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[RP] La Mort personnifiée

Alastor.the.reaper
Étonné de voir un homme pourrir en pleine rue, le fossoyeur envoya l'Oiseau au devant, au cas où cela serait le piège d'un voyou, feignant d'être mort, bien que tout laissait dire avec la vermine qui l'envahissait. Ayant vécu dans les quartiers malfamés de la capitale, Alastor avait tant vu les choses les plus malsaines et les plus folles qu'il préférait rester vigilent dans tout milieu urbain.
Se tenant derrière, une forte odeur nauséabonde vint lui chatouiller les narines. Peut-être était-ce tout simplement dû à une mauvaise hygiène? Ou peut-être était-ce les miasmes de la ville? Mais Alastor connaissait cette senteur si particulière qu'était celle de la mort. Le verdict était sans appel. Il aurait pu ordonner de l'embarquer illico presto. Mais l'homme qui voulait s'amuser avec son apprentie, lui demanda de prouver le décès de ce malheureux vagabond dont les passants ignoraient, s'attendant à ce qu'elle se mette à faire quelque chose d'absurde. La voyant croquer le pouce du pied, Alastor fit les yeux ronds, surpris...avant d'éclater de rire lorsqu'elle projeta son écœurement au sol.


Ha ha ha! C'est la meilleure ça! Qu'est-ce que c'est stupide!

S'exclama-t-il en continuant de se marrer.

T'as perdu. La réponse était : l'odeur, le poul et la vermine. Mais moi j'ai gagné quelque chose : t'as égayé ma journée!

Après ce bon moment de fou rire, Jeanne et Alastor quittèrent la ville pour déposer le mendiant dans sa dernière demeure qui n'avait hélas rien d'un palais. Laissé moisir dehors, dans l'indifférence des gens...quelle triste mort pour une triste vie. Et pourtant, si personne ne le réclamait, le fossoyeur aurait bien aimé le garder pour ses secrètes expériences...Mais il n'en fit rien et le laissa, aidé de son assistante, dans le vulgaire trou, comme d'autres. Ce malheureux vieillard avait suffisamment souffert et il était temps pour lui de reposer en paix.

La journée touchant à sa fin, tous deux méritaient aussi du repos. Alastor laissa la jeune fille vaguer à ses occupations tout en lui demandant de ne pas rentrer tard, ne voulant pas être dérangé pendant qu'il dormait.
Mais voyant la lune haut dans le ciel et pas le moindre retour de la frêle brune, le fossoyeur commençait à se préoccuper. Derrière ses airs moqueurs et cyniques, il restait une infime part de sensibilité. Comment ne pas éprouver de la pitié pour cette jeune fille tombée bien bas? Prenant sa lanterne, il sortit au cimetière pour la rejoindre. Mais pas de trace. Seulement une bouteille vide laissée au pied d'un tas de terre. Peut-être qu'elle errait ivre dans les rues du village? Cela ferait honneur à la réputation de débauchée qui lui collait à la peau...Il ne manquerait plus que ça...une assistante ivrogne...Mais alors qu'il se baissait pour ramasser la bouteille, celle-ci roula jusqu'au bord de la fosse individuelle fraîchement creusée, étant à quelques pouces de tomber. S'avançant pour la rattraper, il aperçut un corps pâle dans le trou...C'était Jeanne...qui semblait avoir trouvé un meilleur lit pour passer la nuit...et l'éternité qui serait peut-être proche ou peut-être lointaine...Seul le Très-Haut le savait. Pauvre fille...
Comme si cela ne suffisait pas, Alastor était tenté de la réveiller en l'arrosant de son liquide jaune...Encore une fois pour rigoler. Mais la pensée resta pensée et il alla la chercher pour la mettre dans un lit moins macabre que celui-là.
Rouge_gorge
Le lendemain matin, l'Oiseau s'éveilla avec sa première gueule de bois: l'esprit embrumé et la tête dans un étau. Elle n'avait pas vomi et se retrouvait d'autant plus barbouillée. Le moindre geste la rappelait à l'ordre car le temps passé sous la pleine lune, ses muscles s'étaient tétanisés pour lui apporter un minimum de chaleur. Ses paupières étaient gonflées et rougis d'avoir trop pleuré. Jeanne sentait la terre et en était maculée. Impossible d'assister à l'enterrement du Jeannot et encore moins dans cet état-là. Elle essuya les remarques d'Alastor, sans que celles-ci ne la salissent le moins du monde. Si son crâne n'avait pas été aussi douloureux comme le reste de son corps, Rouge-Gorge aurait trouver sa léthargie presque agréable. Ses pensées avaient cessé de la tourmenter pour l'heure, un nouveau jour se levait: le troisième de sa nouvelle vie.

