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[RP] La Traque

Andrea_
Je maudissais les jours de chasser la nuit. J’exécrais la lenteur des gens qui m’entouraient. Je condamnais les refus, défonçaient les portes qui se fermaient.
Je haïssais que Moet s’absente de plus en plus longtemps, à croire qu’elle fatiguait. Je réprouvais cette boule qui chaque jour ne faisait que croitre en mon sein. Je vomissais leurs rires et tempêtais mes colères.
Mais plus que tout, je détestais te savoir en danger.

Je m’accrochais aux souvenirs de toi comme une moule à son rocher. Je chérissais tes grands yeux verts et les rires que tu avais su distiller par le passé en refusant la simple idée qu’ils soient passés. Je t’imaginais reprendre des forces, tourner en rond dans une cage bien trop petite pour un homme épris de liberté. J’imaginais les sombres pensées qui traversaient probablement ton esprit, d’une mère trop vite enlevée, d’un père qui lui, avait réussi ce que je m’évertuais, moi, à reproduire à mon échelle, et j’espérais que tu avais suffisamment foi en moi, pour t’accrocher la vie.

Mes pelos n’étaient pas revenu, sans surprise.
Trois jours avaient été nécessaires pour réunir ce dont j’avais besoin, trois jours. Trois de trop, quand mon esprit ne t’avait pas quitté une seconde. Il n’y avait plus alors de place à l’envie, je ne vivais, je ne survivais que pour l’essentiel.
D’un bouiboui qui ne ressemblait pas à grand-chose sinon à un tripot abandonné, au bureau feutré où j’avais déposé assez d’argent pour attiser la convoitise, ma voix prenait de l’ampleur.
Jamais, auparavant, je n’avais remué ciel et terre à ce point, pour quelqu’un. Comme jamais, avant, je n’avais pu porter autant d’attentions à quelqu’un avant toi.

J’avais laissé tant d’Amour sur le bord d’une route, tant de draps froids après mon passage, tant de missives excusant ma fuite. J’avais tant de fois claquer la porte sans me retourner que je prenais la mesure de toute la force qu’il fallait déployer pour y arriver. Mais la place n’était pas aux regrets.
J’avais tapé du poing sur la table lorsqu’ils avaient évoqué les risques inconsidérés. J’avais soudoyé, tempêté, et je l’avoue à demi-mots, supplié pour qu’on me laisse le dernier mot. Qu’on me laisse exprimer ici, ce que tu m’avais refusé en te faisant prisonnier pour sauver notre projet.
J’avais noirci des vélins, fait des plans, expliqué les reliefs, les forêts et les tentes. Tenté d’évaluer le nombre, la force et les armes. J’avais perdu la foi, la force, la parole et même été tentée d’en dire plus, pour qu’ils comprennent l’importance de cette organisation dont le homard avait fait une sorte de secte. Mais c’était NOTRE cause.
Ils m’ont cru désespérée, déraisonnable même folle à lier.

Mais rien, ni personne ne pouvait entraver ce qui nous unissait. Et je ne leur demandais pas de comprendre, seulement d’accepter cet argent et d’exécuter.

La dernière soirée fût probablement la plus longue.
Dehors déjà les chevaux semblaient s’impatienter et j’avais, pour la première fois depuis notre séparation embrassé Morphée sereinement, épuisée de ce combat de plusieurs jours.
L’esprit apaisé m’avait joué des tours, inondant mes songes d’émeraudes pénétrants, se rappelant d’un chapeau posé sur table, d’un grappin qui n’atteignait pas les pierres. Ton rire balayait l’air, quand ton corps trempé ne semblait pas apprécier la fraîcheur de l’eau. Et ta main immergée sur ce rocher. Ces marques sur ton dos. Mes larmes sur ton pouce. Tout semblait s’accélérer. Tourbillonner. Tes yeux sur un coffre. Ta main ensanglantée surgissant d’une falaise. Ta bouche dégoulinant d’un vin versé. Une barrette. Une chaîne. Des éclats de verre. La pluie. Un drap. Toi.
Combien de temps Morphée m’avait bercé ? Assez pour ne pas vouloir y retourner. Trop, pour ne pas vouloir te retrouver.

En silence j’avais posé pieds à terre. Et ce lacet à mes cheveux. Cette chemise en lambeaux que ton parfum avait depuis longtemps quitté. Ce bouclier. Cette épée.
J’évoluais entre les mercenaires avec l’allure de celles qui ont déjà tout vaincu, la démarche assurée et le menton fier de ce que nous allons accomplir, ensemble. Et le silence de ceux qui n’ont pas peur de la mort et qui aiment flirter avec Elle pour parvenir à leur fin.

Et puisque ma fin serait la tienne,
Que bien avant le lever du soleil, à l’aube de ce sixième jour, tu puisses entendre les chevaux battre la terre jusqu’à toi,
Que les torches bientôt illuminent le ciel avant les tentes,
Que le cri d’une quarantaine d’hommes se mêle à tes geôliers,
Avec en tête ton Autre au visage déformé par la rage

Car même si je n’ai pas eu le temps de le te le dire : je reviens te chercher.

Le sang avait coulé, et au sang salissant sur ma lame je n’accordais aucune importance, je progressais vers les cages à la recherche d’un crâne glabre qui m’aurait sourit, de ce sourire qui m’avait fait déclencher cette bataille aux allures de guerre.

Mais tu n’es pas là et l’aube se souviendrait longtemps de cette tête tranchée sèchement, car où que tu sois.
Je te trouverais.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Aertan
Voyage en terre inconnue

Les nids de poules cassèrent brutalement le semblant de piquage de nez narcoleptique du chauve. La fatigue était pesante et sa condition physique s'affaiblissait. Depuis combien de temps n'avait il rien mangé ? depuis combien de temps sa carcasse rebondissait sur ces planches couvertes d'échardes ? depuis combien de temps durait ce voyage de plaisance ? est ce que le cocher prenait intentionnellement les trous pour l'emmerder ? possible.

Pour compagnons, ses trois accompagnateurs. Il tenta vainement de leur soutirer une ébauche de discussion mais se prenait à chaque fois la porte en pleine trogne. "Ferme là". Il en avait ras le bol de garder son clapet fermé lui fervent adorateur des provocations en tout genre, il s'ennuyait sec. Niveau divertissement il ne se gênera pas pour administrer un foudroyant zéro à son ami Tripa Vaillezort.

Les paysages s'enchaînaient et se répétaient. Une forêt luxuriante aux passages chaotique entre les arbres denses et volumineux. Une clairière parsemée de racines bondissantes. Une plaine s'étendant à perte de vue aux courbes sinueuses. Des champs, des pécores qui labourent leur terre. Il était évident qu'ils ne voulaient pas se faire repérer, d'où l'absence quasi totale de civilisation qui se dressait sur leur chemin. Malheureusement aucun indice ne s'offrit à lui quant à leur localisation.
Son regard scrutait les cieux, les nuages s'invitèrent à la partie et il nota l'absence de Moet. Si seulement ce maudit piaf pouvait parler, il aurait déjà avertit Andréa.

Andréa. L'avantage d'une croisière aussi chaotique qu'ennuyante, c'est qu'on a le temps de faire une introspection poussée.

Alors que tout semblait bien huilé, elle débarqua tel un boulet de canon dans sa vie. Elle dévasta toutes ses certitudes sur son passage, remettant en question tout ce qu'il s'était donné du mal à bâtir. Il suffit d'une demi-journée pour qu'elle lui explose à la face.

Il se remémora alors le temps qu'ils avaient passé ensemble, les nombreuses aventures qui leur était déjà arrivé. Il semblait la connaître depuis la nuit des temps et pourtant leur histoire ne faisait que commencer.

Il ferma les yeux, sourire au coin des lèvres. Se mettre à nu, il avait été bien plus aisé pour lui de le faire au sens propre qu'au figuré. Ils étaient tous les deux recouvert d'une épaisse carapace protectrice. Carapace qui, avec le temps s'effritait. C'était effrayant pour lui de laisser quelqu'un se glisser dans ses failles, une expérience inédite où l'inquiétude avait laissé place à la quiétude. Le risque est grand lorsque vous laissez un autre avoir vos faiblesses dans le creux de sa main mais c'est un risque qu'il embrassa allègrement. Ce souvenir était enraciné en lui. Cette première fois où il l'avait invité à s'engouffrer dans les anfractuosités de son âme changea sa relation avec Elle.

A la nuit tombée, son garde du corps lui banda les yeux. Il ne manquait plus que ça. Encore handicapé par les séquelles de sa lutte, il déambula difficilement. Poings liés et privé de sa vue, il focalisa ses sens restant autour de son ouï mais il n'y eut pas un échange de mots. Il vint à se demander si les deux autres types n'étaient pas muet, ça expliquerait plein de choses !

Les baisers du vent laissèrent place aux embrassades chaleureuses. Ils venaient d'entrer quelque part, l'ambiance tiède sentait le renfermé, le moisi, la rance; elle était humide au nez. Le plancher grinçait sous chacun de ses pas. L'adrénaline fit son retour triomphal, qu'allait il lui arriver ?

Il fut jeté sur une paillasse et la porte refermée derrière lui. Il remercia les cieux d'avoir les mains liées devant lui et non dans le dos. Il tira sur son bandeau. Entre quatre murs. La pierre froide dégageait une aura désagréable, le sensation d'emprisonnement l'était bien plus.

Cette nuit là les cauchemars hantaient ses pensées. Une femme à la peau d'ébène. Une main tendu. Des bras. La main s'éloigne. Un claquement de fouet. Un cri. Morphée ne lui offrit pas la douceur de ses bras.
Les heures furent tumultueuses et son inconfort permanent érodait sa résistance mentale. Il ne pouvait céder, quelque part une femme devait remuer ciel et terre pour le retrouver, il ne pouvait l'abandonner, abandonner leur rêve. Elle était son filin de survie, il s'accrocha aux doux souvenirs de leurs étreintes brûlantes et ferma les yeux.

Un bruit métallique. Une clé. Avec l'impression d'avoir dormi dix secondes, complètement dans le coaltar, il réajusta approximativement le bandeau sur ses yeux.
La porte grinça et une main osseuse lui attrapa le bras. Ses pieds nus quittèrent le glacial pour effleurer à nouveau le bois. Il se prit le genou dans le rebord et pesta furieusement. Le châssis grinça. Le sol rebondit comme sur une vague. Retour à la charrette. On lui ôta sa cécité. Le soleil n'était pas encore levé. Une outre d'eau et un morceau de pain rassis, le bonheur.

La journée s'écoula comme la précédente. Il commençait presque à s'habituer aux trois types, la routine s'installait doucement. Il eut moins de mal à la garder bouclée, plus calme, il observait. Ses blessures s'étaient atténuées. Son abdomen était moins douloureux, son visage moins marqué.
Quelque chose qu'il n'avait pas vu la veille l'interpella, le type qui causait, à de rares occasions, lui ressemblait étrangement. Plus de poil sur le caillou, un bouc, la même carrure. Son sourire diabolique fit son grand retour.

Nuit tombée. Bandeau. Nouveau dortoir, rebelote on prend les même et on recommence.


Petit déjeuner royal avalé. En route pour de nouvelles aventures. Moet planait au dessus du convoi. Il n'était pas présent hier. Les trois larrons se disputaient vigoureusement sur un sujet fatidique. Les différence entre la culture de moules d'huîtres. Aertan comprit alors que les deux autres n'étaient pas muets mais qu'ils ne pouvaient tout simplement pas se piffer. Encore un sourire machiavélique. A base d'invectives bien placées, jamais trop importantes pour attirer leur mécontentement, il mit de l'huile sur le feu.
Les heures suivantes, les lanières de cuir qui entravaient ses poignets furent esquintées par un mouvement de va et vient sur un clou qui dépassait.


Nuit tombée. Bandeau. Nouveau dortoir.

Aertan garda l'oeil bien ouvert, il avait glissé son bandeau et attendait assis contre le mur dans sa cellule. Au dessus on pouvait entendre des bruits étouffés. Les voix s'élevaient et les mots devenaient approximatifs. Leur aversion tournait au vinaigre et l'alcool ne devait rien arranger. Il patienta, sagement. Des bruits de verre qui se brise, un fracas lourd. Aertan s'époumona à gueuler comme un putois.

Il fut très très heureux d'entendre la clé se louper plusieurs fois sur la serrure avant d'en trouver le trou. En face de lui son clone quasi parfait. Sauf le nez, ils n'avaient pas le même nez.
Celui ci tenait à peine debout, les yeux vitreux et gorgés de sang, l'haleine chargée, le regard vide. Aert bondit sur lui et l'étrangla à l'aide de ses liens. Liens qui cédèrent rapidement grâce à l'usure qu'il avait travaillé sur eux.

Tout s'accéléra, il se changea, prit les vêtements de la victime et l'habilla des siens. Il lui mit le bandeau sur les yeux et noua de nouveaux liens autour de ses poignets. Il dégaina l'épée qui désormais était à sa ceinture et, avec la poignée, il explosa le visage de son sosie en s'acharnant particulièrement sur le nez. D'un mouvement de recul il observa son chef d'oeuvre. Parfait.

Il laissa la porte de la cellule ouverte et grimpa les escaliers. Arrivé dans la salle du haut, il emprunta une démarche chancelante, et posa sa main lourdement sur l'épaule d'un des deux types endormi, la tête sur la table.


'Tain...le...le type...quelqu'un l'a défoncé...avan... rôt simulé...avant nous, il est crevé dans sa cellule...j'vais prévenir le homard, bougez...pô d'ici tu m'entends ! bougez...pô. Index pointé en guise de menace l'autre était évidemment trop saoul pour le reconnaître.

Il sortit de l'auberge et se trouva au beau milieu de nulle part. Que faire ? fuir ? non. C'était le moment ou jamais de récolter des informations. Il attendra jusqu'au petit matin, guettant l'établissement. Il devait prévenir Déa mais Moet n'était pas dans les parages. Maudit oiseau, jamais là quand on a besoin de lui.
Andrea_
Il suffit parfois d’un petit rien pour que la folie remplace la raison. C’est un jeu qui tourne mal, quelques mots murmurés sans savoir qu’à peine expirés ils déclencheront l’irraison. Il n’y a rien de rationnel, aucune explication sensée à cette bouteille qui s’explose au sol, à cette chaise qui cogne contre un mur.
C’est le but de la folie. Remplacer la cohérence par quelque chose de plus fort, qui vivait déjà reclus à l’intérieur avant d’exploser. C’est laisser aux lèvres l’improvisation des mots qui sortiront sans rien pour en retenir la violence. Laisser au corps le droit d’agir, sans en mesurer les conséquences.
Plus tard, plus tard seulement, le corps et l’esprit fourbus se calmeront. D’une main posée sur une nuque, d’un front écrasé contre un torse.

