Walan
Quelques jours à peine après la cérémonie qui lui avait officiellement rendu Meyrieu, Walan avait dû quitter ses terres pour répondre à une nouvelle mobilisation requérant l'aide de la Licorne. Il avait ainsi dit au revoir à sa fille, sa maisonnée et son foyer, les laissant sous bonne garde de Jehan et Sancie, avant de se diriger vers l'ouest et, plus précisément, la Touraine.
Il ne s'attendait pas, durant son voyage, à ce qu'une relation et des sentiments qui se développaient tranquillement depuis plusieurs mois se décantent brutalement alors même qu'il arrivait près de Tours. Diverses choses, qu'il voyait désormais comme une évidence mais auxquelles il avait pourtant été aveugle jusque là, s'étaient révélées à lui... non sans créer une situation complexe.
Quelques semaines plus tard, profitant du calme -probablement temporaire-, Sans Repos décida de faire un retour rapide vers Meyrieu pour tenter de commencer à démêler l'écheveau... Il était donc arrivé, presque par surprise et accompagné seulement de quelques gardes, lors d'une fin de matinée ensoleillée. Il retrouva sa fille avec joie, l'enlaçant autant qu'elle le lui permit, et peinant à manifester une bonne humeur qu'elle ne lui voyait pas souvent. Les retrouvailles faites, il la surprit un peu plus en lui confiant un jeune chat blanc de quelques mois, lui indiquant seulement qu'il s'agissait d'un cadeau qu'on lui avait fait, qu'il lui était précieux mais ne pouvait pas s'en occupé sur un camp militaire, et chargeant Aëlys de lui trouver un nom.
Ce n'est que plusieurs heures plus tard, après avoir écouté les rapports que Jehan ne manqua pas de lui faire et traité les affaires urgentes, que Walan revint voir sa fille dans sa chambre, comme il l'avait fait quelque temps plus tôt pour parler de Meyrieu et d'autres choses. Il avait cette fois une mine plus habituelle, même si une lueur demeurait dans son regard. Doucement, il prit la parole.
La raison principale de mon retour est que je voulais te parler de quelque chose d'important, Aëlys, et je ne voulais pas le faire par lettre.
S'installant sur un coin de meuble, le brun regarda attentivement son héritière avant de poursuivre.
Tu te rappelles, avant que je parte, nous avions parlé d'amour. De l'amour que j'avais eu pour ta mère, et pour celles qui l'avaient précédée dans mon cur.
Je t'avais dit qu'à chaque fois, lorsqu'elles avaient disparu, j'avais cru que plus jamais je ne pourrais aimer quiconque d'autre, que je refusais de m'attacher. Et que, malgré tout, le Très Haut continuait de mettre d'autres personnes sur ma route et me donnait tord...
Dans le cas de ta mère, cela a duré des années après qu'elle soit entrée dans ce couvent. J'étais persuadé qu'elle en ressortirait, je l'ai été même quand plus personne n'y croyait -même toi, je pense, tu avais abandonné-. Je l'aimais toujours, et il m'était inconcevable, inimaginable d'aimer quelqu'un d'autre.
Puis elle est revenue, contre toute attente, des années plus tard. Et j'ai eu l'impression de retrouver Marie Alice, telle qu'elle nous avait quitté. Mais nous avions changé, tous, et elle est repartie à peine quelque semaine plus tard...
Je crois que quelque chose a changé en moi, à ce moment là. Je me suis peu à peu rendu compte que ce n'était plus vraiment à de l'amour, mais plutôt à des souvenirs que je m'accrochais. Ça n'a pas eu beaucoup d'importance, dans l'immédiat, si ce n'est que ça m'a rendu, peut-être, un peu plus ouvert à d'autres choses.
Et puis... Et puis le Très Haut créé des rencontres. Une rencontre, en particulier. Qui n'était rien pour moi, au début, mais dont la nature, peu à peu, a changé : de taquineries en amitié, d'amitié en confidences, et de confidence en... autre chose, il y a quelque temps, à Tours.
C'était peu dire que le brun avait du mal à s'expliquer devant sa fille. Il craignait sa réaction à ce qui suivrait, aussi cherchait-il à lui décrire de son mieux ses sentiments... et il n'avait jamais été particulièrement à l'aise avec ça. Surtout avec sa propre fille, à vrai dire. Il finit toutefois par en venir au fait :
J'aime une femme, Aëlys. Je suis tombé amoureux d'elle, presque sans m'en rendre compte, mais je le suis. Et elle m'aime également.
Pour autant, je ne veux pas trahir les vux que j'ai échangé avec ta mère.
C'est pourquoi...
Cette fois, c'est carrément la phrase qu'il eut du mal à prononcer. Non pas qu'il eut un doute sur la décision elle-même, mais parce que l'énoncer à haute voix, devant sa fille, revenait à lâcher les dés en n'ayant plus qu'à attendre de voir sur quelle face ils se stabiliseraient. Aëlys serait-elle heureuse du bonheur de son père ? Se réjouirait-elle d'un éclaircissement de la situation ? Ou se sentirait-elle trahie, abandonnée ? Il espérait évidemment qu'il s'agirait du premier cas.
... c'est pourquoi je voulais te dire que je vais contacter un évêque, pour savoir s'il peut me reconnaître veuf, ou dissoudre mon mariage avec ta mère.
Cela n'effacera pas les sentiments que j'ai eu pour elle, ni même son souvenir. J'ai vécu des années merveilleuses à ses côtés et je n'ai aucune intention de les oublier, pas plus qu'en me mariant avec ta mère elle ou moi n'avions oublié ceux que nous avions aimé avant. Tu demeureras sa fille, notre fille, le signe de l'amour que nous avons partagé.
