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[RP] Journal d'une chiasse en goguette

Andrea_
A ceux que j’ai croisés sur l’aller, j’ai raconté aller retrouver mon passé. Je ne savais pas ce que j’allais trouver, mais j’y allais pleine d’espoir, et rien n’aurait pu m’arrêter.
A ceux que j’ai croisés sur le retour, j’ai expliqué l’importance de partir tant qu’il était temps. Ils n’ont pas compris, et se sont demandé comment il était possible de changer d’avis si radicalement, en à peine quelques jours.

La vérité est bien plus profonde, plus personnelle aussi.
J’avais le besoin d’y voir plus clair, et je m’interdisais de rembarrer celui que j’avais jadis tant aimé. Continuer un peu, ou mettre un point final à une histoire pour pouvoir en continuer une autre. J’avais l’intime conviction que Gilly ne me pardonnerait pas, et je le confesse, mes quelques jours à Orléans ont été hors du temps, et rien ni personne n’avait compté. Nous avons vécu en vase clos, avant que nos chemins ne se séparent.

Dire que je n’étais pas triste serait mentir, mais par delà la douleur, j’avais la légèreté de pouvoir passer à autre chose, vraiment. Que plus jamais le passé ne viendrait frapper à ma porte et mettre mon esprit en péril. C’est un travail compliqué, de longue haleine. Une multitude de sentiments qu’il faut combattre, des crises de panique qui vous réveillent la nuit, le cœur qui s’emballe sans raison en vous amenant à la limite de la folie, la paranoïa vous coupant le souffle. J’ai fait ce qui fallait, et je ne l’ai fait pour personne d’autre que pour moi, continuer aurait causé ma perte, et moi, je voulais vivre.

Il a eu de nouveau quelques jours de flottement, un étrange sentiment de liberté que ternissait la « descente ». Il a fallu reprendre pied, une vie « normale ». Lire les missives, de Susi, inquiète. De Nicolas, inquiet. Y répondre, pour apaiser, en expliquant cependant ce besoin de rester seule encore. Il a fallu accepter l’absence de missive de Gilly. L’absence, comme un abandon, une colère sourde. Zéro missive, zéro nouvelle, qui n’auguraient rien de bon.
J’avais essayé, plusieurs fois, de lui écrire pour lui dire qu’il me manquait. L’ami me manquait. Le confident me manquait. Le coup de pied au cul me manquait. L’amant me manquait aussi, bien sûr, mais bien plus que les parties de jambes en l’air, c’est de sa tendresse, que j’avais besoin. J’aurais pu gérer la colère, les coups, les insultes, mais j’étais incapable de gérer son silence. Et encore plus incapable de lui expliquer le manque que je ressentais. Les missives restaient vierges, et les pigeons attendaient désespérément de faire le grand voyage.

Le temps passait, me laissant dans un état cotonneux, euphorique parfois, dépassée, souvent. J’ai eu besoin de mon fils, de lui dire combien je l’aimais, combien j’avais merdé. J’ai eu besoin de Susi, qu’elle me dise que son père allait bien, qu’elle me pardonnait, que la vie reprendrait, peut être différemment, mais qu’on restait une famille. J’ai eu le besoin de beugler partout que l’Amour c’était le nerf de la guerre, j’ai même poussé des amis à se marier en leur expliquant combien c’était merveilleux. J’avais besoin que quelqu’un me prenne par la main, et me dise que ça irait, que même si c’était dur, quelqu’un dans ce put’ain de monde comprenait ce que je vivais, qu’on me dise que j’y survivrais.

J’avais eu besoin de cette solitude qui d’un coup m’étouffait. Chaque nuit était peuplée de mains que je n’arrivais pas à attraper, de visages revenants du passé. Je m’étais mise dans cette merd’ seule, je devais m’en sortir seule, mais la tâche me semblait impossible.

Peu à peu le visage de Gilly avait effacé celui de Ddodie. Probablement plus vite qu’il aurait fallu. Plus vite que je ne l’ai voulu. Plus vite, trop vite. Je lui rendais certainement pas honneur, mais puisqu’aujourd’hui il fallait prendre ses cou’illes et les mettre sur la table, j’ai laissé l’image de Ddodie s’effacer, avec la même furtivité dont j’avais fait preuve pour le retrouver.
Comme la preuve ultime que le passé devait le rester, en rendant au présent toutes ses couleurs. Au début, j’avais le souvenir d’un Gilly, fâché, bougon. Puis il s’est mis à sourire. Peu à peu à son visage s’ajoutait des odeurs, un grain de peau. Une voix.
J’ai passé des heures à regarder cette alliance, en me disant que si j’étais trop faible pour lui écrire que je l’aimais, j’avais encore la carte du mariage. Et j’ai tenté, maladroitement, de lui expliquer par écrit les raisons de mon départ, alors face à sa rancune, j’ai abattu ma dernière carte.
Si j’avais pu, une première fois, le faire tomber amoureux de moi, je pourrais le faire une seconde fois, et notre mariage m’y aiderait. Il tenait à sa parole, il tenait à ses écus, et même si j’avais entaché l’Amour qu’il me portait, je me cacherais derrière les deux premiers pour reconquérir le troisième.

J’avais dressé une liste de points qui me semblaient important :
Je l’ai épousé car il avait tout de l’homme idéal, il était un bon parti, sûrement le meilleur. J’ai appris à l’aimer, vraiment, au point d’en souhaiter qu’un jour il me redemanderait en mariage, non pas pour une contre partie, mais simplement car il m’aimait.
Mieux vaut être seule que mal accompagnée.
Je n’étais pas partie parce que je ne l’aimais pas, mais je revenais car je l’aimais –si, ça veut dire quelque chose-.
Il m’avait fallu vivre loin de Lui pour comprendre que même en étant le pire des conn’ards, il n’était pas le pire sur Terre.
Je n’aimais décidément pas l’alcool de prune On ne quitte pas les gens que l’on aime en laissant une lettre.

Car bien plus que de l’avoir laissé dans une auberge à Montpellier, je m’en voulais de la manière dont je l’avais fait. Et je paye aujourd’hui l’indélicatesse et l’irrespect dont j’ai fait preuve en le l’abandonnant sur le bord de la route, pour retourner voir si l’herbe était plus verte ailleurs.

Et même si je n’ai formulé aucun regret à voix haute, j’espérais qu’il entendrait mon âme entière lui crier combien j’étais désolée.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
Nouvelle année.
Déjà.
Ou enfin c’est selon.


L’année aura été éprouvante, et pleine de surprises.
Il y aura d’abord eu la victoire face au grand Khan, et le retour en France. Il y aura eu ces dizaines de dindes, faucons et lapins qu’il aura fallu trainer jusque dans nos cahutes, et vendre pour devenir encore plus riche que nous ne l’étions déjà.
Il y aura eu un mariage, sûrement le plus raisonné de tous. Un mariage dont les bases, sous forme d’un contrat, devaient être des plus solides. Un mariage avec le plus têtu des Hommes, que je ne m’attendais pas à finalement aimer.
Il y aura eu la vie sous toutes ses formes, et dans toutes les positions –hinhin-. Il y aura eu de la vaisselle cassée, des chemises déchirées, des égos blessés. Il y aura eu de la soupe à la grimace, des cerises sur le gâteau, des couilles dans le pâté. On aura cassé trois pattes à canard, on sera passé du coq à l’âne. On aura pleuré comme des madeleines, rit comme des baleines. On aura vécu, pleinement.
Et puis on sera mort aussi. La Faucheuse a été rude cette année, et se rapproche inlassablement de moi. J’ai cru perdre la face lorsqu’elle m’a enlevé mes amis. Mais je me suis relevée jusqu’à cet automne, où j’ai dit Adieu à une part de moi lorsque ma toute petite fille nous a quittés. Il y aura fallu des jours pour trouver le courage de la mettre en terre, des mois pour redire son prénom, et je n’aurais probablement pas assez d’une vie pour faire le deuil de sa voix dans ma vie.

Il y a les morts que l’on regrette et ceux qui reviennent d’on ne sait où. De ceux là je ne parlerais pas. Il faut avancer. Il faut savoir apprécier ce que l’on a pour ne pas souffrir encore. Je n’oublie pas, je vis avec, et croyez moi c’est bien assez.


