Javier.gimeno
« Le jeu permet de tout oublier, y compris qu'on n'a pas les moyens de jouer »
Philippe Bouvard
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Philippe Bouvard
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L'ambiance est lourde, chaude, étouffante. Peut-être est-ce le stresse qui provoque ces sensations chez le catalan ? On y voit pas grand chose au-delà de la table, si ce ne sont les silhouettes ombrageuses de quelques badauds qui s'amusent du spectacle. Ou peut-être est-ce encore le Gimeno dont le palpitant galope qui ne tient pas à les voir ?
Il ne sait plus depuis combien de temps cette partie de berrichon à commencée, il pourrait sans doute le mesurer si il prenait la peine de calculer combien de temps il met en moyenne pour perdre l'une de ces piles d'écus qui s'amoncelle en muraille chaotique devant l'homme qui lui fait face. Mais non, le temps importe peu quand on aime jouer comme lui, c'est le démon du jeu perché sur son épaule qui le lui souffle, seul compte la chance, et la chance tourne, c'est bien connu.
- Douze.
Le doré de son regard se fixe sur la boite contenant les trois dés, ment-il ? Douze, ce n'est pas grand chose, ce doit être facile à battre. Encore une fois, le Gimeno va compter sur la chance plutôt que jouer la sécurité. Et la main s'avance pour saisir la boite qu'il se met à secouer
A le voir ainsi, on ne croirait pas qu'il est dans la merde jusqu'au coup, qu'il flippe. Si ce n'est la légère goute de sueur qui lui coule le long du coup, l'adrénaline du jeu lui donnant de plus en plus chaud. Toute sa personne est soignée, et il ne se défait de son air impassible que pour esquisser une légère mimique dagacement à chaque défaite. Vous comprendrez qu'elles sont nombreuses depuis le début du jeu. D'ailleurs cela risque bien d'être sa dernière défaite, puisqu'il vient d'avancer ses derniers écus
L'ouïe concentrée sur le bruit des dés qui subissent les secousses à répétition, il ne lâche pas son adversaire de son regard profond. Il caque la boite sur la table d'un geste sec, et prend son temps pour pencher un peu la boite, et observer le résultat Neuf. Le cur manque un battement, et dans l'empressement, Javier joue le tout pour le tout.
- Treize.
Il tente le bluffe, n'esquissant aucune émotion particulière tandis qu'il replace la boite pour masquer le résultat, et se fend d'un air sûr de lui en cueillant sa coupe de vin pour en boire une gorgée. L'homme en face le scrute, yeux plissés, mâchoires crispées, l'étudiant avec intensité Avant de grogner un :
- Tu mens l'espagnol.
Tu es sûr ?
Oui !
Peste soit de ce gros lard ! Il espère un instant que le doute l'assaille, mais le lourdaud gifle la boite pour dévoiler son misérable score, et le pointe de son index en lâchant un victorieux et narquois :
- AH !
Burdel.*
Les traits se tendent d'exaspération, mais à l'intérieur de sa tête, c'est le bordel ! Il vient de perdre la quasi totalité de ce qu'il lui restait. Il observe d'un regard noir la grosse main ramener les miettes de sa fortune vers la grosse bedaine, et en bon accro, il lance la phrase la plus stupide qui soit dans sa situation :
- Quitte ou double !
Hein ?
Quitte. Ou double.
T'as d'quoi payer Gimeno ?
Il est piqué au vif, blessé qu'on puisse le taxer de la sorte, alors que c'est bien vrai ! Il n'a plus un rond. Mais cela ne se lit pas sur ses traits, et c'est l'air assuré qu'il lance de son accent du sud:
- Aurais-tu peur que la chance t'abandonne
Dupontieu ?
J'veux une assurance ! Tu n'les as pas sur toi bien entendu ?
Non, mais je peux te les faire apporter plus tard Tu te défiles ?
Et il oublie, il oublie qu'il n'a pas les moyens de jouer.
*Bordel
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