Esfir
- Un pas de côté, et la brune esquive de peu l'épaule qui menaçait de se fracasser contre la sienne. Cela doit faire une dizaine d'années que l'hispanique n'a pas mis les pieds aux Halles, et ces dernières lui semblent plus bondées encore qu'autrefois. Pourtant habituée à se fondre dans la foule pour passer inaperçue, Esfir est malgré tout frappée d'aversion pour ces essaims humains qui bourdonnent autour de vous comme s'ils risquaient de vous gober tout entier. Terrain de jeu favori des voleurs qui veulent se faire la main, il perd tout son intérêt une fois l'art maîtrisé. C'est trop facile, on ne tire aucune gloire de ces victoires-là.
Ce n'est donc pas pour voler que Soledad s'est risquée jusqu'ici.
Fendant la foule, le regard clair accroche enfin le lieu recherché. La brune presse le pas, glisse au passage ses doigts fins dans la large poche d'un manteau, trop épais pour la saison. Elle en extrait une bourse à moitié pleine, qui échoue aussitôt dans sa besace. Ouais, on a dit que le jeu n'avait plus d'intérêt, mais les vieilles manies ont la vie dure et à ce stade, ça tient plus de l'automatisme que du choix ! De toute façon quoiqu'on en dise, on a toujours besoin de plus d'argent. Ne serait-ce que pour l'affaire qui l'a menée ici aujourd'hui.
Elle approche d'un étal où sont disposés divers objets utiles à la chasse ou à la pêche, sans s'y attarder. Les indications reçues sont claires et elle sait qu'il lui faut s'engouffrer dans la bâtisse juste derrière. S'y trouvent déjà un vieillard rongé par le temps, et un mastodonte au visage à moitié mangé par une barbe fournie. Les deux homme semblent en pleine négociation, penchés au-dessus d'une petite cage où piaille un minuscule volatile. On aurait cru un poussin, si ses plumes n'étaient pas rouges.
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