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[RP] D'un démon en terre "Saintes"

Euphrosyne.
Elle avait réussi le tour de force d'échapper à l'idée totalement saugrenue de son Oncle de la traîner à un bal en s'échinant à la tâche. Confessions, études et très peu de repos pour l'adolescente. Tant et si bien qu'elle avait aussi loupé la personne qui lui avait laissé un mot et n'avait récupéré la tenue qu'au soir venu, en coupant par le marché avant de courir à l'université.

La vie suivait son cours, tranquille, au fil d'un hiver qui s'était accroché longtemps et d'un printemps timide et parfois capricieux. Un printemps adolescent en somme. Elle avait d'ailleurs totalement oublié de montrer à son Oncle la si jolie coupe gagnée à la bataille de boules de neige. Peut-être la sortirait-elle du placard ou bien l'emmènerait elle en douce à Paris pour la déposer sur une étagère.

Guillerette à l'occasion de sa réélection à son poste, elle ne s'attendait guère à trouver un courrier irritant, laissé par une inconnue..


La peste soit de l'avarice et des avaricieux !*

Ce n'était pas le premier du genre. Ils avaient tous fini au feu. Mais ils avaient toujours le don de meurtrir profondément la toute jeune fille qui s'efforçait depuis des mois de faire au mieux pour les paroissiens.
Elle se laissa tomber sur une chaise, le regard dans le vague en direction du vélin écrit à la hâte d'une écriture rageuse.


Citation:

Bonjour,


On ne peut pas dire que vous confessez avec le dos de la cuillère.

Obligation de payer 5 écus

Quelle honte !!!!

Et pour les nouveaux venus et ceux qui n'ont pas les moyens vous faites comment ??
Heureusement que je ne fais passer.

Lamentable !!



Chanae



Devait elle se fendre encore une fois d'une réponse pour expliquer que 5 écus ne sont rien pour soulager une âme et qu'elle même n'était qu'un pauvre être humain qui devait se nourrir et gagner de quoi engager des journaliers pour ses champs ou poursuivre ses études ? Elle ne savait plus... Elle avait parfois l'impression de lutter contre le vent moqueur qui faisait parfois crier les branches et les pierres...

Un coup d'oeil à gauche, un coup d'oeil à droit, une oreille tendue à la maisonnée... Qui semble déserte. Et l'envie de se servir un de ces vins précieux que son Adoré garde dans sa réserve personnelle. Elle n'y résiste pas et tire un carafon au rubis prometteur, revient à la grande salle et prend place dans le fauteuil de l'Orgueilleux, vin posé sur la petite console à côté, verre en main alors qu'elle réfléchit les yeux mieux clos sur l'attitude à adopter.



*Molière - L'Avare.
_________________


La fille de sa mère et, vraisemblablement, de son père.
Trystan.
Il est absent, en effet.
Il songe tout en arpentant lentement les ruelles.
Ses doigts s'agitent sur un feuillet trouvé dans les affaires de sa nièce.
Il fouille, parfois. Veille et surveille.
Le nom dans la signature a retenu son attention.
Si la fillette ne s'en préoccupe guère sans doutes, lui sait.
il sait qui est l'homme qui lui a vendu son vêtement.
Et il sait désormais où le trouver.
Un sourire en coin, mauvais, vient jouer sur le visage de Trystan, avant que ses doigts se serrent sur le vélin tandis qu'il rumine une probable vengeance à un vieil affront.

Ses pas finissent par le ramener chez lui.
Enfin...
Dans la demeure secondaire, la première à ses yeux étant la Parisienne.
Il n'y a bien que là bas qu'il se sent chez lui.

A peine entré, le regard aiguisé se lève et se pose sur sa nièce.
Faussement, désireux de jouer le rôle d'Oncle modèle à merveille, il lui sourit tout en repliant avec soin le pourpoint seyant qu'il vient d'ôter.
il marque un temps d'arrêt et son sourire se transforme imperceptiblement ; Trystan vient de remarquer le carafon sorti du meuble dans lequel il est censé dormir sagement.
Et que dire de ce verre qu'elle tient dignement, juchée dans son propre fauteuil?

La malice le gagne.
La petite Blanche ressemble de plus en plus à celle qu'il a eu l'heur de connaitre.
L'adolescente se transforme, et l'Avare manque tout cela, pour le plus grand plaisir de Trystan qui en profite.
Même s'il rage intérieurement de la voir occuper sa place...
Il ne sera pas dit qu'elle ne restera pas à la sienne.


Eh bien ma chère Nièce. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent, dit-on.
Le vin est-il à la hauteur de ton fin palais?


Mots prononcés alors qu'il vaque à diverses occupations totalement inintéressantes.
Son regard est attiré par un courrier déposé auprès du cruchon, et il le lit, sans gêne.
La grimace en dit long et il le confisque avant de s'asseoir sur l'accoudoir de son siège, une main déposée sur l'épaule d'Effie.
De l'autre, il tend le courrier devant lui.


Quelle honte!!!!
Lamentable!!
...
Chanae.


Le courrier est jeté d'un geste nonchalant, méprisant.

Ne répond pas à cette mécréante inculte et ratée.

Il le fera.
En attendant, il lui faut passer pour l'oncle aimant.
Les yeux bleus, adoucis, se posent sur la brune alors que du bout de ses doigts il joue tendrement avec ses cheveux sombres lui tombant délicatement sur l'épaule.
Le noir contraste tellement avec la pâleur de sa peau...


Tu n'as toujours pas de nouvelles d'un médecin digne de ce nom?
Peut-être faudrait-il aller voir aux alentours.
Ou remonter à Paris.


Parfois, il essaye.
Peut-être un jour se décidera-t-elle à lâcher cette maudite église dans laquelle elle s'enlise et pour laquelle elle ne reçoit qu'ingratitude.
Délicats, ses doigts caressent la peau fine à la base du cou. Geste innocent, tendre. Ne l'est-il pas après tout?
De son autre main, il se sert à son tour un hanap de ce vin précieux qu'elle a prit la peine de sortir.
Pourquoi ne pas partager ces petits plaisirs après tout, s'il peut en faire une parfaite élève...


