent un instant, brouillée par la fumée inhalée alors que son corps épouse le vieux cuir du fauteuil ou les doigts masseurs de la rousse. Elle déteste l'invasion de son appartement par des étrangers, chose que les hommes du coin semblaient avoir élevé au rang d'art tant leurs techniques d'intrusions commençaient à se développer. Mais ce soir serait différent. Après tout, c'est la première fois qu'elles ont un véritable invité, et non pas un forçant sa venue pour pouvoir s'affubler du même titre. La réminiscence de ses traits revenait doucement malgré les efforts de Moïra pour se miner la santé avec ses opioïdes consommés parfois en de trop, beaucoup trop grosse quantité.

Doigts fins viennent caresser doucement un poignet passant de l'amie, remerciement mutin avant qu'un plus distinct se fasse entendre Merci ma douce entre deux crachotages de fumée. Nez se relève légèrement pour capter le regard de sa colocataire, juste assez pour lui offrir un doux sourire reconnaissant avant de se lever. Et le poids de la journée de lui tomber dessus de nouveau. Elle sent chaque muscle endoloris, chaque carrée de sa peau et de sa chair sollicité par l'amant de tout à l'heure. S'étirant comme un chat paresseux et alanguis par une dure journée au soleil, une main distraite vient plonger dans le bol de fruit, satisfaisant autant la gourmandise que l'impatience. Fraise malheureuse gobée et pipe vidée par l'une des rares fenêtres du petit appartement, les mains s'occupent à recoiffer distraitement cette chevelure encore humide de la toilette, ultime effort concédé à la coquetterie avant que les coups ne résonnent à la porte.
Répondant à Lylie d'un sourire entendeur, elle se place alors près d'un fauteuil, posant son bras sur le haut du dossier en regardant la porte s'ouvrir sur le Nez.

Bonsoir Messire Beren, contente de vous revoir de nouveau. Malgré le voile de fatigue pouvant se discerner sur ses traits, elle se fend d'un petit sourire en coin. Iris suivant le bras de présentation de l'amie, ses traits expriment une petite moue bien vite réprimée par un même sourire. Pardonnez la vétusté de notre place Beren, nous venons tout juste d'arriver et avons eu à peine le temps de redonner un peu de fraîcheur et de vie à cet appartement.
Sourire entendeur, bien travaillé au fil des années de travail mais aucunement forcé à ce moment là, préférant largement la présence de ce bonhomme là chez elles que la très grande majorité de ses compères locaux.
Main se repose de nouveau sur un fauteuil qu'elle tire doucement, se mettant à côté en l'invitant d'un bras à y prendre place. Mettez vous à l'aise, vous avez dû faire long voyage et nous vous en sommes gré Beren. N'hésitez pas à poser vos affaires sur... Regard se fait sur la pièce tout de même tristement vide. Soupire léger. La commode, je suppose.

Un regard curieux se pose discrètement sur l'homme, après tout, beaucoup de questions pourraient se poser. L'écossaise n'a jamais rencontré d'individu doté de son talent. Ils lui étaient inconnus avant, ils lui semblaient encore très mystérieux il y a peu. Comment sont les gens qui d'un simple nez, peuvent en faire un outil d'artiste aux effets bien plus puissants et retors qu'une simple peinture. Un don sans doute. Et il est encore plus surprenant qu'un homme au don si particulier, et devant sans doute fréquenter de hauts cercles, se retrouve ainsi dans ce minable appartement de Montpellier, et qui plus est, pour donner une fragrance de bonne société à deux simples prostituées.
Beren
L'angoisse de la page blanche, la même que celle qui le prenait quand, jeune garçon, il attendait l'interrogation de latin, celle de mathématiques, donnée et corrigée directement par son précepteur. Lui, il a toujours aimé les plantes, ce qui avait d'abord ravi le grand homme sec qui semblait ne pas avoir d'âge sous sa figure sévère, avant qu'il ne réalise que Beren n'avait pas pour passion leur étude biologique à proprement parler, mais le message qu'elles véhiculaient, si l'on se donnait la peine de s'y pencher.

Le Fiole a toujours été taiseux, un paradoxe de personne. Maigrelet malgré la gourmandise, mots tranchants mais lame pataude, il était une oxymore à lui seul. Anti-héros mais séducteur, il semblait toucher les femmes auxquelles il ne savait pas parler, préférant la poésie des gestes aux phrases toutes faites, galvaudées. Il vouait un culte quasi légendaire à l'idée de famille, et ne savait pas se marier ; éternel fiancé, il avait toujours gâché ses relations, se retrouvant avec moult enfants sur les bras, et aucune bague à son doigt, sinon les chevalières qu'il aimait à s'offrir par coquetterie.

Dire avec des pétales quand les mots s'échinent à rester muets, c'était là tout l'art du barbu, dont on n'aurait jamais juré qu'il deviendrait Maître Parfumeur. C'est la mort, omniprésente, qui l'avait rattrapée ; la perte de sa mère avait fait naître le manque de son odeur, et l'idée de la retrouver. Si l'oreiller, d'abord, les placards, ensuite, lui avaient offert quelques bouffées rassurantes de baume maternel, le parfum vint à s'éteindre, avec la douleur. Est-ce que le deuil de quelqu'un, c'est oublier son visage, ses traits exacts ? A son idée, non. La mort, c'est la disparition du parfum.

Alors il avait cherché, travaillé, distillé, humé, dompté les essences jusqu'à pouvoir décortiquer ce que son Nez filtrait. Et d'un besoin viscéral était née sa vocation. Ces notes là qu'il avait appris à coucher dans son esprit comme un compositeur sur un parchemin, il s'évertua à les mettre en bouteille, à les mêler enfin, pour en tirer quelque chose, un subtil mélange qui habillerait les souvenirs des autres. Chaque femme qu'il avait aimée avait eu son parfum, jusqu'à ce qu'il s'arrête de créer, et abandonne la parfumerie.

