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[RP] Retour au bercail : champagne*

Merance
La nuit promet d'être belle
Car voici qu'au fond du ciel
Apparaît la lune rousse
Saisi d'une sainte frousse
Tout le commun des mortels
Croit voir le diable à ses trousses
Valets volages et vulgaires
Ouvrez mon sarcophage
Et vous pages pervers
Courrez au cimetière
Prévenez de ma part
Mes amis nécrophages
Que ce soir nous sommes attendus dans les marécages


*Jacques Higelin - Champagne -




    Les rues pavées, en plein cœur de la capitale. La sorcière était revenue au bercail mais pour combien de temps ?
    Plus rien ne la raccrochait à la vie, plus rien ne la retenait dans ces lieux autrefois aimés. Merance s’était perdue entre ici et ailleurs, entre une malédiction et une bénédiction.
    Son père, mort depuis des lunes, s’était mis à lui pourrir l’esprit en rappliquant comme cela n’était pas permis afin de la faire vaciller un peu plus vers l’autre monde. Et de son rire qui résonnait entre les oreilles de la rousse, il était prêt de réussir. Si la Maudite n’avait pas eu Guylhem pour l’accompagner et la tenir à bout de bras dans ses moments de folie furieuse, car il s’agissait bien de cela dorénavant, elle serait déjà morte et enterrée. Aujourd'hui, ces divagations qui l’accompagnaient et qu’elle gardait serrées tout contre son corps pour ne pas sombrer un peu plus, elle le savait, lui demandait un sacrifice. Si elle ne mettait pas fin à l’existence de son frère et de sa sœur, elle ne trouverait nullement la paix. Ainsi était le prix à payer pour revenir dans le monde des vivants. Et son père qui se gaussait de cette tragédie qui prenait forme et dont il était l’instigateur. Car de ses apparitions néfastes avaient fait germer l’idée que l’intrusion du baron dans l’esprit de Merance correspondait au retour à la vie de son frère aîné, celui par qui les enfants de Sabran avaient été délivrés du mal. Et comme le serpent qui se mord la queue, aujourd’hui, la sorcière devait tuer l’enfant à mains tachées de sang, béni d’entre les démons pour avoir tué le père.

    Malheureusement, les errances de Merance ne l’avaient pas mis sur la piste de l’ainé. Ce dernier avait toujours eu un don pour se terrer et la Maudite aucun pour le retrouver. Parce qu’à chaque fois, c’était lui qui se manifestait à elle, remuant une fois de plus le couteau dans la plaie. Qu’il était loin le temps où son adoration pour le taureau provençale la faisait frémir lorsqu’elle posait le regard sur lui depuis la modeste lucarne dans sa chambre. Il ne le savait pas mais Merance rêvait de lui à cette époque là, en sauveur qu’il était, il l’emportait loin sur le dos d’un cheval afin qu’elle puisse vivre une vie de bonheur et joie… Et de sauveur il n’avait eu que le nom avant de partir sans se retourner, laissant la rousse vivre sa vie de femme violée, battue, veuve, sans enfant, sans le sous et tristement devenue sorcière par l’entremise d’une irlandaise qui en avait décidé ainsi…


    Retour à la case départ, retour aux miracles. Puisque sa folie lui faisait entrevoir à la sorcière qu’elle ne pourrait se libérer de ce fantôme ingrat, libidineux et bousilleur d’existence aussi facilement qu’elle ne le voulait, il ne lui restait plus qu’à aller demander de l’aide à qui elle savait. Même si les nouvelles de la cour n’étaient guère réjouissantes, même si la Reine n’était plus grand-chose dans ce monde de fous, elle restait pour Merance celle qui était au-dessus de tous. Et durant son périple, elle avait reçu une missive de la part de la pâle lui demandant de la rejoindre rapidement, cela lui ouvrait la porte d’un retour qu’elle n’avait jamais osé au sein des Azzuro.

