Galovert
La nuit diluait encore les formes lorsque le bivouac fut levé.
Seul un léger monticule de terre et de feuilles naturellement disposées subsistaient du maigre feu concédé la veille au soir.
Confort et discrétion ne font pas souvent bon ménage
Non loin dun sentier naturel, monture et cheval de bât étaient installés à la longe.
Déjà scellés et équipés pour un éventuel départ précipité.
Simple précaution
Galovert naimait pas le mot fuite.
Ombre silencieuse, il se dirigeait précautionneusement vers les fougères bordant cet endroit ou cerfs et chevreuils viennent gouter la rosée matinale.
La lueur blafarde de laube perçait maintenant les feuillages et pénétrait par endroit les lambeaux de brumes, prémices dun automne précoce.
Ormeaux et chênes plusieurs fois centenaires, réunis là par on se sait quel puissant charme, préservaient de leurs imposantes ramures les quelques alcôves que la lumière du soleil ne violerait jamais.
Certains matins, lombre reculait avec regret
Le suave parfum dune terre riche en humus emplissait parfois les narines, comme une bouffée dencens savamment distillée aux détours dune solennelle homélie.
Galovert savait les emprunts des cathédrales, et reconnaissait le génie des maîtres de cérémonies à copier la nature.
Une rumeur, dune intensité trop faible pour faire résonner le moindre écho, sollicitait maintenant lattention de limpénitent amateur de venaisons.
Utilisant au maximum le relief, il progressait dans un parfait silence, accélérant sensiblement son allure.
Il savait que cet instant subtil, à la limite des perceptions humaines, serait bientôt ponctué par le chant des oiseaux.
Ce signal du réveil donné, et il lui fallait alors être en place sil voulait garder toutes chances de pouvoir choisir une proie intéressante.
Seuls quelques animaux sauvages visitaient ce territoire perdu au plus profond du Domaine de Saulx.
Voilà plusieurs reprises quil truandait avec malice ce Vicomte à la réputation sulfureuse.
Jeux dangereux s'il en était... Mais quel formidable trompe ennui à une existence insipide passée à Luxeuil.
Sirius, comme tout bon nobliau, devait manger sa viande bouillie dans une infâme sauce abusivement alourdie par quelques onéreuses épices orientales.
Rien ne vaut le gigot dun chevreuil abattu proprement par surprise, tendrement paré de quelques grains de poivre, piqué avec délicatesse dun ail fraîchement préparé
Un animal mort dépuisement au terme dune poursuite de plusieurs heures nest que carne à la saveur de pisse.
Confortablement installé, son arc de chasse posé à plat sur les genoux, une flèche dans la dextre, il devint fougère parmi les fougères, ronce parmi les ronces.
Aucune pensée nagitait maintenant sa conscience.
Empli de la plénitude quoffrait la nature à ceux qui savaient cesser de revendiquer bruyamment leur existence, Galovert s'installa dans l' attente quun noble gibier daigne se sacrifier.
Galovert
Galovert avait regagné lestement mais discrètement les sous bois, chassé par une présence maintenant certaine.
Quelquun chantait dans la forêt.
Comment diantre cela était arrivé ?
La veille et tôt avant laube, il avait pourtant parcourus les bois alentours à la recherche de la moindre présence et navait relevé que des traces anciennes, les siennes probablement.
Et sen était voulu de sa négligence.
Pourquoi fallait-il que ce soit aujourd'hui, à cette heure là, que cet endroit oublié de tous reçoive autant de visiteurs.
La voix se rapprochait, et il pu situer avec plus de précision la direction doù elle lui parvenait.
Curieux ce chant, encore incompréhensible mais agréable à loreille.
Portées de cuvettes en valons par un écho capricieux, les rimes en semblaient irréelles, presque envoutantes.
Les restes de vieilles superstitions, de légendes sur le petit peuple des forêts, les elfes, les fées
se bousculaient à présent dans la tête de Galovert.
Il repoussa sans efforts de telles pensées, les frissons qui parcouraient son corps nétaient pas induits par la peur.
Cétait la voix dune jeune femme
Douce et puissante à la fois, arrivant de lopposé de la clairière, venant droit sur lui.