Mais nous ne sommes pas plus tard.
Aux déchainements de cris et au milieu des flammes, bientôt s’imposerait le silence. Et si déjà certains salue la réussite en ramassant sur les corps inertes quelques bourses, que d’autres s’amusent à les dépouiller de leurs armes, j’évoluais entre ceux qui semblaient vivre encore.

L’acier n’était plus que déraison et personne ne semblait pouvoir arrêter ce corps féminin qui achevait sans vergogne ceux qui n’avaient pas encore ployés. Ceux qui tentaient se contentaient d’un regard noir pour aller voir plus loin.
Les corps s’amoncelaient et je prenais soin de fouiller chaque recoin, de soulever chaque bandeau, chaque chapeau, pour m’assure qu’Aertan n’avait pas eu la bonne idée de se fondre au milieu d’eux.
Il n’y avait plus rien d’humain, à la démarche jadis assuré de la Colombe. Les mains parfois essuyaient sur ses joues des larmes qui ne cessaient de la ralentir dans ses observations. Inlassablement elle répétait « je reviendrais te chercher » en prenant conscience que plus les heures passaient, plus il serait difficile d’y parvenir.

Bientôt l’odeur du sang remplacerait les rires des mercenaires, qui, désormais payés, rentraient dans leurs pénates.
Et moi, moi, je resterais seule à chercher un putain d’indice sur ta disparition.

Et toi, toi, tu restais introuvable.

Je repassais les images de notre dernière journée et reprenait, un à un, chacun de nos gestes. J’analysais chaque mouvement, chaque regard. Je marchais sur nos pas, pour trouver LE détail à côté duquel nous étions passé.
Toi sur ce rocher. Moi dans cette tente. Ces marches que tu avais du descendre, l’entrée de cette grotte. Les torches, vacillantes, cet endroit où tu m’avais pris pour un des leurs. Cette caverne où il me semblait apercevoir le fantôme de ce que nous étions. J’ai méticuleusement lu chaque papier qui trainait sur cette table. Ramassé chaque pli que les combats avaient fait glissé. J’ai tenté de lire entre les lignes, jusqu’à imaginer que cette liste de plantes était un indice. Jamais Aertan, jamais, je n’ai pensé abandonner, incapable que j’étais d’imaginer que notre amitié s’arrêterait de cette manière.

J’ai relevé une chaise, l’ai approché de cette table dont j’avais envoyé le contenu au sol d’un revers de mains. J’avais trouvé un reste de cet alcool que tu adores, et à côté d’un parchemin vierge j’ai posé plume et encrier.
Attablée, j’ai attendu, yeux clos, que quelque chose de divin peut être, me tombe dessus. Puis-je avouer que je t’ai imaginé poser ta main sur mon épaule avant de soupirer à mon oreille un « surprise » ? Où s’arrête la folie, Aertan, quand l’espoir ne tient plus à rien ?
Ce parchemin, aurait du être noircis d’idées, de plan, de tout ce que j’aurais dû collecter pour retrouver ta trace. Mais il restait inéluctablement vierge. Et cette démence naissait maintenant un bruit que j’intimais au surnaturel. Vois, vers quoi se tourne l’esprit quand les certitudes s’ébranlent.

Pourtant rapidement, ce bruit prenait vie. Et il ne m’avait pas fallu longtemps pour trouver, coincé dans la faille, un goret bien plus gras qu’il ne l’aurait fallu, pour espérer sortir de l’autre côté.
Le pouce déjà faisait tourner l’anneau de nos monstruosités, et je ne retenais pas le sourire persifleur qui pointait à mes lèvres. Le corps retrouva sa superbe, et le déhanché lancinant se rapprocha de la faille. Et une main fût posé sur ma hanche, l’autre se saisit de la torche posée là pour apprécier le regard inquiet d’un homme au tarin bien trop imposant pour qu’il ne se soit pas pris un bourre tarbouif.


Bonjour bonjour…
Règle numéro 1 : toujours être polie. Ça ne met pas forcément l’autre en confiance mais ça offre une certaine prestance qui met tout de suite l’autre au pas. Surtout quand il est coincé. L’image d’une souris pris au piège avait déchainé mes frasques. D’une lame sectionnant son tendon d’Achille –Aertan l’avait déjà fait, et j’avais kiffé le shlack lorsqu’il s’était rompu-, à la flamme tremblotante qui bientôt lécha sa cuisse et son bras.
Il ne savait pas. Et son pouce rejoint le sol.
Il était désolé. Et son sourire s’élargissait à mesure que ma lame tirait sa joue. Peut être vers le nord, et la pointe de l’acier fissura un soléaire. Pour rejoindre les galères, mais pitié arrêtez.
Et j’avais arrêté. En enfonçant ma lame à sa gorge jusqu’à ce que, comme tout bon goret qui se respecte, il ne se noie dans son propre sang. J’eu une petite pensée émue pour ce simple geste –un petit pas pour l’homme un grand pas pour l’humanité- qui nourrirait sans conteste une famille de rats pendant quelques semaines. C’est une sorte de générosité au fond. Très au fond oui, mais quand même !
Une baie fût posée sur la table, et bientôt, le vélin fût noirci, enroulé soigneusement autour de la baie, puis autour de la patte de Moet, avant qu’elle ne prenne son envol sous le regard accompli de la Colombe.




Je passerai ma vie à te chercher s’il le fallait.
Ecrase cette baie cette baie au cou de Moet, pour m’assurer que tu vas bien.
Reviens moi Aertan.


J’avais la frénésie de celles qui n’ont plus rien à perdre. Plus rien, en cet instant, n’avait d’importance sinon le retrouver. J’avais chevauché, jours et nuits, sans ménager ma monture sinon de rares minutes pour des besoins vitaux. J’avais failli tomber des dizaines de fois, fatiguée, complètement usée par un sommeil qui ne voulait pas de moi, quand j’osais poser pieds à terre.
J’avais l’intuition de toucher au but. Chaque pause dans des tavernes me confortaient dans cette idée, quand les bouches avinées parlaient trop fort, sans se douter qu’une « petite dame qui voyage seul c’pas très prudent » pouvait tendre l’oreille et se repaitre de ce qu’elle entendait.

Voir cette charrette, ce soir là, avait soufflé mon cœur, et sans réfléchir j’avais fait le tour du bouge. A nouveau, j’avais scruté chaque détail. Chaque barreau, chaque ouverture.

Et c’est là, que je l’avais vu.
Yeux bandés, gueule défoncée.
Pantin désarticulé.
Et ces jambes qui ne me tiennent plus.
Et ce cœur qui semble vouloir bondir hors de cette poitrine qui se soulève, bien trop vite, bien trop fort.
Et ses lèvres qui tremblent, incertaines de savoir quoi expirer sinon la fin.

Vois Aertan, comme l’illusion est parfaite.
Et comme la fin est cruelle quand l’espoir s’envole.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Aertan
Il attendit, planqué derrière son buisson jusqu'au petit matin. Ses yeux étaient lourds de fatigue, sa dernière nuit réparatrice semblait désormais bien éloignée. Il avait veillé et tenu son tour de garde avec difficulté, porté par l'énergie de la liberté nouvelle. Il aurait certainement du s'enfuir, loin, "pars et ne revient jamais" comme qui dirait mais il voulait en finir avec de maudit crustacé. Il s'était interdit de revivre une situation désastreuse, il s'était interdit de lui faire revivre ce genre de déconvenue par sa faute.

Le ciel était nuageux. La lumière du jour baigna l'établissement où il avait été retenu prisonnier. De l'extérieur, l'auberge semblait tout à fait banal. Une réflexion lui chatouilla l'esprit. Ils s'étaient arrêtés dans plusieurs auberges, celles ci devaient toutes avoir une entente avec le homard pour le laisser faire ses affaires chez eux clandestinement. Soit un pot de vin, soit des menaces. Allez savoir pourquoi, il opta pour la seconde option.

De son coté il n'avait pas connaissance de l'indice inscrit sur le morceau de bois qu'elle avait arraché. Il se doutait que c'était quelque chose de primordial vu l'ardeur qu'elle y avait mis mais sans avoir plus de précision que cela. Il hésita longtemps quant à la démarche à suivre pour jouer au détective.

Les deux gardes endormis, saouls, allaient bientôt sortir du coaltar et le cocher qui devait passer sa nuit dans une chambre à l'étage allait certainement émerger. Les clients allaient se rameuter. Toute sa supercherie ne tenait qu'à un fil sur lequel il jouait à l'équilibriste.
Comment glaner des indices supplémentaires ? il ne pouvait rentrer dans le lard, sa condition physique avait pris un sacré coup et il tenait à peine sur les pieds, il devait se passer quelque chose, il lui fallait un coup de pouce du destin, une information de l'extérieur. Il eut un mal fou à rassembler un semblant de lucidité, bien accablé par son épuisement général mais une chose le retenait encore et toujours à la réalité, à la vie...Andréa.

Un froissement d'aile, Moet. L'homme au bouc nota qu'il avait pris bien moins de temps à revenir de son voyage cette fois ci.
Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il vit un morceau enroulé à sa patte. Il le défit frénétiquement, maladroitement, comme si un mort de faim voyait un bon gigot. Son ventre grogna, il mourrait de faim.
L'émotion le submergea, sa gorge se noua. Il avait toujours cru en elle mais le temps qui passait avait érodé son mental. Exténué et à fleur de peau, il faillit craquer en lisant ses mots. Il serra fortement le morceau dans sa main et se mordit le poignet en déglutissant bruyamment.

Il devait lui indiquer qu'il allait bien, il trouva rapidement dans le buisson devant lui des baies rouges. Cependant, écraser une baie sur le cou de Moet était une mission clairement impossible. Mais quelle idée avait elle eu ! Aertan s'énerva, chopa le cou de la bestiole qui gesticulait et donnait des coups de bec à tout va pour avaler les symboles.


Maudit piaf, j'vais te faire griller, arrête de bouger putain ! fais gaffe je serais capable de bouffer une vache alors c'est pas un foutu emplumé de malheur qui va me résister, tu vas passer sur le grill arrête de BOUGER !

Les nerfs à vif, furieux de ne pouvoir donner un signe rassurant à sa complice qui avait du remuer le royaume entier, sa colère éclata. Les oiseaux, paisiblement installés, curieux à observer la scène burlesque, prirent leur envol. Le vent se leva. Des sabots. Il s'abaissa, Moet s'envola en piaillant, furax.

Une nouvelle charrette arriva devant l'auberge. A bord 4 jeunes femmes. Trois d'entre elles devaient être des jouvencelles, leur peau luisait d'un éclat d'ivoire et, malgré leur différence d'iris, on lisait la même peur dans leur regard. Un type armé les invectiva. Un cri strident d'effroi s'éleva des bouches pulpeuse des demoiselles.
La quatrième l'intrigua. Elle semblait plus âgée, la trentaine tout au plus, cheveux de jais, les joues rosées, des courbes affriolantes, un regard d'ébène mais surtout, une rage inviolée dans son regard. Il y avait comme un air de déjà vu...l'esprit esquinté, il força sa mémoire à lancer les turbines.
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Lys !




Analepse

C'était il y a 15 ans. Aertan avait quitté le foyer qui l'avait recueilli depuis quelques années. Sur les routes, quelques contacts se nouèrent, des relations grandissaient. Bien aidé par son ami Jésaël, il tirait les ficelles d'un réseau de contrebande.
C'était une routine qui lui allait bien, il ne se salissait plus les mains et tirait des profits ronflants qui lui permettaient de vivre dans l'abondance.
Lors d'un rendez vous contractuel, il se rendit dans un bordel malfamé. Il ne supporta pas le traitement infligé aux filles, lui ouvrant une cicatrice de sa propre enfance. Les malheureuses étaient maltraitées, battues, droguées, abusées.A l'instar de son père, Aertan la mit à l'envers au maquereau en libérant les filles du bordel parisien qu'il avait mis à feu et à sang.


Il fut étonné de la revoir, à nouveau entre de mauvaises mains. Décidément cette fille jouait de malchance ou cherchait les ennuis. Elle avait un air d'écorchée vive rebelle, il n'avait plus jamais eu de nouvelle d'elle et se demandait ce qu'elle était devenue.
Il profita d'un moment d'inattention pour se faufiler jusqu'à la chambre qui était assignée à celle qui avait éveillé sa curiosité, il avait espoir qu'elle puisse lui offrir une piste pour la suite.
Il ferma la porte derrière lui. Elle regarda le sol, les muscles de sa mâchoire étaient crispés, elle fit tomber le voile transparent qui cachait à peine son corps dans un mouvement tributaire. Il s'approcha, le ramassa et lui tendit, son regard croisa le sien. Elle lui sauta dans les bras.


- Je n'ai pas beaucoup de temps Lys, dis moi, celui qui te détient, c'est le même qu'à l'époque ?
- Aert, tu l'as foutu dans une rage folle après notre libération, il s'est juré de te faire payer jusqu'à la fin de tes jours


Il marqua un temps d'arrêt, les pièces du puzzle s'emboîtaient, le maquereau = le homard. Tout devint plus fluide, il comprit désormais pourquoi le homard lui en voulait tant.

-Et Narcissia ? il ne lui est rien arrivé ? il l'a retrouvé ?
-Je n'ai pas de nouvelles...


Une ombre au tableau. Son sang se glaça dans ses veines, son aversion tourbillonnait dans son abdomen Il n'avait plus de nouvelles d'elle depuis plusieurs mois désormais et il craignait fortement qu'il lui était arrivé malheur par le biais du homard. Narcissia faisait partie d'une des filles qu'ils avaient libéré.
Blonde au caractère explosif, instable et dangereuse, elle était devenu une informatrice inestimable pour lui, en dehors du fait qu'il l'appréciait énormément. Sa loyauté n'était plus à prouver. Il imagina le pire.
Les marches de l'escalier grincèrent. Il se cacha derrière la porte en lui murmurant "bientôt, tu seras débarrassée de lui". Un client entra, Lys se jeta à ses lèvres en l'attirant à lui, Aert profita de la diversion pour s'éclipser.