Boucle brune ressentait un certain détachement pour tout à cet instant, une sérénité qu'elle n'avait pas éprouvé depuis longtemps. Le temps de l'enterrement du gros laboureur, elle était restée discrète dans la masure du fossoyeur à s'atteler à des tâches plus communes et moins morbides. Elle mettait un peu d'ordre dans la pièce en attendant que le temps passe. Elle tendait l'oreille pour entendre les sanglots bruyants et les plaintes déchirantes des villageois endeuillés...Le sourire aux lèvres. Le coeur plus léger que d'habitude, Jeanne, qui retrouvait sa voix petit à petit, tenta de pousser la chansonnette: rien de bien joyeux pour autant. Malheureusement pour elle, son timbre était encore éraillé par l'alcool ingurgité alors l'Oiseau siffla.

Quelques heures passèrent avant que les derniers membres de la famille du Jeannot, les plus proches et aimants, ne quittèrent le cimetière le coeur lourd et l'âme en peine. La jeune femme, malgré son âge, ne tirait que satisfaction de la scène qu'elle observait à travers les carreaux qu'elle lavait. Mais bientôt s'approcha le fossoyeur, surement venu la quérir. Quand il poussa sa porte d'entrée, le logis était nettoyé et Jeanne, bien réveillée. Forçant sur ses cordes vocales pour mettre un peu d'entrain dans sa voix, elle s'exclama:


Merci pour...hier soir. Je ne boirai plus autant. Navrée du spectacle...Le repas est presque prêt si tu veux passer à table.

Mais dans sa presque bonne humeur, l'Oiseau allait vite déchanté.
Alastor.the.reaper
Ce matin-là annonçait un début de journée pénible, à écouter les plaintes des dames endeuillées. Bon dieu qu'il détestait ça, entendre les gens, surtout les femmes, avec leurs aiguës intonations, pleurer pour leurs morts, surtout pour des personnes détestables. La mort faisait partie de sens naturel de la vie. Tout mortel en ce bas monde était préparé, avec en maigre consolation l'espoir d'être réincarné dans une sorte de paradis céleste auprès d'un vieux barbu qui semblait prendre un plaisir ou de n'en avoir rien à faire de voir ses créations souffrir. C'était bien fait pour eux, devait-il penser.

En ce jour, Alastor aurait adoré égayé cette funeste cérémonie en invitant son assistante à le rejoindre, à l'accompagner à ouvrir et boucher le trou qui servait de dernier lieu de repos au Jeannot. Pas par amitié, loin de là mais par plaisir d'attirer le regard rouge du fils en voyant la pestiférée venir gâcher son moment d'adieu à celui qui venait de lui léguer une bonne part de sa fortune. Cela aurait été jouissif.

Mais comme le rouge-gorge avait encore la tête dans le ... et qu'il tenait encore à être rétribué de sa maigre portion, le fossoyeur restait concentré sur sa tâche.

Une fois que les derniers proches de la famille du mort furent enfin parti, ce fut un grand soulagement d'entendre le silence revenir.

Midi approchant, la panse criait famine. Et ce fut un homme tout crasseux qui fit son retour dans sa tanière, en espérant que l'oiseau alcoolique n'ait pas passé son temps à se remettre de sa grosse cuite.
Que ne fut pas sa surprise de voir une Jeanne gênée qui s'était adonnée à la tâche de préparer un met à l'odeur alléchante.