Mais voilà, l’hiver est là. Sous la neige, même à Pau –oui oui oui-. Gilly ne craint visiblement pas le froid puisque je me mange régulièrement dans la tronche quelques dizaines de boules de neige. Pourtant je râle dès la première hein –il vise bien le con !-, mais y a rien à faire, une fois qu’il est lancé, rien ne l’arrête.
Faut dire qu’à Pau, faut trouver de quoi s’occuper… L’humeur des Béarnais semblait au plus bas, à peine la frontière passé que déjà ils critiquaient à tout va. Mais pas de panique, y a les boules de neige !

Résultat on a décidé d’aller faire un petit tour en famille, et il se trouve qu’on n’a pas vu grand monde si ce n’est une Duchesse. D’ailleurs on a du croisé la seule Duchesse qui voyageait avec un pactole sur Elle et personne pour la défendre. Des écus, et des montagnes de fleurs, ça devait être une Duchesse bien appréciée.
Sauf par la Reyne à priori. Du coup je pense que je mérite une médaille, pour service rendu à la nation. C’est flou pour vous, pas pour moi, ahahah !

Et puis retour à la maison…
1467, je le sens, me réserve bien des surprises !

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Alerte enlèvement]

Cher Journal,

J’aurais tellement de choses à t’écrire, tant et tant de choses que j’aurais noirci plusieurs pages et tous les carnets du monde auraient probablement été jaloux de notre relation. Je t’aurais chatouillé du bout de ma plume pendant des heures et tu en aurais redemandé. Je t’aurais fait le coup de la panne et j’aurais ri, tout seule puisque tu n’es qu’un tas de feuilles reliées.
Mais c’est l’intention qui compte.

Je t’aurais raconté les fiançailles de Nicolas, le succès de mes gâteaux. Je t’aurais raconté la cérémonie, et puis peut être que j’aurais débordé en te parlant des futures noces, où on m’avait mandaté pour m’occuper du gâteau –une tarte au citron meringué-, et des vases ! D’ailleurs les vases j’ai pas trop compris le concept, ils veulent des cygnes… Moi j’veux bien, mais égorger des pauvres bêtes pour mettre des fleurs, c’t’un peu particulier… Au passage, si vous en avez à vendre, pensez à moi, j’viendrais les voler. Et puis s’en servir de vase, j’veux bien, mais par quel orifice on passe les tiges ? –j’ai bien une p’tite idée mais j’voudrais pas choquer les invités-.
Je t’aurais raconté comment mon tour de taille s’est arrondi, car je pense avoir compris : je mange trop. J’y avais pas pensé avant, je vais moins manger, et j’vous dirais si ça s’affine.
Je t’aurais raconté les disputes avec mon époux, et une situation qui s’enlise.
Je t’aurais raconté mes envies d’ailleurs, de mer et de soleil.

Je t’aurais aussi raconté le retour de Yohanna, en terme élogieux, et peut être même que j’aurais versé ma larme –t’aurais eu une tâche, pisse tâche-, mais je ne peux rien t’écrire, car cette grognasse de mes deux m’a ENLEVÉE !
Un truc vraiment sale, le genre à m’attirer avec des coucougnettes –les petites douceurs hein, pas les roubignoles-, et à me faire tuer par son futur mari. Oui, futur mari, t’as bien lu, mais ça non plus j’peux pas te le raconter. J’suis pas morte –mais j’aurais pu-, sinon je n’aurais pas pu te dire que je ne pouvais pas te dire tout ça. Bah non, j’s’rais juste morte, et je n’aurais rien pu dire. Personne n’aurait sûrement rien dit, à part peut être Nicolas, qui aurait chialé sa mère –c’est le cas de le dire- mais qui aurait vite récupéré le sourire en voyant l’héritage.
Là n’est pas la question, puisque je ne suis pas morte. Pourtant il a bien essayé le bougre, le Gwen y a mis tout son cœur, un bon coup sec derrière les étiquettes, avec un bout de bois probablement, mais pas une branche de pédé hein, plutôt une bonne grosse bûche des familles. J’lui en foutrais moi, des coups d’bûche alors que j’allais manger une coui’lle !
J’ai même pas eu l’temps de gouter la douceur, je tendais juste la main et bim, bam boum, emballé c’est pesé, la Déa ligotée et collée à l’arrière d’une charrette avec la douceur d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Et quand enfin j’ai retrouvé mes esprits –sous les couinements post coïtales –ou pré, peut être qu’il est aussi précoce pour tirer que pour frapper- de la Hache –qui n’a plus de Hache, mais ça non plus j’peux pas te le dire-, bref, quand j’ai retrouvé mes esprits, j’ai pu rouler jusqu’à un feu de camp où j’ai été de nouveau enlevé par un buisson. Bon il s’est avéré que le buisson n’était que Nicolas déguisé, mais c’était bien fait !
Le Gwen m’a donné à manger –serait il en fait une mère nourricière ?- et à boire et j’ai pu à nouveau rouler pour continuer ma route.

Pourtant, y a pas qu’à toi que j’avais des choses à dire, et à écrire…
Mais ces missives là devront attendre encore un peu…


Bon, est ce qu’un des deux con’nards qui m’a attaché voudrait bien se donner la peine de m’aider à aller pisser ou ils préfèrent continuer à se rouler des paloches ?
A cette allure vous allez vous déshydrater !

Ohé !?

Déconnez pas j’ai pas de fringues de rechange !
Allezzzzzzzzz

RHA BERDOL


N’aies pas peur journal, jamais je me servirais d’une de tes pages pour m’essuyer…
Parce que j’ai les mains attachées !

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[ Et après.]


Je n’avais pas eu besoin de crier pour qu’on me libère. Encore moins de payer. Il me semble que Yohanna avait simplement compris que non, je ne retournerai pas à Pau.
J’avais le besoin urgent, quasi vital, de me ressourcer. De retrouver les vraies valeurs, d’avoir un endroit où poser mes bagages quelques jours, un endroit où je pourrais rester silencieuse si je le souhaitais, parler à n’en plus finir si j’en ressentais l’envie. Je voulais retrouver la sérénité d’une ville où tout le monde s’entendait bien, où il n’y aurait pas besoin de mots pour se comprendre. Je ne voulais pas avoir à me justifier, je ne voulais pas être jugée.
Et le seul endroit qui m’est venu à l’esprit était l’antre d’un parfumeur.

Il est de ces livres qu’on ne souhaite jamais fermer. De ces histoires qui vous tiennent en haleine et dont on fait durer le suspens pour ne pas voir la fin arriver. Et ce livre, moi, je l’avais abandonné après quelques chapitres, empêtrée dans mes soucis, les yeux barrés d’œillères qui ne me faisaient pas voir plus loin que le bout de mon nez. Parfois je le reprenais, relisant les premières pages avec un œil nouveau, voyant ce que je n’avais pas vu alors. Deux ans, il se passe des choses en deux ans.

J’ai passé des moments merveilleux, et de ceux là je ne retiendrais que la promesse de se revoir bientôt et à jamais gravée dans ma mémoire, le portrait de mes deux garçons riant à l’unisson. Si par le passé j’avais pu abandonner ces deux enfants, et que la vie aujourd’hui me comblait en me les rendant, alors elle méritait d’être vécue. Elle m’avait certes pris ma tendre petite Victoire, mais elle m’avait offert la rédemption.
Je n’étais pas plus forte, ni différente, simplement une nouvelle version de moi-même, une sorte de Déa 2.0, la même, en améliorée. La même, qui en plus du pardon des autres, avait su se pardonner à Elle-même, et si vous saviez comme on se sent léger après ça.

Je ne comptais plus les heures passées auprès d’un Chaton Binoclard que la vie avait transformée. La vie et Moi, sans fierté. D’explications en prises de conscience, je n’avais pu nier la complicité qui nous unissait, et même si parfois le ton était monté, me faisant regretter de ne pas avoir de vaisselle à casser –ma spécialité-, j’avais été surprise de retrouver si facilement l’homme que j’avais laissé deux ans auparavant. J’avais découvert avec amertume qu’on ne pouvait oublier si facilement quelqu’un que l’on a aimé si fort. Je venais pour terminer un livre, je n’ai fait qu’écrire un nouveau chapitre. La fin serait épique, mais ni l’un ni l’autre ne savons ce que cela signifie.