Ne voudrais-tu pas voir tes Oncles?
Je suis sûre qu'ils ont un tas de choses à t'apprendre.


Lui faire voir le côté Obscur?
Un sourcil se hausse, finalement.
Les yeux posés sur le portrait craché de la Fourmi...
Version immaculée...
Elle ne peut qu'attirer les regards...


Un homme t'a-t-il déjà fait la cour?

Voilà qui le mettrait dans une colère sombre.
_________________
Euphrosyne.
Et ce qui devait arriver... arriva.
Forcément.
Il était rentré.
Et tandis qu'il prenait soin de son pourpoint, elle s'était tendue, préparée même, le défi au bout des lèvres, imaginant ce qu'il allait lui dire, comment il allait lui faire la leçon, que le vin n'était pas pour elle... et s'imaginant lui répondre avec insolence qu'elle n'était plus une enfant.

Mais c'était sans compter le caractère facétieux de son adoré dit Oncle. Défi mis au placard.
A demi.
Elle s'amuse à faire danser le vin dans son verre avant d'en reprendre une gorgée et de lui rétorquer :


Un peu jeune peut-être non ? Il semblerait qu'il n'ait pas encore développé totalement son potentiel de saveurs.

Bénie soit sa manie de lire tout et n'importe quoi et lui donne l'air de savoir de quoi elle parle.

Les mots ont été lâchés alors qu'il déambule et inspecte dans le salon. Un sourire en coin lui passe furtivement sur les lèvres tandis qu'il s'agace à cause du courrier. Son preux chevalier. L'adolescente lève le nez et croise son regard... qui l'émeut. Ou bien sont-ce ses doigts qui glissent sur ses cheveux pour terminer leur course à son cou... Elle n'entend ce qu'il dit que dans un lointain écho. Ce trouble qui la prend soudain... Où est le rire qui l'aurait encore prise l'hiver dernier à ce simple geste ? Envolé. Au lieu de chatouillis taquins c'est un frémissement indicible qui parcourt sa peau et fait naître une chaleur encore inconnue d'elle.

Vite. Reprendre une gorgée de vin pour se donner un semblant de contenance et espérer qu'il ne remarque ni son souffle altéré ni le rouge qui brûle ses joues. Il parle encore. Alors elle essaye de se concentrer sur ses mots, fixe ses lèvres.... ses lèvres, par Déos, ont-elles toujours bougé de cette façon ? Reprends toi ! Ses yeux quittent les lèvres pour tenter de s'arrimer à ceux de l'Orgueilleux... Elle l'écoute. Du moins elle en a l'air. Sent-il sous ses doigts cette veine qui palpite et résonne à son tympan ? Ou bien est-ce le produit de son imagination et de ce trouble qui perdure sous la caresse trainante ? Ces yeux... ce visage... Par tous les Saints qu'il est beau...

Son coeur explose alors que lui parle de ses Autres... Elle entend vaguement. Si peu en vérité. Sa jeune main tremblante se lève -d'elle-même elle le jurerait- et ses doigts pâles s'approchent de ce visage, de cette bouche enivrante. Les effleurer ces lèvres, en sentir la douceur à peine... L'a-t-elle touché ? Elle ne le sait. Sa dernière question l'a figée. Littéralement. A regret elle s'extirpe de cette torpeur doucereuse qui l'enveloppait.


Un homme ??!!!

Sans le vouloir sa voix claque. Elle en gronderait presque. Mais l'emprise d'une passion ne s'éteint pas pour en attiser une nouvelle. Elle mue. En toute simplicité. Sans poser son verre elle se lève, le geste emporté. Par chance il ne reste qu'un fond de vin qui a le bon sens de rester où il est. Au fond.

La jeune Effie se plante devant son Oncle, ivre de ces sensations nouvelles et sans doute aussi un peu de vin. Le regard assombrit elle répète :


Un homme ?!!


Elle voudrait le gifler puisqu'il ose lui poser ce genre de question. Sans bien même savoir pourquoi ça l'irrite autant.
A défaut de le faire et de comprendre elle le pousse, fermement. Qu'il récupère son précieux trône.
Mais la chute n'a pour seul effet que de faire retomber la violence de son emportement. On eut dit qu'il venait simplement de s'asseoir. Tout juste une mèche retombée légèrement sur son front. Décalée. Elle le contemple durant une éternité... Une seconde au goût d'éternité. Et du bout des doigts, sans trembler, va repousser la mèche rebelle en lui souriant tendrement. Qu'il est beau... Et qu'il l'agace !

La main assurée elle vient ensuite lisser sa robe avant de venir s'installer sur ses genoux. Comme avant... quand elle était enfant. Mais son bras qui s'étire pour aller saisir le carafon annihile l'illusion.


En reprendras-tu ?

Sans même attendre elle se ressert. Largement. Et plonge ses lèvres dans le nectar rubis, le sirote lentement avant de poursuivre.

Comment peux-tu me poser cette question ?

La tension remonte à son échine. Elle se mordille la lèvre pour réprimer ce qui pourrait sortir par mégarde. Vite. reprendre une gorgée et essayer de sortir de ce pétrin dans lequel elle vient de se fourrer.

_________________


La fille de sa mère et, vraisemblablement, de son père.
Pensee_
    Sous les fenêtres d'une noble demeure...


Le grelot accroché au chapeau de Della tintinnabule gaiement. Ses pas sont légers, sur la route, et si elle ne meurt pas de faim, il lui faut toutefois trouver pitance. Elle s'installe dans le quartier aisé, les gens y ont toujours plus d'argent à dépenser pour les pauvres hères dans son genre. Choisit-elle l'endroit au hasard ou non ?
Elle vérifie son habit chamarré et rapiécé, et sort un psaltérion de son sac, rare chose précieuse qu'elle peut posséder.

Della n'aime pas les alexandrins. Elle pose son séant sur un muret et s'installe. Les cordes pincées s'exclament gaiement dans la rue, rythmant son récit.

