Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Entre chien et loup

Dobro.mir
Paris, la Capitale. Putain parmi tant d’autres, elle charrie son lot de femmes et d’hommes durant la nuit qui cherchent le frisson ou le bonheur. Et je ne déroge pas à la règle. Plusieurs jours que je suis là et j’avance comme dans un brouillard.

Je n’aime pas particulièrement les villes. Faux, je n’aime aucunement les villes. Ma vie s’écrit dans de vastes plaines, dans des forêts, des montagnes, durant de longs hivers. Le reste n’est que triste survie. J’étouffe ici, j’ai la tête qui s’embrouille facilement, je suis à attendre et prendre la première mission qui voudra bien m’envoyer au grand air parce que Paris comme les autres bourgades, il manque le principal, il manque la liberté de respirer. Mais je suis là pour gagner quelques écus ici ou là. Le pays n’est pas en guerre et donc moi je ne peux pas vivre de mes armes. Sinon, comme un con, on va me jeter dans les geôles royales et adieu ma tendre liberté.

Donc ici ou là, j’arrive à surnager dans ce bourbier. J’ai trouvé quelques paris clandestins, des combats de chiens qui me permettent de prendre quelques écus avec le sourire à ces cloportes qui ne savent même pas regarder avant de parier ce qui fait que mes escarcelles se remplissent assez facilement. Pour couronner le tout, j’ai même réussi à finir dans un combat à mains nues afin d’alimenter mon besoin de bagarres et de sang. Quelques dents ont sauté et pas que d’ailleurs. J’en connais au moins un qui est rentré le bras à moitié estropié. Du coup, ça m’a valu une raclée en bonne et due forme de la part de ce bâtard de Ratier et de ces hommes. Déjà que je les ai plumé aux combats de chiens mais quand ils ont vu que je savais me défendre durant les combats à mains nues… ils ne leur en pas fallu plus pour décider de me faire la peau. Et je dois dire qu’ils ont presque réussi.

J’avais quitté la salle sans un au revoir. On m’avait tendu deux bourses pleines d’écus, mon gagne pain du soir, et fait signe de la tête de déguerpir. Je n’avais pas demandé mon reste. Et alors que j’avais besoin de respirer, j’avais pris la direction du port. Voir autre chose que ces maisons accolées les unes aux autres me ferait un bien fou, m’aiderait à vider ma tête, mais je n’avais pas emprunté l’artère principale que déjà on m’avait bousculé méchamment au coin d’une ruelle mal éclairée. Et là j’avais mangé.

A coups de pieds, de bâtons, de poings fermés sur une brique, j’avais été bastonné dans les règles de l’art. Et j’avais eu beau me défendre, je sentais bien les coups pleuvoir sur ma gueule déjà bien arrangée. Alors je m’étais recroquevillé sur moi-même afin de protéger ce qu’il me restait de mon corps fatigué par les exercices du soir et j’avais attendu. Je ne sais pas si cela a duré longtemps car j’ai perdu la notion du temps mais un coup de sifflet plus tard et la ruelle s’était vidée me laissant là, au milieu de tout ce que vous pouvez trouver dans une ville.

Essayant de me redresser j’avais plié sous mon propre poids mettant genou à terre. Essuyant ma bouche du revers de la main j’avais vite compris que je pissais le sang. Crachant au sol ce qui me laissait un gout de fer dans le gosier, je pris une profonde inspiration pour m’inciter à me relever. Le troisième essai fut concluant. Une main sur le mur de pierres, je me guidais comme je le pouvais, un œil fermé par du sang qui commençait à coaguler sur la paupière, et sans aucun doute que cela commençait même à enfler, je naviguais au radar. Ma main libre était venue tenir mes cotes afin de m’aider à respirer. S’il pensait que j’allais crever, ils pouvaient déjà noter leur abattis parce qu’une chose est certaine, j’ai la rancune tenace et tant qu’il restera un seul de ces porcs dans le coin, j’allais me mettre en chasse. Mais pour l’heure, il me fallait récupérer et surtout panser mes plaies. Heureusement, ils ne m’avaient pas détroussé et il me restait mes gains fièrement acquis à la force de mes mains. C’était déjà ça.

