Karyl
[Saumur, le 8 juillet 1457]
Assis sur le perron de la maison, profitant des premiers rayons de soleil, le petit blond relisait une fois encore les quelques mots posés sur le vélin. Cela faisait trois semaines maintenant que la lettre était arrivée, trois semaines qu'il était rentré de Thouars pour ne trouver que le silence à l'écho de son enthousiasme d'enfant. Trois semaines et toujours aucune nouvelle, tout juste quelques rumeurs éparses véhiculées par les voyageurs et propagées par les bonnes gens de Saumur... Une guerre en Bourgogne... des mercenaires....des morts....
T'frais mieux d'aller traire les vaches, va pas s'faire tout seul! Marmonna le vieux Georges en passant près de lui, haussant les épaules de voir une fois de plus le môme avec le vélin dans les mains. "Rien que de la racaille", voilà ce qu'il pensait des membres de la Zoko... "bon débarras!" avait-il même ajouté en apprenant leur départ faisant fi des sentiments du garçonnet qui s'était alors mit à fulminer contre de tels propos tout le long du chemin qui les avait ramené chez eux. "Comprenait rien ce vieux sagouin toute façon!"
En effet, le vieux Georges ne voyait guère d'un bon il les nouvelles fréquentations du jeune karyl et ne se gênait pas de le lui faire remarquer : T'vas mal tourner... j'irais pas t'chercher aux geôles p'tit... Voilà tout ce que l'enfant entendait depuis des mois. Mais à présent qu'ils étaient tous partis, la zoko bien sur mais également Aurile, Isatan et linon, Karyl avait de plus en plus de mal à supporter les critiques du paysan. Alors pour échapper à ses remarques cinglantes et oublier la morne tranquillité de la ville, l'enfant s'était réfugié dans son univers, lisant et relisant encore cette lettre reçue de Félina ou partait dès qu'il le pouvait dans le champs de la mère Lucette pour s'entrainer au lancé de dagues avec Louis.
- T'vas faire quoi Karyl?
-Ché pas!
- T'vas aller en Bourgogne? T'vas t'faire tuer pour rien! Sont p'être déjà tous mort.. pour ca qu't'as pas n'velles.
-Nan, j'suis sure qu'nan..
- Ben pourquoi t'as pas d'n'velles alors?
Cette bride de conversation qu'il eu quelques jours plus tôt avec le fameux Louis lui revint tout à coup en mémoire et le fit soupirer. Chaque jour l'enfant guettait le ciel dans l'attente d'un pigeon mais chaque volatile croisant son champs de vision n'était qu'un nouvel espoir déçu. Mais l'enfant n'était pas du genre à oublier ses rêves.
- Faut qu'je partes Louis!
- Ben et moi?
- quoi toi?
- Si t'pars, j'viens aussi!
- Nan, t'as tes vieux ici...t'laisseront pas partir!
- Ben toi t'as Georges!!
- Tsss, comprend rien lui c'est qu'un vieux.
Toujours sur le perron, un sourire vint éclairer le visage de l'enfant. Oui, il devait partir, quitter saumur, George et ses éternelles rengaines de vieux grincheux ignare. Partir à l'aventure comme lorsqu'il avait quitté Paris mais avec des vivres cette fois... Partir vers l'Est comme il se l'était promis voir les terres dont lui avait parlé Ming su. passer par Saint Antoine juste pour voir si les p'tits vont bien... par la Bourgogne p'être pour savoir... Fort de ce tout nouvel espoir et des projets pleins la tête, c'est avec fougue que l'enfant parti en courant vers la grange ou le troupeau de vaches l'attendait arrachant une mine interrogative au vieux George qui ne comprenait décidément rien au mouflet.
[Saumur le 13 juillet 1457]
Avec l'été qui commençait doucement, le travail à la ferme était devenu moins dure et le vieux Georges, trop content de ne pas l'avoir inutilement entre les pattes, laissait l'enfant vaquer à ses occupations sans trop rouspéter contrairement à son habitude. Il faut dire que depuis quelques jours le mioche effectuait son travail avec une rapidité qui semblait plaire au vieil homme qui pensait surement que le morveux avait enfin oublié toutes ses histoires de mercenaires.
Karyl avait ainsi eu tout le loisir de préparer son voyage avec Louis. Il avait déjà fourré plusieurs morceaux de pains et une couverture dans un vieux sac qu'il avait entreposé dans un coin du cabanon qui lui servait de logis. Il avait trouvé un gros bâton en foret, bâton qui selon les dires de Louis était l'outil indispensable à tout bon voyageur. Il était donc fin prêt pour le grand départ vers l'Est, cette grande aventure dont il rêvait tant.
[Quelques jours plus tard dans le Maine]
Cependant, malgré sa soif d'aventure, quitter Georges ne fut pas facile pour le môme bien que ce dernier n'avait montré aucun signe de tristesse à l'annonce de son départ. L'air de rien il s'était attaché à ce vieux paysan râleur alors que le fermier quant à lui s'était à contenté de remarquer qu'il allait devoir trouver quelqu'un pour s'occuper des champs puis s'en était retourné à son labeur sans même prendre la peine de se retourner laissant derrière lui un karyl à la mine triste. Au fond de lui, le blondinet aurait surement souhaité que le vieil homme lui interdise de partir ou du moins tente de le retenir mais que pouvait-il bien espérer qu'un vieux solitaire borné? C'est donc à nouveau seul et résigné que l'enfant prit une nouvelle fois les routes vers un avenir toujours pleins de promesses.
Angers, La flèche, le Mans, les villages, les chemins et même les duchés se succédèrent. Marchant tranquillement le petit blond avait déjà parcouru un sacré chemin depuis Saumur mais il n'était pas sans savoir que le plus dure restait à faire. Et puis, les chemins étaient dangereux et l'enfant malgré son jeune âge en savait quelque chose aussi il avait fait le choix de passer par les villes.
Arrivé devant les murailles de Montmirail, karyl resta les contempler un instant. Demain il serait à Mortagne, petite ville d'Alençon, et dès lors, Paris ne serait plus très loin. Souriant, le gamin entra en ville, passant devant le poste de douane auprès duquel se trouvait une jeune femme qui lui souhaita la bienvenue et lui remit un parchemin. Ne sachant pas lire, l'enfant se contenta de sourire et de fourrer le vélin dans sa poche avant de filer vers les tavernes se reposer un peu, demain une longue route l'attendait.
_________________
Un simple gamin des rues.