Il avait acheté un moulin laissé à l'abandon et aussi malmené que lui-même l'avait été par la vie ; et il avait bâti, lui, le précieux, lui, l'efféminé, jusqu'à ce que le mas ressemble à ce qu'il voulait, jusqu'à que son corps lui-même se charpente de volonté. Il avait pris une échoppe de sculpteur, taillé des pierres, sali ses mains ; troqué ses chemises de soie pour le lin, plus confortable ; passé ses nerfs sur des femmes qu'il dénuait d'humanité pour ne pas s'attacher ; tué jour après jour celui qu'on avait aimé puis qu'on avait quitté, sans un regard.

En perdant sa part féminine, sa part sensible, il s'était peu à peu muré dans un silence quasi permanent. Ne plus rien dire, c'est dénuer l'opposant de ses armes, c'est vider le carquois, c'est dénuder le fourreau. Le regard qu'il fondait si souvent à celui de son vis-à-vis se détournait systématiquement dorénavant, non pas par fuite, mais pour lui refuser la possibilité même de franchir la porte de son esprit. Protection. Verrou. Carapace.

Personne ne lui avait jamais demandé ce que lui portait comme parfum, ce qu'il faisait lui-même d'analyse personnelle ; les gens ne s'intéressent pas vraiment à la manière de s'habiller d'un tailleur, aux chaussures que portent les cordonniers, aux coiffures qu'arborent les coiffeurs. Les clients sont là pour consommer, par pour s'intéresser aux états d'âmes des artisans et c'était au mieux ; il n'aurait sans doute pas dévoilé le secret de ses propres traits.

Toujours est-il qu'à part ce flacon personnel fait machinalement quand il était vide, il n'avait rien créé depuis longtemps et que l'idée même d'en être incapable lui martelait l'esprit aussi sûrement qu'il avait taillé de pierres, comme si le burin avait forgé le linceul de marbre de son art. Sa cliente n'en savait rien, et il essaierait, puisqu'il était venu. Il en était là de ses pérégrinations mentales, quand la porte s'ouvrit sur une jeune femme accueillante à l'allure agréable.

A son sourire, le sien répond, aimable, franc, étonnamment sincère. Il met sa besace en bandoulière pour pénétrer dans la bâtisse, tout en s'essuyant les pieds pour ôter l'éventuelle boue sous ses bottes, par respect.


- Dame Lylie, je présume ? Ravi de faire votre connaissance. Dame Moyra ! Quel bonheur. Un ami dirait « je suis transporté de joie », à l'idée de vous revoir. Je vous remercie de m'accueillir toutes deux ; l'endroit est parfait. J'avoue qu'une petite coupe de vin ne serait pas de refus, je suis d'un naturel gourmand – oh,j'en ai apporté, une minute... Ah, la voilà. Ainsi que les indispensables macarons.

Les gourmandises sorties du sac, il les tendit maladroitement à l'une des deux jeunes femmes. Grand, bien plus étoffé que par le passé et la barbe soignée, il avait pris soin de se vêtir avec la déférence que sa visite suscitait ; à dire vrai, il portait le même genre de vesture que celle qu'il avait portée devant l'Impératrice, il y avait de cela de nombreuses années, maintenant.

Il ne dit rien quant au fait que leurs postures respectives, déjà, disaient beaucoup. Pas davantage qu'il ne leur offrit le moindre baise-main, non. Il avait dans l'idée que le contact d'un homme de plus, ce jour, serait presqu'une insulte à leurs peaux. Aussi se contenta-t-il de sourire poliment, l'oeil curieux quant au mobilier, en attendant qu'on l'invitât à s'asseoir. Pas d'intrusion du corps ou des gestes ; pudeur et en maître mot : respect.

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Lylie_blanche
Respectueux. Il l'est à travers ces bottes essuyées avant de fouler leur sol, ces présents d'une qualité rare qu'il apporte à leur table pourtant si modeste. A la vue des macarons, c'est un sourire mutin qui s'étire à ses lippes. Ce met, elle l'apprécie à sa juste valeur même s'il lui rappel, malgré tout son premier client. Celui qui misa le plus sur son hymen, celui qui pour mettre en confiance la jeune fille qu'elle était, apporta le jour de leur rencontre et de ses huit ans, une boîte de macaron. Ainsi, même si ce met délicat était de loin son préféré de par les saveurs et la maîtrise qu'il demande au pâtissier, il faisait naître en elle, au delà d'un plaisir gustatif, un sentiment étrange, mêlant à ses tempes ces lambeaux amers. La pulpe de ses doigts se perd donc sur l'un d'eux et c'est avec un soupire d'aise qu'elle finit par le déguster, balayant d'un revers de main ces souvenirs anciens pour profiter du présent.

Ainsi, elle s’assoit, en bord de table pour être prête à se relever, une fois l'eau chauffée. Un moment de répit où elle peut enfin observer les traits du Nez. Elle découvre alors ces quelques ridules qui laissent entendre que ce dernier est plus âgé, ces lunettes qui lui donne un côté particulier, cette barbe bien entretenue mais plus encore, cette cicatrice légère qui se niche à l'arcade.

Respectueux, il l'est même lorsqu'il reste debout encore quelques instants malgré l'invitation faite par Moïra. Le sourire, plus taquin s'étire donc tandis qu'elle tend sa main pour effleurer l'avant bras mâle. Un geste doux, rassurant mais surtout suffisamment amical pour l'inviter à adopter une attitude plus, simple en leur présence.

Installez-vous, Beren. Ne restez pas debout. Après tout, avant de découvrir vos talents, nous allons avant tout, profiter d'un moment de partage.

Ainsi, alors qu'elle le laisse s'installer, elle vient reposer la moitié restante du macaron déjà entamé par gourmandise pour servir un verre de vin à leur hôte et à Moïra avant de finalement se relever pour se rapprocher du foyer et de son récipient pour remplir son godet d'eau chaude. Puis, le corps s'étire, sur la pointe des pieds pour s'emparer de quelques feuilles et fleurs de camomille séchée qui sont suspendues, tête en bas au plafond.