Inéluctablement pourtant, la date du neuf Mars approchait. Et si je la craignais vigoureusement, je me sentais désormais prête à l’affronter. Quelque soit l’issue de ma vie maintenant, je ne serais jamais seule. J’aurais toujours au creux de mon cœur l’Amour porté par mes deux garçons.
Avais-je besoin d’un homme pour survivre ?
Assurément non.


La peur n’évitant pas le danger, le neuf Mars était arrivé, apportant avec Lui la missive redoutée.
Et elle ne faisait que creuser un peu plus l’incertitude dans laquelle je m’étais glissée.


Je n’avais jamais voulu d’une vie calme et posée.
J’étais servie.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[ Beren ]



Ce fût étrange. Etrangement bon. Etrangement chaste. Ce fût comme retrouver son cocon, plantée dans une ville qu’on ne connait pas vraiment. C’est déambuler dans les rues, s’émerveiller du moindre recoin, se sentir perdu, et l’instant d’après, par sa simple présence, avoir l’impression d’être de nouveau à la maison.
C’est passer de terre inconnu à terrain connu. Vois-tu, même l’expliquer est compliqué. Peut être parce que ça ne s’explique pas.

C’est redécouvrir des souvenirs que l’on pensait enfouis, entendre à nouveau une voix dont on ne se lasse pas, passer d’éclats de rire à éclats de voix, ces brises glaces qui effacent les brouillards de ces temps imparfaits et des tristes histoires*. C’est se rendre compte qu’avec le temps certains orages étaient en fait des accalmies, ouvrir les yeux sur ce qui autrefois semblait insurmontable.
C’est apprécier cette main posée sur la tienne en sachant qu’il y a bien de l’Amour, mais que nous ne le ferons pas*.
C’est retrouver la complicité d’avant, intacte, ces différences devenues complémentarités.

Mais moi, Beren, je n’étais pas venue pour ça. J’étais venue chez toi, me lover au coin du feu, tu aurais squatté ton fauteuil comme avant, tu m’aurais surveillé d’un œil inquiet, persuadé que si je jouais aux chevaux de bois, c’est pour mieux t’endormir, et te voler notre fils dès que tu aurais eu le dos tourné. J’avais pas imaginé que tu aurais seulement prié notre fils de ne pas manger mes biscuits, je n’avais pas imaginé que tu puisses me le laisser une journée entière.
J’avais imaginé ton regard courroucé quand j’aurais justifié mon départ, ta main balayant d’un revers mes excuses bidon et ton index tapotant ton verre de vin, patiemment, comme on le fait quand on attend une phrase précise, et que l’autre n’a pas envie de la lâcher. Tu aurais peut être balancé ce que j’ai tant de fois entendu « tu aimes, puis tu pars », mais tu as remplacé ces cinq mots pour me dire simplement que tu savais, en m’offrant cette rose le jour de notre rencontre, que je partirais un jour. Tu savais que je partirai, comme je pars toujours, et pourtant tu m’as offert des mois que je ne pourrais oublier. Et qui mieux que Toi, peut donner en se sachant condamné ?

Moi, j’avais juste envie que tu me serres dans tes bras en me disant que je rate tout ce que je fais, mais que je suis sa mère, et que ça, ça tu le respecterais toujours.
Oui, moi, je voulais retrouver mes traces, savoir où est ma vie, où est ma place. Je voulais oublier le temps, pour un soupir, pour un instant, une parenthèse après la course, et partir où mon cœur me pousse. Je voulais garder l’or de mon passé au chaud dans mon jardin secret***.
Mais tu m’as serré dans tes bras en me remerciant d’être revenue. Tu as écouté tout ce que j’avais à dire, et tu as toi-même trouvé des excuses à mes actes. Tu as terminée chacune de mes phrases avec justesse, comme si tu m’avais donné la vie, un père, ou un grand frère, un peu incestueux, si on l’avait voulu. Car ce gamin, c’est aussi le tien, même s’il a mes yeux bleus**.

Tu t’es dit différent, à cause des jours qui passent, taisant le fait que c’est ma trahison qui t’avait rendu comme ça. Il y a des choses qui n’ont besoin de mots, des maux qui n’ont besoin de rien. Tu étais un taiseux, ton silence m’était douloureux, moi la bavarde. En ça nous avons changé oui, tu as parlé, je t’ai écouté et c’est tout un monde qui s’est à nouveau dessiné. Des chapitres bâclés qui se sont étoffés, donnant une autre dimension à notre passé.
Tu t’es dit différent, et pourtant, moi, j’ai retrouvé l’homme que j’avais laissé. J’ai retrouvé la douceur de tes yeux, la bienveillance de tes paroles et l’éclat dans tes rires. Tu aurais du te voir Beren, telle une fleur éclore chaque minute passée près de moi. Est-ce présomptueux de dire que j’en étais la cause ? Certainement. Mais je ne peux ignorer t’avoir vu renaitre à l’évocation de nos souvenirs, des prénoms improbables de tes neveux, du tour de taille de ta sœur –approximatif, personne n’a des bras de deux mètres-, de la tenue d’Enolia qui nous attendait après un voyage plus que mouvementé. Et si j’avais rangé mes cheveux et toi réajusté ton col en cet instant, c’est bien parce que tu es le même.
Toujours ce même opossum portant une épée de la main gauche.

Tu es toujours le même, tu as toujours dans les yeux un peu de nos folies anciennes, quelques braises d’un ancien feu. Et même si ce feu est mort Beren, quelque chose y brûle encore.****

J’étais venue te dire Adieu, et j’eu déjà tellement de mal à te dire au revoir.



* Veilleurs amis, Zazie
** Elle a fait un bébé toute seule, Jean Jacques Goldman
*** Parler à mon père, Céline Dion
**** Tu es toujours la même, Francis Cabrel

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[ Grossesse.]


Quelle douce idée d’avoir demandé un enfant au père Noël ?
Enfin je l’ai pas vraiment demandé hein, c’t’un malentendu à la base, le Gilly sauvage venait de se taper une grognasse –rousse- et une brune –pas en même temps- -ou peut être que si, j’ai pas demandé-. En parlant des grognasses, vous auriez du les voir, la rousse jalousant la brune comme si je n’existais pas. On aurait dit que mon époux s’était mué en un bout de viande et qu’elles sortaient de geôles. J’avais beau leur dire que s’il y en avait pour une, y ‘en avait pour trois, y a rien eu à faire. Bref, c’est pas la question.

Non, la question c’est de savoir comment j’en suis arriver à sous louer gratuitement mon utérus, au point d’y abriter un polichinelle.
Donc bref j’avais dit « je vous pardonne, mais vous m’f’rez un enfant pour noël. » On était en Janvier, je risquais pas grand-chose. C’était sans compter sur la mémoire d’éléphant de la personne à qui j’avais sorti ça : Gilly.

Résultat, onze mois plus tard, j’avais du abandonner les herbes pour gentiment préparer mon logement tout confort. Et quatre mois plus tard, je me rendais seulement compte que le petit gras du bidou n’en était pas, mais n’était qu’un agrandissement impromptu de mon utérus. Gé-nial.

Alors bon, j’en ai quand même causé deux trois mots à une couillonne en taverne, une de celles qui en a toute une tripotée collée aux jambes et un sur chaque nibard. Elle m’a dit « oh mais c’est merveilleux ! Je l’avais deviné ». Tu m’étonnes, n’importe qui l’aurait deviné, je suis pas d’une nature maigrelette mais on peut pas nier que ça dégueule du corset et que même en rentrant le ventre ça rentre plus trop, et ouai les gars, c’est plein !
Elle pensait avoir inventé l’fil à couper le beurre alors qu’elle a juste vu mon embonpoint. M’enfin je lui donne un bon point, car ça lui a pris deux secondes et ils ont eu le temps de faire deux conneries chacun. Faut être sacrément courageuse pour avoir des gosses, j’vous l’dis.

Ensuite elle m’a filé des herbes, pas à bouffer, mais à s’étaler sur le visage, pour éviter le fameux « masque de grossesse ». Et une fois qu’elle est partie courir après l’ainé qui courrait lui-même après la fille qui lui avait volé le doudou qui était en fait le doudou du premier mais qui avant était le doudou de l’autre, qui avait sucé le machin du truc d’untel mais qu’unetelle voulait pas parce que c’était moche, bref, pendant qu’elle gérait ses mouflets, moi, je me suis joyeusement tartiné le visage de ses trucs.