En repassant dans la salle commune, il chercha furtivement du regard ses deux bourreaux attitrés qui devaient décuver. Il ne les vit pas. Quelque chose avait changé depuis l'arrivée de l'homme au fouet. Celui qui avait apporté les filles devait être un homme de main du homard. Suspicion confirmée lorsqu'il aperçut le tatouage à la nuque du type en train de causer au tenancier.
Son jeu s'était étoffé, il possédait désormais quelques atouts qui changeaient la donne.
Il sortit de l'auberge.

Il était temps de retrouver sa moitié onirique. Son souvenir pansait son coeur meurtris, il se rendit compte qu'en son absence, tout paraissait dénué de sens, que tout paraissait morne, terne et sans couleur. Il se posa des questions sur ce qu'ils étaient l'un pour l'autre mais abandonna rapidement l'idée, ne pouvant trouver de mot assez exact pour qualifier leur relation si particulière.
La charrette était postée devant l'auberge. La nuit était tombée. Il avait profité de l'après midi pour racketter un pauvre pêcheur, profitant de vêtements propres après une baignade revigorante dans le lac. Il retourna vers l'auberge en cueillant quelques baies sur le chemin du retour.

Une ombre se faufila le long des murs. Les sens en alerte, il prit la silhouette en filature. Un forme accroupit aux barreaux qui hier encore lui donnaient un morceau de ciel, un morceau de liberté.

Foudroyé, tétanisé, une averse de sensations s'abattit sur lui. Tout lui semblait irréel, elle qui était le dernière rayon de lumière alors qu'il se noyait, elle qui lui avait tenu la tête hors de l'eau par sa simple pensée, elle qui désormais se matérialisait devant lui. Un orage de sentiment le paralysa, aucun mot n'eut la force de braver la barrière de ses lèvres closes. La joie de la retrouver, elle qui lui était désormais vital, fut l'effet d'un cyclone dévastateur qui souffla sa résistante carapace. Une perle naquit dans le creux de sa paupière. La main tremblante, il attrapa entre ses doigts une baie, qu'il vint écraser délicatement sur le cou de l'être qui lui était si cher.
Andrea_
Il n’y a rien de raisonné à la douleur. C’est le cœur qui s’arrête quand le temps se suspend. C’est un silence, profond, alors que tout autour, le monde continue de tourner. C’est un corps, qui telle une masse tombe violemment sur ses genoux, et cette main qui emprisonne un barreau. LE barreau, celui sur lequel on pense trouver la force pour ne pas sombrer, pas encore.
Je n’avais eu aucun doute sur l’identité de l’homme qui gisait là, paupières closes. J’avais reconnu le saillant de ses pommettes et son inimitable bouc. Le glabre de son crâne. Nul besoin que le soleil soit au zénith, car même dans la pénombre de sa cellule, je dessinais l’ovale de son visage, et dû fermer les paupières tant le souvenir de son regard voilait la vue.
Je n’avais plus aucune pensée rationnelle, l’âme vide, l’esprit tétanisé par le spectacle dont je n’étais que spectatrice. Spectatrice désarçonnée qui n’avait même plus la force d’hurler que ce n’était pas comme ça, que ça devait finir.
Tu sais, toi, comme il est violent de perdre son univers. Tu le sais, toi qui l’as déjà vécu une fois. Il n’y alors plus rien de logique à ce qui traverse nos pensées. Et c’est là tout le travail du deuil dont je ne vis que les prémices. Le choc, complètement hébétée de voir que celui que je cherche depuis des jours, que j’imaginais il y a encore quelques minutes comme un homme vaillant, vif, est en réalité ce corps désarticulé qui repose au fond de cette geôle.

Plus tard, bien plus tard, peut être, viendrait la colère. Plus tard viendraient les tourments, les regrets. Plus tard viendraient la tristesse, la haine, et probablement la vengeance. Sûrement alors rêverais-je de tuer ce Homard qui avait osé t’arracher à moi.
Mais qui suis-je pour prévoir l’avenir quand je suis incapable en cet instant de trouver l’air nécessaire à ma survie ?

La main finalement avait lâché sa prise et les épaules s’étaient affaissées. Et alors qu’en son dos quelqu’un semblait avancer, elle n’avait pas bougé. Pourquoi l’aurait-elle fait ? Rien n’aurait pu faire vivre à nouveau ce corps qu’elle ne quittait pas des yeux. A quoi bon alors, se relever ? Pour se battre, encore ? Pour perdre, encore ? Nicolas avait Tyrell. Alexandre, Beren. Que lui restait-il, qui soit vraiment à Elle aujourd’hui ?

Le corps semblait s’approcher lentement, et je rêvais désormais de le regarder en face pour lui dire que j’étais prête. Que quelque soit le sort qu’il me réservait, je l’acceptais. Il en faut de la détermination pour regarder la mort en face, mais même elle semblait m’avoir quitté maintenant que tu n’étais plus. Et même cette larme coulant sur ma joue n’avait pas l’air déterminée à tomber, préférant coller à mes lèvres et y apporter un peu de douceur.
Je n’avais pas cillé, lorsque le tissu froissait pour m’annoncer la fin.

Et je ne savais pas, alors, qu’elle m’annonçait le début.
La main ne semblait pas sûre, et amenait avec elle un souffle de légèreté. Je ne suis pas croyante, Aertan. Je ne suis pas de celles qui se tournent vers la religion quand tout va mal et si par le passé, j’avais tenté de le faire une fois, je n’y avais récolté qu’une haine profonde contre ceux qui m’avaient alors accueilli. Avec le temps mon aversion s’était muée en une indifférence totale. Et pourtant, alors qu’une bulle s’éclate mon cou, je me suis demandée si tu étais revenu.
Et ma main s’était glissée contre celle que j’imaginais tienne.
Et mon esprit en détresse semblait y retrouver le velouté de ta peau.
Et mes yeux de t’imaginer. Et mon souffle de reprendre. Et mon cœur de repartir, de plus belle, quand mes doigts se liaient aux tiens.

C’était ma bulle, mon petit moment d’innocence et rien, le temps de ce geste anodin, ne pouvait venir troubler la quiétude que je ressentais. Comme la vie est lente, et comme l’espérance est violente.*

Peut être aussi violente que ces poings qui viennent s’abattre, plusieurs fois, sur ton torse une fois mon corps face au tien te forçant à reculer. Aussi violent que ces « pourquoi », que je murmure sans cesse jusqu’à en devenir inaudible. Aussi violent que mes mains se posant sur tes joues.
Aussi violent que ce baiser impétueux que je t’impose.

Combien de temps avant que nous nous mettions à couvert ? Assez, pour apaiser mon cœur, pas assez pour répondre à mes questions, et je l’espérais aussi, pas assez pour que quelqu’un nous ait vu.
La traque reprenait, et à l’abris d’un fourré, déjà, nous fomentions la suite.




* Le pont Mirabeau, Guillaume Apollinaire.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Aertan


Ses poings s'abattirent sur son buste alors que ses bras masculins venaient l'entourer, étreinte chargée d'émotion qui se transforma un en baiser qui lui insuffla à nouveau la chaleur dont il avait tant besoin et dont elle seule était la source. Son coeur battait de manière désordonnée, ses palpitations l'empêchaient de réfléchir concrètement, son esprit voguait sur un fleuve irrationnel.

Vous avez certainement déjà du vous perdre étant petit. Vous avez sûrement ressenti cette peur panique qui aspirait toute votre lucidité et qui se transformait ensuite en une sorte de désespoir glacial, vous avez alors certainement ressenti cette joie intense lorsque vous aviez retrouvé votre parent, ami, votre boussole. Il y a, entre ces deux émotions, une passerelle très étroite où une symbiose se forme. Ce laps de temps très court où le noir et le blanc se mêlent pour former du gris, Aertan s'y trouvait actuellement. On y perd la notion du temps et de l'espace, se crée alors un moment fort où le négatif se transforme en positif.
Leurs regards se retrouvaient tels deux aimants qui déploraient le magnétisme absent de ces derniers jours.
Dans leur pudeur sentimentale seul le silence existait derrière ce buisson.

Ils devaient s'éloigner de la source du mal, reprendre des forces, mettre les choses à plat, ils avaient tellement de chose à se dire. C'est pourquoi ils se dirigèrent vers le cheval d'Andréa, au pas de course, qu'ils y grimpèrent tous les deux et que la crinière du destrier siffla dans la nuit.

Son esprit se libéra pendant la cavalcade, appuyant un sourire indélébile. Ses bras épousaient sa taille, il tenait les rênes fermement. Son torse était collé contre son dos et son souffle mourrait contre sa nuque. Il se sentait fragile, un état qu'il répugnait jusqu'alors mais, ainsi blottit contre elle, il n'avait plus peur de dévoiler cette fragilité bien qu'aucun mot ne la traduisait.
Escapade mentale, il revit ses derniers jours sans elle.




There goes my heart beating
'Cause you are the reason
I'm losing my sleep
Please come back now

There goes my hand shaking
And you are the reason
My heart keeps bleeding
I need you now*


Et elle était revenu, pour lui, le duo s'était reformé malgré les difficultés qui s'étaient dressées devant eux. Ensemble ils pouvaient gravir toutes les montagnes et traverser tous les océans. (quand elle aura appris à nager)
Cette expérience scella sa confiance en elle, lui qui eut tant de mal à l'octroyer. Il était certain désormais que quoiqu'il advienne, quelques soient les décisions prises, ils pourraient compter l'un sur l'autre tout en allant de l'avant. Les mots sont une chose, les preuves en sont une autre. Elle lui démontra par ses actes que cette preuve était magnifique.

Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir.
Jean Jaurès

Mélanger les cartes, dévoiler son jeu.

Après de longues minutes à chevaucher, de longues minutes à se repaître de son contact, ils pénétrèrent dans un hameau. Quelques chaumières se dressaient ça et là, bien souvent accompagnées de champs de culture ou d'élevage. Des cris s'élevaient d'une des maisons, un couple semblait se prendre le bec pour une raison obscure. Plus loin, un chien aboyait. Une forge fumait encore, témoignant de l'activité récente de son propriétaire, des effluves de cuisson émanaient d'une bâtisse, il dirigea l'équidé vers cette source qui lui mit l'eau à la bouche.

L'établissement semblait encore éclairé. Le cheval attaché à un poteau, ils entrèrent.
Une tablée tourna la tête à leur arrivée. Ils ne devaient pas être habitués à voir arriver des voyageur à cette heure de la nuit. Ils puaient l'alcool et la transpiration et semblaient discuter entre eux dans un patois qui lui était inconnu.
Aertan s'avança vers le comptoir. Il héla le tavernier qui paraissait obsédé par une tâche récalcitrante dans un verre. Sans s'arrêter d'asticoter, il leva les yeux vers lui :

-Qu'est ce qu'j'puis pou'l vous ?
-Une chambre, et deux repas bien chauds.
- Michelle ! rallume tes fou'ln'eaux, on a des clients
!

Derrière en cuisine, une voix railleuse fit clairement comprendre qu'elle n'était pas enjouée. Ah la mère Michelle.

Le glabre s'installa à une table. Tout de suite derrière lui, deux chopes suivirent. Il leva le regard vers sa voisine, toujours avec ce sourire chaleureux depuis qu'il l'avait retrouvé :


-Je te préviens, dans ma condition, j'vais pas tenir l'alcool, faudra me tirer au pieux.

Et il descendit la moitié du contenant. Le liquide frais, amer et bulleux lui procura une sensation de bien être sans égal. Privez un homme de quelque chose plusieurs jours et il l'appréciera dix fois plus en retour. Dicton du jour.

- Je suis tellement heureux de te voir Déa, tu ne peux même pas t'imaginer...je pensais à toi nuit et jour...

Il parlait avec le coeur. Peut être sera t'elle surprise, ils n'étaient pas habitués à se dévoiler textuellement mais son retour tonitruant dans sa vie l'avait changé. Privez un homme de...je ne vous la refait pas. Il se pencha sur la table, jeta un oeil aux alentours et lui murmura :

- Le homard est en fait un ancien type que j'ai floué. Il exploite des filles en les forçant à se prostituer. A l'époque, avec un ami, on avait mis le feu à son établissement en libérant les filles...je te laisse imaginer la haine qu'il éprouve à mon égard...j'ai retrouvé l'une de ces filles tout à l'heure, à l'autre auberge, c'est elle qui m'a tout dit.

Il recula son visage, et les bols furent posés sur la table. Les yeux d'Aertan se remplirent d'une lueur vorace. Imaginez désormais une biche, lapant soyeusement les ondines d'un point d'eau et maintenant imaginez vous le contraire. C'était Aert. Il n'avait plus avalé de repas chaud depuis...depuis...ouais.
Il se jeta littéralement sur la cuillère, et les enfourna à une vitesse phénoménale dans sa bouche. Il se brûla plusieurs fois, donnant lieu à des scènes comiques de gesticulation mandibulaire mais sa ferveur ne fut freinée. Il essuya ses lèvres humides d'un revers de manche en relevant les yeux vers Déa avec un regard presque gêné.
Il porta le bol à ses lèvres pour s'assurer qu'il n'en resterait plus une miette et le claqua sur la table. Il croqua dans le pain puis dans le jambon jusqu'à faire péter la capacité de ses joues. En mode hamster, il leva son majeur vers les pécors qui le regardait avec insistance. Il avait avalé le tout en un temps record, il finit par s'arroser le gosier par le restant de bière avant de recommander une nouvelle tournée.


Voilà mon coeur qui bat,
Car tu es la raison pour laquelle
Je perds le sommeil
S'il te plait reviens

Voilà mes mains qui tremblent,
Car tu es la raison pour laquelle
Mon coeur continue de saigner
J'ai besoin de toi maintenant *
Andrea_
Say it's true, there's nothing like me and you
I'm not alone, tell me you feel it too
And I would run away
I would run away with you*



Il ne s’était rien passé derrière ce buisson. Rien que quelqu’un puisse comprendre vraiment, s’il ne l’a jamais vécu. Peut être avait elle simplement caressé sa joue pour s’assurer que la vie ne lui jouait pas un mauvais tour, que le désespoir ne l’avait pas rendu folle. Elle avait senti son souffle se calmer et avait fermé les yeux, un peu plus longtemps, pour savourer d’autant plus de le voir en face d’Elle, une fois les paupières ouvertes. Et qu’on ne dise plus jamais que les femmes sont compliquées après ça, car il suffisait que tu sois juste là, pour suffire à m’apaiser.

