Aertan
Quelques semaines s'étaient écoulées depuis l'autre fois. Dans un premier temps ils avaient pris soin de leurs blessures, celles ci les rendant incapable de quelconques exploits.
De son côté, c'était son bras qui mis le plus de temps à revenir à la normale. Il ne le ménageait pas, habité par une impatience à vouloir l'utiliser le plus rapidement possible.
Alors que son os n'était pas encore ressoudé, il s'aventurait déjà à le malmener avec de nombreux exercices bricolés par ses soins. Il outrepassait la douleur quotidiennement, mû par l'envie carnassière de revenir sur le devant de la scène et de commencer la traque. Il s'appliquait constamment des cataplasmes à base d'argile, de lavande et d'écorce de saule. Il avait gardé quelques souvenirs d'Yseult, qui avait veillé à son chevet des semaines durant. Souvenirs et connaissances entretenues et réveillées par Kay, digne successeur de sa mère en matière de phytothérapie.
Le soleil se levait à l'est et se couchait à l'ouest. Jour après jour, laissant place à sa soeur, la lune.
Andréa et Aertan se levaient à l'est et couchaient à l'ouest aussi. Boutade (il faut le préciser)
Le temps défilait et, forts de leur expérience commune, ils peaufinaient leur coordination, leur travail d'équipe. Ils s'octroyaient régulièrement des séances d'entraînement qui les obligeaient à utiliser les atouts de l'autre pour franchir un cap. Ils devaient s'adapter, improviser, palier à leurs faiblesses respectives. Pour réussir ils devaient former une entité. Ils l'ont appris par la force des choses, son bras lui rappelant si besoin quelques réminiscences. Bien que conté de la sorte tout paraisse évident, il en était autrement en réalité.
Il arrivait qu'ils soient en désaccord, qu'ils se prennent le bec car bon, il faut pouvoir se coltiner le caractère pétri de fierté de son homologue féminin. Il avait aussi ses torts dans l'histoire, je n'ai pas peur, elle saura les décrire. Certains moments furent difficiles et les avaient poussé à bout mais, en fin de compte, ils revenaient toujours l'un vers l'autre. Attirés indéniablement tel deux aimants magnétisés.
En parallèle, Aertan avait utilisé tous les contacts qu'il avait dans son répertoire de la pègre pour soutirer des informations sur le tatouage. Les réponses étaient constamment les mêmes. "J'ai déjà vu ça quelque part...mais je ne sais pas où".
Au début, chaque retour de pli lui insufflait une vague d'espoir qui, avec le temps, s'estompait.
A ce jour il ouvrait machinalement les lettres, comme par automatisme, devinant à chaque fois leur contenu négatif.
Le soleil se leva à l'est, comme le jour d'avant et comme le jour d'après. Aertan suivit son petit rituel. Braies, botte droite, botte gauche, chemise légère, chapeau, toujours le chapeau. Il remplit son outre d'eau, sortit une boule de pain et décrocha un saucisson, le tout fourré dans une besace.
Il mit le nez dehors. L'air était encore frais et supportable bien que très sec. Il s'éloigna du camp et s'enfonça dans la forêt. L'odeur des pins chauffés par les rayons du soleil embaumaient l'air, les sons se jouaient au rythme d'une mélodie gazouillante, c'était son havre de paix, sa façon de commencer parfaitement une journée.
Devant lui se dressait une cascade d'au moins vingt cinq pieds de haut.
Il laissa sa besace au sol, à l'ombre d'une souche, extirpa l'outre et se désaltéra tout en faisant de l'oeil à la chute d'eau.
Toi ma belle, aujourd'hui, je te monte.
Il avait derrière lui plusieurs tentatives. Toutes ayant menées au même résultat. Le vieux qui se mange un plat du dos monumental. Il retira ses bottes, son chapeau ainsi que sa chemise, puis, il pénétra dans l'eau, progressivement.
Les premiers frissons le secouèrent vivement. Quelques passages tactiques étaient plus délicats que d'autres. Chevilles, nombril, tête. Il transperçait l'eau à une allure constante, sans vaciller, sans hésiter, prenant des grandes inspirations aux passages clés. Il s'immergea complètement et jaillit. S'il avait eu des cheveux il les auraient plaqués en arrière, digne d'une pub Ushuaïa.
Les premières prises étaient sereines, assurées et fluides. Il les connaissait par coeur, et ce jusqu'au point fatidique. A quatre mètre du sol environ, suspendu avec un bras tendu à une proéminence rocheuse, incliné en arrière, son ancien bras blessé balançait, son regard fixait l'inclinaison négative juste au dessus de lui. C'était THE moment.