Et j’y suis allée généreusement hein, le masque ne passera pas par moi, j’ai peut être eu l’air con quelques minutes, mais au moins, j’étais immunisée.
Que je croyais.

Ça a commencé à picoter sévère, j’ai gratté, puis j’ai eu la soudaine envie de me jeter face la première dans la neige. Et quand j’en suis arrivée au point de vouloir m’arracher la peau de la tronche avec les ongles d’un inconnu –j’allais pas salir les miens hein-, je me suis dit qu’il était sûrement temps de tout enlever.
J’ai eu beau rincer, rincer, et rincer encore que ça n’a rien changé. Je vous épargne mon reflet dans le miroir, mais j’avais la tête de shrek en rouge. Niveau masque, on était bien. Personne ne m’aurait reconnu. C’est simple, j’avais le visage tellement gonflé que j’voyais mes joues en ouvrant les yeux.

Et quand une petite jeunette est entrée et m’a demandé si j’avais mangé de l’artichaut, j’ai pas osé lui dire non. Du coup je me suis tapée une heure d’un long monologue sur un médicastre qu’elle connaissait personnellement, dont elle m’a vanté les mérites, échange de pigeons et compagnie.

J’voulais pas de masque de grossesse, et je me retrouve avec un masque tout court.
Les emmerdes de la maternité, ça commence avant même que le gosse ne voit le jour.
Et ouai, faut être courageuse pour être mère.
Ou inconsciente.


A la base j’avais juste demandé un gosse pour qu’il s’excuse et qu’il s’en veuille toute sa vie !
Encore raté Déa ! Même utérus joue encore.



Dédicace à ma banquière qui ne saura jamais que je sortais de chez l’esthéticienne, et qui pense encore que je fais une grosse allergie. Pardon, mais du coup on s’arrange pour les agios ?

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Beren
J'avais dressé des barricades, monté des murs invisibles en attendant ton retour, Andréa. J'avais même pensé à peupler les meurtrières de sentinelles ; j'avais arpenté les sentiers en me demandant quel chemin de traverse tu pourrais vouloir prendre, avec notre fils sous le bras, comme un trésor en butin, au sortir d'un plan foireux que tu aurais trouvé génial.

J'avais tout anticipé, j'avais tiré des plans sur la comète. Sur le papier, tout serait écrit. Un leitmotiv, un seul. Laisser la porte fermée, jeter la clé, ne plus jamais [y] revenir.*

Inspectant mes directives, pilotant mes idées grandioses de sécurisation, j'étais sûr de moi, naguère encore : tu ne l'approcherais jamais. Tu ne serais plus sa mère, pas un souvenir, même pas une ombre aux yeux qui ne s'étaient ouverts sur toi que quinze jours durant. Je lui ai fait téter des femmes pour qu'il oublie ton sein, son velouté, la molle dureté de la noisette de chair érigée sous le carcan édenté de sa bouche. Je l'ai fait bercer par d'autres bras, pour qu'il oublie le berceau naturel des tiens, son cocon imaginé quand il couvait sous ton nombril. J'ai tout mis en œuvre, Déa, pour qu'il ne croise jamais tes pas. Je serais ferme, je serais résolu ; pas un mouvement de chausse ne serait laissé au hasard.

J'avais tout prévu pour éviter le larcin enfantin. Embauché des gardes, des guetteurs, même soudoyé de ces maréchaux bonshommes qui signent leur métier d'une moustache ridicule et d'une voix rocailleuse. J'avais tout prévu, des voies sans issue pour seul secours, pour seule certitude que tu ne me le prendrais pas.

J'avais anticipé un enlèvement.

Ce fut un cambriolage du cœur. Et pas le sien.

Pourrais-je t'en vouloir ? Tu l'avais laissé là, un matin plus froid que les autres, où le contact glacé du drap déserté m'avait réveillé et quand j'avais ouvert les yeux, je savais déjà ce qui m'attendait de jours d'enfer, de nuits trop blanches. Je t'ai haïe des mois. Je t'ai méprisée, aussi. Jusqu'à te donner rendez-vous pour que tu signes de ta main la preuve ultime que tu n'étais plus rien qu'un caillou jadis douloureux dans une semelle, de l'ordre de ces douleurs dont on se souvient vaguement la morsure, mais dont on oublie la douleur. Je voulais que tu affirmes toi-même n'être rien pour Lui ; tu étais partie en étant Tout de nous.

De ce grand déballage possible étaient sortis des pardons, ceux prononcés en requête, ceux accordés en réponse. Des aveux réciproques d'écueils, des récits d'aventures en partage de mots pour pallier la solitude des pas. Des joies, des peines. Des jeux, des pertes. Des... Victoire.

Cette petite qui avait maintenu le lien, peut-être plus encore qu'Alexandre, à bien y réfléchir. Tu m'avais laissé Victoire en garde comme on laisse son bien le plus précieux en gage, en se promettant qu'un jour prochain, quand le soleil brillera de nouveau, on viendra le récupérer, qu'on ne s'en sépare pas vraiment et qu'on le confie à celui qui n'en altérera en aucun cas la valeur. Moi en créancier, tu avais pour toi la tendresse que je nourrissais pour la gamine en caution ... La maison devenue Golgotha aux allures de Mont de piété, du haut de ma décadence ; Victoire mue en statue de Pallas, comme si tu avais voulu que les murs tiennent, après ton départ. Avait-elle eu raison ? Peut-être bien, oui ; tu fais partie des quelques rares qui savent qu'à mes yeux, la paternité, même par procuration, c'est un investissement sur l'avenir, une sorte de prêt à l'avenir dont on profite au quotidien des intérêts. Et Victoire avait quitté la maison, elle était partie, maintenant.

Ca aurait dû accentuer cette peur viscérale que j'avais senti couver longtemps, en t'imaginant venir voir Alexandre. Et puis tu m'as écrit, et j'ai répondu. J'ai eu envie de te voir, tu es venue. Je n'ai pas prétexté l'enfant, ç'eut été mentir ; j'avais envie de te voir pour toi, et j'ai espéré, je l'avoue, que tu viennes aussi pour moi. Je n'ai pas eu peur de te voir revenir, mais j'ai eu peur que tu ne viennes plus, finalement. Jadis, je t'écrivais où nous serions, et tu n'es jamais venue. J'en tirais une déception, mais cette fois, j'étais étonnamment serein, comme quoi, changer ce n'est pas si mal.

A ton arrivée, je n'étais plus ce Beren que tu avais connu, et pourtant tout était si étrangement familier. De notre complicité évidente à la manière dont nous pouvions deviner la fin des phrases de l'autre est ressortie une impression singulière de possibles pluriels. Toi, t'hésitais peut-être un peu plus ; moi, j'étais un peu plus sûr de moi, peut-être. Pas de nostalgie, paradoxalement, juste le plaisir du présent, sans penser à rien d'autre que de savourer ta présence, celle de ton fils, celle de Tyrell. Je ne cacherai pas que j'ai aimé nos apartés, que j'en ai imaginé d'autres, que je m'en suis remémoré certains aspects, depuis.

C'était beau, Déa, c'était putainement beau. Tu sais, Déa... Tout ce qu'on s'est dit, tout ce qu'on a fait.... C'était pas pour de faux, que c'était bien.**

Le genre de passages de livres que l'on jalonne de marques pages.

... En attendant le prochain chapitre.


[* Da Silva, Tout va pour le mieux
** JJG, Confidentiel]
Andrea_
Mais Victoire n’était pas partie, Beren. Tu te raccroches sûrement à cette pensée comme je tente de me persuader que ce n’est pas ma faute si elle est morte aujourd’hui.

Je n’avais pas eu le temps de nouer des liens avec notre Fils. Je ne l’aimais pas moins non, il avait la beauté et la pureté d’un enfant de l’Amour, quel humain pourrait rester de marbre devant tant d’innocence ? Je revois ses grands yeux posés sur moi, lorsque d’une bouche vorace il se nourrissait à mon sein. Je revois ma main balayer ses cheveux en priant pour qu’ils restent blonds, et moi lui jurer que je ne l’abandonnerais pas. Il aurait été de tous les voyages, de tous les souvenirs. Ses premiers pas à Bordeaux, son baptême à Pau, sa première partie de pêche à Annecy, ses premiers émois à Montpellier. Chaque ville importante à nos yeux aurait marqué son enfance, comme un pèlerinage. Nous aurions été de tous ces moments, ensemble. A l’intérieur de moi grondait déjà les prémices de la tempête, mais je ne le savais pas encore.