    C’était pourtant avec une certaine amertume qu’elle traversait la ruelle qui menait au territoire du clan. Les souvenirs qui venaient s’égrainaient dans sa mémoire lui faisaient malencontreusement ralentir le pas et se demander si elle faisait bien de revenir ainsi. Elle savait que la Renarde avait disparu dans les tréfonds des entrailles de la terre. C’était celle qui lui avait arraché le cœur une fois de plus qui l’avait assistée dans ces derniers temps. D’ailleurs, Merance ne pouvait se demander si Vivia avait tout fait pour sauver la renarde ou si, par une malencontreuse idée qui lui avait traversé l’esprit, elle ne l’avait pas laissée mourir sciemment afin d’affaiblir les Azzuro… Vivia et sa soif de pouvoir, s’autoproclamant la reine des bas-fonds alors que pour Merance il n’y avait qu’une Reine à ses yeux et ce n’était certainement pas celle qui l’avait trahie une fois de plus… Et puis la sorcière savait qu’elle devrait compter avec le ressentiment de Midia… un jour elle lui expliquerait qu’elle n’avait pas voulu lui faire du mal mais que c’était justement pour la protéger qu’elle s’en était allée… Si toutes ces personnes pouvaient la regarder aujourd’hui, ils comprendraient… ils comprendraient qu’il vaut mieux être seule que mal accompagné.

    S’arrêtant à quelques pas de la grande bâtisse, Merance posa une main contre la parois de pierre d’une maison délabrée tout en appuyant de l’autre sur sa tempe en entendant le rire sardonique de son père.


    - Mais tu vas me foutre le camp et me laisser respirer… tu me fatigues et j’ai besoin d’avoir toute ma tête… et ne répliques pas, ce n’est pas nécessaire… je te hais, je te hais, je te hais…

    Fermant les yeux, grimaçant de douleurs comme si la voix du paternel pouvait se rendre douloureuse, Merance tentait de reprendre pied dans la réalité. Ce n’était pas le moment que la Pâle la voit dans cet état.




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En constante recherche de RP... n'hésitez pas à me MP
Yaha
" Voyez. Voyez comme le Temps ne peut pas toujours faire son oeuvre et ne laisse dans son sillage les âpres sensations de souvenirs; désirs décousus dont les fils étranglent le coeur et l'âme. Voyez comme toute la bonne volonté du monde ne peut pas toujours sauver une âme errante dont l'esprit a été brisé une fois de plus. Une fois de trop. Voyez comme la Rage dévore et consume les bribes de souvenirs pour n'en laisser qu'un amas de cendre dans le vent. Voyez comme la Douleur peut briser l'échine la plus solide et rendre infirme la plus grande détermination qu'un Royaume ait pu voir. Voyez comme la Vérité sait si pleinement se fondre et s'encrer jusqu'à l'os pour mieux envenimer un être tout entier jusqu'à n'en laisser qu'un cadavre sans la moindre volonté de braver les bourrasques ou reprendre courage pour se relever. Contemplez. Contemplez la déchéance totale d'une créature ayant juré de ne jamais poser genou à terre. Contemplez la distorsion et la décrépitude de son esprit. Contemplez comme la Calamité a patienté face à sa propre perte. "

Si la Pâle, cette Azur n'étant plus rien que l'Ombre d'elle-même, n'était pas en lieu et place à cet instant, sa silhouette semblait hanter les environs de la bâtisse. Un fantôme errant les murs, les ouvertes, le moindre interstice. Ce jour encore, elle se terrait dans son repaire, annihilant ses dernières parts d'humanité. Au sein de son antre, là où elle avait perdu la vue pour mieux la recouvrer plus tard, elle attendait l'heure. Son heure. L'heure où le Son Nom daignerait venir récupérer son dû. Et à l'étage, tandis qu'au sous-sol le cauchemar se poursuivait inlassablement, l'Imbu, lui, prenait son mal en patience. Il avait entretenu jusque là le vain espoir de voir débarquer une chevelure flamboyante. L'illusion était belle pour qui acceptait de l'entrevoir. Mais la chute de ne recevoir personne, oh ! qu'elle était douloureuse. Une douleur lancinante comme jamais auparavant. Alors, résigné pour aujourd'hui, l'Oeil décida qu'il était temps de rejoindre ses propres démons. Là où la noirceur pouvait s'emparer librement de son âme, il aimait à se perdre. Entre le néant du dessous et l'horreur du dessus, son choix avait vite été fait. Passant par la porte menant aux écuries et au jardinet, il s'éclipsa de la bâtisse. Un coup d'oeil rapide en arrière lui donna un moment d'hésitation. Et si, partir maintenant, c'était ouvrir la porte à des maux plus grands encore ? Et si c'était ce qu'attendait la Folle pour jouer ses dernières cartes ? Yaha craignait depuis plusieurs semaines de voir flamber la demeure. Et sa Reyne avec. Néanmoins, il ne pouvait stagner plus longtemps ici. C'était à rendre fou le plus saint des Saints.