Oyez, oyez braves gens ! Laissez-moi vous conter l'histoire d'Orphée, héros grec.
Doué de sa lyre à sept cordes, offert par Apollon, il aida les Argonautes
A affronter le chant des sirènes, pour aller chercher la Toison d'Or.
Cordes pincées pour femmes poissons.

Son coeur ravi par la dryade Eurydice, il chante pour les Dieux,
Mais tssss le serpent, vil animal, la mordit, et la dryade mourut,
devenant habitante des Enfers, point pour la sauver de phylactère.

Orphée chanta-la-la-la, la mort de son épouse,
Puis les Dieux, conseilleurs mais pas payeurs, lui dire d'aller la chercher
Affronter Hadès et Perséphone, gardiens ethérés.

Orphée fit fi de Cerbère, monstre à trois têtes, par sa lyre enchantée,
Le gros matou fit dodo, et le chant de la lyre passa le Styx.

Les deux dieux des Enfers il vit, Perséphone eut son coeur alangui,
Face à l'amour du héros pour sa belle.
Faible femme au romantisme peu servi par le laid Hadès,
Elle pria son époux de lâcher un peu de lest !

Le roi des Enfers opine, acceptant cette rapine,
Mais Orphée ne doit pas se retourner, sinon envolée !


Le psaltérion est pincé plus intensément pour la fin de l'intrigue. Quelques badauds se sont arrêtés

Las, il se retourna, et elle disparut. Abandonné, il erre encore,
Et son luth constellé porte le soleil noir de la Mélancolie.*


Della se lève, salue le public. une pirouette et une petite roue, avant de tendre son chapeau grelotté.

Une petite pièce, pour l'artiste inspirée !
Si le Très Haut ne vous le rend pas, les Démons le feront peut-être !



**
* Réference à Gerard de Nerval, et son poême el Deschicado
Trystan.
Intérieurement, l'Oncle jubile.
Point dupe, il se joue du trouble qu'il fait naître.
Un travail de maître, commencé voilà des années.
La vengeance est un plat qui se mange froid, il est patient.
Pour l'heure, il se joue des gestes de la petite Blanche.
Il prend le temps, il laisse planer sciemment ces silences entêtants.
Parfois ses dents se dévoilent au profit d'un sourire.
La jeunette est naïve, elle ne sait voir qu'au fond de ses yeux il n'y a nulle lueur bienveillante qui s'anime.

Et lorsqu'il rompt le charme, offusquant Effie de sa question, son sourire pointe.
La réaction est virulente, est-elle choquée?
Sa douce et innocente nièce.
Trystan ne la quitte des yeux, appréciant les élans sanguins dont elle peut faire montre.
Au fond, elle doit bouillir.
Qui sait...
Peut-être qu'un jour elle régnera sur un bout de Miracles si ce n'est tout.
Il lui faut parvenir à allumer cette flamme qui brûle...

Les mains sur son torse qui le poussent avec force le surprennent.
Sa position lui permet toutefois de glisser sans ridicule, mais la rage l'étreint soudain.
Toute immaculée soit-elle, de quel droit s'attaquer à lui?!
Son regard se fait acéré tandis qu'il se pose sur la jeune fille déjà assagie.
Stupeur passée, il tente de calmer ses humeurs orageuses, et s'installe au mieux.

Il ne faudrait pas gâcher en une minute ce qu'il a mis des années à construire.
Un masque affable prend place.
L'ivoire lui manque.
Et un rire profond, court se fait entendre quand Euphrosyne prend place sur lui.
La gamine n'a pas tant grandit, garde un côté enfantin.
Déjà les doigts de Trystan jouent des mèches sombres qui tombent dans le dos de la jeune fille.
Il ne posera plus questions sur d'autres hommes, la réponse s'est avérée éloquente.

Il sent l'Envie poindre.
Ses longs cheveux qui coulent avec grâce sur les épaules frêles...
Il ne répond pas lorsqu'elle lui propose un peu de vin et présente distraitement son hanap avant d'en boire une gorgée.
Ses doigts chauds remontent lentement, jusqu'à la nuque de la jeunette, qu'il dégage de la masse de cheveux.


Curiosité d'un Oncle qui tient à ce que sa Nièce ne soit pas assaillie de courtisans, vils coureurs de jupons qui auraient tôt fait de la souiller par leur simple présence dans la même pièce.

Les images de la Blanche postée sur le Pont parisien lui reviennent.
Assise à leur table, fière, toute cette grâce dans un si petit corps...
Les doigts de l'homme caressent la nuque d'Effie, en gestes lents, à peine appuyé.
Avant de se saisir doucement, mais fermement de la gorge si fragile, si fine...
D'un simple geste, il pourrait mettre fin à cette vie...
Mais le vice est poussé.
Le geste rendrait fou l'avare, et le Paresseux.
Si lui ne fait point mouvement, il attire avec lenteur la jeune fille jusqu'à sentir son souffle sur son visage.
Ce parfum si délicat...
Enivré...
Si proche...
Ô Frères, si vous voyiez comme je gagne...

Tout est brisé.
Les yeux à demi clos, fixant les lèvres de la jeunette sont ouverts.
Contrarié, il relâche la pression peu dangereuse qu'il exerçait sur la gorge si pâle, et avale le vin sans en laisser.
Fi de la perfection et de la langueur en bouche.
Le verre vole en direction de la fenêtre d'où proviennent les paroles qui l'ont perturbé, se brisant à l'impact, avant que Trystan ne se ressaisisse.

Planté dans son siège, raide, il tente de calmer les ardeurs qui l'ont saisi.


Debout jeune fille.
Ton vieil Oncle a besoin d'un instant pour se remettre de la surprise...
Que raconte donc cette troubadour?

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Euphrosyne.
Il se fout d'elle avec son rire là. Presque vexée, prête à grogner encore, l'adolescente lui jette une oeillade insolente, resservant l'Orgueilleux, sirotant à son tour. Mais le vent de révolte retombe aussi vite qu'un soufflé raté à la sortie du four. Et pour cause il reprend, insidieux, joue des doigts sur sa peau, l'agace pour mieux la faire frémir.