Il n’y aura eu que quelques jours entre cette douce soirée et mon départ. Quelques jours pour tout ravager. Plus aucun de ces souvenirs ne naitront, tués dans l’œuf par égoïsme. Alors, sans savoir si le temps effacerait ce lien tout neuf que je tissais maladroitement avec notre fils, oui, je t’ai laissé ma Fille.

Pas comme une offrande, mais plutôt comme un signe de plus de la confiance aveugle que je nourrissais à ton égard. Je te donnais le beurre, et l’argent du beurre, mais le cul de la crémière s’en allait. C’était une promesse que je reviendrais, que si j’étais lâche, je ne l’étais pas au point d’abandonner un enfant en âge de se souvenir de moi. En âge de se souvenir de moi, tu ne vois pas le rapport, alors qu’il est évident.
Je t’avais ce matin là laissé mon cœur, ne te l’avais-je pas écrit ? Mais je t’avais surtout laissé la prunelle de mes yeux, des prunelles vivaces, un esprit increvable, un flot de paroles qui ne cesse que pour se muer en ronflements. Une enfant qui ne te laisserait pas mourir si l’idée te venait à l’esprit. Il est facile de trouver un foyer à un nouveau né, d’envoyer tes enfants chez ta sœur, mais tu aurais été incapable de résister aux pleurs d’une petite fille qui ne connait que Toi.
Une petite fille qui serait sans cesse dans tes pattes à te rappeler QUI est sa mère. Tu pouvais offrir à notre fils d’autres seins, le former à d’autres bras, le faire grandir sous d’autres yeux, il y aurait toujours ma Victoire pour te rappeler qu’un jour je reviendrais. Tu ne pouvais pas m’oublier si chaque regard posé sur Elle te rappelait le mien.

Vois comme j’ai été vicieuse Beren. Tu avais mes enfants, et tu devais, sinon pour toi, te battre pour eux, et te battre en sachant qu’un jour tu devrais de nouveau me retrouver. Victoire était un fardeau déguisé en cadeau, ou l’inverse. Elle était mon premier marque page dans cette grande histoire.

J’ai laissé nos échanges épistolaires mourir à petits feux. C’était un choix. Et peut être aujourd’hui peux tu comprendre que je l’ai fait pour toi autant que pour moi. Tu avais besoin de tomber pour remonter. J’ai compris en te revoyant comme la chute avait été rude. J’ai vu dans les marques autour de tes yeux, comme elle avait été longue. J’ai vu à ta façon de regarder ta canne, comme elle avait été éprouvante, et j’ai vu dans tes yeux, que tu ne serais plus jamais le même après ça.
Mais qu’est ce qu’on peut bien faire après ça ? Se balader, prendre l’air ? Oublier le sang, des verres ? Deux trois mots d’une prière ? Ou plutôt rien, et se taire. *
Chacun a sa manière de vivre son deuil, c’est chose faite désormais. J’espère que l’avenir nous donnera l’occasion de lever le voile sur ses sombres instants. Car je reste persuadée que si le temps n’efface rien, il permet d’apaiser. Oui, le deuil est fait, vient la reconstruction. Tellement évidente que ce fût toi, cette fois, qui posa un marque page.


Et puis un jour, on passe à autre chose, on ouvre nos paupières closes, un matin on ne sait pas pourquoi, on ne sait pas comment, mais ça va.**
Et c’est en revenant de Snagov que j’ai pu lire dans tes courriers ce nouveau souffle. Ces mots posés, tu m’avais accordé ton pardon. Il n’y avait ni colère, ni reproche, seulement les mots d’un homme a qui l’avenir tend les bras. Alors… A défaut de t’arracher notre fils qui ne savait pas alors, que j’étais sa mère, j’ai repris ma fille. Pas par vengeance, simplement parce que c’était auprès de moi qu’était sa place, et que je n’avais plus ma place dans ta vie, et je ne voulais pas que du cadeau il ne reste que le fardeau. Dire que te lire si serein ne m’avait rien fait aurait été mentir. Ça m’aurait pas déplu de te savoir à la rue, désoeuvré dépité, déprimé par la vie***, toi qui osait être heureux sans moi.

Et malgré toi sûrement, ce fût ton tour de m’envoyer un peu de toi avec Elle. J’ai vu ta douceur dans chacun de ses gestes, cette joie de vivre, l’éducation bienveillante que tu lui avais transmise, ce côté têtu aussi, et cette insouciance la rendait belle. De cette beauté qui désormais est figée à jamais. Je ne te dirais jamais assez combien je regrette de ne pas te l’avoir laissée. Je ne te dirais jamais assez combien tu es un père exceptionnel, de celui dont rêve chacun des enfants.
Non Beren, Victoire n’est pas partie, elle est morte alors que je devais la surveiller.

Et que c’est pour cela que je ne t’ai pas arraché notre fils.
Et c’est pour cela, que cette fois je suis venue, pour ne pas avoir à regretter de ne pas avoir fait, ou dit, ou expliqué, ou… Je suis venue simplement pour vivre et écrire ce qui devrait l’être.

Je pensais qu’une soirée suffirait, et il aura fallu un lever de ban et un coup de pied au cul pour nous séparer une semaine plus tard.
J’ai mis des marques pages un peu partout. Dans l’éclat de ton rire et celui de ton regard. J’ai corné quelques pages du passé, pour ne pas oublier d’y repasser quand j’aurais trop relu tes sourires. J’ai souligné tes inquiétudes et masqué tes envies d’en découdre. Il me semble encore lire en braille la commissure de tes lèvres. Pour ne pas oublier. Pour ne rien oublier.

Oh oui Beren, c’est un sacré bouquin que celui que tu m’as prêté un soir d’été.


[* Après ça, Jean Jasques Goldman
** Je ne sais plus le titre, Rose
*** A mes dépends, Archimède ]

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Et si…]




Et si l’on ne s’était pas aimé, aurait-ce été aussi difficile ? Vous aurais je simplement fais un signe de la main, ou laissé attendre mon retour de la boulangerie pendant des mois ?
Est-ce parce que l’on s’est aimé que ce fût compliqué, ou est ce par ce qu’on ne partageait plus de tendresse ?
Et si les souvenirs avaient suffit à renforcer les fêlures de notre foyer, et si les projets avaient suffit à nous assurer un futur, et s’il suffisait de formuler des souhaits pour qu’ils se réalisent, aurait-ce vraiment changé l’issue de notre histoire ?

J’ai reçu votre lettre ce midi, je n’y ai pas répondu. Je ne saurais expliquer pourquoi. Je voulais du calme et du silence, et ce premier jour loin de tout a dépassé mes espérances. Peut être n’avais je rien à répondre, et n’ai-je alors pas voulu m’imposer de coucher sur le vélin des mots pour faire beau.
J’ai longtemps craint que vous m’abandonniez. J’ai craint de vous perdre car bien plus que le dessein que nous ambitionnions, je vous ai aimé. Je suis partie en sachant le courroux qui m’attendrait à mon retour, et j’ai alors tenté de vous expliquer par mille mots mon malaise. Je ne saurais jamais si vous avez pris tout cela pour la foutaise alors que mon mal-être était profond, et torturait mon âme de bien des manières.
J’ai accusé sur le trajet, chacune de vos missives, je ne reviendrais pas sur les contenus tranchants. Et la renaissance a été violente. Vous n’avez pas idée comme il était bon pour Moi, de ME retrouver. De savoir que personne ne viendrait troubler mon petit univers, que personne ne serait là pour s’opposer à Moi. J’en avais besoin, je crois.
C’est l’incompréhension qui nous a perdu. Ce ne fût la faute de personne, ou de tout le monde à la fois, et Dieu sait qu’il me coûte de l’écrire à ce fichu journal.

