Beren
Les bruits des chopes qui s'entrechoquent. Les paroles d'ivrognes. Les rires. Ceux d'une fille gourgandine qui se fera trousser dans la soirée, ceux plus gras des hommes autour. Le brouhaha ambiant. Un troubadour jouant le ménestrel sur sa harpe de bois pourrie. Les bruits des tabourets qui raclent le plancher abimé à mesure des vas et viens incessants.
Trop de bruit. Trop de monde. Trop de joie à dégobiller.
Lui tout ce qu'il demande c'est boire sa bière en paix. Sans se faire bousculer par un badaud trop pressé. Sans se faire déranger par un vieux qu'à rien d'autre à foutre de venir lui taper la causette. Sans cette fille de joie qui espérait avoir trouver le filon parfait. Sans cet idiot qui veut faire une partie de ramponneau.
Il ne joue plus. Il ne baise plus. Il ne parle plus. Il veut juste boire.
Ses grognements d'ours finissent par faire fuir même les plus récalcitrants et il s'avisa qu'il peut enfin savourer sa chope pleine sans interruption. C'est ça le vrai secret du plaisir. Attendre que plus personne ne s'approche pour enchaîner les gorgées sans interruption mauvaise.
L'homme barbu cracha sa chique sur le sol peu reluisant qu'il avait gardé tellement longtemps que l'intérieur de sa lèvre le brûlait. Sous son lourd manteau dépenaillé, on distinguait une vieille carrure de soldat qui avait dû servir longtemps au vu des cicatrices apparentes sur ses avants bras et la base de son cou. Mais la coupe réglementaire avait disparu depuis un moment sous une chevelure noire et hirsute. Ses muscles, quoique toujours bien fonctionnels et efficaces s'étaient engourdis d'une fine couche de graisse. Tout comme ses abdominaux, disparus sous sa consommation quotidienne d'alcool dont le nez rougi avait miné ses derniers espoirs de conquête féminine.
Puisqu'il en était là, de toute façon, quel meilleur autre passe-temps lui restait-il que la boisson ?
Oh, il travaillait, parfois. Quand il était à sec de barres et d'alcool. Quelques jours, par ci par là. Pour escorter un jeune noble dans le coin mal famé. Pour vider une taverne d'énergumènes envahissant. Il trouvait toujours. Il ne regardait pas plus loin que le lendemain. Aujourd'hui suffisait à sa peine.
Alors, maintenant que tous avait fui son entourage il pouvait prendre une première gorgée de sa bière si brune. La vie est belle. Si belle qu'on lui vendrait le Bon Dieu.