De ses yeux perçants, Alastor la fixait froidement, se retenant de faire rencontrer sa main et le visage de celle-ci.


Ecoute-moi bien p'tite merde, j'veux pas d'une pochtronne chez moi! Alors la prochaine fois que j'te vois comme ça j'te vends au bordel! Là t'auras une bonne raison de te cuiter! C'est clair?

L'avertissement passé, l'ours passa à table. Le repas se passa dans un silence pesant. Mais avant que la fille qui lui sert de larbin n'ouvre la bouche pour lui demander le programme de la journée, il la devança.

On ira à la cave, j'ai quelque chose à te montrer.

Et elle allait loin d'être déçue...
Rouge_gorge
Jeanne avait essuyé les menaces de son mentor, la mine basse et les doigts noués. Les paroles étaient claires, il se débarrasserait d'elle sans ciller car au fond, il ne s'attachait pas à elle et...c'était réciproque. Boucle Brune ne s'étalait pas sur sa vie, Alastor en savait déjà trop. Elle ne cherchait pas à s'en faire un ami ou un allié, il était simplement la première étape de sa nouvelle vie. Quand il lui aurait léguer tout le savoir de son triste emploi alors elle partirait dans un nouveau village pour s'occuper d'un cimetière qui serait le sien. Tout était clair, oui...

Rouge avait passé le repas et le reste de ses derniers jours auprès du fossoyeur avec une épée de Damoclès au-dessus de son crâne. Tout alors allait être méticuleusement peser, de la cuillère qui se posa dans l'écuelle sans en racler le fond jusqu'aux sursauts qu'il pouvait encore lui tirer. Boucle Brune allait comprendre ce qu'était "garder son sang froid" car il allait se glacer encore oui.


On ira à la cave, j'ai quelque chose à te montrer.

L'Oiseau avait instinctivement serrer ses cuisses sous la table à l'annonce. Elle avait pincé les lèvres et hoché docilement avant de débarrasser le couvert. Ses mains tremblaient et la vaisselle s'entre-choquait entre ses doigts. Elle avait peur. Le dernier homme qui l'avait invité à entrer, c'était son voisin, il y a un peu plus de neuf mois de cela. Elle avait redressé les tréteaux* qui servait de table à manger pour dégager l'espace de la pièce principale. Après avoir rangé les chaises dans un coin, Jeanne s'était attelée à nettoyer les plats.

Profitant de l'ignorance du maitre de maison, elle glissa discrètement un couteau parepain** dans ses jupons crasseux. Ce genre de lame ne la sauverait pas du désir d'un homme mais c'était une illusion de sécurité. A peine eut-elle essuyé les derniers couverts qu'Alastor la manda. Sa voix résonnait légèrement et elle sut à l'écho qu'il s'était déjà engouffré dans la trappe qui menait à la cave. S'armant d'une chandelle, Boucle Brune descendit à son tour. Ses genoux flageolaient, il ne lui avait toujours pas dit ce qu'il voulait faire dans la pièce souterraine et l'angoisse montait dans ses poumons.

Que pouvait faire un fossoyeur dans ce genre de salle? Rouge ne savait pas à quoi s'attendre de la part de ce dernier. Il n'avait définitivement pas de manière orthodoxes pour exécuter ses tâches. L'Oiseau, même en ayant tout imaginé, lâcha un piaillement en pénétrant dans la pièce. Celle-ci était faiblement éclairée mais l'odeur n'était que celle du renfermé...


*Les gens peu aisés de l'époque utilisait des tréteaux pour manger car la pièce commune n'était pas dédiée qu'aux repas...C'est aussi de là que vient l'expression "dresser la table".
**Couteau qui coupait les tranches de pain nommée "tranchoirs" sur laquelle était servie la viande.

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Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Alastor.the.reaper
Le repas achevé, Alastor laissa son larbin ranger la table et descendit directement à la cave, cette pièce sombre, froide et particulièrement glauque. Il n'était donc point étonnant que la jeune femme se méfiait de ce projet si soudain de faire un tour là-dedans. Car oui, ce ne serait pas pour montrer sa collection de vins, loin de là. Mais c'était probablement bien pire que l'Oiseau s'imaginait...