A chaque essai précédent son bras, manquant encore de force, parvenait à saisir la faille mais n'avait pas la force de le tracter vers le haut. Aujourd'hui est un autre jour, il allait y arriver, il en était persuadé. Sûr de lui, il lança l'assaut. Ses doigts s'immiscèrent dans la faille et ses pieds bondirent vers un balcon large de quelques centimètres. Indéniablement, ses doigts glissèrent sur l'aspérité humide, les prises lui échappèrent, la chute, bras tendus vers l'avant, yeux écarquillés explosa son dos contre la surface de l'eau.
Un fracas assourdissant puis, une tête jaillit de l'eau. Il nagea vers la sortie, le regard noir rempli de défaite, la bouche immergée, le dos brûlant. Il était trop fier pour se tordre de douleur. Il retrouva un endroit où il avait pied et se redressa progressivement. Colérique, il laissa exprimer sa joie, en tapant rageusement ses poings sur la surface de l'eau en beuglant comme un veau.
Vexé, agacé, il sortit de l'eau. Il posa ses fesses sur la souche et fusilla la cascade du regard.
Je t'aurai... tu me fais chier !
Après quelques minutes d'irritation, le calme revint en lui. La raison ? les morceaux de saucisson qu'il s'enfilait. Rien de tel qu'un bon saucisson pour remonter le moral des troupes.
Les rayons du soleils transperçaient la végétation luxuriante et réchauffaient le grain de sa peau tout en séchant ses braies détrempées. Un cri aigu singulier cisailla les mélodies des autres oiseaux. Moet arriva en grande pompe, un morceau de papier enroulé autour de la patte. Aertan le détacha et le décortiqua. La petite lumière complètement submergée par les affres de ses espoirs perdus s'était ravivée. Le regard lumineux, il ordonna à Moet d'aller chercher Déa. Il était éduqué à la force des baies le volatile, et le simple mot "Déa" semblait ouvrir le clapet de son estomac. C'était la lumière de Moet. Les baies de Déa.
Ne sachant combien de temps elle prendrait à le retrouver, en espérant secrètement que Moet soit un bon guide, il cala son chapeau sur son visage et ferma les yeux.
De son côté, c'était son bras qui mis le plus de temps à revenir à la normale. Il ne le ménageait pas, habité par une impatience à vouloir l'utiliser le plus rapidement possible.
Alors que son os n'était pas encore ressoudé, il s'aventurait déjà à le malmener avec de nombreux exercices bricolés par ses soins. Il outrepassait la douleur quotidiennement, mû par l'envie carnassière de revenir sur le devant de la scène et de commencer la traque. Il s'appliquait constamment des cataplasmes à base d'argile, de lavande et d'écorce de saule. Il avait gardé quelques souvenirs d'Yseult, qui avait veillé à son chevet des semaines durant. Souvenirs et connaissances entretenues et réveillées par Kay, digne successeur de sa mère en matière de phytothérapie.
Le soleil se levait à l'est et se couchait à l'ouest. Jour après jour, laissant place à sa soeur, la lune.
Andréa et Aertan se levaient à l'est et couchaient à l'ouest aussi. Boutade (il faut le préciser)
Le temps défilait et, forts de leur expérience commune, ils peaufinaient leur coordination, leur travail d'équipe. Ils s'octroyaient régulièrement des séances d'entraînement qui les obligeaient à utiliser les atouts de l'autre pour franchir un cap. Ils devaient s'adapter, improviser, palier à leurs faiblesses respectives. Pour réussir ils devaient former une entité. Ils l'ont appris par la force des choses, son bras lui rappelant si besoin quelques réminiscences. Bien que conté de la sorte tout paraisse évident, il en était autrement en réalité.
Il arrivait qu'ils soient en désaccord, qu'ils se prennent le bec car bon, il faut pouvoir se coltiner le caractère pétri de fierté de son homologue féminin. Il avait aussi ses torts dans l'histoire, je n'ai pas peur, elle saura les décrire. Certains moments furent difficiles et les avaient poussé à bout mais, en fin de compte, ils revenaient toujours l'un vers l'autre. Attirés indéniablement tel deux aimants magnétisés.
En parallèle, Aertan avait utilisé tous les contacts qu'il avait dans son répertoire de la pègre pour soutirer des informations sur le tatouage. Les réponses étaient constamment les mêmes. "J'ai déjà vu ça quelque part...mais je ne sais pas où".