Après, il avait fallu reprendre la route, et je n’avais, de mémoire, jamais été aussi sereine de chevaucher, sans savoir où il me conduisait. Etait-ce vraiment important puisque son souffle caressait ma peau ? Je n’avais rien dit, pas un mot, et je suppose qu’il savourait autant que moi ce silence où seuls nos corps s’étreignaient.

J’avais gardé les lèvres closes et les bras ballants lorsqu’il était descendu du canasson, je voyais les cernes sous ses yeux et devinait ce qu’il avait vécu. Il semblait abattu, mais il était vivant. Le tavernier et son accent à couper au couteau –un importé du nord est c’est certain- avaient hélés la vieille qui râlait –une vraie femme !-.
Aertan annonça le programme : il picole, il va ronfler et il faudra probablement un monte charge pour le rapatrier au plumard, qu’importe. Je crois qu’il m’aurait vendu du rêve en m’expliquant qu’il allait dégueuler ses tripes que j’aurais répondu avec le même sourire. J’avais du mal, oui, à sortir de la torpeur que la découverte du corps avait induite. Et j’avais, je l’avoue, un mal fou à décrocher mon regard du sien, comme s’il allait me dévoiler des choses que je ne savais pas déjà.
Ma main s’était posée sur la sienne, lorsqu’il avouait sans détour qu’il était heureux de me revoir, et si vous saviez, comme j’ai maudit cette table de nous séparer, Lui, et Moi, qui ne rêvait que de sentir son cœur battre encore. J’avais souri, à nouveau, de ce sourire qui monte jusqu’aux yeux jusqu’à en voiler la vue, bien sûr, qu’il m’avait manqué. Avait-il seulement idée de ce que j’avais retourné ciel et terre, pour que ce moment existe ?
J’avais finalement lâché sa main pour serrer ma chope, histoire de picoler quelques gorgées pendant qu’il dévoilait ses trouvailles. Les pièces du puzzle petit à petit se dévoilaient et se mettaient en place. Je fronçais les sourcils, en souvenir de cette soirée où il avait évoqué ce geste héroïque –ironie, moi, les catins, c’que j’en pense hein…-. J’avais suffisamment trainé dans les bas fonds pour savoir ce que font les mauvaises personnes, lorsqu’on se joue d’elles. Je comprenais sans aucun mal, que le Homard jamais ne cesserait de traquer Aertan.

Et alors que déjà Aertan se jetait sur son repas, avec la même hargne qu’un loup qu’on aurait libéré après l’avoir gardé en cage pendant des semaines en agitant des petits lapins devant lui, je ne pouvais repousser l’idée que Narcissia était retour.

Narcissia, pour la faire courte, était arrivée comme un cheveu sur la soupe –un gros cheveu, bien épais et un peu gras. Enfin quand je dis arrivée, elle ne s’est pas pointée hein, non non, juste qu’Aert en avait parlé. J’ai rien oublié, et comme vous n’étiez pas là, je vous la refais, en direct : « petite, blonde, yeux bruns, verts, un peu comme les miens. Petite poitrine, enfin non, ça va, de bonnes hanches, elle noue toujours ses cheveux en queue de cheval, elle ne porte que des braies, jamais de robe, elle préfère le noir. Oh elle a aussi des fesses rebondies pour sa petite corpulence. Elle a 29 ans et elle porte toujours un foulard blanc autour de son cou, quelques stigmates... ». J’vous épargne ma gueule à la description, parce que clairement, moi, j’entendais juste « put’ainement baisable, des cicatrices qui me donnaient envie de mordre dans son cou, bla, bla, bla ». C’est pas de la jalousie hein, qu’on soit d’accord. M’enfin je demandais juste à en savoir un peu plus pour la détester jouer de mes connaissances et avoir des nouvelles.

Alors forcément, j’étais pas en joie, de savoir qu’elle pouvait être retenue contre son gré par le Homard. Je savais, plus que personne, l’énergie qui nous habitait lorsqu’on voulait sauver un ami, tout comme je savais l’importance qu’Elle avait pour Lui.
Et il mangeait. Encore. En grimaçant, ce qui m’arrachait un sourire alors que je chassais toutes les pensées négatives qui se noyaient dans mon esprit. Et pour m’assurer qu’il ne me coupe pas lorsque ce fût enfin à mon tour de parler, je coulais vers lui ma platée.


On ne partira pas avant demain, tu dois te reposer. Je ne veux pas que tu retournes là bas Aertan. Les mots avaient grondés alors qu’elle voulait sur lui un regard déterminé.
Redis moi à quoi elle ressemble.

Allez Aertan, refais moi une petite description sympathique, j’ai de la bière –deux tournées, c’est jour de fête-, et pendant que tu parleras, je préparerais mon plan d’action.

J’vous épargne le retour à la piaule, Aert’ vous racontera, ce fût épique. Et alors qu’il ronflait du sommeil du juste, j’avais déposé la planchette de bois, et sur sa hanche, un petit oiseau en origami, clin d’œil de celui qu’il lui avait fabriqué, il y a quelques temps. Moins beau. Beaucoup moins beau, disons qu’on se demandait si c’était un oiseau ou une boule en papier pas mâchée, m’enfin l’intention était là.

La jupe empruntée à la mère Michelle avait été raccourcie. Les cheveux attachés en un chignon dont les boucles dégringolaient sur les épaules qu’elle avait dénudées. Entre ses seins brillait une énorme émeraude, emprisonnée d’une cage d’or. C’était SON défi à Elle.

Alors qu’il se réveillera, elle l’espérait pas trop tard, elle sera déjà loin, à l’auberge de la veille, occupée à tarifier sa prestation sur les genoux d’un homme. Au creux de sa nuque le Homard l’avait interpellé…




Elle n’est plus seule désormais.
Le soleil au zénith devrait nous donner la position du crapaud.
Au zénith Aertan, pas avant, c'est à moi de jouer désormais.




* Runaway, the Corrs
Avoue-le, il n’y a rien comme moi et toi
Je ne suis pas seule, dis moi que tu le ressens aussi
Et je m’enfuirais,
Je m’enfuirais avec toi.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Aertan
Son estomac se remplissait, ses yeux la couvait, son gosier s'hydratait, leur complicité grandissait, la joie l'embaumait, le moment était parfait.
Il descendit sa part de manière confuse et désinhibée, on était bien aux antipodes dans la bienséance et du glamour. La bière ruisselait dans son bouc et sur les coin de ses lèvres se lisait la nature du repas. Il s'essuya encore une fois les babines d'un revers de manche de cette chemise qui n'était sienne et qui surtout demanderait à être lavée.
Il demandera à Déa, elle adorait faire cela. L'odeur du linge frais, sa madeleine de Proust qui lui évoquait le souvenir de la fois où elle s'était ouverte à lui. "Écarte un peu les jambes, comme ça", contrairement à Natasha, Andréa avait plutôt écarté les ventricules de son cœur. Son regard s'était absenté le temps de voyager dans le passé, leur relation avait tant évoluée...sans jamais trahir la direction dans laquelle ils regardaient. Le destin vous réserve parfois bien des surprises, bonnes comme mauvaises, Aertan eut la chance d'avoir ses faveurs et le remerciait de l'avoir mise, Elle, sur sa route.
C'était une moment simple, un bon repas ô combien nécessaire pour lui, sa présence et un ciel qui se dégageait. Il était heureux malgré tous les tracas qui les entouraient, à ses côtés, l'enfer passerait pour un club de vacances (je ne ferai pas de pub en évoquant le club Med, Marmara et consorts).

Il accepta sans difficulté sa sommation. Il savait qu'il aurait besoin de repos, il ne pouvait en être autrement. Cependant, une légère crainte l'habitait, celle de voir les indices s'enfuir de l'auberge qui le détenait captif.

À sa demande, il lui fit le portrait de Lys. Il lui décrit donc ses cheveux de jais ondulés et sauvages, ses yeux d'ébène en amande, son regard insoumis, sa carrure élancée ses joues teintées d'un rose pâle, son nez rectiligne, sa bouche charnue et sa démarche revêche. Il lui précisa aussi qu'elle se tenait à l'affût depuis la promesse qu'il lui avait faite et qu'il suffira d'un signe pour qu'elle comprenne.

Le ventre plein, repus, il enquilla une dernière chope. Peut être celle de trop. En temps normal une quantité pareille ne l'aurait pas affecté sauf que, dans sa condition, celle ci suffit à lui faire voir les étoiles. Il lui fit signe de monter en premier car il voulait éviter d'alimenter son moulin on lui donnant de l'eau pour ses railleries. Il attendit quelques minutes après sa disparition.

Sa perception se troubla, son environnement se restreignit, son champs de vision périphérique ondoyait.
Ses sens s'atténuèrent, et une fatigue harassante écrasa son esprit. Il piqua du nez puis releva le menton, yeux gorgés de sang et vitreux il prit appui sur la table et poussa la chaise vers l'arrière. Celle ci tomba. Les têtes se tournèrent vers lui. Il sourit approximativement et leva une main oscillante pour s'excuser. Il s'inclina lentement, main sur le torse pour saluer la chaise qui était tombée au combat et vit s'approcher dangereusement le sol. Il se rattrapa in extremis au rebord de la table, évitant une chute humiliante. Il se redressa, rota et tituba vers l'escalier.

Sa démarche chancelante et ses pas lourds se frayaient un chemin sur la voie encombrée (en réalité il avait une autoroute devant lui). Sa main chopa fermement la rampe, son exaltation intellectuelle lui donna l'impression qu'il venait de trouver son cordon de survie alors qu'il s'apprêtait à se lancer dans une ascension vertigineuse et mortelle. Il gravit les marches, pas à pas, s'imaginant que des bourrasques de vent venaient contraindre sa progression, que la neige rendait le sol glissant et entravait sa stabilité, il se barra la vue de son avant bras, pénétrant le blizzard virtuel, son dernier pied s'arrima victorieux sur le sol. Il y était arrivé, héroïque, il leva les poings au ciel en gueulant sa fierté dans le couloir avant de chanceler. Son épaule se fracassa contre le mur et il coula comme une larve, lamentablement sur le sol.
Opération commando, il rampa jusqu'à la porte de la chambre. En rassemblant ses forces, il se redressa sous le feu de l'ennemi, la clé trouva laborieusement le trou de la serrure et il referma la porte derrière lui sous une pluie de flèches illusoires. À cœur vaillant rien d'impossible, après une lutte acharnée pour retirer ses bottes, après de nombreuses chutes, rattrapages, écroulements, il abandonna l'idée de se dévêtir, plombé de fatigue, il s'écroula à plat ventre sur le lit (une chance qu'il ait bien visé). Il ronflera copieusement jusqu'au lendemain.

Un filet de bave au coin de la bouche, il ouvrit les yeux en accédant à la force maximale de ses muscles pour soulever ses paupières.Le soleil, déjà haut, infiltrait de force des tâches dorées par les volets à claire-voie et envahissait la pièce de sa lumière tentaculaire. Il mit sa main et visière en s'asseyant au bord du lit. Il actionnait sa langue dans sa bouche pour humidifier ses muqueuses trop sèches. Son crâne bourdonnait et il lui fallut un certain temps avant qu'il n'aperçoive les indices. Il se leva et alla se servir un godet d'eau qu'il descendit d'une traite. Ses voûtes plantaires faisaient la poussière du plancher. Nonchalant, il traînait les pattes dans la piaule.
L'ours dans sa caverne refusa de laisser pénétrer l'astre lumineux. Le vampire relu la pancarte en bois "Trois lunes avant le solstice, quand le crapaud de rose se pare, Crusta sera célébré". Tu parles d'un indice, elle avait risqué sa vie pour ça ? Grognon, le mal léché. Il y avait un indice temporel, mais l'histoire du crapaud rose le laissa pantois. Hébété, il reposa la pancarte, peu enclin à triturer ses méninges atrophiées. Ses doigts paresseux déplièrent le morceau de papier.

Son regard s'obscurcit. Elle était parti sans lui, la garce, il allait lui faire bouffer ses chicots. Il était colère, colère de la penser en danger, une colère portée par une crainte qui s'était absentée le temps d'une soirée mais qui saurait refaire surface à de nombreuses reprises. C'est le prix à payer quand on tient à quelqu'un plus qu'à sa propre vie. La peur de la perte.
Adieu la petite toilette matinale, le réveil en douceur, il fut piqué au vif. Sans préparation aucune, il enfila ses bottes, plus rapidement que la veille, et descendit l'escalier en trombe. Il allait certainement susciter l'attention des gens auprès desquels il passerait, une vague d'alcool le suivait comme une ombre.
Il avait rapidement compris le message. Elle n'est plus seule signifiait pour lui qu'elle était allée la rejoindre, à l'auberge de la veille. Le zénith parlait de lui même, d'ailleurs, en sortant de la pénombre de l'auberge, après un aveuglement lumineux, il parvint à distinguer grosso modo la place de l'astre dans le ciel. Il était proche de la verticale. Merde.

Il retourna à l'intérieur, fonça en cuisine, en bousculant sur son passage la mère Michelle qui lui envoya une casserole à la tête. Sonné mais déterminé, il s'empara d'un couteau de cuisine avant de filer en trombe.
A la sortie il sectionna la longe d'un cheval empâté à l'aide du couteau et enfourcha le canasson.
Il chevaucha à vive allure, poussant le lourdaud à un galop disgracieux. On était bien loin de la douceur de la veille, cette cavalcade était bien plus sèche et parsemée d'inquiétude. Le fraîcheur du vent réveilla ses sens encore fourbus.
À l'approche de la clairière, il abandonna le cheval. Celui ci, pour une raison obscure, ne bougea pas. Brave bête. Aertan bondit d'arbre en arbre, se cachant à l'épaisseur des troncs, progressant en zig-zag jusqu'à la lisière. Il retrouva THE buisson et observait les alentours. Par chance, la charrette était toujours là. Par malchance une seconde était garée juste à côté. Le homard avait il eu vent de sa cavale ? Son doute se confirma lorsqu'il vit patrouiller deux gardes autour de la maison. Les renforts étaient arrivés. Sa mâchoire se serra, il la devinait à l'intérieur, plongée dans la gueule du loup et cette idée ne le réjouissait guère.