Odeur de renfermé sentait-elle? Ou plutôt l'odeur de la mort ? Elle allait bientôt le savoir en descendant.

Sur une table étaient posés des cierges allumés en guise d'éclairage...Au centre, quelque chose recouvert d'un drap blanc sur une planche sur tréteaux plus grande. Quelque chose de secret, de scandaleux, que le fossoyeur n'avait jamais révélé à qui que ce soit. Etait-ce une preuve de confiance? Une marque d'amitié? Non du tout. Alastor avait des intentions bien plus malveillantes. Et le moment idéal pour le faire était bien après l'heure du repas!

L'entendant arriver en couinant, l'homme pouffa.


Y'a pas de souris si t'as peur de ça. Allez, approche et regarde ce qu'on va faire.

Ne pouvant plus attendre, il dévoila la surprise. Sur cette table, reposait le corps raide, pâle et nu d'une belle femme, rousse, dont les signes de putréfaction étaient apparus depuis peu.

Pendant que tu comatais, je l'ai récupérée pendant ma balade au clair de lune. Elle était là, sur le bord de chemin. On l'a étranglé. Probablement une vagabonde qui a eu la malchance de tomber sur des brigands. Comme personne l'a réclamé, je l'ai gardé.

Il regarda la morte en lui caressant les cheveux.

Quel gâchis, j'en aurais bien fait mon quatre-heure! Mais comme elle est morte, bizarrement j'ai pas très envie de jouer avec elle...Enfin jouer...Ça dépend de quel jeu.

Il adressa un sourire malsain à Jeanne.

Aujourd'hui, c'est travaux pratiques. On va l'étudier de partout, de la chair à l'os!

Le croque-mort sortit de l'armoire sa boîte d'instruments tranchants, un carnet avec son fusain qu'il posa aux pieds du cadavre, ainsi que des tabliers dont il en balança un à son assistante.

Tiens, mets-ça.

Dit-il en se protégeant avec ce long morceau de tissu.

Commence pas à râler, c'est une chance inédite pour une donzelle de participer à une autopsie. Et puis, c'est pas si dégueu que ça, c'est comme à la boucherie! Mais avant que tu la charcutes, je vais te laisser un peu la dessiner. Applique-toi bien alors!

Ajouta-t-il en ricanant, la main gantée tenant un scalpel.

Par quoi on commence? Le tronc, le con ou le visage?...
Rouge_gorge
Et quelle surprise... Jeanne écoutait son mentor, voyait sa main se poser dans la chevelure de la défunte. Comment pouvait-il...? Avec ce sourire? Avec ses pensées? L'étoffe balancée la tira de ses songes et de leurs jugements. Boucle Brune s'habilla avant de prendre le carnet et le fusain. Elle ne savait pas dessiner, ce n'était qu'une adolescente paumée qui butait déjà assez sur les mots alors faire un dessin...

La lumière se reflétait sur la courte lame aiguisée du scalpel. Agitation de l'objet jouait comme la lueur d'un phare et les prunelles sombres se posèrent sur le feuillet blanc. Une croque-mort, hein? Alors va pour un croquis maladroit. La pointe du fusain se posa sur le papier, les doigts tremblaient, le tracé n'était pas certain. Le regard coulait sur le faciès livide teinté de bleu, de violet et de noir, sur la tempe, les lèvres et la gorge. Peu à peu, la victime nécrosait là où les coups avaient été sûrement les plus violents. D'autres coups étaient alors portés sur le carnet pour dessiner les traits de l'Endormie. Les proportions n'étaient pas respectées ni la profondeur des reliefs. C'était une esquisse d'enfant avec une tête trop grosse pour les deux traits qui servaient de tour d'ivoire. Les yeux n'étaient que deux courbes étirées de cils pour marquer les paupières fermées. Le reste n'était guère plus travaillé et pourtant Rouge s'appliquait à la tâche, essayant d'immortaliser le visage d'une simple mortelle. D'une inconnue passée à trépas sous une certaine violence.