Les mots prononcés, semble-t-il dans une langue étrangère, rythmaient une allure qui ne semblait pas trop pressée.
Mais à cette distance, il était difficile den apprendre davantage.
Aucun indice ne pouvait encore permettre destimer un nombre dapprochants, personne nétait encore visible.
Et cela linquiétait.
Galovert, dans lespoir de navoir pas été repéré, rechercha des yeux une place qui lui donnerait lavantage si une confrontation devenait inévitable.
Il ne pouvait pour linstant être sur du nombre dassaillants éventuels, sans compter quil aurait pu être contourné par un autre groupe, plus silencieux, celui-ci.
Une embuscade au niveau de lendroit ou ses chevaux lattendaient était même envisageable. En tous cas, cest ainsi quil aurait procédé, sil avait voulu coincer quelquun sur un tel terrain.
Fort de son expérience de franc-tireur, il se figea à labri dune souche et se ménagea un espace de vision suffisant pour pouvoir décocher quelques traits avec une précision acceptable.
Avant dêtre repéré, il espérait vider une bonne partie de son carquois, et même dinverser lissue dune traque dont il ferait lobjet.
Peut être pourrait-il même laisser passer le danger, si seulement ses chevaux nétaient pas découverts...
--Massovich
Eux dégager forrrrrêt trrrrès vite ou moi jeter femmes et enfants dans douves du château !
Le Massovich répondait au dénommé Anthèlme, les cheveux laqués glaviot, la taille d'un viet et un sourire ... Que même la mère du soldat russe, si douce, si calme, en perdrait son sang-froid. Frotte-manche jusqu'aux coins des lèvres ... C'est irritant ! Et le soldat de joindre ses mains, et ses phalanges de craquer comme une nuque brisée ... Et quart de tour militaire, talon enfoncé à en polir le parquet - s'il avait pu marcher sur du bois plutôt que de crapahuter dans la fange ...
Soldaaaaats !
Le Massovich est aussi bruyant qu'impatient et s'il allie toutes ces qualités, il intervient comme il le fait à l'insant : éructant et gesticulant de toutes parts, histoire que la troupe y comprenne que le garde à vous n'est pas réservé aux chiens.
Tous, ils étaient tous absolument parfaitement au courant de la mission qui les attendait et tous, ils étaient tous, la bave aux commissures et l'oeil luisant.
On aime trancher, de toutes les façons qu'il soit, quand on vient de l'est ...
Vous férrrre votrrrré trrravail. Vous rrrrramener petits brrrraconniers au château ... Vivants ! Burrrrnes ferrrmenter dans eau de vie si Vicomte pas content. Comprrris ?
Galovert
La visiteuse approchait.
Galovert pouvait à présent distinguer sa silhouette qui devenait de plus en plus précise, au fur et à mesure quelle dépassait les obstacles naturels.
Elle arrivait a quelques coudées à peine du talus ou Galovert se tenait immobile.
La suivant des yeux, celui-ci la laissa passer, notant malgré lui la beauté et la grâce de la damoiselle.
Un panier tressé à la main, doù dépassaient quelques simples fraîchement cueillies, indiqua à Galovert les raisons de la présence de celle-ci.
La cueillette des simples ainsi que le fagotage étaient prohibés par le propriétaire des lieux.
En fait, on racontait que le Vicomte Sirius s'offusquait même qu'un manant puisse respirer le même air que lui...
Elle semblait uniquement armée de cette fine dague qui devait lui servir pour la cueillette.
Mais Galovert nétait pas naïf et lamplitude des vêtements pouvait dissimuler nimporte quelle arme courte, certaines sont très meurtrières dans un combat rapproché.
Son allure fière, son port de tête et la manière dont elle occupait son espace, faisait oublier les chiffons de gueuse dont elle était affublée.
Tisserand de son état, Galovert n'eut aucun mal à apprécier d'un simple coup d'il la justesse et l'harmonie de ses formes.
Lorsquelle croisa sa cachette, quelques effluves dun parfum aux fragrances subtiles vives et sauvages vinrent caresser les sens de Galovert.
Le souffle sembla lui manquer.
Il éluda son trouble naissant en pensant que cela renforcerait son immobilité.
Surtout ne pas bouger.