Pour le moment je faisais quelques pas en grimaçant avant de m’écrouler contre le mur d’une rue un peu plus fréquentée. A cette heure là, personne ne faisait attention à moi et même si quelqu’un me remarquait, il s’enfuyait bien vite au regard de ma gueule amochée. Tu peux toujours crever la bouche ouverte dans cette ville, personne ne te tendra la main. Je secouais la tête en respirant bruyamment avant de la rejeter en arrière, résigné, en observant le ciel sans aucune étoile. Je souris malgré moi, j’aurais dû me méfier. Ce n’était pas une belle nuit pour m’amuser. Je donnais un coup de reins pour me permettre de me décoller du mur et reprendre ma route. Même si au final, je tanguais sérieusement. Il me fallait retourner vers ma piaule louée dans une auberge au fin fond d’une cour sans attrait mais qui était dans mes moyens. Je marmonnais entre mes dents, grimaçant, injuriant dans ma langue natale le premier qui me frôlait avant de me résoudre à lâcher d'un ton rageur et enroué, l'accent fortement prononcé.


- Foutez-moi la paix... on n'est pas au spectacle ce soir !
_________________
Axelle_casas
Cette foutue mission et tout ce qui s'y agglutinait s'agrippait à la manouche comme une nuée de mouches entêtées refusant de cesser de lui tourner autour de la tête. Mais elle ne devait pas être injuste, cette virée comportait son lot de bonnes surprises. Et pas des moindres. Une amitié naissante était sans doute l'une des plus belles choses qui puisse encore lui arriver. Cependant, leur chemin conduisant la petite troupe pas trop loin de la capitale, la Casas sauta sur l'occasion pour la rejoindre quelques jours. Quelques affaires à régler avait-elle brièvement argumenté et personne n'avait jugé bon d'être plus curieux.

Paris. Une drôle d'histoire débutée bien des années auparavant. Au fil d'une escapade, la bouche pleine de pain au noix, les yeux grands ouverts devant les étals sans fin et le cœur battant la chamade au nid d'une petite boutique de couleurs sentant bon le papier et les pinceaux. Comment aurait-elle pu résister à cette amante qui l’appelait ? Elle n'avait pas pu et, bien plus qu'un chat, c'était les ruelles labyrinthiques de la ville qui avaient sonné le glas de son fol amour ursidé. Aussi sale, aussi dangereuse, aussi puante qu'elle puisse être, Paris était sa maîtresse la plus fidèle. Maîtresse capricieuse qui avait décidé de sa vie. Jusqu'à sa mort.

Les Yeux d'Hadès attendraient. Son premier salut était réservé à Notre Dame et ses gargouilles, gardiennes muettes de tant de secrets murmurés à la pointe de leur oreilles grotesques. Témoins impassibles de tant de voltiges, de peurs voulues, de soupirs abandonnés à la pente des toits et d'aveuglements, aussi. Que de dévotion pour une manouche qui ne savait pas se mettre à genoux. Puis, avec nonchalance, ses pas longèrent les quais avant de couper par les ruelles menant à son appartement de la pointe de l’Île Notre Dame. Et tout aurait dû se passer dans le calme le plus complet si un grondement ne l'avait fait sursauter.


- Foutez-moi la paix... on n'est pas au spectacle ce soir !

D'abord elle haussa les épaules, croyant simplement croiser un ivrogne de plus à l'accent étranger. Accent connu cependant, mais sans qu'elle ne parvienne à savoir d'où. Elle allait poursuivre son chemin sans s'occuper davantage du pochtron quand ce bras serré sur les côtes attira malgré elle son attention. Ralentissant le pas, sous la lumière blafarde de la lune, elle vit aussi le visage rouge de sang noir. Alors elle s'arrêta, et d'une voix pas moins rauque, laissa tomber sans même y réfléchir.