Au début, chaque retour de pli lui insufflait une vague d'espoir qui, avec le temps, s'estompait.
A ce jour il ouvrait machinalement les lettres, comme par automatisme, devinant à chaque fois leur contenu négatif.
Le soleil se leva à l'est, comme le jour d'avant et comme le jour d'après. Aertan suivit son petit rituel. Braies, botte droite, botte gauche, chemise légère, chapeau, toujours le chapeau. Il remplit son outre d'eau, sortit une boule de pain et décrocha un saucisson, le tout fourré dans une besace.
Il mit le nez dehors. L'air était encore frais et supportable bien que très sec. Il s'éloigna du camp et s'enfonça dans la forêt. L'odeur des pins chauffés par les rayons du soleil embaumaient l'air, les sons se jouaient au rythme d'une mélodie gazouillante, c'était son havre de paix, sa façon de commencer parfaitement une journée.
Devant lui se dressait une cascade d'au moins vingt cinq pieds de haut.
Il laissa sa besace au sol, à l'ombre d'une souche, extirpa l'outre et se désaltéra tout en faisant de l'oeil à la chute d'eau.
Toi ma belle, aujourd'hui, je te monte.
Il avait derrière lui plusieurs tentatives. Toutes ayant menées au même résultat. Le vieux qui se mange un plat du dos monumental. Il retira ses bottes, son chapeau ainsi que sa chemise, puis, il pénétra dans l'eau, progressivement.
Les premiers frissons le secouèrent vivement. Quelques passages tactiques étaient plus délicats que d'autres. Chevilles, nombril, tête. Il transperçait l'eau à une allure constante, sans vaciller, sans hésiter, prenant des grandes inspirations aux passages clés. Il s'immergea complètement et jaillit. S'il avait eu des cheveux il les auraient plaqués en arrière, digne d'une pub Ushuaïa.
Les premières prises étaient sereines, assurées et fluides. Il les connaissait par coeur, et ce jusqu'au point fatidique. A quatre mètre du sol environ, suspendu avec un bras tendu à une proéminence rocheuse, incliné en arrière, son ancien bras blessé balançait, son regard fixait l'inclinaison négative juste au dessus de lui. C'était THE moment.
A chaque essai précédent son bras, manquant encore de force, parvenait à saisir la faille mais n'avait pas la force de le tracter vers le haut. Aujourd'hui est un autre jour, il allait y arriver, il en était persuadé. Sûr de lui, il lança l'assaut. Ses doigts s'immiscèrent dans la faille et ses pieds bondirent vers un balcon large de quelques centimètres. Indéniablement, ses doigts glissèrent sur l'aspérité humide, les prises lui échappèrent, la chute, bras tendus vers l'avant, yeux écarquillés explosa son dos contre la surface de l'eau.
Un fracas assourdissant puis, une tête jaillit de l'eau. Il nagea vers la sortie, le regard noir rempli de défaite, la bouche immergée, le dos brûlant. Il était trop fier pour se tordre de douleur. Il retrouva un endroit où il avait pied et se redressa progressivement. Colérique, il laissa exprimer sa joie, en tapant rageusement ses poings sur la surface de l'eau en beuglant comme un veau.
Vexé, agacé, il sortit de l'eau. Il posa ses fesses sur la souche et fusilla la cascade du regard.
Je t'aurai... tu me fais chier !
Après quelques minutes d'irritation, le calme revint en lui. La raison ? les morceaux de saucisson qu'il s'enfilait. Rien de tel qu'un bon saucisson pour remonter le moral des troupes.
Les rayons du soleils transperçaient la végétation luxuriante et réchauffaient le grain de sa peau tout en séchant ses braies détrempées. Un cri aigu singulier cisailla les mélodies des autres oiseaux. Moet arriva en grande pompe, un morceau de papier enroulé autour de la patte. Aertan le détacha et le décortiqua. La petite lumière complètement submergée par les affres de ses espoirs perdus s'était ravivée. Le regard lumineux, il ordonna à Moet d'aller chercher Déa. Il était éduqué à la force des baies le volatile, et le simple mot "Déa" semblait ouvrir le clapet de son estomac. C'était la lumière de Moet. Les baies de Déa.
Ne sachant combien de temps elle prendrait à le retrouver, en espérant secrètement que Moet soit un bon guide, il cala son chapeau sur son visage et ferma les yeux.