--Gamine
Elle baissa les yeux, espérant passer inaperçue, mais il était trop tard. La silhouette venait de s'installer à ses côtés.
Pas facile tous les jours n'est-ce pas ?
Une femme, une voix de femme. Elle avait eu peur qu'il s'agisse d'un vieux pervers ou de je ne sais quel énergumène qui aurait pu en avoir après elle. Soupir de soulagement et mouvement de tête sur le côté pour mieux la regarder. Elle lui tendait une miche de pain. Bon sang qu'elle avait l'air bonne, mais peut-être était-ce un piège ? Oui mais son estomac s'en fichait pas mal. D'une main timide et pas très propre, elle prit la miche de pain et glissa un léger merci avant d'y croquer à pleines dents.
Comment t'appelles-tu ?
La bouche pleine d'une délicieuse croûte croustillante et de mie moelleuse, elle répondit pourtant
Chophie !
Bravo ! Au moins il ne faisait plus de doutes qu'elle n'avait aucune manière ! Ses yeux allaient de la miche à la jeune femme. Mais Sophie s'attarda sur son visage. Elle la trouvait si jolie et se demandait si un jour elle serait aussi belle. Elle avala son morceau de pain et avant de croquer à nouveau dans la miche, elle lui posa à son tour une question
Et toi ? tu t'appelles comment ?
--Gamine
Regard sur la jeune femme qui dit s'appeler Laura. Vraiment très belle, à n'en pas douter.
Alors ? Que fais-tu ici toute seule ? Où sont tes parents ?
Petite grimace et tête qui se baisse. Elle ignorait où se trouvait ses parents. Ils étaient arrivés il y a quelques jours maintenant et ils l'avaient laissée près de l'église en lui disant de ne pas bouger. Obéissante, elle avait attendu des heures et des heures et ils n'étaient jamais revenus. Elle était depuis livrée à elle-même et n'osait pas le dire de peur qu'on se moque. Il fallait qu'elle trouve une parade, quelque chose que la jeune femme croirait sans avoir le moindre doute.
Oh je ne suis pas toute seule ! Ma mère fait le marché pendant que mon père est en quête d'un travail. Ils m'ont dit de les attendre sagement ici.
Demi mensonge puisque c'est à peu près ce qu'ils devaient faire avant qu'ils ne disparaissent. Difficile cependant à douze ans de se débrouiller toute seule. La tête toujours baissée, elle poussa un long soupir, laissant s'échapper une larme sur la joue.
--Gamine
Un bras passe autour de ses épaules. Elle avait oublié d'être bête la jeune femme .... Comment aurait-elle pu gober une histoire pareille ? Elle s'accroupit devant Sophie et plongea son regard dans le sien, essuyant au passage la larme qui s'était aventurée sur sa joue.
Viens avec moi. On va aller jusqu'à ma ferme. Il y fait plus chaud.
Elle regarda la main tendue devant elle, hésitant un peu. Après tout elle ne la connaissait pas ! Mais l'idée de se retrouver au chaud était si tentante .... Et le sourire sur le visage de Laura .... elle avait envie de lui faire confiance, au moins pour aujourd'hui, histoire de se réchauffer et peut-être se remplir le ventre.
Tu as déjà bu du lait de brebis?
Elle secoua la tête négativement. Elle ne connaissait que le lait de vaches quand ses parents en avaient encore, avant qu'un homme vienne les prendre et qu'ils ne partent pour se rendre ici. Non elle ne connaissait pas le lait de brebis mais elle avait envie d'y goûter. Elle prit timidement la main de Laura et descendit de son assise gelée, prête à la suivre.
--Gamine
Elle suivait Laura lorsqu'un homme les interpela, saluant la jeune femme et l'interrogeant sur la belle jeune fille. Sophie se retourna machinalement, ne pensant pas qu'on puisse parler d'elle ainsi, puis comprenant qu'il s'agissait d'elle, elle esquissa un sourire timide, sentant le feu lui monter aux joues. Il est vrai qu'elle avait bien grandit et que ses douze printemps avaient modifié pas mal de choses et notamment ses formes qu'elle avait de plus en plus de mal à cacher.
Antoine, je te présente Sophie. Sophie, je te présente le maire de Dié, Antoine de Navarre
Le maire en personne ! Elle s'inclina du mieux qu'elle put pour le saluer et les écouta parler. Laura avait hélas vu juste sur la situation de Sophie, mais le mot abandonnée pris alors tout son sens dans sa tête. Sa gorge se noua et elle ne put sortir le moindre mot pour dire ne serait-ce qu'au revoir au maire lorsqu'elles repartirent en direction de la ferme de Laura.
[Chez Laura]
Elle la suivait, faisant attention de ne pas s'étaler au sol, tant celui-ci glissait. Chemin de neige et de boue, véritable parcours du combattant pour qui est mal chaussé. Enfin un bâtiment se profile. Elles pénètrent dans l'étable, et elle lui demande de l'attendre là. Pour sûr, elle n'allait pas retourner dehors. Elle regarda les brebis tandis qu'à l'étage se faisaient entendre des bruits sourds. Quelques instants plus tard, Laura était à nouveau là, une cruche dans les mains. Elle la regarda faire, observant le moindre de ses gestes, se rappelant la traite des vaches de ses parents.
Sourire triste aux lèvres, elle la suivit à l'étage sans piper mot. Une douce chaleur envahit alors son corps gelé. Le poêle faisait son uvre et Sophie retrouva quelques couleurs. Elle prit le verre tendu.
Merci
Elle porta le verre à ses lèvres et bu quelques gorgées. Le goût était certes différent du lait de vache mais c'était agréable, et puis il était encore tout chaud, à peine sorti des mamelles, ce qui la réchauffa encore un peu plus. Dernière gorgée avalée, elle se lécha les babines et peaufina le tout d'un essuyage en règle d'un revers de manche.
C'était drôlement bon !
Les mots sortaient tout droit du coeur, et si elle n'avait pas eu un minimum d'éducation, elle en aurait volontiers redemandé, mais elle se contenta de sourire à Laura, jetant de brefs regards autour d'elle.
Lapetitenadia
Elle était en Dié depuis le lever du soleil.
Première halte depuis son départ de Briançon, sa jument s'en satisfaisant.
Après avoir déposé cette dernière à l'écurie afin de la laisser se reposer, elle s'était mise à errer, sans but, comme à l'habitude.
Ses pieds trainaient presque sur le sol, signe de son état d'esprit du jour...Et des jours d'avant.
Il est bon mon jambon! Il est bon!
Elle leva ses yeux gris, ses pas l'avaient menés au marché.
Une grande place s'étendait face à elle, les marchands gesticulant ou vociférant, les passants en pleins achats et plus en retrait une fontaine magnifique.
Le décor était somme toute atypique pour un marché.
Remontant sa capuche sur sa tignasse blonde afin de ne croiser personne qui puisse la reconnaitre elle s'approcha d'un étal de plantes.
Saluant l'homme d'un signe de tête bref elle se mit à regarder ce qu'il vendait.
Rien ne l'intéressait, comme tout le temps en ce moment.
En soupirant elle quitta les étals et s'appocha de la fontaine, y jetant un écu comme à la coutume, en faisant un voeu...
Ce voeu....Quel étrange voeu...qu'elle espérait se voir réaliser rapidement.