Je... je ne vois... pas de.. de... de quoi tu veux parler....Entre le confessionnal et les salles de cours j'en croise des gens.


Une pause.
Pour reprendre son souffle avoir si pitoyablement bafouillé.
Pour ne pas penser au trouble viscéral qu'il fait naître chez elle.
Détourner le problème. Piquer à son tour.



Et je suis à peu près certaine qu'il y a de nombreux hommes parmi ces gens...


Une esquisse de sourire en pointe d'insolence accompagne ses mots.
Mais ses caresses la perturbent et exaspèrent tous ses sens.
Dans le regard d'Effie hurlent conjointement la confiance aveugle et l'amour absolu qu'elle éprouve.
Innocente adolescente.

Pauvre adolescente.

Puis le regard se teinte, non de peur, la peur n'ayant aucune place là où règne la confiance, mais d'une lueur d'incompréhension. Ses lèvres voudraient articuler mais aucun son ne les franchit.

"Pourquoi ?"

Subjuguée.
Envoûtée.
Totalement à sa merci à présent. D'adolescente rebelle elle est devenue poupée de chiffon entre ses mains.
Elle pressent le danger. Le feu qui croit dans son ventre, le frémissement de sa peau, tout en elle s'exalte.

"Mais si le feu c'est toi alors qu'il m'embrase et me consume"

Les visages si proches désormais qu'ils en échangent leurs souffles.

"Par Déos, tes lèvres..."


Il brise là.. Et la fait sursauter par son geste soudain et au bruit du verre délicat qui éclate sur la vitre. Pire, il la renvoie et face à ce rejet subit la jeune fille pâlit, blessée au coeur. Obéissante nièce la voici debout, en retrait, écoutant vaguement l'oraison venue de la rue.



Rien qu'une chanson sur Orphée et Eurydice... Rien qui ne soit audible à mes oreilles...


Le pas légèrement chaloupé par le vin, elle se dirige vers le bureau plus loin où siège sa bourse.


Je vais lui donner quelques pièces...


Le temps pour elle de chasser la tristesse qui l'a submergée. Une bouffée d'air frais fera le plus grand bien à ses joues en feu.

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La fille de sa mère et, vraisemblablement, de son père.
Pensee_
Rouge, verte, bleue, les balles dansent dans les mains de Della, disparaissant parfois, s'envolant haut dans le ciel, martin-pêcheurs colorés plongeant dans les paumes artistes. Le chapeau court, vole, entre les mains des passants, les plus généreux offrant quelques piécettes.

A votre bon cœur, messires et dames !

Les balles atterrissent dans le chapeau, que Della récupère, avant de le tendre à une jeune fille tout juste surgie du bâtiment sous lequel l'artiste officie.

Petit poisson, petit poisson dans l'eau, la Charité merci !

Quelques piécettes tintent gaiement, et la main de Della frôle l'oreille de la jeune fille, et en ressort une pièce, petite prestidigitation toujours amusante pour les cœurs innocents, et applaudie par le public bon enfant qui remarque le tour.

Et pour celle-ci !

Della fait mine de lancer la pièce en l'air, et une pluie de paillettes retombe alors sur elles.

Et parce que l'artiste quitte toujours au moment le plus éloquent, Della fait une révérence à son public amusé, opère une pirouette élégante et récupère psaltérion et menues affaires, laissant les paillettes retomber doucement au sol. Zéphyr indomptable, elle compte bien disparaitre après son forfait.
Trystan.
Si la demoiselle obéit, lui ne bouge point.
Raidit dans le siège occupé, sa mâchoire est serrée.
L'instant était propice.
Le temps suspendu, le charme opérait...
Il a fallu qu'une conteuse viennent faire office sous ses fenêtres.
Est-ce lui qui s'en trouve troublé?
Il ne se peut.
L'idée même est rejetée aussitôt lui est-elle parvenue.


Va. J'arrive.

S'il est en colère contre la femme pour avoir osé briser ces instants, un sourire point en coin.
Doucement Trystan s'extrait du siège et boit une gorgée du hanap servi tantôt.
Que ne donnerait-il pas pour qu'Avare revienne...


Ô frère, si tu savais... Mal t'en a pris de t'en aller, Elle est à moi.

Le vin est terminé.
Godet est déposé et la haute silhouette s'efface en direction de la porte.
Le sourire qu'il porte s'élargit à une idée.
L'intimité n'est point finie.

Au dehors, il retrouve la petite Blanche.
Une main passe en son dos avant d'aller trouver l'épaule.
Geste protecteur.
Un regard méprisant est lancé à la conteuse qui remballe ses affaires.
Maudite sorcière venue troubler l'instant pour un rien de temps...
Le regard ne baisse pas.
Il la détaille.
Il grave son image dans son esprit.
Nul doute qu'ils se reverront.
Les doigts enserrent délicatement l'épaule frêle d'Effie.


Lui as-tu donné quelques pièces?

La voyageuse s'en va.
Trystan la suit un instant de son regard acéré avant de le poser, plus doux, sur la curette.


Ma Mère, pardonnez moi parce que j'ai péché.
Où donc confesses-tu?
J'ai ma conscience à soulager.


Un nouveau jeu.
_________________
Euphrosyne.
Instantanément le sourire est revenu sur les lèvres juvéniles d'Effie. La conteuse jongle et c'est bien volontiers qu'elle vide sa bourse dans le chapeau tendu. L'effet est garanti. Le nez se relève et :

Oh !!!


Lui échappe. Les paillettes brillent et dansent au dessus de sa tête... Qui se met à tourner. L'équilibre n'est sauvé que par l'arrivée de son Oncle, dont la main qui passe dans son dos la ramène à la réalité. Elle ne voit rien du regard qu'il lance à l'artiste de rue. L'adolescente déjà ne sent plus que ce contact.


Toutes... C'est mérité... Elle est si drôle en plus...