Alors dites-nous Beren...Est-ce juste votre prédisposition olfactive qui vous a poussé à devenir nez, ou bien, y a-t-il dans ce choix, une histoire plus personnelle ? Indiscrète ? A peine. Une fois les fleurs dans le creux de sa main, elle les glisse dans son godet contenant l'eau frémissante et laisse le tout infuser alors qu'elle regagne sa place, pour se poser à leurs côtés. Quel intérêt de poser cette question, sinon contraindre l'hôte à se plonger peut être dans quelques souvenirs que ce soit, à s'envelopper de souvenirs peut être familier, rassurants..à voir au delà de l'office, l'être, la personne qui se cache sous le talent. Après tout, l'on traitait souvent les gens comme l'on aimerait qu'ils nous traitent. Voir au delà des charmes, des courbes, des gestes parfois involontaires sensuels, des sourires mutins par habitude dégageant parfois malgré eux des désirs, des fragrances envieuses qu'elles ont finit par, oublier...

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Moyra
Les manières, ça a son importance. Se furent les premiers mots auquel elle eut droit lors de son "expérience parisienne". Prononcé par la roideur incarnée, un vieux bonhomme dans la cinquantaine avec une posture aussi ferme et droite qu'une épée mal forgée. Pour se fondre dans le bain des huiles, la fille du nord avait dû mettre de côté cet air de paysanne qui lui collait à la peau, se mettre dans un caractère alors qu'elle se fendait de sourires et de politesses si fausses. Mais aujourd'hui, Moïra tendait à revoir l'appréciation qu'elle avait pu se faire des manières. Certains s'en dotaient de beaucoup trop, jusqu'à en rendre l'utilisation presque maladroite. Beren avait cette légèreté qui donna un sourire à la jeune femme. Enfin un homme qui savait se tenir un minimum, un qui savait respecter cet appartement miteux appelé maison. Regard se porte sur les délicatesses apportées en cadeau. Cela la fait sourire. Après tout, il est rare de recevoir des cadeaux pour elle sans certaines faveurs au préalable, alors de telles gourmandises, c'était bien la première fois.
La vue d'une Lylie se laissant aller à la gourmandise lui arrache un petit sourire en coin alors qu'elle abandonne son offre de fauteuil pour se replier auprès du confort d'un autre. Les macarons seront pour plus tard, surtout qu'elle n'en a jamais goûté, et bien que la curiosité soit un trait assez évident chez la jeune femme, elle la fourbissait discrètement pour plutôt la porter sur l'invité.

Mais l'esprit humain est facilement sujet aux perturbations, et encore plus celui de l'écossaise qui perdit bien vite de vu le visage du Nez alors que commençait une analyse dans les règles de l'art, avec une certaine discrétion travaillée au cours des années. Ses doigts fins se referment sur la coupe offerte, remerciant l'amie d'un petit signe du menton agrémenté d'un sourire aussi fin que ses lèvres sont pressées par la fatigue de la journée. Et on descend une gorgée, plus pour combler le moment que par réelle envie, ne voyant rien à ajouter aux questions de Lylie, enfin, ne voyant pas le moment propice à des questions encore plus indiscrètes. Elle en a, de quoi faire une nouvelle presque. "Les questions de Moïra", cela ferait un bon titre.

Ainsi vagabondent ses pensées, tiraillées entre l'appel de son lit et la présence d'un invité déjà laissé filé une fois. Elle se fait alors plutôt silencieuse et observatrice même si son regard se fige dans le plus grand des hasards, trahissant un flot de pensée s'éteignant brièvement avant d'être rouvert par un regard plus vivant et acéré. Lylie a frappé fort déjà dans l'art de la discussion. Se remarquant par une certaine absence, la subtilité de la rousse faisait des merveilles. Il est vrai que l'on pouvait se demander d'où pouvait venir cette passion, cette envie de faire sien pour métier, un art dans lequel les cadeaux de la Nature se font réflexion de l'âme de quelqu'un. Surtout dans la façon où il lui avait décrit son travail. Mais peut-on parler de travail quand, comme lui, on ne récolte guère de récompense si ce n'est la discussion que l'on a pu avoir? Curieux homme en réalité oui.
Un sourire éclaire son visage, la posture se fait un peu plus travaillé alors qu'elle se relève légèrement du fond de son fauteuil, et d'un coude posé sur un genou menant à une paume ouverte où se repose la joue, l'écossaise se tire de se rêverie, de cet instant de flottement. Après tout, au delà du Parfum, elle attend aussi une bonne soirée.
Andrea_
« - Je vais devoir m’absenter demain, je dois aller à Montpellier ». « -Moyra m’a recommandé à l’une de ses amies. » « Je dois les retrouver chez elles. »


On aurait dit qu’il marchait sur des œufs en crachant ses phrases. Il avait balancé ça entre le fromage et le dessert le plus naturellement du monde. Mais si « Montpellier » paraissait anodine pour beaucoup, ça ne l’était pas la Colombe. Ville de luxure ou de débauche selon les clients, connue dans tous les royaumes pour ses bordels, pour ses rapports tarifiés avec des créatures toutes plus belles les unes que les autres. La seconde phrase n’était pas inoffensive non plus. Moyra. L’inconnue. La putain devenue confidente d’un séjour dans la fameuse Ville. Moyra, de ces putains qui vous font les prendre en pitié. De celles qui vous font oublier le temps d’un instant qu’elles vendent leur corps mais qui au contraire, vous rappellent qu’elles le font pour survivre. Moyra, et l’une de ses amies.


J’avais simplement hoché la tête, et il avait suffit d’un regard pour qu’il ne justifie son escapade. Le Nez, enfin, reprenait du service. J’avais cette fierté intérieure de le voir reprendre peu à peu le chemin de la parfumerie, moi qui souvent, l’avait poussé, en vain, à s’y remettre. J’aimais l’écouter parler de fragrances, de fleurs et de mélanges dont lui seul avait le secret. Il me semblait qu’il parlait une autre langue, lorsque des heures durant il m’explicitait le processus de leurs fabrications. Il usait de mots dont, si j’en connaissais l’existence, j’ignorais la véritable nuance. Il parlait d’arôme, de bouquet, d’effluve. D’odeur et d’essence. Ils n’étaient pour moi qu’un parfum. Une simple odeur laissée dans un sillage pour en masquer une autre, la nôtre, celle que la vie déposait sur notre peau. Pour moi le parfum masquait, pour Lui elle dessinait la personne que nous étions vraiment, elle sublimait l’odeur de naissance. Elle marquait les esprits, soulignait la personnalité.