[...] La porte dérobée de la courette grinça sur ses gonds. A cette heure, et par cette saison, l'endroit était désert. Nul besoin d'opter pour une grande discrétion de fait, sinon celle obligatoire pour ne pas éveiller en la Blanche le désir de mettre à exécution son triste dessein. Sans doute savait-elle déjà le départ de son Autre imminent, mais ce dernier préférait encore ne pas y songer. Ce serait offrir à la garce qu'elle était un moyen de pression dont elle n'avait pas la nécessité. Ainsi donc, rênes en main, l'Imbu gagna la rue principale. Si, dans un premier temps, son regard ne reconnut en rien la silhouette pourtant reconnaissable de la Maudite, dans un second, l'étonnement prit place. Sans un mot, sans un sourire, il scruta la scène se dévoilant à ses yeux. Une main flattait l'encolure; l'autre se serrait dans sa poche. L'indécision était grande. Fallait-il tourner des talons en feignant à son devoir ? Fallait-il avancer d'un pas de plus et offrir un triste aperçu de la situation à celle qui avait déjà bien trop fait pour cette Famille vouée à disparaître ? Yaha ne choisir: L'animal l'accompagnant, lui, prit pour choix celui de renâcler. Extirpant probablement la Sorcière de son état, par ce simple comportement.


    Ma Dame. Je pensais ne jamais vous revoir.


L'Androgyne aurait pu questionner verbalement ou interroger du regard. Il n'en ferait rien. Respectueux, sans doute trop, il n'était pas de son rôle d'être juge. Il n'était que spectateur. Un observateur sous le joug d'un autre tenant les ficelles. Et comme le fragile Lycoris dans le vent, il n'était pas maître de ses vacillements.

    Vous tombez mal. Fort mal, je le crains. J'allais rejoindre les rives.
    Souhaitez-vous m'y accompagner ?


Détourner l'attention et faire changer d'avis, tel était son but actuel. Sans forcer. Jamais. Juste offrir une issue de secours si le besoin se faisait sentir.

    Rien de bon ne vous attend au sein de cette demeure, ma Dame. Et encore moins un Rien qui ne puisse attendre.

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Merance
Soudain les arbres frissonnent
Car Lucifer en personne
Fait une courte apparition
L'air tellement accablé
Qu'on lui donnerait volontiers
Le bon Dieu sans confession
S'il ne laissait malicieux
Courir le bout de sa queue
Devant ses yeux maléfiques
Et ne se dressait d'un bond
Dans un concert de jurons
Disant d'un ton pathétique
Que les damnés obscènes cyniques et corrompus
Fassent griefs de leur peine à ceux qu'ils ont élus
Car devant tant de problèmes
Et de malentendus
Les dieux et les diables en sont venus à douter d'eux-mêmes
De dédain suprême


*Jacques Higelin - Champagne -




    Les doigts de la sorcière griffaient la pierre de la vieille baraque qui ne tenait plus qu’à un fil, crissant sous l’effet de la rencontre dans ce silence presque malsain. Il lui fallait reprendre le dessus sur cette calamité qui allait et venait aux grés de ses envies et de ses humeurs. Et bien évidemment, elle n’était pas d’humeur la sorcière mais alors vraiment pas. C’était là un moment important pour elle. Il lui fallait revenir au bercail, là où tout avait commencé pour elle, où elle était réellement devenue une sorcière à part entière. Autrefois, elle n’était qu’une enfant perdue dans les entrailles du monde. Aujourd’hui elle était de celles qui connaissaient le monde et savaient que tout, sans aucune exception, pourrissait l’existence. Chacun avait ses propres monstres au plus profond de lui mais personne n’était épargné. Du plus grand Roi à la pire crevure des bas-fonds, les ombres oeuvraient pour exister.

    Prenant une profonde respiration, Merance releva la tête en direction de la bâtisse des Azzuro. Tout semblait si calme à cet instant, d’une troublante passibilité. Qui pouvait penser que des drames se jouaient à l’intérieur de ces murs ? Car chez les Azzuro c’était une tradition. Pas un instant de répit sans que des fantômes du passé viennent vous tirer par les pieds afin de se manifester et trouver oreille compatissante à l’écoute de leurs petits soucis. Quelle drôle d’idées lorsque l’on savait que de leur vivant, ces mêmes personnes ne parlaient jamais.