Mais la tête continue de tourner. Et si la jeune fille fait bonne figure pour ne pas décevoir son bel Orgueilleux ou se voir sermonnée pour avoir bu son vin, elle sent bien que quelque chose ne tourne pas si rond. En dehors de sa tête. Ou dans sa tête. Question de point de vue.

Ah.. très drôle... Tu veux la suivre pour faire carrière ?

Elle maugrée et se concentre désireuse d'ignorer son malaise.

Je ne suis pas ta mère...

Mais suis moi, je vais t'écouter et laver ton âme...



Pauvre innocente, qui dit ça avec toute la sincérité du monde. Elle le tire par la main, reprenant l'escalier pour revenir chez eux.

Là, elle s'arrête un instant pour déposer sa bourse vide et aller prendre un cruchon d'eau à l'office avant de récupérer Trystan et de l'enjoindre à la suivre.. dans sa chambre.



Assieds toi...


Elle désigne son lit.
Directive quand elle officie.

Sans un regard pour lui, elle tire un paravent pour scinder l'espace en deux... le côté lit avec son Oncle et ses péchés... le côté cabinet de toilette où elle peut souffler et cesser de faire bonne figure. Sa tête tourne et se joues sont en feu... Le contenu du cruchon est versé dans le récipient adéquat. Tout l'oppresse...
Elle défait les lacets de sa robe.



Je t'écoute... Qu'as tu donc fait qui nécessite une intervention divine ?


La robe glisse au sol et d'un geste empressé elle arrache presque le laçage du corsage, torture suprême parmi les tortures imposées aux jeunes filles dont le corps change à vue d'oeil. Elle respire un peu mieux, simplement couverte par sa longue chainse de lin fin. Un linge est pris et trempé dans l'eau puis passé sur la nuque. Un long soupir de satisfaction s'en suit... Elle attend qu'il réponde.

_________________


La fille de sa mère et, vraisemblablement, de son père.
Trystan.
La petite a du répondant.
Cela fait sourire Trystan.
Elle ne sera pas de ces mijaurées idiotes qui ne savent rien dire.
Sans personnalité.
Sans cervelle avec laquelle réfléchir.
Effie étudie, et il s'emploie à veiller à ce qu'elle ait de tout.
Une érudite, elle ira loin.

Lui ne répond pas.
Il se contente de ce sourire qu'il affiche.
Point d'amusement cela dit, simplement de la satisfaction.
L'heure est venue de rentrer.
Que va-t-il bien pouvoir lui énoncer?

La petite main fine se saisit de la sienne.
S'il rechigne au contact, il n'en fait guère part à la gamine.
Il s'y fait.
Il s'y efforce.
Peu d'autres auront l'occasion de tels attouchements.

Un masque.
Nulle ivoire.
Il feint la joie.
Qu'il lui tarde de reprendre la bure noire...
Attente.
Son regard est sombre tandis qu'il l'observe se saisir de la cruche.
Le Mal lui manque.
La liberté...
Le temps est suspendu au bon vouloir d'une femme en devenir.
Le temps file par trop lentement.
Comme il aimerait l’accélérer...
Et si le regard reste froid, acéré, le sourire repointe.
Elle revient.
Elle l'attire.
...
Et il s'installe sur le lit désigné.
Le temps pour elle de se préparer, lui observe ses mains qu'il relève.
Il les veut d'un blanc parfait.
Un simple regard au paravent.
Un sourcil qui se hausse devant le manque de conventionnel.
Au moins lui épargne-t-elle d'entrer dans la Sainte maison du Très Haut.
A cette idée, il sent la nausée poindre d'ailleurs.

Il l'entend bouger.
Chaque mouvement, chaque geste.
Le paravent la cache à sa vue et il se retient de le repousser.
Qu'a-t-il donc fait?
Intervention divine?


Je L'exècre.

Que faire?
Ajouter ces mensonges à venir à la liste déjà longue?
Inverser les choses?
Lui jure par le Sans Nom.
Doit-il faire propre façade en faisant miroiter l'inverse?
Doit-il retirer son innocence à la gamine?
Le regard est posé sur le paravent.
Il s'accorde un peu de détente en s'installant plus confortablement.
Le temps s'égrène doucement.
Il ne dit mot.

Il est Parfait.
Il est Vanité.
Sa vérité à elle est tronquée par ces absurdes croyances.
Prendrait-elle peur?
Le fuirait-elle?

La voix est grave.
Même lui ne sait pas bien s'il invente totalement ou si du vrai émerge.


Envie.
Luxure.
Colère.

Je désire si ardemment cette jeune femme...
Elle est pure, innocente. Douce, délicate.
C'est si mal.
Mais le mal est si bon après tout. L'envie...
Luxure...
Alors je me laisse glisser dans ces pensées, lorsqu'elle ne me voit pas faire, je m'imagine avec elle.
L'embrasser.
Son souffle chaud.
Qui s’accélère.
Cette veine qui bat dans son cou...
Elle est chaude sous mes doigts, sa peau est douce...
Elle est à moi.
Colère...
Je ne devrais pas y songer.
Ton Dieu l'interdirait sans doutes.


La frustration fait son chemin.
L'Envie le dévore.
La gamine sera à lui. Toute à lui.
Désir grandissant de possession, et il est sur le bon chemin.
Ce qu'il a énoncé a suffit à le tendre.
Son regard s'est assombrit et combien de fois se retient-il d'avancer la main vers le paravent afin de le rejeter?


Mais je me dis qu'en parler c'est être pardonné.

Pour ce qu'il s'apprête à faire?
Il n'évoque pas les cadavres entassés à la Cour.
Il n'évoque pas toutes ces filles dont il se repaît avant de les confier aux bons soin d'Azazel.
Ce sang qu'il déguste en l'espoir de conserver une apparence jeune.
Ou ces bains étranges qu'il prend à Paris.
Ces ordres, ces contrats lancés.
Le culte du Sans Nom...
Sa main est avancée, le paravent saisit.
Il est debout maintenant, et il replie les panneaux.
Peu lui importe le bien de son âme, elle est perdue depuis bien long.