Le soin et l'attention dont faisait preuve l'Oiseau semblait exaspéré Alastor qui visiblement s'impatientait de la suite des travaux pratiques. Quelques griffes plus tard, l'apprentie retournait le feuillet vers le fossoyeur. Voyant son trouble, Jeanne s'expliqua:


Elle sourit parce qu'elle est maintenant en paix.
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Alastor ne comprenait pas ce qui se passait à cet instant. L'Oiseau s'était soudainement mis à faire une esquisse alors qu'il n'avait même pas commencé à charcuter la pauvre macchabée qui gisait sur la table.

Heu...J'ai pas dit tout de suite, c'est pas l'extérieur qu'il faut dessiner, spèce de saphique nécrophile!

Curieux cependant, il jeta un œil sur son croquis. Elle était pas si nulle que ça!

Alastor était agacé par le fait que Jeanne l'ait déstabilisé en n'exprimant pas une réaction d'horreur et de dégoût comme quand elle avait rencontré le clochard rongé par les rats la veille. Mais il ne s'avouait pas vaincu! Au jeu de celui qui ferait déjanter l'autre le premier, il refusait de se faire voler la place. Il finirait par la mettre à bout.


Hm...Tu dis qu'elle sourit ? C'est plutôt la grimace qu'elle fait. Elle m'a l'air de pas avoir trop aimé se faire serrer le cou.

Avec sa fine lame, il traça un rictus de bouffon sur le visage de la pauvre fille, lui retirant un peu de peau pour accentuer la couleur carmin.

Voilà, ça c'est un sourire! Mets bien ça sur papier!

Répondit-il d'un sourire narquois.

Mais j'suis étonné qu'une homo de ton genre ne veut pas regarder ce qu'il y a plus bas... J'me suis toujours demandé à quoi ça ressemblait à l'intérieur, gné eh...

Prenant un couteau de boucherie, il ouvrit le bas ventre de la victime.

Oh, merde! Elle a un polichinelle dans l'tiroir! Regarde!

S'exclama-t-il, surpris.
Rouge_gorge
[...] spèce de saphique nécrophile!

Les prunelles sombres observèrent le cuir raide se fendre et craquer sous le scalpel, impuissante. L'Endormie reprenait des couleurs plus vives, la chair mise à nue ainsi. Dans son ultime repos, elle avait l'air comique comme si le Paradis Solaire n'était qu'une énième farce: que derrière la Vie, il n'y avait ni jugement, ni terre promise, que la Mort n'était rien. Pas une étape vers l'Au-dela, juste un trou où pourrir quand...Quand le corps pouvait trouver un peu de repos. La rousse, elle, n'avait pas cette chance entre les mains du fossoyeur.

[...] une homo de ton genre [...]

Quand l'outil fut troqué alors la barbarie n'eut plus de limites. Le carnet et le fusain tombèrent des mains de Jeanne, ses phalanges tremblaient de trop. Elle n'avait plus la force de ployer l'échine devant cette boucherie. La lame se plantait, éviscérait. Les doigts fouillaient les entrailles sans ménagement. Rouge était figée sur place, horrifiée. Pourtant un vent de révolte soufflait dans les pensées de Boucle Brune. Tandis que la petite voix de sa conscience la tyrannisait intérieurement, sa voix bégayait, chevrotante.

"Tue-le, Jeanne! Plante-lui ton couteau dans la gorge!"

Lai...Laisse-moi Al..Alastor...

"Perce-lui les yeux avant qu'il ne soit trop tard!"
Laisse-moi la...la re..recoudre...

"Arrache-lui les dents!"
Et l'enterrer décemment, s'il te plait.

Le regard s'était décroché de la scène pour se perdre dans la flamme d'une bougie.

"Brûle-le, Jeanne! Brûle-le!"

Le mentor aurait pu lui apprendre tant de choses: compter les fibres d'un muscle, recoudre un tendon... Il aurait pu lui enseigner à s'occuper d'un cimetière en âme bienveillante sur les défunts qui l'habitaient. Il n'en fut rien. Le fossoyeur avait gagné.