Cétait la seule manière de sassurer quelle ne soit point suivie, question de sécurité.
Cette gracieuse créature le dépassa sans le remarquer.
Sa chevelure châtain ondulait au rythme de ses pas.
On aurait dit que la forêt laccompagnait, lui pardonnant ainsi son manque de discrétion.
Reflets de feu et ombres nacrées dansaient loin sur ses épaules au gré des trouées de lumière.
Elle se dirigeait maintenant vers la clairière ou les chevaux n'allaient pas tarder à manifester leur inquiétude.
Si ce nétait pas le cas, Galovert saurait alors que quelquun dautre lattendait à cet endroit et sétait arrangé pour sassurer du silence de ceux-ci.
Quelques piaffements nerveux répondirent à cette dernière question.
Le chant guerrier cessa dun coup, la belle avait soudainement pris conscience quelle nétait plus seule.
Pour prolonger cet instant de pur délice qu'elle lui avait offert, Galovert ne bougea point.
Se dandinait dun pied sur l' autre, faisant varier son équilibre, fouillant du regard les sous bois, elle se préparait mine de rien à une éventuelle rencontre belliqueuse.
" - HOLAA !! QUELQU'UN ?!!"
Doucement, sans la quitter des yeux, Galovert se releva et rangea ses flèches.
Larc dans la main gauche, il entreprit la descendre du talus.
La belle lui tournait le dos, son attention dirigée vers la clairière ou les chevaux marquaient des signes de nervosité croissante.
Sa visiteuse fredonnait maintenant une mélopée, dans la langue des Anglois.
Le piaffement des chevaux se mua en silence interrogateur.
Jolie, cultivée et courageuse
Arrivé à quelques pas delle, il mit fin à la tension qui risquait de gâcher cette rencontre.
Bonjour La Belle.
Je nai rien mangé depuis hier.
Si japporte le gibier, consentiriez-vous à le préparer pour nous deux ?
Nous nous inviterons ainsi mutuellement à déjeuner.
v
Suniva
[Au creux d'un bois... Quand deux destins se rejoignent.]
Instinct... Frôlement d'une fougère un peu trop sèche... Peu importe, un frisson de peur parcourt l'échine de Suniva. Elle se tourne vivement vers ce qu'elle croit être un danger pour l'affronter sa dague tenue en avant.
Bonjour La Belle.
Je nai rien mangé depuis hier.
Si japporte le gibier, consentiriez-vous à le préparer pour nous deux ?
Nous nous inviterons ainsi mutuellement à déjeuner.
Un homme est là qui se dresse en contre-jour dans le soleil tout neuf. La voix est rassurante mais la jeune fille y décèle une pointe d'ironie. La dague toujours dressée, penche une tête curieuse sur le coté, cherchant à croiser le regard perdu dans la chevelure sombre qui accentue encore l'effet d'apparition.
Sans répondre ni bouger d'un pied, elle prend le temps d'examiner son vis-à-vis. Note les vêtements qui sans être somptueux valent mieux que les siens et de loin ; détaille sans gène la haute et noble silhouette, descend le regard sur l'arc ce qui fait se crisper sa main sur la poignée de cuir de son arme.
" - Qui êtes vous ? Pas un brigand, vous m'auriez déjà troussée ou volée... Le Seigneur de ces terres ? Je ne fais rien de mal ... et si vous avez faim, je veux bien partager mon pain et les quelques fruits rangés dans mon panier."
Satisfaite par son examen quoique toujours méfiante, laisse tomber son arme dans le panier et y plongeant la main en ressort une pomme bien rouge ; la tend d'un geste assuré mais avec un sourire timide vers l'archer. Offrande et volonté de paix...
Galovert
Une pomme
Après un court instant de surprise marqué à peine par un tressaillement dépaule, faisant volte face à une vitesse appréciable, dague pointée en avant, elle lui proposait
Une pomme.
Quelle charmante façon de faire connaissance.
Si lhistoire ne se répète pas, elle bégaie souvent.
Gallovert ne pu retenir un rire, se libérant ainsi dune tension extrême.
Il y a encore quelques minutes il était prêt à défendre sa vie.
Apprivoisé et conquis par le naturel de sa visiteuse, cest tout simplement quil mit fin aux doutes sur ses intentions.