Elle veut voir ce qui le ronge?
Sa vision le tétanise un instant.
La jeune fille en dessous fins et délicats, l'eau qui a coulé de la serviette a laissé des sillons prometteurs.
Ce jour, il perd patience.
Il ne dit plus rien.
S'approche et se penche sur la gamine.
Elle n'est plus fillette.
Acédie est absent.
Avare n'est pas là non plus.
Elle est à Lui.
Les longs doigts bagués s'accrochent aux cheveux sombres à l'arrière de la tête d'Effie, lui interdisant un mouvement.
Il est tout proche.
Il effleure.
Caresse de son souffle.
Il goûte à la peau si douce.
Du bout des lèvres.
Il l'embrasse.
Un baiser.
Il prend sans rien donner, mais qu'en saura-t-elle?


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Euphrosyne.
Si elle a à peine entendu les premiers mots qu'il prononce, elle en a encore moins compris le sens. Pour cause. Les yeux clos, l'adolescente tente d'échapper à l'étau qui broie ses tempes. Certes, l'eau la rafraichit et l'empêche de perdre pieds, mais un écho lancinant martèle son crâne... "Concentre toi".. Et le temps lui semble une éternité douloureuse avant qu'enfin il ne daigne poursuivre.

Envie
Luxure
Colère



Elle en sourirait presque de cette concision extrême. Elle en sourirait presque de la banalité de l'aveu. Mais c'est avant qu'il poursuive et n'entre dans le détail de sa confession.

"Femme... Douce..."

Chaque mot la heurte et blesse son coeur amoureux.

"L'embrasser... A lui..."


Sa volonté vacille et ses jambes chancellent jusqu'à l'obliger à s'accrocher au meuble pour ne pas flancher. Totalement envahie par le désenchantement asséné brutalement par les révélations du bel orgueilleux, elle frissonne.
Un froid glacial vient prendre possession de tout son corps. Toute joie, toute perspective de bonheur viennent de lui être arrachées.
Les derniers mots qu'il prononce sonnent comme un glas et lui font l'effet d'un direct à l'estomac.
Douleur bien en chair.
Le pardon.
Effie, petite curette de Saintes reste coite. Rien ne vient.
Elle ne parvient pas à feindre, à revenir à son rôle, à sortir quelque formule d'usage qui d'ordinaire lui viendrait naturellement. Son main presse son ventre meurtri pour tenter d'en éteindre le mal. La jeune cherche son souffle, son équilibre alors que toute la chambre parait tournoyer autour d'elle. Éteindre le vacarme qui taraude sa pauvre tête s'avère une tâche inaccessible. Trop occupée par ces divertissantes activités, elle n'entend pas les mouvements dans la pièce. Ni le paravent être balayé. Rien d'autre que sa douleur qui l'oppresse.
Lui échappe à peine un murmure..


Ainsi tu en aimes...

Jusqu'à cette main qui saisit sa nuque et fait qu'elle se retourne, à moitié là.


...une autre...

C'est le regard empli d'une tristesse insondable qu'elle relève le nez pour le regarder, sans comprendre, sans envisager le moins du monde ce qu'il s'apprête à faire. Et puis....
L'incroyable douceur de ses lèvres la fait défaillir. Ses mains glacées s'agrippent à lui pour ne pas rompre cet instant de pure volupté. Cet instant divin. Elle se perd. L'invite et offre son âme au tout premier baiser de sa vie, dans toute sa candeur. Son coeur qui était mort quelques instants auparavant soudain déborde et bat à tout rompre. Tout son jeune corps frémit et se presse contre lui. Effie savoure le goût du Paradis...

Pourtant elle se détache de ses lèvres pour venir, main tremblante, effleurer d'une caresse ce visage aimé. Sa barbe si douce, sa peau délicate. Si parfait. Les joues rosies de plaisir, elle passe innocemment sa langue sur sa lèvre pour goûter encore la saveur voluptueuse qu'il a laissé, avant de lui sourire doucement. Tout ce l'amour qu'elle ne dit pas doit pourtant être criant sur son visage... Et là...

A nouveau la douleur vient broyer ses entrailles.
Subite.
Violente.
Elle hoquète.
Et si ses mains sont gelées son visage est en feu.
Gelée.
Brûlante.
Elle ne tremble plus à cause du baiser. Ce mal contre lequel elle a lutté toute la soirée l'a rattrapée et la dévore totalement. Tout juste parvient elle à articuler dans un souffle, une supplique à celui qu'elle aime :


Trystan...


Avant que sa main ne retombe et ses jambes ne cèdent et qu'elle perde connaissance.

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La fille de sa mère et, vraisemblablement, de son père.
Trystan.
Il attise.
Il joue.
Petit à petit l'étau se resserre.
La proie est d'ores et déjà dans ses filets, mais il n'est point drôle de mettre ainsi fin à ce qui l'amuse, ce qui le réjouit.
Ce n'est qu'un début.
Une infime dose de volupté offerte pour mieux en jouer.
Chaque geste est intéressé.
Chaque parole.
Chaque instant.
Naïve petite créature tombée dans la toile de Vanité.

Le baiser est délicat.
Fin.
Léger.
Il n'y a rien de plus doux.
Il panse les plaies d'une jalousie fondée sur un non dit.
Quel plaisir à la voir rougir sous la déception, l'idée de la trahison.
Ô petite innocente si tu savais.

Et Effie s’agrippe à lui, et par le Sans Nom que cela est plaisant.
Ô Frêres, vous l'avez perdue.
La grande main qui n'est pas perdue dans ses cheveux sombres se saisissent avec douceur de ces doigts si fins.

Trystan la laisse mettre fin à cette attention qu'il lui a réservé.
Le regard glacé se pose dans celui de la jeune curette, et un sourire se dessine.
S'il tolère la caresse à son visage, mais il n'en fait pas vraiment cas.
La réaction de la jeune fille est tellement plus intéressante...
Tellement plus à même de le combler.
Il ne mettra pas fin à ce jeu avant un moment.
C'est si grisant...
Si euphorisant...
Excitant.
Il sent bien qu'il n'est pas insensible...
Le pouvoir est une source sans fin de plaisir, et il viendra s'y abreuver avec joie.