Alors faites en sorte de pas aller à la boucherie non plus.
Sortant de l'ombre des hautes façades étroites, elle s'approcha de l'homme, jupons rouges battant les murs endormis.

C'est plein de rapaces ici. Attirez leur attention et ils achèveront un travail déjà a moitié fait pour se repaître de votre carcasse. Soyez-en certain.
_________________
Dobro.mir
Une quinte de toux me prend alors que je suis surpris par les paroles que l’on m’adresse. La voix n’est pas désagréable à mes esgourdes et je tends un peu le visage sur le côté pour mieux entendre la musicalité des mots. Mais voilà que je m’étouffe à nouveau avant de venir cracher encore du sang sur le sol de la ruelle. Ce n’est décidément pas ma soirée mais j’en ai vu d’autres. La bête est coriace, elle a la peau dure et certainement pas l’envie de crever comme un rat sur les pavés de Paris. Je relève le torse avec une grimace que je ne dissimule même pas à cette femme qui, cette fois, est apparue devant moi. J’arque un sourcil, hume l’air pour me rafraîchir légèrement puis repose mes azurs sur la brune.

- Et t’es qui toi, un charognard qui attend de m’voir tomber ?

Je prends une profonde respiration quitte à me décrocher les poumons. Il faut que ça entre là-dedans, coûte que coûte puis je reprends sur un ton acerbe et grave.

- J’suis désolé pour toi mais tu r’pass’ras, ma mort n’est pas pour aujourd’hui… J’ai pas signé d’contrat pour finir comme un clochard dans une ville que j’connais pas… La grand’faucheuse n’a pas encore fait sonné son tocsin.

Non mais moi je veux mourir comme tous mes frères cosaques, en « Guerrier Libre », l’arme à la main. Ça c’était ma destinée et pas cette ridicule baston au milieu d’un pays étranger. Je viens m’essuyer la bouche avec le revers de ma manche, passe ma langue sur mes lèvres à la recherche d’une goutte d’eau qui remplacerait le gout du sang puis lance à celle qui semble m’observer.

- T’sais pas où j’peux boire quelqu’chose sans qu’ça pose des questions dans l’quartier ?

Les questions très peu pour moi. Je n'allais pas ameuter tout Paris parce que j'avais vexé un gars qui organisait des combats dans le sous-sol de sa grange... Je réglerais cette histoire à ma façon, le moment venu. La patience fait partie de moi et je ne lâche jamais ma proie. Ceci étant dit, malgré mon œil complètement tuméfié qui ne me servait plus à rien et l’autre à la mire pas vraiment parfaite dont les bords étaient quelque peu flous, j’arrivais quand même à discerner les jupes de la femme qui venait de s’adresser à moi. Ce n’était déjà pas si mal aux vues de la situation mais je mettais un poing d’honneur à me redresser malgré l’effort que cela me demandait. Le visage en biais pour essayer cette fois de voir un peu plus qui me parlait je fus surpris de constater qu’elle n’avait rien d’une femme de Paris.

- C’est moi qui régale, j’fais pas la charité…

Il valait mieux préciser dès fois qu’elle penserait que je voulais me faire inviter. Malgré la situation il me restait quand même un peu d’orgueil quelque part entre deux cotés fêlées, une main aplatie et un sérieux mal de crâne qui commençait à pointer son museau.
_________________
Axelle_casas
Le glaviot sanguinolent s'écrasa non loin de ses bottes. Ici, elle ne tergiversait pas. Tant pis pour la liberté chérie de ses orteils, les pavés étaient bien trop crasseux pour y aventurer l'arrondi d'un talon délicatement nu. Et l'inconnu en donnait encore l'exemple avec éloquence. Avant même d'éviter de se faire salement amocher, ne jamais, sous aucun prétexte, oublier ses bottes. Et si l'étranger avait pris cette précaution- là, pour le reste, il était encore plus amoché qu'elle ne l'avait pensé. Pourtant, à la rétorque, le regard noir se fit effilé comme la lame d'un rasoir.