Je me suis longtemps forcée, comme vous l’avez justement souligné, jusqu’à me braquer complètement. Rien de bon ne sort dans ces moments là. Alors le mal est sorti, et a tout dévasté.
Je n’ai pas eu le courage de dire au revoir, la messe était dite depuis fort longtemps. Dans chacun de mes silences, dans les baisers que vous déposiez sans que je n’y réponde, dans ce manque de conversation où chacun avait peur qu’une simple question sur le temps qu’il fait nous ferait partir en vrille.
Ce n’était une vie pour personne.
Mais je ne vous répondrais pas, car il me faudrait alors utiliser des mots que je redoute de dire aussi fort que vous redoutez de les entendre. Nous savons pourtant tous les deux qu’il n’y a plus que ceux là qui ont du sens.

Notre complicité s’est égarée entre la tristesse et l’incompréhension et je n’ai pas envie de l’aider à retrouver son chemin. Nous avons fait fleurir notre Amour en décembre et voilà qu’il fond au printemps, l’été, probablement, le verra disparaître. Je n’ai plus d’affection pour Vous. Je ne vous déteste pas non plus, seulement je ne ressens plus rien.
La seule preuve que notre Amour aura existé sera cet enfant que je porte, et quand la colère, l’amertume et la haine viendront à nouveau, souvenez-vous de ce lien indéfectible qui lie un enfant à ses parents.

Mais je ne vous répondrais pas, car je ne veux pas lire, ce que vous répondriez.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Et un jour… ]



Et un jour, tu renais. Avec l’impression d’avoir dormi cent ans. Les membres ankylosés. Les paupières lourdes. Certains muscles se souviennent qu’ils existent et se rappellent à ton bon souvenir. Tu te réveilles.
Un jour, tu vis. Et tu célèbres ce qu’il reste de toi. Tu fais l’inventaire. Tu sembles entière. Tu ne tentes pas de coiffer ton indomptable crinière, tu la salues. Tu remercies tes yeux d’avoir gardé leur éclat malgré les bagages qu’ils se traînent. Tu savoures ton reflet et te surprends à soupirer, une main posée sur ton ventre lorsqu'un miroir te capture de profil. Tu ne peux plus nier, car tu trouves désormais plus d’excuses aux bosses qui se forment lorsque tu es allongée.
Et c’est étrange, oui, d’avoir un bout d’un Nous qui n’existe plus.

Mais un jour, tu vis à nouveau.
Alors tu décides qu’il n’est plus l’heure de pleurer, mais celle d’avancer. C’est lent. Chaotique, mais ça a le mérite d’exister depuis la nuit des temps. Un pas, un autre. Ton horizon n’est désormais plus celui d’une charrette que tu ne quittais que pour t’enfermer dans une chambre d’auberge minable, où le vin à peine buvable t’aidait à t’endormir.

Il y a ces villes que tu ne voyais qu’à travers des paupières mi closes. Il y a ces missives qui te regonflaient d’espoir, de celles qui te font tenir, encore. Celles qui te permettent de survivre en espérant un ailleurs un peu plus lumineux mais qui s’effacent devant tant d’incertitudes.
Il y a ce décompte avant de respirer à nouveau. A nouveau, complètement. Comme si depuis quelques semaines tu ne faisais que suffoquer. Il y a ce cœur à qui tu expliques qu’il faut battre encore. Encore, mais pas trop vite. Mais qui finalement n’en fera bien qu’à sa tête le moment venu.

Il y a ce coup de pied au cul que personne n’a osé te mettre. N’a osé, ou que tu esquivais, te cachant derrière une absence que tu n’avais nullement envie de justifier.

Et puis ce jour, tu vis.
Parce que TU l’as décidé. Parce que vivre à moitié n’est pas vivre, mais survivre, et que tu n’aimes pas faire les choses à moitié. Alors…
Alors si la vie doit finir un jour, que la fin soit belle. Que la fin soit douce. Que la fin soit heureuse. On ne termine pas sa vie sur des regrets.
Alors tes pas s’accélèrent. Tu quittes ta zone de confort pour t’ouvrir au monde.
Et le soleil brûle ta peau. Le vent abîme ton visage. La lumière plisse tes yeux. Tu avances, plus vite. Oui t’as mal aux pieds, oui t’as mal au cœur, mais fais de cette douleur une fête,


Car c’est la preuve ultime que tu es vivante.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Toulouse]


Si la vie devait recommencer, autant que ça soit ici, là où tout avait commencé.
Je suis née à Toulouse, j’y mourrais probablement.

Je crois qu’après tout un tas de mariage et tout un tas de séparations, j’ai atteint cette fois la palme du plus grand nombre de casseroles à trainer.
C'est-à-dire que je voyage avec un homme, qui n’est pas mon époux, mais qui pourtant, parfois, pose sa main sur un ventre bien plein, que tout le monde prend pour le père de l’enfant qui s’y niche alors que pas du tout.
C’est que cet homme appelle mon fils « fils », alors que ce n’est pas le sien. C’est que cet homme, souvent me regarde avec les yeux de l’Amour et que mes lèvres se rappellent à Lui.
C’est que je porte une alliance mais que je dis « ex mari » et que je refuse de divorcer, du moins pas avant que l’enfant soit né.

Alors, qui dit mieux ?

J’crois que le plus gros boulet, dans l’histoire –et c’est pas péjoratif-, c’est celui que je trimbale sous ma chemise.
C’est cet enfant, un enfant de l’Amour, qui grandira sans son père. Ce sont ces hauts le cœur que tu tentes de cacher pour ne pas faire subir à cet homme, qui n’est pas le père, les désagréments de ta grossesse. Les nausées que tu tais à ton fils pour ne pas entendre ce qu’il pense du père de ce gosse.
Ce sont les incertitudes, quand l’âge te fait douter, sur le fait que tu survives à sa naissance. Ce sont ces muscles dont tu ignorais l’existence qui soudain te rappellent à leur bon souvenir. C’est ce corps qui se déforme, alors que plus que jamais tu aimerais qu’il soit parfait. Ce sont les vagues sous ta chemise, et la folle envie de partager ça avec quelqu’un.

Tu te sens honteuse, sans trop savoir pourquoi.
Tu crèves de trouille.

J’ai bien conscience que rien n’est jamais figé, et croyez moi qu’après la vie que j’ai vécu, je serai bien niaise, aujourd’hui, de croire que la vie va se calmer et me laisser profiter de ce que j’ai. Oh elle ne m’a rien donné, cette chienne de vie, elle m’a arraché plusieurs fois ceux à qui je tenais, et quand elle ne le faisait pas, c’est moi, qui le faisait. Je ne le fais pas mieux qu’elle, mais quand il s’agit de tout gâcher, et de mettre fin à quelque chose, croyez moi, je me débrouille plutôt pas mal.

Toulouse donc.
Et cette gifle qui s’écrase sur la joue du barbu. Des jours que j’avais envie de lui mettre, des jours que je ne disais rien pour ne pas exploser. C’est con la vie, tu te retiens de lui en coller une, tu te retiens de gueuler et de dire le fond de ta pensée pour pas le faire partir, et au final c’est une fois que tu balances des horreurs et que tu en reçois plein la gueule que t’as envie de rester. Encore plus.

Alors des fois que ce renflement ne suffisait pas, tu rajoutes un level à la vie. T’étais déjà au niveau « compliqué ascendance tu vas en chier », et tu t’empêtres dans le suivant, créé spécialement pour toi, j’ai nommé « ça va t’exploser à la gueule très bientôt ». C’est comme avoir une épée de Damoclès au dessus du museau, sauf que le tien est entre tes jambes.

Bravo Déa, puisque tu t’ennuyais, je te laisse gérer les points suivants :
- dire à ton mari que tu veux dissoudre votre mariage
- mettre au monde cet enfant et si possible l’aimer
- regagner la confiance d’un parfumeur et lui redonner la parole
- t’assurer que mari numéro cinq –cinq ?- et père de l’enfant numéro trois ne s’entretuent pas

Et dire que certaines femmes, à ce moment de là de leur grossesse aimeraient juste couper leurs ongles de pieds.
Non vraiment, la vie est une chienne !