Bonjour, mon nom est Galovert, je suis de Luxeuil.
Dit-il en cueillant délicatement loffrande dune main la plus légère possible.
Ma foi, que ferait un homme avec un arc dans un endroit pareil, sinon chercher à sassurer pitance ? Les brigands préfèrent les endroits plus fréquentés.
Dun geste fluide, sortant de son fourreau son couteau de chasse il partage le fruit et lui tend la moitié.
Veuillez mexcuser pour mon irruption soudaine, mais javais donné rendez-vous à quelques chevreuils ou lièvres, prévoyant une issue dramatique.
Et posant un regard intéressé sur le contenu du panier.
Les essences de la forêt sont gorgées de rosée, à cette heure.
Cela améliore lefficience des simples ?
Mais si vous le voulez bien, allons près de mes chevaux, nous avons assez troublé lendroit et le seigneur des lieux nest point un sot.
En croquant dans sa moitié de pomme avec gourmandise, lui tournant le dos avec une confiance apparente, il fit quelques pas en direction de la clairière.
Délicieux ce fruit.
La matinée est compromise pour ce que javais projeté den faire.
Il reste à effacer nos traces.
Jai prévu un lapin pour mon repas de midi.
Accompagné de quelques herbes, et vous m'avez l'air d'une experte en la matière, voilà qui pourrait finir de sceller agréablement le secret de notre présence en ces lieux.
Vous me suivez ?
Suniva
[Dans les bois de Saulx... Un partage imprévu.]
Glissant un peu sur le coté après avoir laché sa pomme de bonne grâce, Suniva penche à nouveau la tête, étudiant le visage de son vis à vis qu'elle voit désormais en pleine lumière. Le sourire s'affranchit quand il se présente simplement après un rire que la jeune normande choisit de prendre comme un signe d'amitié.
Bonjour, mon nom est Galovert, je suis de Luxeuil.
Ma foi, que ferait un homme avec un arc dans un endroit pareil, sinon chercher à sassurer pitance ? Les brigands préfèrent les endroits plus fréquentés.
" - Je me nomme Suniva. j'habite Luxeuil moi aussi... C'est Dame Hellvyra qui m'a prise sous son aile quand je suis arrivée à bout de forces..."
Pomme coupée d'un geste habile, le partage est accepté et même confirmé. La main de Suniva se tend, cueille du bout des doigts en souriant plus franchement, la moitié de fruit qu'on lui offre en retour.
Veuillez mexcuser pour mon irruption soudaine, mais javais donné rendez-vous à quelques chevreuils ou lièvres, prévoyant une issue dramatique.
Les essences de la forêt sont gorgées de rosée, à cette heure.
Cela améliore lefficience des simples ?
Mais si vous le voulez bien, allons près de mes chevaux, nous avons assez troublé lendroit et le seigneur des lieux nest point un sot.
" - Vous êtes donc un chasseur, c'est interdit si vous n'êtes pas sur vos propres terres ? Non ? "
Le regard pétille un instant tout plongé dans celui de Galovert. Souvenir de braconnage reviennent... Les yeux noisette se portent avec envie et curiosité sur l'arc qui semble d'excellente facture à la fille de soldat qu'est Suniva. La jeune fille réfrène les questions qui se pressent et se contente de répondre à celle de sa rencontre agréable mais inattendue...
"- Les simples, j'en sais ce que ma mère m'a appris avant de quitter ce monde. Et je l'ai toujours vue faire ainsi : on ne cueille que ce qui est plein de vie pour en assurer toutes les propriétés bénéfiques."
L'homme se détourne, marchant en direction des chevaux qui ne se manifestent plus, rassurés par la présence de leur Maitre.
Délicieux ce fruit.
' - J'en ai d'autres, si vous voulez... Du pain frais aussi..."
La matinée est compromise pour ce que javais projeté den faire.
Il reste à effacer nos traces.
Jai prévu un lapin pour mon repas de midi.
Accompagné de quelques herbes, et vous m'avez l'air d'une experte en la matière, voilà qui pourrait finir de sceller agréablement le secret de notre présence en ces lieux.
Vous me suivez ?
Rire d'amusement clair et léger fuse dans le silence encore lourd du début du jour.