Il ne doit pas briser son jouet.
Pas maintenant.
Pas encore.
Et avec douceur la poigne soutenant la tête brune se relâche avant qu'il ne vienne caresser le visage encore enfantin de la jeune Blanche.
Son souffle se perd sur une joue, il est tout proche.

Toute magie s'envole.
Le changement d'attitude est violent, il peine à comprendre.
Que lui arrive-t-il?
Son égo s'affole, il l'a faite défaillir!
Mais la fierté est rapidement étouffée.

Petite poupée sans vie entre ses bras, il l'a rattrapée avant qu'elle ne s'effondre.
Trystan reste un instant interdit, la jeune fille contre lui, évanouie, avant de la saisir de meilleure façon pour la déposer sur le lit derrière lui tout en hélant avec hargne un des domestiques de la maisonnée.
Lorsque l'une entre, il ordonne, elle exécute promptement.

Il en fait son jouet, mais si elle vient à rendre l'âme alors qu'il en a la charge...
Après s'être assuré qu'elle est toujours en vie, il laisse la femme s'en charger, non sans arpenter la chambre en faisant les cent pas.
La surprise l'a pris au dépourvu, et il a cela en horreur.

Le masque est tombé l'espace d'un instant.
Il lui faut reprendre contenance, ce qu'il s'emploie à faire.
Il observe.
Scrute.


Qu'a-t-elle?
Va-t-elle se remettre?
Est-ce grave?
Va chercher un médecin.


Est-ce contagieux? Doit-il s'inquiéter?

DU VIN!

Pour lui.
Et il ne déguste plus.
Boit lentement mais sûrement.
Un siège lui est amené à sa demande.
Il compte bien veiller sa nièce, et nul n'aurait envie de le dissuader de le faire en voyant les regards qu'il lance...
Au moins jusqu'à savoir de quoi elle souffre.
Posé au fond de son siège profond, il attend.


Effie, Effie... L'heure est venue de se réveiller.
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Euphrosyne.
L'adolescente n'a rien entendu des quelques mots que l'Orgueilleux avait prononcé. Elle ne verra pas la terreur qu'il instillera à la pauvre servante qui s'exécutera en tremblant avant de partir dans la nuit en quête d'un médecin.
Rien non plus des intentions, faussetés et manipulations en tout genre de son Oncle. Quand bien même les verrait-elle qu'elle ne saurait les détecter. Pas plus que Trystan, tout à son art, n'avait su se rendre compte de la fièvre qui la brûlait. Littéralement.

Une ombre s'activait au côté du lit. Epongeant le front brûlant de la jeune Effie plongée dans un sommeil gémissant. La fièvre ne faisant que croitre, elle glissait peu à peu dans un délire agité. Quelques mots indistincts échappaient à ses lèvres alors qu'elle convulsait avant de s'effondrer à nouveau dans le fond des draps, pâle comme la mort.




Depuis aussi loin que portent mes souvenirs, je fais ce même rêve. Entêtant. Obsédant. Qui hérisse chaque fibre de mon être et pourtant, je ne l'ai jamais senti menaçant. Il m'a toujours apaisé. J'en connais chaque recoin, chaque pierre, chaque murmure, comme s'ils étaient partie intégrante de moi. Je n'ai pas d'inquiétude lorsqu'il s'annonce alors que la fièvre et la maladie ravagent mon petit corps sans défense. Pourtant, très tôt alors que j'avance dans cette fantasmagorie usitée, il me semble quelque chose de différent. Rien d'inquiétant de prime abord. Une porte ne donnant pas là où elle s'ouvre à l'ordinaire. Un escalier de trop, un rideau qui se dérobe sur une fenêtre surplombant une noirceur abyssale... La fièvre sans doute. Ou le baiser qui a bouleversé mon âme. Comment savoir. Cette nuit rien n'est habituel. Comme un plongeon les bras ouverts vers une destination totalement inconnue. Effrayant. Attractif. Comme peut l'être Trystan en dépit des liens qui nous unissent et ne devraient pas susciter ce genre de sentiments chez moi. Mais c'est plus fort que moi.

La structure de mon rêve s'est changée en labyrinthe. Les escaliers se meuvent, donnant sur des terrasses aux points de vues surréalistes. Là un coucher de soleil qui embrase l'horizon dans un éclat rougeoyant qui déchire les rétines. Des flammes lèchent les courbes des collines et abîment les plaines, brûlant buissons et arbustes, la terre elle même ruant par à coups pour tenter d'éteindre les brasiers qui la dévastent. Ici, un ciel si noir que pas une étoile n'y brille alors qu'aucun nuage n'étire son voile. Rien. L'immensité du vide. Inerte. Sans une once de palpitation de vie.

J'ai froid. Je referme les portes unes à unes, laissant une lente désespérance m'envahir peu à peu. J'erre dans les couloirs qui s'étirent à l'infini, prisonnière de mon rêve poursuivie par des ombres que j'évite sans vraiment y parvenir. Je suis perdue dans ma propre construction qui m'échappe, tout parait familier et pourtant rien ne l'est. Chaque ombre noire que je croise de loin semble aspirer ma volonté, ma joie de vivre, me vider de ma substance. Plus j'avance plus j'ai du mal à leur échapper. Les voiles sombres, immenses, avancent dans les couloirs, il me semble même qu'ils murmurent mon nom et m'appellent. Sirènes maléfiques dont le chant m'attire autant qu'il glace mon sang. Je finis par m'effondrer au sol, harassée après une interminable course au travers de ce dédale sans fin, au milieu d'une rotonde aux détails intimistes. Le sol de marbre blanc immaculé contraste avec la poussière qui ombrageait chaque dalle des couloirs. Je respire. Instant de grâce avant que l'ombre ne m'encercle. Toges dansantes qui glissent sur la pierre tout autour de moi et étendent leurs bras pour m'attraper. Je hurle en désespoir de cause, ultime revendication tandis que leurs membres alongés me saisissent, chacun réclamant sa part. Mon cri ne s'éteint pas, même lorsque qu'une boule de lumière blanche explose au dessus de moi, rejetant les ombres dans leurs retranchements. Et dans cette explosion un sourire, un visage à peine entraperçu, comme un rêve dans le rêve tandis que je crie encore et toujours.