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Pau]



J’ai compris avec les années qu’il ne servait à rien de se battre contre ce que l’on était. Qu’à chaque barrière que l’on franchissait de force, d’autres se montaient plus loin. Plus fortes. Plus grandes.
J’ai compris que prendre de l’élan ne suffisait pas pour y arriver. Que mourir n’était pas la solution. J’ai compris que l’adage « à chaque jour suffit sa peine » était une entourloupe, une enculade, si je peux me permettre. A chaque vie suffit ses peines serait plus juste. Parce que certaines journées, on les accumule. Il ne s’agit pas de garder à vue la bouse que vient de poser un clébard, faut en plus regarder où on pose les pieds en l’évitant.
Plus récemment, j’avais compris qu’il fallait arrêter d’incriminer la vie ou le destin. Que la vie était une suite de propositions dont il n’appartenait qu’à nous de faire le choix. Et quand bien même il y a des choix que l’on ne fait pas, comme lorsque Victoire s’est envolée, il ne servait à rien d’incriminer la mort. Mais au contraire, il faut célébrer la vie, et accepter, encore et toujours, qu’à chaque croisement on choisisse une direction. Pas parce que c’est la bonne, ni parce qu’on imagine ce qu’il y a au bout du chemin, mais parce qu’on ne peut pas rester indéfiniment au carrefour.

Et j’avais un avantage certain, car je n’avais jamais eu besoin de personne pour faire ces choix.

C’est fort de ces pensées que nous avions pris la route vers Pau. J’ignorais où j’habitais alors, mais je savais où je ne demeurais plus. Pourquoi donc faire dormir des milliers d’écus dans une maison que je n’habiterais plus jamais ?
Le voyage avait été joyeux, d’une joie que l’on ressentait toujours lors d’un nouveau départ. Parfois l’ombre du passé revenait hanter mes certitudes, mais j’avais la chance d’être bien entourée. Entourée de gens qui comprenaient mes absences et mes silences. De ceux qui rient de concert pour vous empêcher de pleurer.
Ma vie, mes choix, sont un éternel recommencement. Une suite de je veux, j’aimerais et j’obtiens dont je finis toujours par me lasser, cette fois seulement avait eu le mérite d’être plus longue que les autres.

Je méritais la colère, je méritais la haine et les reproches. Je les aurais acceptés sans broncher. C’est à ça, que je m’étais préparée. Je commence à maitriser un nouvel art, que peu peuvent m’envier : l’art des ruptures foireuses. Et j’ai compris, cette fois encore, que comme tout dans la vie, il faut être deux, pour y arriver. Et j’étais seule.
Il n’y a eu ni colère, ni haine et encore moins de reproches. Il y a eu l’absence. Pesante mais ô combien lourde de sens. J’avais pris la décision, seule, de mettre fin à ce mariage, et je devais aujourd’hui accepter que personne ne viendrait.

Moi, j’avais des tonnes de choses à dire, mais je les garderais pour moi. A l’absence, il faut répondre par le silence. Il n’y aura pas de lettre, pas même d’alliance déposée sur une table de chevet. Il n’y aura jamais d’adieux formulés. L’absence se suffit à Elle-même.

Mais je ne suis pas seule.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Seconde chance]




Avoir une seconde chance, c’est un cadeau autant qu’un fardeau.
C’est accepter que l’un et l’autre ont vécu d’autres choses. Il ne s’agit pas de reprendre les choses où on les a laissées. De partir un beau matin en laissant un mot sur l’oreiller, et de revenir deux ans plus tard la queue entre les jambes en espérant que l’autre nous accueillera à bras ouverts, un verre à la main avec un superbe sourire. Non, l’autre ne s’exclamera pas « oh, Gertrude, mettez un couvert de plus, changez les draps et prévenez les enfants, Maman est rentrée ! ».

Les choses, malgré tout, s’étaient faites dans le calme. Il y avait eu les retrouvailles, un retour de flammes à faire pâlir un Antillais, des au revoir douloureux. Il y avait eu quelques courriers échangés, et la promesse de se revoir bientôt. Chacun avait tenté de reprendre le cours de sa vie, moi avec mon époux, et Lui avec son éternelle fiancée.
Avant que la mort ne fauche sa moitié, j’avais quitté la mienne pour le retrouver. Non, rien n’avait été décidé. Non, je n’avais pas prévu de poser mes lèvres sur les siennes, et pourtant.
Il avait fallu s’apprivoiser à nouveau. Lui avait changé, tant physiquement que moralement. Il était plus sombre, sibyllin. Moi, j’avais gardé les stigmates d’un mariage dont l’échec m’avait détruit autant que ses beaux jours. Les rôles étaient inversés. Il gueulait plus fort que moi, et mon poing ne cognait plus la table en écho à ses attaques.


Pourtant, je ne saurais expliquer que peu à peu, je retrouvais son Lui d’avant, en redevenant Celle qu’il avait connu.
Nous étions deux amants sur le fil. Des funambules de l’amour que le vent pouvait faire basculer tantôt vers la colère, tantôt vers le pardon. Il taisait son passé quand j’étalais le mien. Il serrait les dents à quelques noms et piquait avec justesse certains points que j’éludais. Il fallait parfois me pousser à bout pour qu’enfin j’explose et balance mes vérités. Alors elles sortaient, avec le son et l’image, véhémentes, injustes et put’ainement douloureuses, et il restait là, impassible.
C’est là que résident nos principales différences. Beren ne crie pas, il n’hurle pas, jamais. Il a le détachement nécessaire, le contrôle de Lui. Il énonce les faits, en n’omettant aucun détail. Et les phrases les plus tranchantes sortaient dans un calme olympien. Il est de ceux qui peuvent vous détruire en quelques mots. De ceux qui ébranlent vos convictions en une phrase.

Je savais qu’il avait vécu, lui aussi, pendant deux ans. Et qui serais-je pour le blâmer, moi qui avait aimé éperdument, juré un amour éternel devant Deos et notre famille et tiré un trait sur des amitiés aussi vieilles que moi. Qu’espérais-je sinon qu’il soit resté prostré dans un coin en attendant mon retour ?
Bien sûr il avait aimé. Il avait tourmenté. Détruit. Tué. Et il y avait pris du plaisir.
Si j’avais pu m’accorder bien des victoires, je n’avais pas pensé une seule seconde être la cause de tous les tourments qu’il avait traversés. J’avais surestimé son Amour pour une maitresse, et l’avait blâmé de tous ses maux.
Il m’en avait fallu du temps et de la patience, pour qu’enfin il formule ses délits, mais j’avais été servi au-delà de mes espérances. J’avais pris la mesure de ce qu’il avait vécu, et allait maintenant lui faire avouer le nom de Celle qui l’avait tant changé.
J’avais servi deux verres, et allait bientôt récolté le fruit de ce que j’avais semé.



C’était toi la cause.



Je ne savais pas alors, que j’avais semé voilà deux ans, tant de haine et de colère.
Son verre avait tinté contre le mien alors qu’il me souhaitait le plus normalement du monde « Santé ».




Avoir une seconde chance, c’est aussi se rendre compte que chaque acte a des conséquences, et qu’il ne tient qu’à nous de les surmonter.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Allons voir si la rose, qui ce matin…]


Elle n’avait pas éclos.
D’ailleurs, je crois qu’y avait même pas de rose. C’est simple, sur ce nœud, il n’y avait que Nous.

Pourtant ça partait d’un bon sentiment. J’avais presque réussi à refiler les mômes au marchand du coup, pas pour les vendre hein, mais pour qu’ils apprennent le métier. Enfin c’est la version officielle, officieusement, fallait que Nicolas et Tyrell aient un truc à faire pour que les parents –Beren et Moi- puissent aller voir plus loin s’ils y étaient.

Et ils y étaient.
Perdus au milieu de nulle part. Un petit feu, une bonne bouteille, et la merveilleuse idée de se faire une séance de brigandage. Beren avait mis les petits plats dans les moyens. Il avait soigneusement choisi l’endroit, un « carrefour stratégique » selon Lui.
En vérité, je cherche encore de quelle stratégie il s’agissait puisqu’on n’a pas croisé UN SEUL couillon. Rassurez-vous, on n’est pas mort d’ennui, j’ai une langue, il a des mains, et du coup, on a pu… parler. C’était bien, on s’est totalement compris.
On s’est complètement imprégné de la nature, moi, j’ai encore l’écorce dans le dos, et Beren l’épine dans le doigt. On a bouffé des racines et sucé des baies, on a fouillé tous les recoins, et Beren a même failli se transformer en bourdon. Mais seulement failli, parce que j’aime pas trop les insectes alors j’lui ai croqué le dard, c’était aux petits oignons.