Ce qui restait une énigme, à mon niveau, c’était sa manière de savoir quel parfum conviendrait à telle personne. Jamais il n’avait accouché d’une fiole semblable à une autre sinon pour celle qu’il s’était créée il y a des années. L’odeur de sa mère. Il mettait un point d’honneur à connaître ses clients pour donner naissance à l’unique. Chaque fois il tombait juste et il suffisait que mon nez se perde sur mon col pour humer celui qu’il m’avait destiné pour en avoir confirmation.

Moi, j’étais de ces gens un peu trop terre à terre qui pour rappeler la Savoie à une personne lui aurait simplement mixé des oignons, du fromage et des lardons. Alors imaginez, lorsqu’il a évoqué se remettre à créer pour une catin. Il avait balayé d’un revers de main mes suggestions mêlant moule et marée basse en me sortant un laïus sur ce métier plus vieux que le monde et sur ces femmes qu’il respectait bien plus que je ne pourrais jamais le comprendre.

Oui, j’avais une certaine fierté à le voir reprendre du service. Mais je ne pouvais repousser mes craintes de le voir les marquer d’une autre fragrance…

J’avais ouiouité* et peu de temps après son départ, j’avais fait de même.
Dans un premier temps, j’avais frappé à la porte en face, objectif : réussir à entrer chez l’habitant en prétextant un besoin urgent –assez simple, car j’avais clairement la vessie en globe, la grossesse c’est vraiment mon enfer-.


-Ah mais j’suis désolée ma p’ti… dame, mais les chiottes, c’t’en face.
Mauvaise pioche. Maudit quartier de pauvres où les latrines sont aussi communes que les femmes qui les habitent. Second objectif, le voisin. J’ai cru toucher du doigt la réussite quand la fenêtre semble face à celles des deux femmes.

- Je comprends bien vos inquiétudes, mais non je n’ai pas ce genre d’objet !
– Z’êtes sûr ? Vous voyez bien de quoi je parle ? Un truc long, et fin, pour voir loin, avec une sorte de loupe inversée !
- Oui une longue vue, mais j’en ai pas !
-Mais, votre jambe ?
- De bois oui, assurément, je n’y cache pas de longue vue.
–Un pirate sans longue vue, c’pas un…
- Pas de longue vue, pas de bateau, mais niveau truc long et fin…


J’avais dû tomber sur le seul mec avec une jambe de bois qui n’était pas pirate, mais juste dégueulasse. Non vraiment, les pauvres, j’peux pas. J’avais mal visé car il se tenait l’autre jambe –saleté de bide qui avait mis mon coup trop bas-, mais j’avais pu sortir de son appartement sans trop perdre patience.

Bon… Ces demoiselles devraient bien avoir des voisins de palier !




* ouiouiter : faire oui oui de la tête, c’est purement féminin de faire ça, c’est une sorte de « cause toujours tu m’interesses » sauf qu’on s’interesse vraiment et qu’on en fera qu’à notre tête.

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Beren
Elles sont belles, ces deux femmes. Pas uniquement dans les traits, qu'elles ont délicats, ni dans leurs courbes, qu'elles ont jolies ; elles sont belles de leurs attitudes, dans ce que ces dernières recellent de mystère et évoquent, sans le dire, de traits de personnalité.

L'une, Lylie, est avenante, plus vivante, plus joyeuse ; elle a dans sa posture, à demie assise sur la table, l'urgence de bien accueillir. Prête à bondir quand l'eau sifflera sur les feux des fourneaux, elle a l'énergie contenue d'un diable en boîte, de ces poupées qui surprennent et sursautent de vie. Sa dégustation du gâteau, ce soupir de satisfaction après avoir semble-t-il, eu une légère absence ou une petite hésitation à le cueillir de ses doigts fins, était révélatrice. Enfin, elle transperçait un peu le contrôle d'elle, qui trônait pourtant à son environnement. Bien vite, il revint, dans la manière dont elle vint effleurer l'avant-bras masculin. Il n'est pas en bois, il a parfaitement conscience, après ce soupir, avec ce léger contact des doigts, que se perdre en volupté entre ses bras, entre ses draps, doit être des plus agréables ; du moins cela le serait, si l'on ne gardait pas en tête que ces femmes qui se marient vingt fois par jour, la noce n'est jamais pour leur fiole.*

Toutefois, il a conscience que sous la douceur et l'invitation, la pellicule de l'artifice a repris sa place, qu'elle sera dure à percer. A ses premiers mots, il répond par un sourire franc et poli, et prend donc place, non sans noter qu'elle arrête de grignoter pour le servir, d'abord, et Moira ensuite. Elle aurait pu enfourner la fin du biscuit, elle n'en a rien fait : altruisme. Abnégation. Une forme de résilience. Il la remercie d'une voix chaude et bienveillante, et porte la coupe à son nez, pour en humer le parfum. Tiens, elle n'en boit pas ; tisane plutôt, après ce mouvement leste du corps, cette manière de s'étirer comme un chat, dans une lascivité semblant innocente de ce qu'elle est involontaire, et qui, pourtant, l'intrigue.

Le regard glisse à la seconde, Moira. Digne, statique, seul son regard semble s'ancrer ici ou là, dans une sorte de voyage immobile, d'errance sans destination. Son sourire parfois, parle pour elle, mais ses silences crient, assourdissants. Il y a quelque chose du non-dit dans son atittude, peut-être est-ce de la retenue ou bien de la méfiance envers celui avec qui elle n'aura discuté, finalement, que quelques heures. Elle semble lasse, ses gestes plus pesants d'un manque d'allant.

Moins bavarde, c'est le moins que l'on puisse dire, elle semble trôner à cet espace où elle règle en reine muette, une forme de charisme évident dans les gestes, ou dans le fait d'être assise sans avoir besoin de mots pour s'exprimer, la profondeur de ses yeux bleus se perdant en rêverie, ailleurs.


Alors dites-nous Beren...Est-ce juste votre prédisposition olfactive qui vous a poussé à devenir nez, ou bien, y a-t-il dans ce choix, une histoire plus personnelle ?