    Un bruit attira l’attention de la sorcière et bien naturellement, son visage se tourna vers l’endroit d’où le sabot d’un cheval se faisait entendre très légèrement. Sortant enfin des brumes de son esprit, la Maudite frémit en reconnaissant la silhouette particulière de l’Androgyne. Le gardien des Azzuro, l’homme de tous les instants, celui qui détenait tous les secrets à l’intérieur comme à l’extérieur de ces murs. Merance releva le menton en le reconnaissant ouvertement puis le salua à son tour d’un signe de tête, laissant s’échapper un souffle d'entre ses lèvres légèrement entrouverte. Sa voix se serra tant et si bien qu’aucun mot ne franchit la barrière naturelle de sa bouche. Elle ferma les yeux un court instant histoire de reprendre les rênes de sa volonté tout en bâillonnant l’esprit frappeur qui se tenait sur son épaule, prêt à dégainer une insanité, la faisant basculer vers l’indicible bas-fond qu’était déjà sa vie.

    Au prix d’un effort presque surhumain, elle prit une nouvelle inspiration devant les mots débités par ce gardien trop impliqué. Merance secoua la tête de droite à gauche. Elle n’était pas venue pour se terrer ou se débiner. Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour partir à l’autre bout de Paris et fermer les yeux sur ce qui se passait à l’abri des regards dans cette maisonnée. Elle n’avait aucune envie de fermer la porte à cette partie de son passé. Comme l’enfant prodige qui revient après des années d’absence, elle irait jusqu’au bout de sa destinée. S’humectant les lèvres du petit bout de sa langue, Merance reprit son assurance naturelle, celle qui se mêlait à son sang pour lui donner ce coup de fouet dont elle avait tant besoin par moment.

    - Je suis ici parce que l’on m’attend……

    Sortant une lettre maintes fois lue et relue, froissée, déchirée et chiffonnée, la Maudite la tenait au creux de sa main comme un trésor dont elle ne voulait pas se séparer. C’était là le saint Graal, le passe pour entrer dans le Saint des Saints, la clé qui ouvrait toutes les portes refermées depuis des années. Elle ne pouvait même pas la lui donner à lui, il devrait la croire sur parole. Mais Merance ne mentait pas, qu’aurait-elle à y gagner en fait ? Rien si ce n’était d’y perdre sa propre vie alors de ses doigts longs et presque décharnés, elle rangea précieusement les écrits aux fins fonds de sa poche, tapotant presque machinalement dessus afin de s’assurer qu’ils étaient bien cachés. Ainsi, plus tard, lorsqu’elle serait à nouveau seule, elle pourrait lire et relire ces quelques mots qui lui avaient déchiré l’âme à tout jamais.

    Si la pâle prenait le temps de se rappeler à votre bon souvenir c’était que la situation était grave. « Mais pas désespérée » avait l’habitude de dire la Maudite sauf que cette fois-ci, c’était tout le contraire. La disparition de l’un des siens n’était en rien anodine, laissant comme un gout d’inachevé dans l’existence de chacun. Ils avaient encore tant de choses à faire, à vivre, à espérer. Ils avaient encore tant de rêves à inventer, tant de certitudes à composer, tant de frasques à jouer. C’était injuste, tout ce qui était arrivé n’aurait jamais dû se produire, elle le savait la Maudite. Qui avait décidé de faire passer de vie à trépas la Renarde, qui avait dit que c’était là la fin de sa vie, qui avait osé couper les fils de son existence afin de la rendre au Sans Nom ?

    Jamais ô grand jamais Merance ne pourrait se résoudre à cautionner cette fin, à la laisser partir. Car même si depuis des lustres elle et la Renarde n’étaient plus en adéquation, lors de leur dernière entrevue chez Vivia pour le partage des miracles elle avait vu dans le regard de la rousse quelque chose d’infini, une lueur de pardon peut être qui lui avait fait espérer que le passé pouvait s’effacer. Et elle s’était accrochée à cet espoir, se disant que demain elle retournerait aux miracles, chez elle, au fin fond de la cour afin de s’enraciner à nouveau au milieu des Azzuro. Mais demain ne lui avait pas laissé le temps. Le malheur était déjà en place laissant ses bras lézarder le long des murs pour mieux agripper tous ceux présents et à venir.

    Un dernier regard au gardien d’un passé révolu et d’un avenir avorté, la colère nichée au creux de ses reins comme pour la faire avancer, Merance finit par laisser tomber le couperet.

    - Je dois y aller……

    Derniers mots prononcés par une Maudite qui déjà mettait un pied devant l'autre. Les dernières barrières venaient de tomber laissant place à une haie d’honneur emplie de ronces et d’épines qui lui griffaient le cœur et le corps, arrachant des lambeaux de son âme jusqu’à ce qu’elle franchisse enfin la porte d'entrée.




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