Elle lui avait ordonné, implicitement, de ne rien faire avant le zénith. Il contourna l'établissement, toujours à la lisière de la forêt, en phase d'observation.
Les deux charrettes se trouvaient sous le toit d'une grange ouverte. Les chevaux broutaient le foin qui leur avait été donné. Un garde était posté à l'entrée. Le vieux briscard utilisa une technique vieille comme le monde. Caché derrière un tonneau, à l'angle de la grange, il lança un caillou sur le carreau d'une fenêtre de l'auberge. Le garde tourna la tête et Aert se faufila dans la grange. Il resta caché, le dos plaqué contre le mur, les palpitations réchauffaient à nouveau ses veines, son sourire machiavélique était de retour. Il attendit que les suspicions du garde disparaissent pour progresser vers les charrettes, il avança calmement il devait à tout prix éviter de d'alarmer les chevaux. Il prit une poignée de foin et tendit son bras vers les équidés. Après quelques naseaux dilatés et quelques souffles chauds, la nourriture disparut dans leurs gueules, il écrasa sa paluche sur le flanc de chacun. Copain.

Une idée. Enfin. Il avait en tête de préparer leur fuite, au cas où les choses tourneraient mal (comme souvent), d'où la venue dans cette grange. Il avisa la charrette la plus usée des deux. Son sourire grandissait proportionnellement à l'idée ingénieuse qui prenait consistance. Il se dirigea vers un établi, de l'autre coté de la grange et fouilla discrètement dans les outils, évitant par la même occasion de faire tinter les métaux entre eux. Il trouva le saint Graal. Muni d'une scie, il attaqua lentement, très lentement une roue ainsi, en cas de fuite, leurs poursuivants se verraient complètement handicapés par une charrette défaillante.
Il fut bien content d'avoir l'esprit occupé à quelque chose, il évitait ainsi de s'inquiéter pour sa moitié qui, en ce moment même, jouait avec le feu à l'intérieur.
Andrea_
J’étais dans mon élément.
Non pas que je sois une catin hein, simplement que charmer en jouant un rôle était plus que dans mes cordes. J’avais par le passé, déjà usé de ce procédé pour parvenir à mes fins. Sans me faire passer pour une protipu’te, mais ça ne changeait pas grand-chose au final. La jupe était plus courte, les joues plus roses et la peau un peu plus dénudée. Quelle importance au fond, s’ils entrevoient l’enveloppe si ce qu’elle contient est intacte ?
Seulement cette fois, il fallait bien se fondre dans le décor pour qu’ils baissent la garde. Et pour baisser la garde, faut parfois la monter, les hommes et leur logique, vous savez…

J’avais respiré lentement avant de pousser la porte de la taverne, complètement dévouée à ma mission. J’avais l’assurance qu’il fallait et l’air déterminé j’avais d’abord regardé l’assemblée, gratifiant d’un sourire ambiguë ceux qui osaient me héler d’un sifflement. Ces gars, même le ventre plein semblaient affamé, et j’avoue que ça m’arrangeait. On ne peut pas leur en vouloir, en dehors du fait qu’ils ne soient que des hommes – ce qui voulait tout dire hein-, ils n’étaient que des mercenaires, des petites mains sans cervelle seulement bon à exécuter les ordres du Homard suprême. Alors quand l’un d’eux avait fait un signe dans ma direction, et que les autres n’avaient pas cherché à hausser le ton ou monter les enchères, je savais que je tenais, en plus d’une bonne tête de con, une des mains importantes de celui que la planche appelait Crusta.

J’avais déambulé entre les tables en prenant soin de caresser du bout des doigts les épaules sur mon passage et alors que j’avançais vers son sourire pervers, l’acier de mes yeux semblait le charmer. C’est ça quand on est doué, suffit d’une paire d’yeux et hop, on emballe. Il avait saisi mes hanches et m’avait d’autorité posé ses genoux. La marchandise était servie, et le –filet-mignon n’était pas celui que les autres avaient l’air de le penser.
Rapidement me fût offert une tournée alors que déjà ses lèvres coulaient contre la peau de mon épaule. Et je m’en délectais, vraiment. Avec la même gourmandise qu’un chasseur coule sur sa proie qui gambade encore, en sachant que bientôt, il pourra la bouffer. C’est celui qui en parle le plus qui en mange le moins, et ce dicton Angloys –de Sir Mac Cain- allait bientôt , je l’espérais, se révéler juste.
D’un œil extérieur, la scène semblait parfaite. Je riais à ses blagues graveleuses, éclatant d’un rire sonore que moi seule, savais faux. Je ne repoussais pas la main qu’il glissait contre mes reins, préférant noyer mon envie de lui faire manger ses dents en m’abreuvant le gosier d’une gorgée salvatrice. Je le laissais proférer à mes oreilles des promesses qu’il ne tiendrait jamais, moi, mordant ma lèvre à ses « tu vas gueuler comme jamais ». Et lorsqu’il saisit ma main pour la portée à ses lèvres, je regorgeais d’ingéniosité pour éviter que sa put ‘ain de salive ne touche ma peau encore une fois, en chuchotant à son oreille.


-Soixante écus.
– Soixante ! Ecoutez ça les gars, la gourdasse veut soixante écus, rien que pour me faire une turlute !
-Pour c’prix là on y passe tous ! AHAHAAAAAAAAAAHAHAH
Ah AHah. Ah. Ah. Merd’, ça gagne vraiment rien une put’ain ! J’étendis mes doigts sur sa joue, et repoussait l’envie de lui éclater la tronche avec une force surhumaine et dans un sourire je répondis.
- Si monsieur a peur de ne pas tenir plus qu’une simple turlute, on devrait s’arranger pour vingt. C’est que je le pensais un peu plus vigoureux, moi, l’homme.

Un homme s’était levé brusquement, tirant la lame de son fourreau, faisant tomber sa chaise dans un fracas qui suspendait les rires précédents. Visiblement on n’peut pas toucher à la virilité du pauvre homme qui me…va manger sa main s’il continue d’explorer avant de payer. Et encore, un geste du client potentiel avait suffit à le faire s’asseoir. J’enviais presque son pouvoir, et me contentait de sourire avant que ne s’abatte sur ma joue une main de fer. Comme ça, sans préambule, avant qu’il n’annonce la couleur.

- Et moi je pensais que les catins n’aimaient pas les préliminaires, pourtant t’en voilà un avant goût. Monte et lave toi un peu, j’aime voir les salissures que je laisserai.

Je n’avais pas demandé mon reste, me jurant de le saigner comme un goret. J’avais à peine posé la main sur la joue qui devait rougir à vue d’œil et montais déjà les marches, en offrant un déhanché à la hauteur de ce qu’il payera. Car il payera.
A la hâte j’ouvrais plusieurs portes jusqu’à tomber sur une chambre où trois filles attendaient assises contre le mur pendant qu’une quatrième semblait tourner comme un lion en cage. Aucun foulard blanc, mais un nez rectiligne et une bouche charnue, Lys. Je les regardais avant de balancer une boule de papier.




Le soleil au zénith, à nouveau il te sauvera. Courrez.


La porte se ferma lentement, et je fis quelque pas en direction d’une autre porte. J’essayais de chasser de mon esprit le fait qu’Aertan devait avoir une pâteuse de Diable, et priais, malgré tout, pour qu’il soit à l’heure au rendez vous. Le fait qu’il atteigne son plumard était déjà un exploit, et même si je savais, alors qu’il grimpait les marches pour rejoindre sa piaule, que j’allais faire une énorme connerie, je n’avais pu m’empêcher de rire de le voir dans un tel état. Et Dieu qu’il était beau, ce soir là, fragile et espiègle. Dieu qu’il était beau lorsqu’il vivait.

J’eu à peine le temps d’admirer par la fenêtre un second chariot arriver que déjà en mon dos se pointait Mister connard main de fer sans gant de velours qui m’envoya valser sur le couche. J’avais visiblement oblitéré le fait qu’il pouvait être plus fort que moi. Et ses mains sur ma peau me révulsaient au plus haut point, je tentais malgré tout de maintenir le cap. Je ne débattrais pas lorsqu’il écarta mes cuisses et affairaient mes doigts à sa ceinture, que je défaisais à la hâte.


-C’est qu’elle est impatiente, la donzelle.

Impatiente, oui, c’était le mot. Et ça ne m’aidait pas vraiment à y voir plus clair jusqu’à ce que d’un mouvement sec je tire sa fichue ceinture jusqu’à la passer autour de sa nuque. Il parlait trop, il..Il aimait « qu’elles soient entreprenantes et en profiterait un peu avant de me faire gueuler ». C’est à mon sourire carnassier qu’il s’était allongé jusqu’à ce que je serre les cuisses contre le tissu des siennes. Le jeu ne durerait pas aussi longtemps que je le souhaitais, mais qu’importe, je ne devais pas avoir fait tout ça pour rien.

Réserve moi ta soirée… S’il te plait…
- Ce soir, c’est le soltice ma jolie, et j’ai bien aut’chose à foutre que d’fourrer d’la câtin sur le retour, j’s’rais à deux lieues d’ici, avec plein, plein de chaires fraîches se baignant nue sur la plage.


Sur le retour ? J’lui en foutrais moi, du « sur le retour », j’avais plus vingt ans mais quand même! Et puis… Et puis ça fait tilt… Car ce soir, c’était le solstice. Deux lieus. Plage. J’aurais aimé l’embrasser pour le remercier d’être si bavard.
C’est à son regard dégueulasse, que je serrais le cuir autour de sa gorge, et la lanière lacérant mes mains ne me poussait qu’à continuer, encore et encore. Quand bien même ses ongles griffaient mon épaule, je serrais. Que ses doigts serraient mes joues, je serrais encore, coulant sur lui un regard résolu, et étirant mes lèvres en un sourire machiavélique. Ses lèvres semblaient balbutier quelques mots mais la force déjà le quittait à mesure que son teint passait du rouge vif au blanc. Un caillou tonna à la fenêtre, quelqu’un peut être approchait.
Et sans le vouloir j’avais relâché mon attention. Mon dos s’écrasa contre le verre jusqu’à le faire éclater en m’arrachant une vive douleur. La rage m’habitait et il ne fallu pas longtemps pour que mon assaillant soit dépourvu de la lame qui bientôt lui tranchait la gorge. Il fallait agir vite, et bien.
Aux claquements des poings sur la porte je répondais par un soupir long et appuyé, la main envoyant valdinguer un vase qui trônait là. En y mettant un peu du mien, ils penseraient qu’on s’envoyaient en l’air et les gloussements qui suivaient me le confirma.

Mais déjà le soleil était au zénith, et il faudrait sortir de là.
Et la tâche carmin grandissait en mon dos à mesure que le souffle s’accélérait… J’avais une fenêtre de dix minutes avant que les autres ne se doutent de quelque chose.
Décidément, les fenêtres, aujourd’hui, étaient contre moi.

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Aertan
Le bois de la roue céda. Mission sabotage accomplie. Il reposa la scie et pencha la tête par delà l'angle du mur. Le garde n'avait pas bougé et les deux autres venaient de passer devant lui. Il eut l'idée de l'éliminer mais craignait que ses compères qui faisaient la ronde remarquent son absence. Il n'avait plus qu'à attendre et à garder l'œil ouvert.

Il remarqua une trappe oblique au pied de la façade, ce qui laissait entrevoir l'éventualité de la présence d'une cave voûtée. Trois fenêtres au premier étage, à travers les carreaux de l'une d'elle, il crut apercevoir des silhouettes féminines passer de temps à autre, à l'une des fenêtres les rideaux étaient tirés.
Quatre fenêtres au rez de chaussée, il devinait que trois donnaient sur la salle principale et que la dernière, à l'arrière, plus petite devait donner sur les cuisines. Deux d'entre elles étaient entrouvertes, il entendit des rires gras, des voix qui s'élèvent, des railleries masculines, des culs de chopes qui claquent sur le bois, des chaises qui raclent le plancher et un bruit sec. Les voix se turent. Il eut un très mauvais pressentiment car, même les gardes de l'extérieur s'étaient attardés à une fenêtre.
Son sang ne fit qu'un tour et il s'en était fallut de peu pour qu'il ne bondisse en dehors de sa cachette. Il détestait vraiment cette situation et, pour sûr, si quelque chose lui donnait le moindre doute quant à la tournure des choses, il rentrerait dans le tas sans hésiter. Des images horripilantes de sa comparse maltraitée fit vrombir sa frénésie. Le taureau baissa les cornes pour cette fois ci. Les gardes continuaient leur ronde et le troisième revint se poster à l'angle de la grange.

Il manigançait un plan de secours. Il était impossible de faire face à autant d'hommes. Dans le meilleur des mondes il s'enfuirait avec sa partenaire et avec les filles retenues en esclaves sexuels. A moindre mesure, il s'enfuirait juste avec Déa et dans le pire des cas...non. Il ne l'envisagea pas.
D'après la hauteur des fenêtres, un saut était tout à fait envisageable mais la présence des gardes rendait les choses bien plus complexe, d'autant qu'il imagina qu'au moins un type à l'intérieur verrait la fuite à travers la vitre. Ils étaient exposés.

Encore un tour de ronde, il compta dans sa tête le temps que prenait les deux larrons à faire le tour du propriétaire. Soixante dix secondes. S'il devait passer à l'action il avait environ une minute, une pauvre minute pour :

Éliminer le garde, cacher le corps, attirer l'attention à la fenêtre des filles, les faire descendre une à une et se planquer dans la grange.

Ajoutez une pincée d'inconnues dont :
L'incertitude sur le fait que les filles soient seules dans la chambre, sur le temps que ça prendrait pour qu'elles descendent, sur le fait qu'une ait le vertige tout en comptant sur une très faible chance que personne ne les voit de l'intérieur.

Remuez le tout et vous obtenez un plan quasi suicidaire.

Il ne pouvait rester à l'arrière et ne rien faire, il n'était pas de nature attentiste, même quand on lui demandait d'être sage, que voulez vous, à son âge c'est peine perdue. Il devait lui dérouler le tapis rouge pour sa sortie. Et le carmin le faisait rêver...
Il retourna à l'établi, attrapa une hachette, patienta à l'entrée et dès que les deux autres avaient passé le coin du bâtiment, il se décala et envoya son tomahawk maison se planter droit dans la caboche du premier garde. Accroupi, doigts croisés pour que les gaillards de l'intérieur ne regardent pas par ici, comptant sur le fait que Déa devait fortement attirer leur attention, il longea le mur de la grange à la hâte, attrapa une cheville du macchabée et tira sa carcasse dans la grange. Il retira la hache de son crâne fendu et se lécha les babines au couinement des os brisés qui se parèrent du voile grenat. Il cacha le cadavre dans un tas de foin et rangea la hachette dans son ceinturon, ça pourra toujours servir.