Je ne cherche pas une "remplaçante". Simplement de pouvoir... continuer.
La voix s'était faite un peu plus basse tandis qu'il terminait, et Walan observa, silencieux, presque anxieux, la réaction de sa fille...
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Il ne s'attendait pas, durant son voyage, à ce qu'une relation et des sentiments qui se développaient tranquillement depuis plusieurs mois se décantent brutalement alors même qu'il arrivait près de Tours. Diverses choses, qu'il voyait désormais comme une évidence mais auxquelles il avait pourtant été aveugle jusque là, s'étaient révélées à lui... non sans créer une situation complexe.
Quelques semaines plus tard, profitant du calme -probablement temporaire-, Sans Repos décida de faire un retour rapide vers Meyrieu pour tenter de commencer à démêler l'écheveau... Il était donc arrivé, presque par surprise et accompagné seulement de quelques gardes, lors d'une fin de matinée ensoleillée. Il retrouva sa fille avec joie, l'enlaçant autant qu'elle le lui permit, et peinant à manifester une bonne humeur qu'elle ne lui voyait pas souvent. Les retrouvailles faites, il la surprit un peu plus en lui confiant un jeune chat blanc de quelques mois, lui indiquant seulement qu'il s'agissait d'un cadeau qu'on lui avait fait, qu'il lui était précieux mais ne pouvait pas s'en occupé sur un camp militaire, et chargeant Aëlys de lui trouver un nom.
Ce n'est que plusieurs heures plus tard, après avoir écouté les rapports que Jehan ne manqua pas de lui faire et traité les affaires urgentes, que Walan revint voir sa fille dans sa chambre, comme il l'avait fait quelque temps plus tôt pour parler de Meyrieu et d'autres choses. Il avait cette fois une mine plus habituelle, même si une lueur demeurait dans son regard. Doucement, il prit la parole.
La raison principale de mon retour est que je voulais te parler de quelque chose d'important, Aëlys, et je ne voulais pas le faire par lettre.
S'installant sur un coin de meuble, le brun regarda attentivement son héritière avant de poursuivre.
Tu te rappelles, avant que je parte, nous avions parlé d'amour. De l'amour que j'avais eu pour ta mère, et pour celles qui l'avaient précédée dans mon cur.
Je t'avais dit qu'à chaque fois, lorsqu'elles avaient disparu, j'avais cru que plus jamais je ne pourrais aimer quiconque d'autre, que je refusais de m'attacher. Et que, malgré tout, le Très Haut continuait de mettre d'autres personnes sur ma route et me donnait tord...
Dans le cas de ta mère, cela a duré des années après qu'elle soit entrée dans ce couvent. J'étais persuadé qu'elle en ressortirait, je l'ai été même quand plus personne n'y croyait -même toi, je pense, tu avais abandonné-. Je l'aimais toujours, et il m'était inconcevable, inimaginable d'aimer quelqu'un d'autre.
Puis elle est revenue, contre toute attente, des années plus tard. Et j'ai eu l'impression de retrouver Marie Alice, telle qu'elle nous avait quitté. Mais nous avions changé, tous, et elle est repartie à peine quelque semaine plus tard...
Je crois que quelque chose a changé en moi, à ce moment là. Je me suis peu à peu rendu compte que ce n'était plus vraiment à de l'amour, mais plutôt à des souvenirs que je m'accrochais. Ça n'a pas eu beaucoup d'importance, dans l'immédiat, si ce n'est que ça m'a rendu, peut-être, un peu plus ouvert à d'autres choses.
Et puis... Et puis le Très Haut créé des rencontres. Une rencontre, en particulier. Qui n'était rien pour moi, au début, mais dont la nature, peu à peu, a changé : de taquineries en amitié, d'amitié en confidences, et de confidence en... autre chose, il y a quelque temps, à Tours.
C'était peu dire que le brun avait du mal à s'expliquer devant sa fille. Il craignait sa réaction à ce qui suivrait, aussi cherchait-il à lui décrire de son mieux ses sentiments... et il n'avait jamais été particulièrement à l'aise avec ça. Surtout avec sa propre fille, à vrai dire. Il finit toutefois par en venir au fait :
J'aime une femme, Aëlys. Je suis tombé amoureux d'elle, presque sans m'en rendre compte, mais je le suis. Et elle m'aime également.
Pour autant, je ne veux pas trahir les vux que j'ai échangé avec ta mère.
C'est pourquoi...
Cette fois, c'est carrément la phrase qu'il eut du mal à prononcer. Non pas qu'il eut un doute sur la décision elle-même, mais parce que l'énoncer à haute voix, devant sa fille, revenait à lâcher les dés en n'ayant plus qu'à attendre de voir sur quelle face ils se stabiliseraient. Aëlys serait-elle heureuse du bonheur de son père ? Se réjouirait-elle d'un éclaircissement de la situation ? Ou se sentirait-elle trahie, abandonnée ? Il espérait évidemment qu'il s'agirait du premier cas.
... c'est pourquoi je voulais te dire que je vais contacter un évêque, pour savoir s'il peut me reconnaître veuf, ou dissoudre mon mariage avec ta mère.
Cela n'effacera pas les sentiments que j'ai eu pour elle, ni même son souvenir. J'ai vécu des années merveilleuses à ses côtés et je n'ai aucune intention de les oublier, pas plus qu'en me mariant avec ta mère elle ou moi n'avions oublié ceux que nous avions aimé avant. Tu demeureras sa fille, notre fille, le signe de l'amour que nous avons partagé.
Je ne cherche pas une "remplaçante". Simplement de pouvoir... continuer.
La voix s'était faite un peu plus basse tandis qu'il terminait, et Walan observa, silencieux, presque anxieux, la réaction de sa fille...
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