Le cri n'était pas mirage. Il retentit dans toute la maisonnée. La toute jeune servante qui pallie le départ impromptu de son aînée toujours en quête d'un médecin malgré les heures qui s'allongent en lâche la bassine qu'elle tenait entre les mains et qui va se fracasser sur le sol de la chambre. Gestes affolés qui ramassent les morceaux avant courir chercher à nouveau de l'eau pour continuer d'éponger la jeune fille déjà trempée de sueur. Le geste malhabile va rafraichir la gorge et les épaules blanches au travers de l'étoffe de lin fin qui fait peau collée par la sueur.

Dans l'entrée une porte claque et une voix mal assurée annonce, chevrotante, qu'aucun médecin n'est en ville pour le moment...

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La fille de sa mère et, vraisemblablement, de son père.
Trystan.
Le temps s'égraine lentement, comme si chaque seconde répugnait à se montrer.
Vaniteux n'a guère de patience, et il boue de colère contenue...
Contre les servantes bonnes à rien, qui s'agitent en vain.
Contre ces médecins imbéciles qui ne se montrent pas.

Au fond de son siège, il contemple la scène qu'offre la maisonnée.
Le regard acéré ne manque rien des allées et venues de ces deux domestiques en panique.
L'une s'en va en quête d'un médecin.
L'autre veille.

Il entend sa nièce délirante,
parfois, lorsqu'il daigne se lever pour s'approcher, il déplore sa pâleur, et la peau déjà blanche qui devient pour ainsi dire translucide.
Il la croirait à l'agonie.
Elle est à l'agonie.

Et la petite servante qui tente tant bien que mal de faire chuter la fièvre...
Alors il s'approche, se penche à son oreille.
Un instant, son souffle s'égare, mais rapidement le murmure est prononcé.


Si elle meurt, tu la rejoindra, mais avant tu serviras d'esclave aux Princes Démons, n'en doute pas. Pucelle, ils te videront de ton sang, il sera bu ou un bain y sera pris, Azazel se fera une joie de te montrer la pire des luxures, avant que je te donne en pâture à Léviathan qui réduira tes os en miettes, et notre bon Asmodée te fera ensuite mijoter pour nous servir un repas encore trop insipide faute de bonnes viandes.

Ses doigts pincent la hanche de la jeune fille. Elle n'a que la peau sur les os, et sera bien vilaine à goûter.
Nul doute que ses Frères s'en moquent.
Trystan finit par la laisser tranquille, et cloitré dans une pièce à côté, il parcourt les lignes d'ouvrages interdits.
Le cri perçant lui fait hausser la tête.
Il est surpris, mais cela ne se voit guère.
C'est avec une lenteur délibérée qu'il se rend au chevet d'Euphrosyne et qu'il s'assure qu'elle reste bien vivante, parcourant sa gorge du bout des doigts.


Change la. C'est indécent.


La seconde servante revient alors, et déplore l'absence de médecins.
Trystan s'emporte alors, et s'approche de la femme non sans frapper un mur du poing

LA PESTE SOIT DE CES INCAPABLES!

La fille est prise à la gorge, et il l'attire à lui sans ménagement aucun.
Ramenée à lui, il lui crache presque sa colère au visage tandis qu'il lui hurle dessus.
Il ne manquerait plus qu'elle trépasse alors qu'elle est sous sa garde!
Cela n'arrivera pas, foi de lui même!
Mais la colère n'est pas ce qui est le plus menaçant, alors il chuchote.
La menace est plus que tangible tandis qu'il resserre sa poigne, enfonçant ses doigts dans la chair tendre qui en gardera probablement la marque.
Qu'elle la soigne.

C'est soudain qu'il relâche la femme qui retombe.
Trystan s'en désintéresse.
Les quelques pas qui le séparent du lit où git la petite curette sont parcourus, et l'homme s'installe à ses côtés.
Il sait ce qu'elle ressent pour lui.
Cela l'encouragera à combattre la fièvre qui l'habite.

D'un doigt caressant, il parcourt le rebondi de la joue.
Il souffle doucement, comme pour apaiser ses rêves.


Chhhhhhhht petite fille.
Ça va passer.
Tu vas te remettre.
Je m'occupe de toi.


N'est-ce pas?
Ô frère Avare...
Si tu ne te pointes pas ici et maintenant....

_________________
--Effie_
Le temps avait passé. La maladie aussi. Nul médecin n'était venu à son secours. La fièvre était retombée et l'adolescente s'était remise peu à peu. Elle avait perdu ses joues enfantines et son regard s'était fait plus profond. Impliquée à sa charge de curé elle s'y était vouée corps et âme, ainsi qu'aux études. Cela lui avait permis d'éviter au maximum de rester trop longtemps en présence de Trystan. Jamais ils n'avaient reparlé de cette soirée. Jamais aucun d'entre eux n'avaient fait mention de ce baiser. Pourtant il hantait les pensées profondes de la jeune fille. Le trouble ressenti encore perceptible par moment quand elle posait son regard sur son oncle, à la dérobée et qu'elle se remémorait la scène...

L'été avait cédé la place à l'automne qui s'était retiré pour un hiver glacial et déjà le printemps s'installait, renouveau de vie.


En rentrant, Effie soutenait Achim, lequel venait de se faire attaquer honteusement au confessionnal.


Retire ta chemise, je vais chercher de l'eau et des lignes propres pour nettoyer ça et après nous verrons quel soin conviendra le mieux.

La maitresse de maison ordonne, un peu fière de pouvoir montrer à son oncle de quoi elle est capable.
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