Ses allusions sur ses penchants lui marqueraient l'esprit plus profondément qu'elles semblaient l'impacter sous le choc. A l'aube de sa jeunesse, Jeanne ne connaissait encore rien de ses attirances. On lui avait arraché son innocence de manière sournoise puis brutale à l'instar du regard du fossoyeur et de ses gestes.

Pauvre Femme, morte ou vive, ta condition n'est que calvaire dans les bras des Hommes.

"Fuis, Jeanne! Fuis!"

Le corps de l'Oiseau ne bougea pas pour autant. Elle avait demandé une faveur.

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Alastor.the.reaper
Le monstre prenait plaisir à malmener l'Endormie pour faire craquer l'Oiseau. Pour lui, cet agissement inhumain était un jeu sadique. La vie et la mort n'avait à ses yeux aucune valeur. Il considérait les corps inertes comme de simples carcasses et n'éprouvait aucune compassion pour les disparus. Le dégoût et la peine de les voir peu à peu se réduire en poussière, rongés par la vermine, étaient des sentiments qui avaient disparu depuis fort longtemps. Peut-être même que le fossoyeur ne les avaient jamais ressenti, lui qui avait connu la cruauté de ce monde, la violence, l'horreur et la mort depuis son enfance. Le barbare ne comprenait pas la douleur que pouvait vivre le commun des mortels quand l'un des leurs rendait son dernier souffle. Leurs pleurs, leurs cérémonies auxquelles il participait n'avaient aucun sens. Ils agissaient ainsi mais pour soulager leurs propres souffrances : pour lui, les défunts n'en avaient que faire de ce que deviendraient leurs enveloppes corporelles puisqu'ils partaient directement au Paradis Solaire, à l'exception de ceux qui rêvaient d'un semblant d'immortalité en exigeant des obsèques en grande pompe et de belles stèles.

Alastor avait perdu toute humanité, n'éprouvant le plaisir de vivre qu'en torturant physiquement et surtout mentalement les autres. Et Jeanne, tel un oiseau blessé, était la proie idéale. S'il l'avait accepté, c'était uniquement dans ce but : jouer avec elle, lui briser le mental, voir jusqu'où elle pouvait résister. Le rouge gorge, terrorisée, avait perdu. Mais peut-être que si elle n'avait pas craqué, il l'aurait, au sens propre, tenu en respect. Car seul un monstre pouvait mériter d'être le disciple de ce démon. Mériter de rester et apprendre les sciences anatomiques auprès de lui.

L'Oiseau, en le suppliant d'arrêter, était à sa merci. Le détraqué lui répondit avec un sourire malsain.


J'aime quand tu me parles comme ça. Ça m'excite...

Il ricana.

Bah putain c'est de l'art! C'est les sales bêtes qui vont être contentes! Mais je t'en prie, occupe-toi d'elle. Je te regarde faire...

Dit-il en essuyant le couteau rouge avec un chiffon avant de le ranger dans son étui, sifflotant.
Rouge_gorge
Alastor n'était que provocation: dans son sourire, dans son regard, dans ses mots, dans ses gestes. Il était là à acculer l'Oiseau apeuré, la bousculant dans ses retranchements. Jeanne n'avait pas peur de lui ni de son sadisme, elle craignait ce qu'elle pouvait devenir ou plutôt redevenir.

Elle avait étouffé de ses propres mains l'être qui avait poussé pendant neuf mois en son sein. Elle l'avait senti doucement prendre vie au fond de ses entrailles. Cette petite fille avait grandi, s'était nichée, innocente, dans le ventre de l'Oiseau et avant qu'elle ne pousse son deuxième cri, les poumons brûlants de vie, les serres maternelles s'étaient fait étau pour la rendormir à jamais. Rouge était désespérée à cet instant mais là, dans cette cave, devant ce carnage, elle l'était tout autant par l'attitude du Charognard. Etait-ce cela qu'il souhaitait? Se faire égorger là, maintenant, sur un coup de sang, dans un élan de panique?