Si j'étais un de ces charognards, tu serais déjà mort. On cause pas avant de tuer, pas vrai? Où était le vous ? Personne ne semblait s'en soucier et c'était très bien comme ça. Évitant la glaviot elle s'avança encore vers l'homme et, peu craintive de ce qu'il pouvait lui faire au vu de son lamentable état, prit son menton entre ses doigts pour relever le visage esquinté, laissant en suspens tant les questions que ce qui s'apparentait de loin à une invitation.

T'ont pas loupé. Lâchant sa prise, la voix posée, elle poursuivit en haussant une épaule. Si tu crois que tu peux passer inaperçu dans une taverne avec la gueule que t'as, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu'au coude. Déjà qu't'en as plus qu'un d'ouvert. Le spectacle est pas pour ce soir, pas vrai ? Alors suis moi.

Et sans demander davantage ni s'assurer que le gus la suivait bien, commença à marcher d'un pas néanmoins volontairement lent. S'il était hors de question de l'aider à marcher, à sa manière, elle savait se montrer attentionnée.

On va chez moi. C'est pas loin. T'as besoin d'être soigné. Ça va pas te plaire, je sais. J'suis pas très douée pour pas faire mal. Mais t'as pas vraiment le choix lança-t-elle dans large mouvement du bras pour souligner le vide sinistre qui les entourait. Et me demande pas pourquoi je fais ça. Soit j'suis dans un sacré bon jour, soit t'as une veine de cocu. Et j'miserais sur les deux. T'auras qu'à me payer si ça arrange ta virile fierté.

Quelque pas de plus et elle s'arrêta pour se retourner vers lui. Oh, pis crains rien, j'ai pas prévu de recevoir d'amant ce soir. Je m'appelle Axelle.
_________________
Dobro.mir
Je tangue, mes guibolles n’étant pas très assurées après la raclée que je venais de me prendre mais je tenais la route, du moins je faisais tout pour. Ma main enserrait toujours mon flanc qui me faisait souffrir et je respirais bruyamment. L’effort demandé pour suivre cette femme me paraissait inhumain mais je m’accrochais à sa paire de bottes que je voyais, la tête baissée que j’avais afin de ne pas trop trébucher sur les pavés de Paris. Il faut dire que lorsqu’on me dit « suis moi », je ne tergiverse pas, au contraire je rapplique. L’invitation avait sonné comme une douce musique à mes oreilles même si la suite des réjouissances aurait pu faire peur à n’importe qui. Mais comme je ne l’étais pas, je me risquais de sourire malgré ma lèvre fendue et mes traits tirés et ensanglantés.

- Ça fait longtemps qu’j’ai pas souffert ent’les mains d’une femme. Et si y’a qu’ça pour t’faire plaisir et t’remercier ton aide… Quant au fait qu’j’sois cocu, faudrait déjà qu’j’ai une attitrée c’qu’est pas l’cas…

Et tel un escargot asthmatique qui fait la course avec un papillon virevoltant, je m’épuisais à vue d’œil à essayer de parler tout en marché quand soudain je faillis entrer en collision avec la dénommée Axelle.

Focus sur sa jupe jusqu’à relever la tête tout en essayant de bien imprimer ses traits. Avec un œil fermé et l’autre qui, il fallait bien l’avouer, avait de net que les bords, je n’étais pas sorti de l’auberge mais je faisais du mieux que je le pouvais. Et sa réflexion me tira un léger sourire.