Dire qu'il s'attendait à cela serait mentir. Les mots de Lylie le tirent brusquement de son observation, et, il faut bien l'avouer, colorent ses pommettes d'un carmin de derme. D'abord, il dépose sa besace au sol, comme pour gagner du temps, comme pour formuler en sa tête quelque chose qui soit compris par un autre que lui. Y avait-il quelque chose de dicible ? Finalement, il se redressa et scella son dos au dossier, avant d'expliquer, très maladroitement :

- J'ai grandi en Empire. Je suis issu d'une famille de savants, ce qui m'a longtemps arrangé car j'ai toujours été davantage porté sur les mots que sur les armes. Cela se voit moins depuis ma « carrière » improvisée de tailleur de pierre lorsque je me suis retiré du monde pour vivre à Toulouse – je ne supportais plus personne -, mais j'ai longtemps été très malingre. Enfin, je digresse ! Ma mère, elle, se battait pour son comté, et lorsqu'elle est morte devant les remparts d'Annecy, j'ai ressenti le besoin de ne pas la perdre tout à fait, en cherchant à retrouver son parfum. C'est que j'ai pedu nombre de gens ; je le sais bien, moi, que les traits s'atténuent, que la voix disparaît. Mais l'odeur, ça... Il suffit de fermer les yeux pour se trouver là où l'on en a besoin. Je me rends rarement sur les tombes des disparus, j'ai des étagères de gens que j'aimais, évoqués par des fioles et quand le manque me saisit, je prends une bouffée de nostalgie. Je revois les gens et les moments, je cueille pour un temps ces instants où la vie était belle et où elle était facile. Je dois avoir l'air d'un dément en vous disant cela, ça ne va peut-être pas aider à ce qu'on se découvre...

Il risque un sourire, gêné, un peu contrit de s'être perdu en détails fastidieux. Enfin, il ajoute, après avoir passé sa main sur sa nuque:

- Je vous remercie de m'accueillir toutes deux. Par où commençons-nous?
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Lylie_blanche
L'air d'un dément en expliquant avoir une étagère remplie de fioles contenant, l'essence, les fragrances de défunts. Non. Pas du tout. Du moins, elle esquisse un sourire rassurant pour lui intimer qu'ici lieu, personne n'était à même de juger. Elle comprend même ce but recherché, cette quête pour l'odeur maternelle, cette possibilité de capter l'odeur de personnes chères, appréciables que l'on perdu. Après tout, ils avaient tous une odeur, et justement, Beren annonçait la suite.

Reprenant consistance, elle finit son macaron avec plaisir avant de se tourner vers Beren. Quelques gorgées de sa tisane sont avalées, elle les savoure avant de tourner son regard vers son amie.

Hum. Alors..Comme je vous le disais, j'ai fait appel à vos services pour obtenir un parfum, aux notes fleuries, pourquoi pas d'abricot ou de pêche. Un fruit doux, délicat, sensuel, évoquant aussi bien le printemps et l'été que les plaisirs charnels. Une odeur assez marquée, fruitée, mais néanmoins qui à travers la forme de son fruit et la douceur de sa peau, évoque ce qui pour moi, représente le métier de courtisane. Un noyau dur, caché sous un amas de fragrance, de douceur.. Un fruit sucré à l'odeur, presque entêtante.. J'aimerai marquer les clients de cette odeur unique, de cette essence pour que, à l'arrivée en ces saisons où les corps se font plus lascifs et les poèmes plus marqués sur les étreintes amoureuses, se souviennent de cette courtisane..Au parfum fruité..

Qui l'eut cru, elle qui ne savait que dire, se trouve là à sentir ses mots couler de ses lippes, loin d'être avares ou pudiques. Non, ils sont limpides, doux, presque naïfs alors qu'ici lieu, seule Moïra connaissait le caractère affirmé qui se cachait sous la peau laiteuse et les traits chétifs.

Pensez-vous que..cela serait possible ?...Ou pensez-vous qu'il serait préférable de partir sur quelque chose d'autres, plus proche de ma propre odeur... ? Je ne saurai dire. Marquer les clients par mon odeur ou celle d'un fruit, les deux idées sont très intéressantes.


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Andrea_
Deux étages.
Deux. Quand t’es à quelques semaines de mettre bas, tu verras si DEUX étages c’est une broutille. Tu verras si tu peux encore respirer quand tu y es, et on parlera de ton joli teint rougeâtre quand on sera certain que t’es pas en train de décéder.
Pour le moment, moi, je me cramponne comme je peux à la rambarde, et je fais une prière pour que mon second pied, lui aussi, arrive à gravir la dernière marche. Clairement, je suis au bout de ma vie. Je sue comme un veau, les cheveux collés au front et sous mes bras ça commence à sentir la rillette. C’est simple à cet instant, rien ne peut plus m’intéresser que de l’air. Rien.



– BRIOCHE !
Alors rien, SAUF une brioche. D’ailleurs, maintenant que je respire un peu mieux, je me rends compte que l’odeur dans ce couloir est un peu atypique. Un mélange de naphtaline et de … Brioche.
J’peux vous dire qu’après ça, j’ai eu toutes les peines du monde à me concentrer, j’ai un peu écouté à chaque porte, mais je ne reconnaissais pas la voix de Beren. Alors perdu pour perdu, j’ai suivi l’odeur de la brioche. Comme un instinct de survie, un phare dans la nuit. Quitte à crever ici et maintenant, quitte à me retrouver cocue, quitte à devoir tuer des catins dans la journée et pourrir en prison, autant que ça soit avec cette satanée brioche dans le bide. Non ?

Et c’est comme ça que je me suis retrouvée, attablée, avec une vieille sourde comme un pot, qui en plus de m’offrir un bout de brioche, a dégainé le pâté, un reste de soupe, un frometon bien coulant et du pain. J’étais RE-FAITE. Le souci c’est qu’une fois l’estomac plein, mon esprit s’est retourné vers Beren. Le fourbe –mon esprit hein, pas Beren-.