" - M'engageriez-vous pour être votre cuisinière ? Où donc est votre lapin ?"
Sourire franchement moqueur s'affiche quand les yeux se posent alentours. La main se porte vers un petit sac de cuir souple qui pend à la ceinture de la jeune fille...
" - J'ai les herbes dans cette bourse. Elle ne me quitte jamais. Avez-vous le gibier ? Vous vous charger du lapin, je m'occupe du feu ? C'est l'heure où ces charmantes bêtes viennent gouter aux premiers rayons du soleil... Mais chuuuutttt ! "
Doigt fuselé barre les lèvres tendres et un nouveau sourire franc mais taquin s'affiche sur le visage de la jeune normande qui souplement après s'être penchée pour agripper l'anse du panier, emboite le pas au chasseur, répondant ainsi à son invitation. Suniva ignore pour quelle raison, mais l'homme lui inspire toute confiance et l'idée d'un repas copieux en sa compagnie, lui plait.
Galovert
Et voilà, de nouveau à laffut
Pour cette fois, ce sera un lapin.
Vive le garde-manger de Sirius, suffit de se baisser.
Suniva, après avoir flatté lencolure des chevaux, était partie fagoter.
Superbe fille, rien à voir avec certaines godinettes de Luxeuil.
Comment diantre ne lavait-il pas remarquée ?
Elle n'avait pas l'air d'une simple gueuse...
Entre la politique, ses moutons et son affaire de tisserand, Galovert pensa alors amèrement quil devait passer à côté de bien de choses.
La crainte de ressembler à terme à certains bourgeois repus deux-mêmes qui hantent la citée lui fit relever la tête dans un frisson.
Soudain son attention fut attirée par un frémissement de la végétation, là , en bordure de lisière, un mouvement de branches ne laissait aucun doute.
A une quarantaine de coudées, un brocard vaguant à ses occupations matinales, venait de déboucher du bois.
Seules ses oreilles semblaient s'agiter ça et là, captant le moindre bruit, d'une brindille qui se rompt au léger courant d'air dans les feuillages.
Sans autres façons il se mit à brouter les brins dune herbe tendre qui poussait à cet endroit.
Lanimal était jeune, deux ans tout au plus.
Maintenant il se présentait de trois quart arrière.
Galovert tendit son arc.
La flèche siffla.
lanimal eu juste le temps de relever la tête, seffondra sur ses pattes avant, et se coucha sur le flanc.
La scène navait durée que quelques secondes, que déjà Galovert savançait à découvert, le couteau de chasse à la main.
Fichée pile derrière la patte avant gauche, la flèche sétait enfoncée de moitié, en biais, droit dans le cur.
Il en brisa la partie émergente qu'il mit de côté.
Pas le temps de la retirer proprement.
Après avoir « coupé » le chevreuil, il entreprit de le vider, conservant les abats nobles.
Enveloppés dans des feuilles de châtaignier, ceux-ci furent replacés dans lanimal.
Sortant une aiguille de matelassier, il fit quelques points en croix dune fine ficelle pour refermer l'incision, et lui lia les pattes entre elles.
Les entrailles fumantes furent abandonnées sur place.
La part des charognards de la forêt, pensa Galovert.
Qui valent bien certains rustauds portant toge et mantel
Installé maintenant sur les épaules du braconnier, le fardeau sajusta et séquilibra de lui-même.
Galovert repris le sentier vers le bivouac, pas de lapin au déjeuner
Juste quelques grillades prélevées sur un cuissot de chevreuil.
Suniva
Les bras chargés de branches de bois mort et de brindilles bien sèches ou qui sècheraient vite, Suniva revenait, silencieuse vers les chevaux et les résidus du dernier feu de Galovert.
Son esprit vagabondait, se demandant ce que sa fière rencontre pouvait bien faire... Sans doute tapi près d'un terrier, attendait-il une malheureuse victime aux longues oreilles. La bouche de la jeune normande s'étira en un large sourire moqueur à cette idée, sa façon d'effacer le trouble que le regard de l'homme posé sur elle avait engendré lors de son premier examen.