Les doigts tremblants se nouèrent à l'extrémité des bras ballants. La poitrine gonflée de lait s'agitait lentement sous une respiration difficilement maitrisée. Garde ton calme, Jeanne. Les paupières se fermèrent une demi-seconde si longue pour se rouvrir sur le même décor sombre et sanglant. Ne cèdes pas, Rouge.


Mais je t'en prie, occupe-toi d'elle. Je te regarde faire...

Ses chausses trouées avaient avancé sans le moindre bruit, le jupon flottait en silence. Boucle Brune s'était approchée des ustensiles, la pulpe des doigts avaient effleurés chaque manche tandis que le regard éteint avait couvé chaque lame. Ne cèdes pas, Rouge. Finalement, de la boite à outils de torture, elle tira une aiguille courbe, d'entre les pinces pour arracher les dents et les ciseaux pour couper les cheveux ainsi qu'une bobine de fils épais. Il n'était visiblement pas fait pour la couture de tissus mais pour la suture de chair. A la base, le fossoyeur, du moins, le professionnel éthique et consciencieux, utilisait ses objets pour embellir le défunt. Jeanne ne chercha même pas à savoir ce qu'un esprit aussi pervers et tordu que celui du croque-mort pouvait en faire.

Après ses préparatifs, l'apprentie se pencha sur le visage de l'Endormie. La manière dont le rictus avait été gravé ne pouvait pas être réparé. L'Oiseau, par acquis de conscience, perça deux points de chaque côté des lippes fendues, ajoutant au sourire, deux fossettes à l'instar des siennes. Les nœuds étaient surtout là pour éviter que la craquelure du cuir ne lui bouffe toute la mâchoire. Le travail, le plus long, le plus fastidieux et surtout le plus difficile à exécuter fut de recouvrir le tronc éventré. L'odeur et la vision des organes en décomposition lui tiraient des larmes. Les doigts ripaient gauchement sur le cuir raide.

Heureusement, Jeanne se consola de sa maladresse en se disant que la rousse ne pouvait plus sentir ses piqûres et ses griffures même si ses dernières n'étaient que du vent devant l'acharnement du Boucher. Plus elle reniflait, plus elle s'écoeurait. Le labeur fut long, très long et dans son dos, Alastor pouvait allègrement jouir de sa détresse. L'échine ronde et les épaules voutées sursautèrent quand le nez se posa sur cette masse noircie en forme de haricot dormant au milieu des tripes mises à nue. Existait-il réellement pire vision que cela au monde? Garde ton calme, Jeanne. Un sanglot bruyant éclata dans le silence caverneux.

Du plexus solaire au pubis, tout l'abdomen fut suturé et l'ouvrage prit le temps qu'il fallut. Rouge en avait oublié la présence du Monstre qui l'observait. Ses injures, ses railleries, ses menaces, plus rien ne pouvait maintenant l'atteindre. Ses mains ne tremblaient plus, ni ses genoux, d'ailleurs. La silhouette était devenue si raide qui lui fut douloureux de ramasser le croquis à terre. Les doigts puants et crasseux de sang coagulé maculèrent les traits tantôt dessinés.


Je vais me laver les mains, Alastor.

L'Oiseau remonta les degrés menant à la pièce principale du logis et sans tourner vers la cuisine ni se retourner vers la trappe, sortit de la maisonnée. D'un pas mécanique, Jeanne sortit du cimetière et emprunta le chemin qui menait hors du village. Elle marcha à l'aveugle, les yeux écarquillés dans la nuit déjà bien entamée. Longtemps et loin, si loin et si longtemps qu'elle le put, dans un silence terrifiant. Puis Rouge s'écroula à l'aube quand elle se pensa en sécurité.

Le mal était pourtant fait, la graine était plantée, il ne restait que le temps qu'elle germe dans le terreaux fertile qu'était son âme ébréchée. La folie s'enracinerait naturellement dans son esprit. Alastor avait gagné, il avait engendré un monstre. A moins qu'il ne le cultiva seulement?



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