Il retourna à l'entrée, dos plaqué contre la pierre algide qui contrastait avec la température bouillonnante de son sang à ses tempes, il passa le nez. Les deux autres revenaient déjà de leur tour, le palpitant lancé comme un forcené, il pria, lui, la perfection de l'athéisme, pour qu'ils ne remarquent pas l'absence de leur compère. La chance n'était pas avec lui aujourd'hui. Ils stoppèrent leur tournée et regardèrent dans sa direction. Aertan retira son visage, immobile, il se figea en calmant sa respiration. Les bottes s'approchaient. Une main se saisit du couteau de cuisine et l'autre de la hachette, il venait surement d'inventer un nouveau style de combat, la Maïté Sioux. Le calme avant la tempête, il se mit en apnée, prêt à jaillir,quand, soudain, du verre se brisa. Les bottes se paralysaient. Il entendait leur souffle, le froissement de leurs vêtements, le tintement de leurs armes, leurs articulations qui craquent, il bondit et les vit se précipiter vers l'auberge.
Le cuistot apache se tenait là, armes brandies, stupéfait de leur fuite. Il leva la tête vers une fenêtre au premier étage, ça n'annonçait rien de bon, désormais, une course contre la montre s'engagea. Il courut vers la façade et lança ce qu'il avait en main, à savoir le couteau, oui dans le feu de l'action on ne réfléchit pas toujours, vers le carreau qui donnait sur la pièce où se tenait les filles.

La fenêtre s'ouvrit instantanément, à la surprise d'Aert. Elles avaient été averties, Andréa avait fait un travail remarquable, ça allait grandement lui faciliter la tâche. Aussitôt, un enchevêtrement de draps noués tombèrent de l'étage. Au sommet, Lys donnait les ordres et invectivait les plus récalcitrantes, il devina même qu'une gifle sifflante avait été nécessaire pour réveiller une des gourgandines. Elles descendaient plus ou moins gracieusement le long de la longe faite maison. Aertan leur indiqua la grange. Son regard croisa celui de Lys, elle venait de mettre les pieds à terre. Il l'avait vu rarement sourire de la sorte, une seule fois à vrai dire, c'était il y a quinze ans.


Attend nous dans la grange, met les filles dans la charrette et soit prête à partir, si tu vois que l'étau se resserre, partez sans vous retourner.
Mais...
Partez ! on s'en sortira.


Alors que d'un air renfrogné elle accourut, il se pencha à une fenêtre du rez de chaussée. Un attroupement semblait s'être crée et fondait vers l'escalier. Par la fenêtre au dessus de lui il entendit des injures vociférées et des coups acharnés sur une porte.

Portez par une intuition, il leva la trappe qui menait vers la cave. Il dévala les escaliers et défonça la porte d'un coup de pied puissant. Des tonneaux. Uniquement des tonneaux, alors que toutes ses espérances de solution semblaient s'envoler, il donna un coup de hache rageur dans l'un des contenants. Un liquide s'écoula et recouvrit le sol terreux. Cette odeur il aurait pu la reconnaître entre mille. Du rhum. Contrebandier expérimenté, il se saisit d'une torche et l'approcha prudemment du tonneau. Il reconnut l'inscription car...c'était la sienne.


Fumier !

Les marchandises qu'on lui avait volé il y a quelques semaines se trouvait sous son nez. Alors, une lueur kamikaze enflamma son regard. Il gravit les escaliers, torche à la main et aboya d'une voix tonitruante :

Déa ! planque toi !

Le pyromane névrosé lança la torche vers la cave et se courut comme un dératé vers la grange. L'alcool s'embrasa et une détonation puissante fit trembler tout le bâtiment. Le souffle de l'explosion le projeta quelques mètres plus loin. Alors qu'il bouffait les pissenlits par la racine, il tourna la tête et cracha la terre qu'il avait en bouche. On aurait pu deviner des flammes danser dans son regard de timbré. Il se releva et se planta sous la fenêtre brisée, prêt à chanter une sérénade scabreuse. Dans son accès de folie, il espérait secrètement que les chairs de ceux qui avaient osé toucher à sa complice allaient se disloquer. Alors que le plancher du rez de chaussé devait déjà se consumer en laissant grimper une fumée épaisse, il beugla un :

-Ramène ton cul !

Adieu la discrétion, on met les voiles.
Andrea_
Et moi pendant ce temps là, à défaut de tourner la manivelle, je tentais de dévêtir mon gros lardon. Je le félicitais d’avoir dégueulé son sang dans un jet, évitant ainsi sa chemise d’être complètement salopée, mais au moins, la sienne n’aurait pas d’aérations dorsales. Les poings tambourinaient à la porte et j’eu un mal fou à me concentrer à ma tâche. Mes gestes étaient désordonnés, et mon souffle saccadé, chacun de mes gestes semblaient déchirer un peu plus. la peau de mon dos Il y avait dans l’air je ne sais quoi d’insolent, d’irréel, de cette porte qui ne cédait pas encore, aux cris virulents d’hommes qui, s’ils parvenaient à entrer me tueraient sans préface. Je ressentais jusque dans mes doigts l’urgence de la situation, et me remémorait sans cesse les détails que j’avais réussi à obtenir pendant ce court épisode.
Puis la chemise avait été enfilée, non sans grimace, par-dessus la précédente, suivi bientôt par un veston de cuir. Et c’est là qu’elle avait entendu sa voix.


Déa ! Planque toi !

Ah y a pas à chier hein, il en a de bonnes lui ! Mais bien sûr mon Canard, heureusement que tu le dis, faisons donc une partie de cache-cache, c’est pile le moment en plus ! Et la Chiasse de continuer d’attacher son veston…
L’explosion suivante l’avait littéralement soufflée. Les yeux hagards s’étaient écarquillés sans comprendre ce qu’il venait de se passer, et les mains à ses tempes tentaient de faire cesser les sifflements qui bourdonnaient dans ses oreilles. D’ailleurs est-ce que c’est elle qui ne les entend plus où les hommes à la porte ne crient ils plus ?
Difficilement elle se releva sans retenir la moue de douleur qui barrait son visage, une main toujours amarrée à cette tête où plus aucune pensée ne venait rationnellement. Elle arracha d’un coup sec un bandana qui dépassait de la poche du Homard pour le nouer autour de son cou, le remontant jusqu’à son nez. L’odeur déjà semblait infester l’étage et elle n’avait pas prévu de crever là –les pensées suicidaires, très peu pour elle hein-.
Il avait bien fallu une centaine de secondes, assise sur la couche pour réaliser où elle était, et ce qu’elle y faisait. Tout semblait étonnamment calme, comme on peut l’être quand la guerre est terminée. Et c’est un peu ce qu’elle ressent, là. Et il n’y avait même pas de quoi boire dans cette piaule, à se demander où ils planquaient la gnôle.
Puis de nouveau l’esprit se remet en route, envoyant dans le désordre les mots qu’elle lui a arrachés. Solstice. Plage. Deux lieues. Ce soir.
Alors tout s’accéléra, la porte fût ouverte à la volée sur un couloir où effectivement plus personne ne se trouvait, en bas de l’escalier certains cramaient vifs et d’autres tentaient d’éteindre un feu qu’elle devinait bien trop violent pour céder à leurs tentatives. La main sur son cache col de misère elle ouvrit les portes, ignorant la douleur lancinante qui brûlait son dos. Les flammes léchaient déjà les premières marches et les filles restaient introuvables malgré les insultes qu’elle proférait.

J’espérais qu’elles avaient réussi à fuir et n’imaginais pas une seule seconde devoir affronter le regard d’Aertan, s’il n’en était pas ainsi. Je revins sur mes pas et fermais les yeux de plus en plus longtemps pour les protéger de l’épaisse fumée qui gagnait l’étage, me tenant au mur pour évoluer jusqu’au gros lard qui baignait dans son sang. J’avais prévu de l’enjamber, mais pris un malin plaisir à écraser mon talon sur son entre jambe avant que le second ne piétine son visage. Et la main de se poser sur l’encadrement de la fenêtre. En bas mon complice beuglait un mot d’Amour auquel je répondis par un majestueux majeur déplié à son intention.
Je fus frappé par la vision qui s’offrait à moi. Nous avions déjà vécu ça, moi, les bras en croix au bord du vide, et lui en contrebas offrant son plus beau sourire. Il gueulait « ne sautes pas Déa ! », alors qu’il m’invective de le rejoindre cette fois –son « ramène ton cul » est assez équivoque hein-. Pour le remake de Roméo et Juliette il faudrait attendre, on n’avait ni balcon ni poison, mais on note tout de même l’évolution du mec qui s’inquiète au début, et qui prend ensuite de vilaines habitudes sur sa façon de lui causer –mais on en reparlera-.

Frappant, ce retour en arrière, m’enfin l’heure n’était plus aux souvenirs, il fallait descendre. Et vite.
Les mains s’accrochaient au bois, insensibles aux morceaux de verre qui s’y tenaient encore, j’étais boostée par l’adrénaline et forte de nos entrainements. Avec agilité, les bottes foulaient les pierres jusqu’à y trouver une prise, puis une autre, jusqu’à ce que je devine la hauteur comme acceptable pour pouvoir sauter sans me briser les jambes. Je serais les dents avant de me retourner et d’avancer vers Lui, vers Lui, et ce regard satanique dont le sourire ne laissait aucun doute sur le pied qu’il prenait, de voir en arrière plan l’auberge qui l’avait retenu partir en fumée. Et moi, moi je me serais damnée pour ce sourire.



Derrière Lui déjà s’avançait notre charrette et je fus soulagée d’y voir les filles dont l’une ne semblait pas mesurer sa chance d’être là. Je me hissais tant bien que mal à l’arrière et essuyait d’un revers de manche une perle carmin qui maculait ma lèvre supérieure. Bientôt le convoi au triple galop s’éloignerait en laissant une seconde explosion éclater et les rires remplaceront le silence pesant qui régnait jusque là.
Posé derrière Aertan je lui énonçais ce que j’avais appris. J’insistais sur le fait que ce soir aurait lieu l’avènement de celui que l’on cherchait, à deux lieues d’ici, près d’une plage. Je taisais le fait qu’il y aurait d’autres catins à sauver, car je savais qu’il en faisait une affaire personnelle et je refusais qu’il n’en oublie notre mission mère. Les choses avaient tant changées, depuis ce matin où il m’avait annoncé avoir du nouveau sur cette affaire.
Une fois la fumée hors de notre vue, j’avais sollicité Aertan pour faire une pause. Lys semblait tuer du regard la donzelle qui ne se calmait pas et je craignais que la pauvrine ne passe par-dessus bord. Et d’une main pressant son épaule j’avais obtenu gain de cause.
Les recommandations furent données à chacune : Je partais à droite avec la chialeuse, et une autre, mon Comparse héritait de Lys et de celle qui semblait la plus calme. Prudence. Silence. Au moindre doute on rejoint la charrette.


Je remerciais Aertan d’un signe de tête, peut être trop cérémonieux pour paraître naturel et tirait de la manche ma pauvrette et son amie, j’allais avoir besoin d’Elles.
Au bord de la rivière elles m’aidèrent sans un mot à retirer les couches que je portais, je tentais de garder la tête haute et serrais les dents pour ne rien laisser paraître des tourments ressentis lorsque l’un d’elle annonça, de pied en cape que « ça pissait le sang cette histoire » pendant que l’autre confirmait ses dires d’un délicat « bonjour les cicatrices, plus aucun client voudra de toi après ça ».
Je me contentai de lever la main pour les faire taire, et les priait de retirer ce qui pouvait l’être, après tout on n’était pas là pour tailler le bout de gras –bien que du coup, le verre l’avait fait pour nous-.
Sitôt fait je pris le temps de m’enfoncer un peu plus dans l’eau pendant qu’elles rejoignaient les autres. J’ignorais la morsure de la froideur de l’eau sur mon échine et m’évertuait avec une aigreur démesurée à frotter ma peau pour y retirer l’odeur que l’autre aurait pu y avoir laissé.

Plus loin Aertan devait prendre les choses en main avec les catins –hahin-, et j’espérais qu’il avait un plan bien ficelé pour les larguer en cours de route. On aurait bien assez d’un boulet a gérer. Chacun sa merd’, non ?

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Aertan


Folie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité. *


Folie

Folie quand on pouvait lire dans son regard cette frénésie, réverbère des volutes de fumée noire qui s'échappent des murs.
Folie quand les poils de ses bras se hérissent, louant les cieux pour survivre aux braises qui leur tombe dessus.
Folie quand un frisson lui parcourt l'échine, frisson intense de sadisme aux cris qui vrillent les environs.
Folie quand ses dents se desserrent pour un sourire sardonique alors qu'il s'imagine les valses désespérées cadavériques.
Folie quand ses tympans sont chatouillés par les craquements bruts d'une charpente qui s'écroule.
Folie quand ses narines sont envahies par l'odeur d'un chaos monstrueux, à nos monstruosités ma belle.

Lucidité

Lucidité quand il détruit par les flammes le bâtiment qui l'a tenu enchaîné, lui adorateur de la liberté.
Lucidité quand il voit les murs qui détenaient la personne qu'il ne fallait pas toucher s'effondrer.
Lucidité quand, à travers la folie, le soulagement de la voir en vie l'apaisa.
Lucidité quand il compte les ennemis en moins dans les rangs du homard.
Lucidité quand ses pieds quittent cette terre dévastée.
Lucidité quand, au bord du convoi avec les filles, des idées s'organisent dans sa tête, jamais de repos pour toi mon beau.


Il grimpa à l'avant, à coté de Lys qui tenait les rênes et, après un claquement de fouet, les chevaux partirent en trombe, laissant derrière eux un nuage de poussière qui se mélangera à celui de cendres. La terre trembla et il enfonça machinalement sa tête dans ses épaules. Son rire se mêlera à ceux des autres.
Il pencha alors la tête en arrière, se tenant fermement au bois pour ne pas valser par dessus bord, la route n'était pas encore goudronnée à l'époque figurez vous. Ses sourcils dansèrent le tango à l'écoute des informations ô combien précieuses que sa complice avait glané.
Les pièces du puzzle s'assemblaient. Leurs mains frisaient honteusement la quinte flush royale. Le seul risque à ses yeux était qu'un survivant à l'incendie aille prévenir le Homard et que le rendez vous n'ait pas lieu. Qui vivra verra, ils étaient plus que jamais proche de mettre un terme à cette histoire, ils ne pouvaient plus hésiter, plus après toutes ces péripéties homériques.