Arrivée près du cercle de pierres marquant le foyer indiqué par Galovert qu'elle avait pris soin de nettoyer avant d'aller à la récolte de combustible, elle ouvrit les bras et laissa tomber son fardeau avant de s'accroupir afin de trier son butin.
Elle s'activait à préparer un feu digne d'un bivouac normand quand un léger bruit de feuillages froissés l'alerta. Tous ses sens en alerte, elle releva la tête en même temps que sa main droite s'emparait de sa dague qu'elle avait rattachée à sa ceinture avant de s'éloigner pour l'approvisionnement en bois. Elle soupira de soulagement en se rendant compte que les montures n'avaient pas bougé... Sans doute leur Maitre qui revenait. Elle allait pouvoir se mettre à la cuisine.
La silhouette altière du chasseur s'avançait, la démarche souple et semblait porter sur ses épaules un fardeau qui aurait pu sembler léger s'il ne s'était s'agit d'un chevreuil. Les yeux s'arrondirent de surprise quand la jeune fille reconnut le noble animal qui était allongé sur les épaules de Galovert.
Elle se releva, laissant là bois et feu et s'avança, rieuse.
" - Par la morbleu ! Que ce lapin est gros pour la saison ! Etes-vous bien sûr d'avoir le droit d'en faire votre proie, Sieur Galovert ?"
Une main fine s'avança, caressant un peu tristement les bois et le front de la gracieuse bête.
" - Je ne sais pas si mes herbes sont dignes de parer et accommoder un si bel animal... "
Une nuance de regret teintait les dernières paroles tandis que le regard examinait le chevreuil avec compassion.
Galovert
Du premier coup dil Galovert nota la transformation du sommaire bivouac.
Le bois était rangé le long du talus, trié suivant la taille du combustible.
Le foyer avait été enrichi de quelques pierres judicieusement placées.
Plusieurs sortes dherbes aromatiques disposées sur une pierre plate et lisse, dispensaient les promesses dun subtil arôme de bon aloi.
Un bon feu crépitait.
Galovert remarqua que le peu de fumée dégagée se dispersait avant datteindre le sommet des arbres.
Suniva possédait un savoir faire peut commun chez une simple femme du peuple...
Elle lui rappelait cette jeune Bretonne qui faisait partie des francs-tireurs en pleine guerre contre les réformés, à la frontière Helvète.
Asilve maniait lembuscade et lépée aussi bien que lui.
Formée à la dure loi de la survie depuis son enfance, elle avait trop tôt disparue de sa vie
Prise dans un traquenard organisé par on ne sait quel bord, tant la confusion régnait à lépoque, il lavait retrouvée gisante dans une clairière, non loin des remparts de Genève.
Deux carreaux darbalète dépassaient de sa poitrine.
Ils avaient été tirés prudemment dans le dos...
Un léger sourire ourlait ses lèvres...
Galovert n'avait jamais douté de l'amour d'Asilve pour la bataille.
A ses côtés, quatre assaillants dont deux en armure, avait été taillés en pièces.
Asilve avait vendu chèrement sa vie.
Ils uvraient souvent en binôme, épisodiquement amants, ils sétaient promis que la disparition de lun d'entre eux noccasionnerait jamais chagrin à lautre. Foutaises....
Alors dans un sourire, il déposa délicatement son fardeau et entrepris la découpe d'un cuissot.
" - Par la morbleu ! Que ce lapin est gros pour la saison ! Etes-vous bien sûr d'avoir le droit d'en faire votre proie, Sieur Galovert ?"
Le braconnage nétait pas seulement un moyen de manger à sa faim, pour cela Galovert ne manquait pas de ressources.
Cétait sa manière de ne pas être tout à fait soumis inconditionnellement à la loi du plus fort.
Pour lui, il nétait de noble que celui ou celle qui avait fait preuve de noblesse, et Galovert respectait la noblesse.
Le lointain Vicomte de Saulx, il nen connaissait que la réputation.
Éprouver sa connaissance est souvent source de savoir...
Le gibier est la propriété de celui à qui appartient la terre sur laquelle il choisi de vivre sa vie danimal.
En fait cest le gibier qui se choisi un propriétaire, non ?
Personne nest venu me réclamer lendroit ou jattendais celui-ci.
En quelque sorte, il sest offert à nous, librement
Alors faisons lui honneur.