- Dobromir… et j’pense pas qu’t’aurais pris l’temps de m’aider si t’avais eu un amant chez toi… ou alors t’en avais rien à foutre du gars… c’qui peut aussi être une idée…

Respiration profonde avant de crachoter ce qui me rester d’air dans les poumons, je sentais qu’ils commençaient à me brûler. Et j’espérais qu’elle avait quelque chose de fort à me faire avaler afin de me remettre d’aplomb. Y’a rien de mieux pour insuffler la vie à un homme… un bon alcool fort et l’entre cuisse d’une femme. Mais pour l’heure je ne réclamais qu’un breuvage à prendre des claques. Après ça je m’occuperais de ces porcs. Ces chiens allaient me le payer. Un par un je les retrouverai. Pisteur je l’ai été, chasseur aussi et quand je flaire ma proie, je ne la lâche pas. Ils n’auraient pas dû s’attaquer à un cosaque.

Je m’attarde à nouveau sur ce papillon de nuit pour essayer de comprendre ce qui l’anime à sauver un inconnu pissant le sang au beau milieu de Paris assoupit mais ses traits restent impassibles. Intrigué, me voilà à tenter d’arquer un sourcil mais la douleur que cela génère m’arrache une grimace bien sentie. Certains jours je frise l’abruti profond mais je me soigne. Faisant mine de reprendre la route sentant mes forces s’amoindrir, je me permets toutefois de faire la conversation.


- Si j’peux me l’permettre t’viens pas d’Paris ?

Ici tout le monde semblait ne pas aimer le soleil, se cachant de ce qui pourrait marquer leur peau tandis que mon peuple comme beaucoup d’autres vivait au grand air, dansant sous les astres qui réchauffent les âmes. Et cette Axelle me faisait penser à certaines femmes que l’on trouvait dans quelques clans par chez moi, là-bas du côté de l’Oural… A cette pensée je sentais ma fierté légendaire d’appartenir à ce peuple libre revenir au grand galop. Et de la douleur que je percevais à chaque pas, j’en fis ma force au point de me redresser et de continuer à marcher sur les pavés de Paris.
_________________
Axelle_casas
Il n'y avait pas à tortiller. Même sans le sang maculant sa trogne, l'homme avait une gueule de barbare. Une gueule qui venait d'elle ne savait où, mais une gueule qu'il ne faisait certainement pas bon emmerder. Et même si elle pensait ne rien risquer vu l'état dans lequel il se trouvait, couteau niché bien au chaud à sa ceinture, elle ne put que réprimer un soupir de soulagement d'échapper à une bonne gifle après avoir hasardé ses doigts sur son menton. Étrangement même, il se faisait docile, suivant ses pas et lui faisant même la conversation. Comme quoi, mieux valait toujours se méfier des apparences, dans quelque sens que ce soit.

Souriant en coin aux réponses, il savait se montrer assez aimable pour, qu'à son tour, elle sache se montrer avenante. Parce qu'il fallait bien l'avouer, les questions sur sa provenance l'ennuyaient d'ordinaire au plus haut point. Demandait-on à un donzelle à la peau claire comme la rosée d'où elle venait ? Sans doute pas. Elle, beaucoup se pavanaient de la croire espagnole, égyptienne quand ce n'était pas tout bonnement maure qui lui tombait sur le coin de la figure. Si ce petit jeu de devinette l'amusait parfois, la plupart du temps, elle s'en agaçait prodigieusement, soupe au lait qu'elle était. Mais ce qui l'ennuyait le plus dans cette histoire, était qu'elle ne s'en savait rien, sachant bien que même née en Camargue, son sang n'était certainement pas issu de ces marais-là, même si à jamais, telle une tache de naissance, ses lèvres resteraient salées.

Alors elle haussa doucement les épaules et, d'une voix neutre alors que leurs pas arpentaient plus ou moins chaotiquement le pavé, répondit. Certaines légendes nous disent héritiers du fils d'une jument, d'autres des oiseaux emprisonnés au sol par l'or d'un palais. Ces légendes, la manouche les aimaient, farouchement, et ne les égrainant à d'attentives oreilles que rarement, seulement à qui le méritait tant elle détenaient dans leurs lignes la nature du sang gitan. Ces gitans qui s'inventaient des mythes pour se construire une histoire quand la leur était évanescente. Quand ils semblaient avoir été déposés sur terre au hasard d'un dieu capricieux et désinvoltes ayant oublié de leur donner un pays. Comment savoir où aller quand on ne sait d'où l'on vient ? On marche. On marche jusqu'à faire tourner la terre sous ses pas. Cela aussi, elle aurait pu le dire à l'homme derrière elle, mais finit par conclure simplement. J'suis gitane. Comme si cela pouvait répondre à toutes les questions.