Lys arrêta la charrette à la demande de Déa. Aertan posa sur elle un regard interrogateur. Pour l'heure il n'avait pas conscience de son état, ni de ses blessures mais son acquiescement ainsi que l'accompagnement des jeunes donzelles lui mirent la puce à l'oreille. Quelque chose n'allait pas. Le grenat qui traversait les couches sur son dos confirmaient ses craintes. Elles s'éloignèrent. Au loin, le bruit de l'eau. Sans plus attendre il posa sa main sur le bras de Lys.


Il y a un village non loin. Vas y, rapporte nous des vêtements propres, des bandages, une couverture et de quoi manger. Si tu trouves un apothicaire remet lui ce mot.

Il lui tendit un papier qui suscita l'étonnement chez Lys. Elle remonta son regard vers lui, sans un tremblement dans la voix elle lui demanda :

Et je le paye en nature c'est ça ?
Non.
, son timbre de voix s'était chargé de sévérité.

Aertan sortit de sa poche une bourse remplie d'écus prélevés sur les carcasses respectives du garde siamois ET du pêcheur à qui il avait subtilisé les vêtements qu'il portait sur le dos.
Pour que le glabre luisant abandonne ses écus, il fallait que la cause soit grande, tout comme la confiance. Il avait sauvé la catin à deux reprises alors il espérait bien qu'elle lui donnerait le change mais il en était pas certain non plus. Avait il vraiment le choix ? il ne comptait vraiment pas se séparer encore une fois d'Elle, surtout pas en la sachant blessée.
La revêche lui lança un regard appuyé et la charrette s'éloigna avec l'autre fille. Bientôt le sable cessera de tourbillonner et les échos des sabots se dissiperont derrière les cyprès.

Planté là, au milieu des troncs centenaires, il fut encerclé de sérénité, un calme plat. Il n'avait plus ressentit cette sensation de solitude depuis un certain moment. Les paupières se fermaient, son esprit cessa de fonctionner, ses machinations se mirent en suspend et son corps droit tanguait librement sous les bourrasques parsemées. Il rêva d'un lit moelleux, chassé de ses tourmentes, le ventre plein, et le corps tenu au chaud par celui d'une autre, Elle.

Il se dirigea vers la rivière. Ses braies pouilleuses se refroidirent au contact de la végétation humides. On ne saurait deviner la couleur originelle de sa chemise tant elle a été souillée par la sueur, la terre, la suie et le sang. Il croisa les deux accompagnatrices de Déa sur le retour. Il leur indiqua une position à tenir, près d'un rocher (tiens ça faisait longtemps) , dans l'attente du retour de Lys.
Son avant bras dégagea une fougère qui lui barrait le chemin. La lumière miroitait sur la surface de l'eau et le dos meurtris d'Andréa lui retourna les tripes.

Rien ne le chamboulait plus que de voir des proches blessés, tant bien physiquement que moralement. Il acceptait bien volontiers la souffrance, comme en témoigne son choix dans la grotte il y a quelques jours, mais répugnait de voir les personnes qui lui tiennent à cœur souffrir. Ses pas auparavant assurés semblèrent hésitant à son approche. Le lit de la rivière était à une enjambée, elle ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Il retira ses bottes usées, ses braies sales, sa chemise en loques et entra progressivement dans l'eau. Habitué à ces températures, car oui le gaillard faisait trempette quasiment tous les matins en eau vive, il pénétra sans accrocs jusqu'à être immergé jusqu'au nombril. Le froid vivifiait son corps ankylosé par les jours passés, les filets d'eau chatouillaient ses flancs et quelques poissons téméraires glissèrent entre ses malléoles. Son bras se tendit et sa main se posa sur l'épaule féminine.

Son regard la couvait avec une tendre férocité après avoir analysé l'étendu des dégâts.


Lys va bientôt revenir avec des linges propres et de quoi te soigner.

Sa main chercha la sienne et ses yeux résolus trempèrent dans l'acier :

On est si proche Déa...on le tient. Quand le soleil entamera sa course vers l'horizon, nous serons prêts. Nous ne savons pas combien ils seront, mais nous y arriverons, on va couper la tête à ce putain de Homard et ensuite...ensuite on s'boira une foutue bière sur son corps encore chaud.

Il aurait tant aimé la prendre dans ses bras mais lui comme elle étaient pudiques sur le plan affectueux, contrairement à d'autres, il se contentera s'emmêler ses doigts aux siens en arborant un sourire cajoleur.

*Réjean Ducharme (un nom qui fait rêver)
Andrea_
Il y a toujours un moment, après l’action, où le corps tombe dans une sorte de catalepsie, de catatonie relative. Et alors que les yeux face à la lumière se ferment, le bas du corps ne semble pas ressentir le froid, quand le buste, aux rayons du soleil se réchauffe. Il y a les images, violentes qui font trembler ses paupières et ce que l’esprit distille encore. De ce soir où il n’était qu’un inconnu à ce jour où elle lui a confié sa vie, en prenant soin de la sienne. C’était hier ou presque et pourtant… L’esprit à cette capacité de nous révéler des bribes d’instants, le corps garde cette capacité de frissonner en les revisitant. C’est voyager en restant figé.

Pour preuve alors qu’elle savoure le bruit d’une cascade non loin, il lui semble reconnaitre chaque piaillement, chaque bruit de feuilles que les animaux dérangent. Il y a cette odeur de cyprès qui embaume ses narines en effaçant instantanément celle du feu qui ravageait le bâtiment il y a encore quelques minutes. Et c’est dingue, de se sentir en sécurité au milieu de nulle part quand on vient de traverser de sombres jours.
Elle avait par trois fois déjà, tenté de mettre un terme à ce genre de tourbillons. Par trois fois elle avait posé ses affaires et acheté des champs, prête à écrire une nouvelle page de son histoire. Une histoire où personne ne risquerait sa vie sinon à goûter les plats qu’elle préparait. Des tranches de vie où il suffisait d’acheter un nouveau moulin à purée pour se sentir accomplie, où vider la poubelle serait l’acte le plus héroïque qui soit et où la seule crainte qu’elle aurait serait de ne pas arriver à coucher les enfants pour profiter du soleil couchant. Elle espérait chaque fois trouver du plaisir à aller chercher de l’eau, et aurait même tenté de laver une chemise rouge avec une blanche pour montrer au monde entier que ouai, elle aimait le danger. Il lui suffisait alors de croiser quelques anciens compagnons de route qui en racontant leurs mésaventures soufflaient sur les braises pour que le feu reprenne de plus belle.


Et maintenant qu’elle a risqué sa vie plus souvent en sept jours qu’en dix ans, elle pourrait de nouveau avoir envie de tester la routine, ça serait ça, la logique. Ça serait de se dire qu’à trente cinq balais passés, ça suffit les conneries. Que lorsqu’on est mère on fait une croix sur certaine chose de la vie et qu’on ne pouvait pas toute sa vie risquer de la perdre.
Mais pourtant, les mains effleurant la surface de l’eau, et la légère brise caressant son visage font naitre un sourire d’antan. De ceux qu’elles s’offraient dans le miroir, chaque fois qu’elle est partie sans se retourner. Cette vie, cette put’ain de vie, elle l’a choisie en son âme et conscience le jour où à Bordeaux un chapeau s’était levé.


Elle n’avait pas bougé en sentant la main sur son épaule, l’esprit encore cotonneux de ce qu’elle ressentait. C’est à ce moment là, qu’elle s’est sentie vivante, et persuadée qu’elle était là où elle devait être. Que c’était ça, sa vie, et qu’il ne servait à rien de tenter de fuir ce qu’on est au plus profond de nous même, qu’aller à l’encontre de sa nature, c’était se renier. Que se renier, c’était s’oublier. Et qu’en s’oubliant, on vivait une demi-vie.

Et moi, je suis bien trop égoïste pour ne pas m’offrir une vie entière, à défaut d’en avoir plusieurs. J’ai beau crever sous l’or et les richesses, crever d’Amour, parfois, il m’en faut toujours plus, et ce plus, c’est le frisson.

J’ai toujours vécu dans la passion, persuadée de faire et de vivre ce que je voulais, à l’instant T. J’ai toujours été assez forte pour partir, quand le vent tournait, que je me sentais de trop, ou pas assez, quand je faisais les choses à contre cœur, quand je tombais dans l’ennui, ou dans l’oubli. Et j’aurais pu le détester, ce Glabre, de me faire vivre tout ça, alors que moi j’voulais juste des paillettes et des moulures au plafond *quand je l’ai rencontré, j’aurais pu brandir un majeur entre nos deux corps et lui dire d’aller se faire foutre. Lui dire de se démerder avec ces catins et même d’en fourrer une ou deux au passage, peut être même les quatre si l’envie lui prenait, souhaiter quand même qu’il s’en sorte, ce soir, quand il croiserait le Homard, qu’après tout fallait être put’ainement con pour se trimbaler seul avec une cargaison de cet acabit, mais… Mais j’y ai pas pensé une seconde.


Car alors que ses doigts se glissaient entre les miens, j’avais la certitude que ce combat n’était pas uniquement le sien, mais le notre.



Pour les effusions faudra attendre, car il n’aura suffit que d’un hochement de tête et d’un sourire pour qu’Il comprenne que ce qu’il disait était pile ce qu’Elle attendait.
Puis elle s’était immergée complètement, retenant par fierté une grimace lancinante et avait repris son souffle en coiffant ses cheveux en arrière –parce que c’est tellement plus glamour-. Le sourire s’était posé à la commissure de ses lèvres avant qu’elle ne pointe un index sur son torse


T’as trente secondes pour retirer ce sourire de tes lèvres Aertan Servat.

Hey oh, pudique ça n’veut pas dire frigide !
Elle n’avait pas cherché à enfiler sa chemise, préférant laisser à l’air les plaies –faut faire sécher qu’ils disent les vieux, et on écoute les vieux-, cependant quelques parchemins en furent sorti et posé à plat sur le sol. Une fois parée de ses braies elle s’était assise sur un rocher –le retour en force- et armée d’un bâton avait commencé à triturer le sable pour ---tenter de- dessiner une taverne.


J’ai trouvé ça dans la poche de son gilet. Ils seront neuf Aertan. Trois chefs de clans, les autres ne sont là que pour surveiller les chargements qui resteront à l’extérieur. Crusta affirme sa supériorité en amenant les filles. Il semblerait qu’ils aient perdu la source d’amusement numéro un avec ce qu’on se trimbale dans la charrette.
Je sais que tu seras contre, mais… je pense qu’il faut en envoyer une là bas. Au hasard celle qui fait que d’chialer.
Il faut savoir sacrifier une personne pour en sauver plusieurs.


Je sais que tu n’aimes pas ce que tu entends. Mais tu sais, au moins autant que moi que j’ai raison –comme toujours-. Tu sais qu’on n’peut pas encore risquer que ça foire, encore moins si près du but.
Les idées se mêlent et s’emmêlent, des plans j’en ai des tonnes, mais je dois d’abord m’assurer que l’on est sur la même longueur d’ondes.

Allez respire.






* J’veux des paillettes dans ma vie Kevin !

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Merci Jd Sadella pour la ban et l'avatar, et merci Jd Nev' pour le fessier de ma Chiasse.
Aertan
Sa peau quittait la sienne et, subitement, la fraîcheur de l'eau lui glaça les veines. Il se hâta, astiquant toutes les parcelles de sa peau terreuse et remplie de suie, il retint son souffle et plongea la tête sous l'eau. Le froid le transit, oppressa lourdement sa poitrine, il eut la sensation qu'une multitude d'aiguilles lui transperçait la peau. Il jaillit hors de l'eau, bascula la tête en arrière sauf que sans cheveux, ça ne rend pas du tout pareil. Il posa ses mains à plat sur son visage, le souffle court et il sortit de l'eau tel un Apollon, l'eau ruisselant dans le sillon de ses pectoraux mates, le regard fier, la tête haute, les émeraudes brillantes, oui bon je m'emballe.

En marchant soigneusement, c'est à dire en évitant tout obstacle pointu, coupant ou piquant, le funambule rejoint ses vêtements qu'il avait laissé là. Plus il les regardait et plus il éprouvait du dégoût, hors de question de remettre ces lambeaux dégueulasses alors qu'il était frais comme la rosée, ou comme le rosé va savoir. Il releva la tête, les filles n'étaient pas encore revenues et là, une pensée horrible lui traversa l'esprit, et si elles ne revenaient pas ? devrait il attaquer le Homard à poil ? ça serait comique pour le coup.

Non mais c'est ne pas tout mais ça caille !
Quelle idée aussi de se baigner tout de suite ? il savait pas que les filles n'allaient pas se téléporter en un claquement de doigt, il ne s'appelait pas Joséphine le chauve, il a fallut l'attrait d'une sirène flagellée pour faire capoter son bon sens.
Fierté du mâle oblige, hors de question de lui montrer qu'il se les gelait, sauf QUE, sauf qu'il y avait des signes que ne trompaient pas. La chair de poule, les lèvres bleutées, les dents qui claquent malgré son serrage forcé de mâchoire ne lui donnait pas franchement fière allure mais le tout était dans l'attitude, l'ATTITUDE mon chou. Malinx le lynx, il trouva une parcelle de mousse baignée de lumière, il fit un pas, deux pas de coté et se plaçant dans ce mètre carré doré. Il se tenait là, telle une apparition divine, les rais de l'astre solaire illuminant son crâne, Alléluia !
Alors certes il se trouvait à plus de deux mètres d'elle alors qu'elle traçait des hiéroglyphes au sol, certes, vu de l'extérieur, ça avait l'air incompréhensible, mais il aurait presque pu avoir un orgasme tant ces infimes rayons lui faisaient du bien.