Et les voisins, pas trop bruyant ?
- HEIN ?
Les voisins, BRUIT ?
- AH ! NAN pensez vous ! A côté-là, un vieux moitié mort et d’laut’bord, c’sont deux GOUDOUS
– des ?
-Goudous ! C’deux jeunes qui…


J’vous jure que même vous, vous n’auriez pas voulu voir sa langue faire du air-cuni*. Y a fallu que je me concentre pour pas que cette brioche revoit le soleil. En même temps je pense que le fromage devait faire bouchon c’était.. plâtré. Et son pain était tellement rassis qu’à peine j’ai bu un peu d’eau, la miette s’est gonflée on aurait dit un zodiac. Non vraiment, même si j’voulais j’aurais pas pu gerber. J’ai repris un peu de génépi –pour accompagner la tarte aux fruits- tout en réfléchissant. J’peux pas vous expliquer comment j’en suis arrivée à la conclusion que peut être –peut être-, les gousses dont la vieille parlait étaient celles que je cherchais.
L’oreille bientôt fût collée au mur.


Mais l'odeur, ça..
BINGO !bingo !
BINGO QUOIIIIII ?
CHUT ! Chut j’écoute !!
Pardon..
quand le manque me saisit Encore de la tarte ? Je revois les gens NON chuteuh ! était belle et où elle était facile le connard… on se découvre...

On se découvre on se découvre, mais bien sûr, tu vas voir ce que tu vas découvrir quand tu vas rentrer à la casba Beren Hartasn de la Fiole Ebrechée de Sparte ! ON se découvre mes roubignoles ouai !
J’ai eu envie de tuer la vieille. Puis de tuer Beren. Et de tuer les deux autres. Elles n’avaient encore rien dit mais c’est normal, ça devait se déshabiller ou avoir la bouche pleine. Je hais les catins ! Je les exècre. J’avais envie de sortir et de faire cramer tout le bâtiment, rien ne pouvait apaiser ma douleur.


– Il reste de la brioche, vous en voulez ?
La brioche ça compte pas, j’l’ai déjà dit. Alors j’avais repris un bon bout de beurre cuit et enfourné le tout dans mon bec avant de reprendre mon écoute. C’était un peu saccadé, puisque je mâchais. Je comprendrais jamais pourquoi on peut pas mâcher et entendre en même temps.

Hum. Alors… J’ai fait … obtenir.. abricot… Fruit doux, délicat, sensuel…. Plaisirs charnels.. La forme de son fruit… Courtisane… noyau dur, fruit sucré, marquer les clients, les corps se font plus lascifs… étreintes amoureuses…

Non vraiment, c’était trop. Bien assez pour que je me reprenne une part de brioche et que ça ne me calme pas. Bien assez pour arroser le tout d’une looooongue rasade de cet alcool dégueulasse dont j’ai déjà oublié le nom. J’savais pas qui était qui, mais c’était pas compliqué à deviner hein.
Y en a une qui se payait son mari et l’autre qui faisait la narratrice. OH on m’la fait pas à moi, j’le connais le noyau dur et le fruit sucré.
Parfum abricot, mais … et puis quoi encore ! J’vais lui en coller de l’abricot, c’est quoi ce cliché à la con ! Que le con ressemblerait à un abricot . Abricot de mes deux ouais !
Et c’est tout ça que j’expliquais à la grand-mère qui me regardait avec des yeux ronds. Elle faisait des signes de tête en agitant ses sourcils signe qu’elle avait son idée sur la question.

Promis, j’lui enlève son bâillon dès que j’en sais plus.
Parce que si elle rebondit sur l’abricot qu’il y a dans sa tarte, j’la bute.






* air-cuni : simulation de cuni avec l’air.

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Moyra
Encore une fois son flot de pensée se fige. D’abord par politesse d’hôte, puis après par réel intérêt, la jeune femme l’écoute d’une oreille dont l’attention ne fait que croître à chaque mot. Sur ses lèvres, se dessine un sourire comme elle en présente rarement, très rarement aux hommes depuis des années. Une certaine tendresse, un peu d’amusement, une pointe de douceur. Si la fatigue de la journée, et la capacité de Lylie à parler pour deux l’avaient tenu jusque là éloigné de la discussion, simple figurante de cette scène presque, le Nez venait de la ramener dedans.
Oui car, Moïra est habituée à un certain type d’homme. Ceux dont l’étreinte est brut, parfois agréable mais rarement longtemps. Certain dont la vie les ont rendu aussi rugueux que de vieilles épées rouillées. Elle était de ces filles qui jugeaient au premier regard, autant à cause d’une coquetterie de jeune fille que de l’impression de connaître assez bien les gens pour que de simples détails physiques lui évoquent une vie entière. Cet homme là, bien qu’il ait piqué sa curiosité dès leur première rencontre de par son métier, il avait peut-être plus à offrir que ses services.
Il semblait doux d’une certaine manière. Pas gentil, car gentil sonne pour elle un peu comme un compliment récompense, le genre que l’on donne faute de trouver autre chose.
Elle se redresse alors, pour ne pas rester à côté de cette conversation, après tout, c’est elle qui l’avait invité la première fois.

Une main se pose avec légèreté et délicatesse sur l’avant bras du créateur, aucune tentative d’inspiration lubrique comme d’habitude, une touche plus amicale, plus douce. C’est une belle raison Beren que la vôtre. Aurais-je eu votre talent que peut-être j’aurai fait revivre également quelques personnes perdues au travers des sens. Simple sourire chaleureux indiquant discrètement qu’elle, serait prête à en entendre plus pour satisfaire sa curiosité puérile. Mais aucun mot,et elle noie son sourire dans une petite gorgée de vin colorant ses lèvres d’une pointe carmin qu’elle ne remarque pas. A notre première rencontre vous m’aviez dit que les parfums sont une identité, dit-elle en se détournant du duo pour venir effleurer de la pulpe des doigts une feuille de son bras citronnier. Une marque, une histoire. Je ne sais guère si je veux un parfum qui me soit entièrement lié. Mais je ne pense pas vouloir un parfum respirant autant la sensualité comme Lylie. Ce que je veux c’est… Une touche vibrante pour les enivrer, moi pour que ce parfum ne soit pas qu’un simple masque, que je puisse l’apprécier moi même en dehors de mon travail. Mais surtout. Elle se rapproche de l’homme avec un fin sourire, rappelant beaucoup plus la gamine qu’elle cache au fond que la catin épuisée qu’elle a présenté. Index vient flirter avec une épaule avec une infime légèreté. Je veux qu’il marque, que l’odeur les suive et qu’ils n’aient qu’à sentir un bout de ce parfum pour se rappeler de moi et de ce qu’ils ont vécu avec moi.