Sans doute se montrerait-elle à son tour curieuse, mais l'heure n'était pas là quand la porte de son appartement rompit la ruelle de sa dent creuse. Fouillant sa poche, elle en sortit une petite clefs et ouvrit la porte. Le calvaire de l'étranger prendrait fin pour quelque instants dans les effluves de pain frais de la boulangerie voisine.


Avançant à tâtons, elle alluma quelques chandelles baveuses de cire et se retourna. Entrez. Avait-elle pris le temps de ranger son foutoir avant de partir en mission elle ne savait où ? Cela aurait été bien mal la connaître. Des noix débordaient d'une corbeille posée de guingois sur une table maculée de papiers et de dessins inachevés et un petit guéridon, bien trop délicat pour la grossièreté du reste du mobilier, dégueulait de boules de senteurs, de peignes de nacre et autres menus bijoux sans grande valeur. Bordélique mais certainement pas inconsciente quand l'argent manquait à présent, les biens de valeur qu'elle possédait encore étaient soigneusement rangés dans son bureau de pupille, dans l'attente d'être vendus à leur tour. Le reste de l'appartement était soigneusement camouflé par un rideau vivement bariolé piquant les yeux sur le blanc des murs. Tirant d'un geste vif une cape d'uniforme bleu nuit d'un dossier de chaise pour la jeter dans un coin, elle retrouva avec un sourire de maman poule un petit escarpin de cuir d'Italie paumé depuis des mois qui subit finalement le même sort peu enviable. Puis elle s'engouffra dans un indéterminé coin sombre pour en sortir une bouteille poussiéreuse qu'elle brandit victorieusement.

J'savais bien qu'il m'en restait encore. Et pointant du menton la chaise débarrassée. Pouvez vous asseoir, hein.
_________________
Dobro.mir
Tout en marchant, et en observant l’ondulation du corps se mouvant devant mes mirettes, je sentais bien une certaine méfiance à mon égard. Cette odeur devient palpable dès lors que vous la cherchez et comme j’aimais savoir à qui j’avais à faire afin de ne pas m’égarer, il ne m’en fallu pas plus pour la flairer. C’est comme l’appel du sang… un homme qui tue saura toujours où chercher sa proie. Mais dans mon cas, à cet instant précis, il n’y a pas de proie dans ma ligne de mire, juste une femme qui aide un homme blessé et je lui serais éternellement reconnaissant de ce qu’elle faisait pour moi.

Certes je ne serais pas mort ce soir mais j’aurais mis plus de temps à m’en remettre. Bon il fallait que j’attende les soins qu’elle allait me prodiguer mais peu importait si elle était rude comme de la pierre, j’en avais connu bien d’autres et même certainement bien pire. Les cicatrices que je porte sur mon corps en sont la preuve. Combien de femmes ont eu peur de ce qu’elles voyaient préférant plutôt fuir que de me soigner ou de finir dans mon lit. On ne va pas à la guerre en gardant ses mains dans ses poches ni en se mettant sur le côté afin de compter les points. Je laisse ça aux nobles qui, perchés sur leur monture, daignent à peine regarder leurs hommes se faire massacrer.