Son attention se posa sur son dos meurtris et une colère sourde s'agita en lui, son regard s'obscurcit un instant, repensant à ce crustacé de malheur qui leur avait causé tant de peines. Il philosopha intérieurement sur le dénouement imminent. Comment allait il gérer ça ? est ce que la vengeance soulagera tous ses fardeaux ? allait il réussir à contenir sa colère prête à exploser ? allait il se laisser dépasser par toutes ces émotions ? allait il la perdre ?
Ses yeux s'adoucirent, empruntés de tristesse à la seule idée de perdre cette moitié, et alors il envisagea une vie sans elle, et alors il commença à déprimer donc il chassa rapidement ces idées de sa tête. Sa main balayait l'air devant lui comme on balayait une mauvaise pensée, ou des mouches. Lunatique du regard, ce dernier s'illumina d'un halo de malice. Des feux follets d'imagination vagabondaient dans son esprit lubrique, son sourire grandissait à vue d'œil. Il chassa à nouveau ses pensées, lui le balayeur fou de pensées, afin de se concentrer sur le plan et non sur ses courbes féminines.

Il se mit sur la pointe des pieds pour tenter de deviner le croquis, pourquoi dessinait elle une église ? L'heure n'était pas aux confessions bien qu'il aurait fallut les laver, pas au sens propre ça c'était fait, de tous leurs péchés. Il abandonna le pictionary pour se focaliser sur ses mots et comme prévu, ceux ci ne lui plaisaient pas du tout. Une drôle de sensation lui vrilla les tripes, faire un sacrifice humain pour mettre fin à tout leurs supplices allait à l'encontre de ses principes, ça embrassait exactement tout ce qu'il détestait. Est ce qu'elle le testait ? voulait elle voir jusqu'où il serait prêt à aller pour satisfaire leurs besoins ?

Il quitta son carré chauffé et s'approcha d'elle, s'accroupissant à ses côtés. Le dégoût qu'il éprouvait par rapport à cette idée le hantait, à tel point qu'il oublia complètement qu'il était congelé. Ses machinations virevoltaient dans son esprit supplicié. S'il avait eu des cheveux, il serait en train de se les arracher,à la place, il enfouit son visage dans ses mains, réfléchis merde !Ses doigts tremblants glissèrent le long de son faciès, il devina désormais que l'oeuvre d'art abstraite dessinée au sol ressemblait plus à une taverne.
Crusta qui ramène les filles pour que les autres se déchargent les bourses, une réunion entre chefs de clans. Ils n'étaient que deux, voir trois avec Lys car il doutait que les autres pourraient réellement être un atout armé et il leur était impossible de recruter des bras en si peu de temps :


- On ne peut risquer de vouloir descendre tout le monde, ils sont plus nombreux et il serait inconsidéré de se mettre d'autres clans à dos...

Pour l'heure il refusait catégoriquement l'idée du sacrifice, mais plus le temps passait, plus il tournait le problème dans tous les sens et plus il arrivait à cette conclusion fatale. Une douleur interne était à deux doigts de le faire dégueuler, il se détestera pour avoir fait ça mais c'était le prix à payer. C'était cruel, une amertume assouvie pour une amertume créée.

- Je pense qu'il faut qu'une des filles se rende là bas et qu'elle arrive à lui administrer la fiole que j'ai demandé à Lys de chercher en ville...

Il ne soulignera pas qu'évidemment cette fille sera envoyée dans la gueule du loup, qu'elle risquait de subir les pires sévices, qu'elle se ferait souiller à maintes reprises et que la mort serait le meilleur échappatoire dans son cas.

“Nous avons tous notre démon particulier qui nous chevauche et nous tourmente et il faut bien finir par le combattre.” *

Il se leva nerveusement, poings serrés, mordant sur ses dents, une larme au coin de l'œil, saline de rage, il était à deux doigts de crier son désarroi, d'exploser son poing sur ce tronc qui ne vacillerait pas tandis que ses chairs se déchireraient sur l'écorce et que ses os de fissureraient. Il était au bord du précipice, tout son contrôle allait voler en éclat dans une explosion dévastatrice lorsqu'il aperçut la charrette revenir. Il ferma les yeux, le palpitant surexcité.

Lys s'approcha avec les couvertures, une autre fille portait les vêtements et l'autre le matériel de secours. Il n'osa pas les regarder dans les yeux, lui, leur sauveur puis leur bourreau. Il s'enroula dans une couverture et leur tournait le dos.
Derrière lui la simplette s'approchait de Déa avec les bandages. Il tourna la tête et lisait une forme d'admiration dans les yeux éberlués de la petite envers Déa. Quel était le prix d'une vie ? la leur valait elle mieux que la sienne ?
Il se sécha avec langueur, il soufflait régulièrement, cherchant à s'apaiser intérieurement. Il enfila ses nouvelles braies ainsi que sa chemise. Vêtu des ténèbres, aussi bien intérieurement qu'extérieurement, il termina par enfiler les bottes qui étaient un peu trop grandes.
Son regard fuyant se concentrait sur l'étendue d'eau qui avait retrouvé sa placidité. Lys se posa à coté de lui et présenta la petite fiole. Il déglutit et lui annonça la décision. Il prit le soin d'utiliser le moins de mots possibles, ne supportant pas sa propre voix à cet instant. Au fond de lui il savait que Déa avait raison, qu'ils n'avaient pas franchement d'autres solutions et qu'ils ne pouvaient plus reculer après tout ce qu'ils avaient fait. Lys se leva et annonça :


- Je vais le faire, les petites ont trop peu d'expérience, je le ferai Andréa, Aertan.

Ses sourcils se levèrent, il resta sans voix et comprit au regard de la ténébreuse que rien ne la ferait changer d'avis. Elle était forte et avait certainement décelé une faiblesse dans l'attitude du glabre, en prenant cette décision, en affirmant que c'e choix lui appartenait, elle savait qu'elle leur retirait un fardeau.
Il aurait aimé lui crier que ce n'était que pure folie, qu'il fallait laisser tomber tout ça et que chacun retourne chez soi, que chacun vive sa vie paisiblement, que les filles jouissent de leur liberté mais il ne fit rien. Son regard, plein de douleur et de gratitude la remercia.
Elle lui sourit en murmurant "je te dois bien ça".

Il se releva, déterminé, rejoint Andréa et acquiesça.


- Maintenant il faut aller au bout.

*Daphné du Maurier
Andrea_
Ça ne sert à rien que je vous mente, je l’ai reluqué quand il se frictionnait. Et pas qu’un peu. Moi j’étais là avec mes petits papiers, le cul posé sur un rocher et puis il avait sorti sa tête de l’eau régal –sans point G-, et j’en oubliais qu’il y avait du vent et que j’avais pas de chemise. Faut dire que l’Aertan sauvage, il a souvent cette façon de faire disparaitre des habits, c’est son petit côté magicien. Des fois, t’as encore tes habits, et il te mange des yeux et ça te fou à poils. C’t’assez troublant hein ?
Pas autant que cette satanée goutte d’eau qui déambule sur ses muscles, et croyez moi, c’est pas la soif qui me fait la suivre des yeux, j’espère même que… Ah, il a froid, et c’est le retour de la coquille. Autant une femme qui a froid ça inspire tout de suite un truc lubrique, pointes des seins en avant, ça donne une impression de corps ferme, ça efface même la cellulite –et on se demande pourquoi les femmes préfèrent l’hiver…- autant un mâle, quand c’est à poils j’entends, c’est… Ça inspire pas toujours la lubricité hein. M’enfin la goutte s’attarde autant que mon regard sur ce torse.
Alors oui, il s’est emballé, et moi, je l’aurais probablement emballé aussi si j’avais pas déjà été assise.

Et voilà l’homme poisson qui sort de son élément avec une démarche toute particulière. Je suis pas totalement idiote –il me semble nécessaire de le rappeler, parce qu’y a des petits malins qui pensent encore le contraire-, et j’ai bien compris pourquoi il se tenait un peu loin.
Pour n’pas me sauter dessus, évidemment. J’en clignais des yeux en riant doucement, non mais vous auriez vu le reflet du soleil sur son crâne, un coup à finir aveugle. M’enfin à contre jour, en dehors du fait qu’on dirait une icône, je le voyais se réchauffer doucement, et ça, ça n’aidait pas à la concentration.
Vous avez déjà vu un chaton qui sort de l’eau ? Mais si, avec ses grands yeux qui supplient qu’on lui serve un lait chaud et qu’on le cale près d’une cheminée, si possible sur un pull doudou toudoux ?
Bin c’est pareil sauf que le chaton est carrément plus grand. Carrément plus musclé. Carrément plus sexy. Carrément plus graou.

J’étais restée longuement à le regarder, tentant de comprendre chaque émotion qui traversait ses yeux. La colère. La tristesse. Le désir. Le… Ah non, il tente juste de faire fuir une mouche invisible. Soit, c’est peut être juste un spasme dû au froid.
Je savais qu’il détestait mes mots. Qu’ils ne feraient que raviver des blessures encore béantes au fond de lui. Mais j’avais beau chercher inlassablement une autre alternative, je n’en voyais aucune. Il était hors de question, totalement inconcevable pour Moi, d’abandonner si près du but. Et je serrais les mâchoires aux images qui s’imposaient à mon esprit. J’avais cru le perdre, par trois fois déjà. J’avais cru y laisser ma peau, presqu’autant de fois. Et je refusais avoir traversé tout ça pour abandonner à quelques heures du dénouement final. Je savais que ce sentiment de vengeance nourrirait une rancoeur jusqu’à la fin de sa vie, et plus que tout, je savais, pour l’avoir vécu à une autre échelle, qu’avorter ce projet le ferait pourrir de l’intérieur.

Il lui faudrait du temps pour accepter l’idée de sacrifier l’une des filles. Mais il l’acceptera, de ça j’étais certaine. Ce n’est pas manque d’humanité, que de le proposer. Et j’avais beaucoup moins de scrupules que lui, de décider qui devait vivre ou mourir, simplement car je savais le prix de la douleur de perdre quelqu’un qu’on aime. La vraie question n’est pas « la vie d’une jeune fille vaut-elle plus que celle d’une autre ? » mais « combien de vies, vaut celle d’Aertan », et la réponse était sans appel : toutes. Et vous n’avez pas idée de la monstruosité qui peut émaner d’une femme qui refuse de voir mourir son Autre.


- Je pense qu’il faut qu’une des filles se rende là bas et qu’elle arrive à lui administrer la fiole que j’ai demandé à Lys de chercher en ville….

J’avais hoché la tête, sobrement, sachant ce qu’il lui coûtait de l’affirmer à voix haute. Je m’étais levée et tendu vers son épaule une main rassurante, dont le mouvement fût avorté par l’arrivée de la charrette. Docilement j’avais repris ma place en esquissant un sourire à celle qui allait, bientôt, panser mes plaies sans savoir qu’il y en avait d’autres, plus profondes, que personne ne pourraient jamais guérir.
Inutile de repousser la douceur des mains presqu’enfantines, et tenter d’apaiser les pensées qui l’imaginent, elle ou un autre, poussée vers un destin qu’elles n’imaginent pas possible maintenant qu’elles sont affranchies. D’un regard voilé je devinais Aertan, de noir se parer en sachant le fardeau qu’il portait désormais. Et ça apaisait les morsures ressenties alors qu’elle versait je ne sais quoi sur mon dos. Les gestes féminins étaient lents et emplis de précaution et je ne peux expliquer la colère que j’avais ressenti à ce moment là. Pourquoi j’avais eu envie de la secouer en lui gueulant que c’était pas comme ça qu’elle serait heureuse. Qu’elle pouvait se complaire dans une vie de merd’, accepter sa condition sans broncher, et peut être même, parfois, prendre les regards de ses clients comme des marques d’affection, mais que jamais, JAMAIS, elle ne saurait ce que c’est que la liberté, et qu’en soit, elle pourrait tout accepter sans se rebeller, elle ne saurait jamais comme on se sent léger, quand on n’appartient à personne. Qu’elle avait la force nécessaire pour s’affranchir des autres, et même de nous, et qu’elle ne devait rien à personne. Et surtout pas à moi, qu’en silence elle soignait.
Les dents se serraient, et probablement pas pour la raison qu’ils auraient pu le penser, mais déjà Lys se levait et annonçait son destin.


-Je vais le faire, les petites ont trop peu d’expérience, je le ferai Andréa, Aertan.

Il y avait dans sa voix je ne sais quoi de résolu, et je ne pouvais que m’incliner devant son sacrifice, qui, je le savais, pouvait lui être fatale. Bientôt la jeune posa un baiser sur mon épaule et je me levais pour enfiler une chemise.
Lys m’avait sous estimé, à moins qu’elle ait d’autres projets me concernant. Moi je suis pour l’effet de surprise, alors attaquer à poils, pourquoi pas ? M’enfin en boutonnant tant bien que mal, je me rendais compte qu’une respiration un peu profonde et je pourrais tuer le mec qui se trouvait en face. Gare à toi mec, je respire, tu t’prends un bouton dans la face !

Une dague fût glissée contre ma cuisse, et les bottes furent lacées.
Oui, il fallait aller au bout.

Les trois filles furent remerciées, avec une attention toute particulière à celle qui m’avait pansé. J’avais bien du mal à comprendre ce regard pointé d’admiration qu’elle posait sur moi et je ne pus m’empêcher de lui glisser à l’oreille deux trois mots. Elle était libre maintenant, et elle devait le rester. Elle devait être seule maitresse de sa vie et pour cela tout était permis. « Ad impossibile neno tenatur *»


Et il avait fallu reprendre la route. Charrette plus légère de trois corps, plus lourde de nos pensées. Le silence était pesant, quasi étouffant. Chacun trainait ses casseroles sans vouloir les partager.
Une fois posée non loin de ce que l’on devinait comme « l’auberge du crapaud », et alors que déjà le soleil sur le déclin la parait de rose, nous avions abandonné dans un sous bois notre moyen de transport pour en détacher les chevaux. Nous ne savions pas encore s’il les deux bourrins suffiraient, mais il fallait penser à la fuite, une fois le méfait terminé.
Chacun de nous restait prostré dans son silence et il me semblait être de mon devoir de le rompre. A l’oreille d’Aertan j’aurais voulu souffler que c’était à Moi, d’y aller. Que ce combat c’était le nôtre et pas celui de Lys. Mais à quoi bon, l’aurais-je laissé y aller, Lui, s’il m’avait demandé mon avis ?
Non, assurément.
A mon « tu es certaine », elle avait eu ce sourire que je n’oublierais jamais, celui de celle qui n’a jamais été aussi sûre d’Elle. De son courage nous puiserons la force d’aller au bout.



Sois prudente, nous ne partirons pas sans la certitude qu’il a trépassé. Au moindre souci, tu cours. Tu cries. Et on prend le relai.
Tu as compris Lys ?






* « A l’impossible nul n’est tenu »

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