Bien sûr qu’elle veut quelque chose pour le travail. Lylie fût assez inspirante pour expliciter l’idée. Mais il y a quelque chose de plus. Elle veut tout de même laisser une part d’elle même, une part durable qui les enivre et les fasse se perdre de nouveau dans la luxure de ses bras. Beren avait un peu faux. Même si elle ne le savait pas elle se doutait qu’elle n’avait pas mis sa meilleure image sur la table. Elle a beau être fatigué, parfois agacé, c’est surtout sa jeunesse qui la fait vivre, cette envie de bouger, de sentir battre un palpitant emporté par le moment. Elle est l’éreintement, mais aussi des sourires faciles et joyeux. Elle est souvent blasé de ses clients aux mêmes manières mais elle a la voix chaude et joueuse d’une femme pas tout à fait mature sous tout les apports.
Elle ne pourrait se décrire elle même, mais elle tente, là de lui montrer ce qu’elle donne de base à ses congénères.
Ses bleus le détaillent, sans retenu. L’espace qu’elle a donné pour les séparer est fin, presque inexistant alors qu’elle se plonge dans son regard avec un sourire espiègle. Petit duel se faisant alors qu’à l’aveugle, ses doigts graciles viennent effleurer les siens d’un toucher léger. Et, comme si tout cela ne s’était jamais passé, elle met fin à ce bref exemple. Ce bref exemple de qui elle est aussi, en dehors d’une femme fatiguée. Croquant dans un macaron avec un fin sourire elle regarde l’homme. Alors Beren, vous commencez à vous faire une idée ?
Beren
Son regard passait de l'une à l'autre, dans l'attente de la réponse à sa question. Laquelle prendrait sur elle de se livrer avant que l'autre ne se dévoile ? La main gauche, sa main forte, joue au pied de la coupe servie plus tôt, tournant machinalement le sang des vignes contre les parois ourlées du contenant, pour laisser s'étendre ses arômes, l'aérer suffisamment pour qu'il ôte toute forme d'artifice et délie ses parfums. Le vin, que l'on goûte avec le nez, d'abord, et non avec la bouche, comme le croient les amateurs. Le vin, liquide revigorant aux allures d'amante berçant des pensées trop lourdes ou trop lasses pour les apaiser ; le vin, dans les bras duquels on s'allonge quand l'aimée nous a quitté. Le vin, tendre catin de l'âme du délaissé, comme il l'avait été plus souvent qu'à son tour. Le vin, boisson préférée entre toutes, puisqu'habituelle, qu'il tient bientôt au creux de sa main, en épousant le bombé de la coupe entre le majeur et l'annulaire, contre sa paume. Bien sûr, il sait qu'il va l'échauffer mais qu'importe, puisqu'il en prend déjà une gorgée, et que le récipient sera sous peu vide ?

Lylie, après s'être sustantée du macaron à demi grignoté et de quelques lichées de tisane de camomille, se jette à l'eau en premier. L'ironie est délicieuse ; tous ses gestes, pourtant innocents, sont chargés d'une sensualité presque inconsciente. Naturelle, elle semble nimber d'un érotisme qui tient à la torture mentale, les mouvements les plus simples animant ce corps leste et bien fait. L'anodin se pare de stupre sous la candeur Lyléenne, c'est l'évidence-même. Aussi se plaît-il à échapper un sourire en songeant à tous ces hommes qui doivent eux-mêmes se jeter à l'Ô, en espérant, vainement comme tous ces bourdons imbéciles évoluant en essaim auprès d'une professionnelle, qu'un dard ayant payé saura séduire la reine de la ruche et la mener au faîte du plaisir. Il n'y a pas d'extase dans l'achat ; il n'y a que la satisfaction de l'usage. Il eut une pensée furtive de compassion pour ces hommes-là assez perdus pour se croire amants quand ils ne sont que clients ; qui s'imaginent posséder quand ils ne font que louer. Se perdre sous ces doigts-là, épouser la courbe de son corps de la courbe du sien, ce doit être une béatitude si grande qu'elle appelle à la veulerie, à la mollesse satisfaite touchant au divin.

Il peine à déglutir en écoutant ces mots sulfureux s'extirper d'une bouche si innocente, presque touchante d'être si fiévreuse sans l'intention de l'être ; a-t-on déjà vu femme séduire de façon si prégnante tout en ne le souhaitant pas ? D'un geste, elle attise ; d'un mot, elle embrase et pourtant, tout ce qu'elle souhaite, c'est qu'on se souvienne d'elle, c'est marquer irrémédiablement la mémoire, d'une fragrance. Comme si elle avait besoin de cela, pour que son image reste figée entre les tempes de celui ou celle qui l'aurait croisée. Attentif, il écoute toute la diatribe et finit par hocher la tête.


- Ôtez-moi d'un doute : vous cherchez un parfum ou un outil de travail ? Vous vous définissez uniquement, j'en ai l'impression, par votre activité professionnelle. Comment en êtes-vous venue à... disons embrasser cette carrière ? Quant à votre odeur naturelle, consentiriez-vous à décaler votre chevelure afin que je hume votre cou ?

Il ajoute, poliment, en secouant les mains pour qu'il n'y ait pas de méprise :

- En tout bien tout honneur, bien sûr. Ca peut également être le poignet, mais je préfère le cou, juste là où bat le pouls.

Il n'en dit rien, mais il a déjà l'idée de la base d'un parfum, pour elle. C'était une fulgurance, le genre de certitude qu'il s'agira de ce qui convient, avant même d'aller plus loin. Oui, avec Lylie, il avait mis le doigt sur quelque chose qui, déjà, lui plaisait.