Vous ne comprenez rien ? C’est normal !

Du coup le premier soir on ne s’est pas engueulé, mais on aurait pu, alors le second on s’est réconcilié quand même. Le troisième aussi, et le quatrième j’ai osé lui dire que même si je l’aimais, beaucoup, et qu’il était doué pour beaucoup de choses –comme me tatouer des écorces dans le dos-, j’allais prendre les choses en main. J’aurais bien passé la pommade mais comme je l’ai avalé, tout s’est bien passé, et hop, on a changé de coin.

Moi, j’ai le feeling pour ces choses là. Beren a souligné le fait que brigander dans le comté où on était c’était pas très fut-fut, mais comme j’avais la plus grande, et un beau sourire, on l’a fait quand même.
J’ai même pas eu besoin de mettre en avant mon expérience sur le sujet, ma longue carrière de brigande, de chef de troupe, lui n’a pas pu me répondre que je tenais la carte dans le mauvais sens, et j’ai pas eu besoin de dire que ça faisait partie –musique mystérieuse- : du plan.
L’expérience donc, et l’instinct féminin. Le pif. Tout un tas de choses qui font que jusqu’à maintenant, j’ai toujours gagné ma vie assez facilement. Vous pouvez dire que c’est simplement « la chance ». Vous pouvez oui, je vous entends pas.

C’était tellement un bon coin qu’y avait du monde. Moi, j’étais en mode « WALAAAaaa c’est qui qui a bien choisi l’endroit hein ? », et lui il était en mode « bravo Déa, t’as fait pire que moi ».

On a passé la soirée à se lamenter sur la branlée qu’on allait se prendre. Mais qu’on ne s’est pas prise.
Pour fêter ça on a fêté ça, dignement, il a parlé avec les mains, encore, et moi avec la langue, mais sans accent. Et on s’est engueulé.

La boucle est bouclée, on pouvait rentrer.
Y a peut être des roses à Toulouse.

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
Andrea_
[Perdre.]


J’aime pas ça. Mais alors pas du tout.
Autant quand c’est une fois par ci par là, j’dis pas, c’est le jeu, y en faut pour tout le monde. Mais quand ça devient redondant, ça me gave sérieusement.

La première fois tu peux dire que t’as fait exprès de laisser l’autre gagner, que tu t’es tordu la cheville, que… Tu peux trouver des excuses bidons, je dirais même que c’est plutôt recommandé si tu veux garder la tête haute, sinon autant creuser ton trou tout de suite.

La première fois que j’ai demandé à Beren de faire un combat en lice, j’étais sûre de le maraver. J’avais bien conscience que le blond n’était plus aussi frêle qu’avant, qu’il avait passé plus de temps ces dernières années à tailler des pierres qu’à enfiler des perles MAIS, j’avais encore en mémoire son manque d’expérience en ce qui concerne les combats, alors franchement, mais franchement, je pensais le maraver. Pas violemment hein, j’aurais arrêté dès qu’il aurait touché le sol et j’aurais pensé son petit bobo de rien du tout, un bisou et ça repart. J’ai encore en mémoire la fois où il s’était coupé avec un coupe papier et celle où un moustique avait osé boursoufler son bras. Vous pouvez rire, mais quand je l’ai vu tourner en blanc et perdre au moins TROIS gouttes de sang, je me suis transformé en infirmière et je lui ai fait des soins palliatifs. Palliatifs ouai, c’est carrément là qu’on était.
J’étais à deux doigts de mettre ma bure et de lui donner l’extrême onction quand il s’est totalement remis. Mais ça a au moins duré treize minutes cette histoire. L’enfer.

Beren, c’est pas un chanceux. J’dirais même que niveau poisse il est ceinture noire. Si les emmerdes étaient des abeilles, Beren serait un pot de miel. Alors voyez, ce combat –le premier- j’l’ai engagé sans trop me préparer.

Et il m’a maravé. Il était comme possédé, le pignouf tapait de tous les côtés et j’savais plus où donner de la tête. J’peux vous dire que le soir même, quand il s’est ramené avec son onguent pour me tartiner, c’est moi qui lui ai fait bouffer le pot.

Mais j’aime pas rester sur une défaite. Il a déjà largement le dessus au ramponneau –mais il triche alors c’est pas étonnant-. Bref, quelques jours plus tard, second combat.
Cette fois, j’étais au top de ma forme, j’avais perdu quelques kilos suite à une prétendue intoxication aux bulots, MAIS j’étais en forme. J’me suis entrainée autant que j’ai pu. Dès qu’il roupillait, j’allais courir, pas loin, pas vite, mais j’allais courir. J’ai mangé de la salade, des tomates et même des trucs verts et fibreux, longs et fins. Déjà c’est dégueulasse, en plus ça te colmate le trou de balle si bien que tu chies des pavés MAIS, parait que c’est bon pour la santé. Pas un pet de viande, j’ai gardé tous les steaks qu’on m’a servi bien au chaud pour panser les cocards que j’allais mettre à Beren.
Chaque jour, je m’étais boostée devant le miroir en mode « allez Dea, dès qu’il pleure t’arrête ». Je l’ai regardé en me disant, un nombre incalculable de fois, qu’il était put’ainement beau et que c’était bien dommage d’avoir prévu de lui éclater la gueule, mais faut regarder la vérité en face, il avait déjà gagné la dernière fois, et là c’était mon tour, tout simplement.
J’ai travaillé des cours d’anatomie pour savoir où taper sans qu’il perdre sa virilité, où taper pour faire super mal sans trop l’abîmer, où ne pas taper pour qu’il puisse quand même faire l’amour –faudra bien que je me fasse pardonner quand j’aurais gagné hein-.

J’ai bossé mes coups, obao, baobab. Haut bas haut, bas haut bas. Toujours les mêmes enchainements pour pas me perdre dans les figures. Je faisais ça devant le miroir, et en souriant, parce que le but c’est pas qu’il pense qu’il couche avec une furie, mais bien qu’il se dise « merd’, elle me met ma race mais qu’est ce qu’elle est belle ».
J’ai tapé dans les coussins un nombre de fois que vous n’imaginez même pas, assez fort pour le mettre KO, mais pas trop pour pas l’exploser. J’aurais l’air fine, tiens, si Beren perdait ses boyaux.

J’étais prête. J’avais la rage au bide, il allait morfler, morfler encore. Mais c’était le jeu. ON était là pour jouer, pas pour gagner.
J’me suis pointée sur le ring, sur la lice confiante comme jamais.
Il a gagné.
Salement.

J’aurais du me douter que sous ses airs nonchalants dormait un guerrier éveillé. Il m’a fait bouffer la poussière et le pire c’est qu’il le faisait avec classe.
Ça aurait pu s’arrêter là, il aurait pu gagner et hop, on passait à autre chose, mais ce CO’NNARD avait décidé de s’en vanter.

C’est là que je me dois de vous avertir, qui que vous soyez, homme ou femme. Si tu bats ta femme en lice, fais comme si rien ne s’était passé. C’est pas le moment de faire le fanfaron, d’éclater de rire quand elle se plaint, de minimiser ses blessures, de lui rappeler les petits cris qu’elle faisait quand elle encaissait les coups et encore moins d ‘être de mauvaise foi, franchement, ça empire la situation déjà critique.


-J’ai ripé !
T’as ripé ?
-J’ai ripé.
T’as ripé .
-Ripé oui.


Voyez comme il part mal dans son argumentation, je lui offre la CHANCE de changer sa version et il s’embourbe. Un peu comme moi, après le combat.
Non Beren, on ripe pas pendant trente minutes sur quelqu’un.
-Je me défendais !
J’étais au sol !
-T’avais frappé avant
Mais Beren, j’ai raté mon coup, tu m’as fait un croche patte et je suis tombée ! POURQUOI tu m’as mis un coup de pied dans la gueule une fois que j’étais au sol ?
- Je me suis emballé.


Il s’est emballé.
Il va s’emballer tout seul pendant un moment, j’peux vous le dire.
On recommencera, on recommencera jusqu’à ce que je gagne et qu’il finisse agonisant sur le sol.
MOI AUSSI j’ai le droit de GAGNER !

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*Phrase de Pomme, Merci pour la bannière, vraiment.
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