J’ai vu mourir et j’ai donné la mort. C’est mon crédo depuis que je suis en âge de me battre. Certains diraient que c’est leur métier, moi pas. Je suis né sur des terres hostiles où seul compte le territoire. Étendre sa tribu, étendre son domaine, conquérir… nous nous battons en homme libre et pour libérer les autres du joug de petit tyran qui affame leur peuple afin de se sentir supérieur. Et on en a conquit du pays mais il faut toujours veiller et recommencer. C’est une lutte sans fin. Les hordes partent durant l’hiver en mettant à la tête du pays des personnes de confiance qui finiront assassinées ou corrompues… et au printemps, la boucle reprend là où on l’avait laissé… un cercle infini… alors oui j’ai passé ma vie à tuer et à échapper à la mort. Et ce soir ne déroge pas à mon quotidien et mon corps comptera une cicatrice ou deux de plus… Ma peau ne vaut plus rien, trop meurtrie pour être encore mise à prix mais je me défendrai encore jusqu’à mon dernier souffle.

Mon regard revient sur la brune qui finit par me dire qui elle est… trois mots qui résonnent en moi et je manque de me prendre les pieds dans un pavé, rattrapant mon équilibre tant bien que mal. Je ne manque pas de plisser les yeux pour mieux focaliser mon attention sur ces traits, sur ses courbes, sur elle. Je lui dois le plus grand respect. Chez nous, ces femmes sont considérées comme de grands chamans. Elles ont les connaissances que nos anciens n’avaient pas et ont fini par les partager à l’occasion de mariage avec de grands Atamans*. Reines parmi les princesses, elles sont la voie de la raison, elles connaissent les arcanes et les étoiles, elles lisent au plus profond de votre âme ce que nous autre ignorons et souvent elles sont la voix de notre conscience collective, donnant un sens à nos combats. Et je ne peux que me demander ce qu’elle fait dans ce pays étrange, au beau milieu de la nuit, seule. Je sais qu’elles ne sont guère farouches et encore moins faciles à berner, je sais qu’elles savent se défendre comme des tigresses mais cette Axelle semble bien esseulée… au pays, il y aurait au moins une garde rapprochée pour ne pas qu’elle se fasse enlever… même planquée aux quatre coins des rues. Et ma vision même inadéquate et faussée ne m’a rien montré…

Voilà que nous entrons dans son domaine. Je marque un temps d’arrêt, à peine, mes yeux s’habituant rapidement à la lueur des chandelles. Et je ne pus que sourire légèrement malgré ma lèvre fendue à ce charme bigarré que les tentures offraient. Pour un peu, on se serait cru dans l’une des tentes dans laquelle je vivais au pays. Manquait plus que des coussins en peaux divers et variés, quelques tapis de bêtes au sol, des volutes d’encens et j’y étais… revenu chez moi en quelques claquements de doigts. Mais mon hôte revenait déjà avec une bouteille qui semblait avoir vécu. Je m’installais sur la chaise qu’elle m’avait désigné même si de prime abord je me serais laissé vautrer au sol. Torvar me disait toujours qu’il fallait que je fasse des efforts d’adaptation. Cousin ce soir j’applique tes recommandations… mes yeux pétillent en se posant sur la bouteille et j’attends avec impatience de pouvoir me rincer le gosier.


- Merci pour la chaise… c’est gentil chez toi…

Toutefois, j’avais toujours autant de mal avec le concept d’enfermement entre quatre murs. C’était là quelque chose qui me rendait dingue, vraiment et je sentais un certain malaise monter en moi. D’ordinaire j’arrivais à maitriser mais sans doute que j’étais plus fatigué que je ne l’aurais admis.

- Ça d't'dérange d’ouvrir une fenêtre … s’il te plait

Je passais ma langue sur ma bouche devenue très sèche. Non je ne suppliais pas… à peine… je demandais poliment… A plusieurs reprises je m’étais dis que si on me prenait vivant dans un pays étranger, je me donnerais la mort plutôt que d’être enfermé dans les geôles. Je sais que la folie me tomberait sur le dos rapidement et que de toute manière, j’essaierais par tous les moyens de mettre un terme à mon calvaire… je suis libre et je le resterai jusqu’à la fin !
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)