C'était sans compter sur l'éveil de Moïra, qui était passée d'une observation silencieuse à une évolution renversante dans la pièce. Moïra, dont le simple prénom faisait echo aux terres dont il était originaire, outre Manche. Pour autant, il lui était difficile d'identifier ce que précisément, elle évoquait. Etait-ce le bruit tranquille des flots léchant les falaises crémeuses de Douvres, ou bien celui du vent battant les ifs de verdure escarpés des côtes irlandaises, ou encore la fierté sobre des statures écossaises ? Toujours est-il qu'elle semblait nimbée d'une aura faite de la douce mélancolie des chants de là-bas, et semblait présentement marcher au rythme vibrant des flûtes irlandaises, comme un élégant feu follet levant haut son godet un soir de Saint Patrick. Elle était tout et son contraire ; naguère noble statue figée de lassitude à son fauteuil, dorénavant flamme de vie dansant au modeste appartement.

Lorsqu'elle touche son avant-bras, il lui semble presque sentir la chaleur imaginaire d'une lueur d'or, sous sa chemise. Sa voix est douce, elle rassure, elle berce, et il relève le visage vers elle comme elle parle. Bien sûr, elle ne veut pas l'embraser, et il prend pour ce qu'il est ce geste doux, cette attention amicale et bienveillante, en sus de ses mots. De quelques syllabes et d'un contact bref, elle le rassure, sait l'apaiser, lui qui avait peur d'avoir parlé comme un dément de ses pauvres souvenirs en bouteille.

La suite, il la boit. Tout, de ce qu'elle dit, se fige en son esprit. Elle est étonnante et détonnante, de par ce qu'elle exprime de mots. Il opine, quasi hyptotisé par les mouvements qu'elle imprime à son corps. Les songes effleurent l'eprit, à l'instar des doigts. L'idée fait son chemin, alors qu'il la laisse infuser dans son crâne, souffle légèrement suspendu de cette proximité qui, si elle ne la veut pas équivoque, l'est pourtant à son corps d'homme. Elle est... renversante et il ne s'attendait pas à ce que cela le frappe de plein fouet. Et juste quand l'émeraude de ses yeux est solidement accrochée à la mer des siens.. Elle s'échappe. Comme d'un songe vaporeux, le Fiole revient à la réalité, comme dans ces minutes où l'un semble s'évader, et reprend conscience soudain ; peut-être a-t-il rêvé ?

Interloqué, il se prend à l'observer, dans le regard incrédule de celui qui s'est fait surprendre par la nature insoupçonnée de son vis-à-vis.

Hagard, il bredouille, avant de se racler la gorge en se redressant pour recouvrer contenance :


- Moïra, vous n'avez besoin que d'être vous pour que votre image reste fichée à l'âme. Mais je vois ce que vous entendez. Bien sûr, je vois. Y a-t-il quelque chose qui vous touche particulièrement ? Une situation, un endroit, quelque chose qui vous fait dire « là, c'est chez moi »?

Il sourit à Lylie

- Vous également, ma chère. Voyons ce que nous pouvons faire pour masquer ou révéler, selon vos choix.
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Lylie_blanche
Si Lylie avait su viser juste avec Beren, c'était sans compter sur le retour de flamme qui venait la consumer et lui faire perdre contenance. Aussitôt, regard se porte sur l'attention que Moïra porte, amicale à Beren à travers une main délicate quand derrière les murs des bruits s'élèvent, incompréhensibles. Il faut dire que les murs ne sont pas en cartons et qu'ainsi, pour qu'on entende les voisins c'est sans nul doute, qu'ils doivent s'embrouiller, sévère.

Troublée, elle le reste quand Beren a su comprendre ce qu'elles entendaient, l'une et l'autre de ce parfum, qu'elles aimeraient être unique, signature indélébile pour une peau, pour des tempes. Pour des clients, pour un métier..Voilà donc le Mal de Lylie qui vient, en boucle, sous les mèches rousses. Elle ressasse, elle capte, elle réalise et se prend alors en pleine face, sa plus grande peine. Cette incapacité de se voir pour autre chose, que ce métier, pour ces clients. Elle porte une main à sa tempe qui se fait douloureuse, regard perdu dans le vide quand pourtant, il l'invite à se mouvoir pour lui offrir son cou ou son poignet.

Il avait visé juste, en plein cœur, sous cette remarque qui devait sans nul doute ignorer la portée qu'elle aurait pu avoir. Aigues-marines se portent à Beren, se lie à ce regard pour s'y perdre. Brume opaque, confusion, abysse à laquelle, Lylie prend plaisir à s'engorger. Doucement, les lippes s'activent, résument ce que peu savent.

J'ai été vendu à un bordel de renom, à l'âge de 5 ans. J'ai été formée, forgée, façonnée, éduquée, pour le stupre, pour ne vivre qu'à travers Blanche, la courtisane ..Et oui, je gage qu'aujourd'hui encore, il m'est difficile de m'assurer ce qui serait bon pour, moi, Lylie..Quand j'ai vécu toute ses années sous les traits de Blanche..Je dirai que je connais par cœur, Blanche..Mais que j'ignore tout de moi, de ce que je suis réellement et ce qui me plait..Je le découvre depuis peu....Mais je m'y perds, souvent, fatalement. La voix se fait douce, mélancolique voir même teintée d'un certaine fatalité quand doucement, elle se rapproche de Beren pour lui offrir sa nuque en écartant alors ses mèches.

Je vous en prie, Beren...Il n'y a aucun mal à ce que vous puissiez faire votre travail.

A elle donc, de réfléchir ou du moins de se heurter à ce vide immense qui se niche sous le masque de Blanche. Cette incapacité de décrire ce qui lui semble être de Blanche ou de Lylie. Une distance pourtant que parfois, elle met en avant mais qui après quelques échanges, s'effritent et pour cause, comment assumer, s'assurer d'une position quand le mur est branlant, que les bases sur lequel il repose sont faites de boue et de foutre. Elle ferme les yeux, se fait loin dans cet instant qui pourtant est présent, inscrit dans cette bâtisse qui est leur, qu'elle espérait être inébranlable quand d'autres, et cela, elle l'ignore, écoutent au loin des confessions qui sont leurs.

Distraite, elle n'apporte pas plus d'attention à ce qui se dit quand ses mains, viennent se perdent sur le godet de tisane..Occupation, préoccupation

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