Elaena
- La Troyenne était remontée sur Paris il y a peu. Si elle se plaisait à se plaindre de l'odeur, de la saleté des rues et des maladies que les pauvres devaient y traîner, il n'empêche qu'elle se décidait toujours à y retourner. Que ce soit par son animation constante, en journée comme la nuit tombée ou les obligations qui tenaient la jeune femme au Parquet, la Ruche du Royaume parvenait une fois de plus en cette fin de mois d'octobre à rappeler son abeille.
Le travail au Parlement s'avérant prenant, Elaena s'accorda un RTT-Renaissance en dehors du Palais de la Cité qu'elle finissait par ne connaître que trop bien. La question se posait alors de savoir comment occuper sa journée car à force de laisser les frivolités de côté, on finit par les accumuler et à ne plus savoir lesquelles choisir lorsque l'occasion d'en profiter se présente.
Toute la matinée Rochamboise s'évertua avec une efficacité discutable à se décider. Une promenade dans les ruelles parisiennes ? Trop dangereux pour une femme seule. Une traversée en péniche de la Seine ? Pas d'humeur à y voir flotter des cadavres aujourd'hui.
Alors qu'elle rédigeait quelques notes à l'intention de la Procureure générale - histoire de ne pas rien faire non plus - le regard bleuté de la blonde s'échappa du parchemin. Balayant de glace toute la pièce, celui-ci se posa sur l'imposante malle dans laquelle la jeune femme gardait ce qu'elle avait de plus précieux : ses vêtements. Et là illumination, éclair de lucidité, clairvoyance divine : la collection Hiver des Galeries Lafayottes l'attendait.
Posant aussitôt la plume, Blondie se leva du fauteuil et s'empressa d'enfiler une paire de gants et son manteau de velours italien.
"Coche ! Faîtes préparer la voiture. Direction les Halles."
[...]
Sur place, après une ravissante traversée d'odeurs nauséabondes plus insupportables les unes que les autres, la Troyenne planta le coche et s'aventura dans l'enchevêtrement d'étales. Tentures, soieries, épices, bijoux : si Paris n'était pas réputée pour ses créations, la capitale accueillait les marchands les plus réputés de l'Europe renaissante.
Tout naturellement Elaena rejoignit le marchand lombardien. Après avoir baigné pendant plusieurs semaines au milieu de l'austérité de la mode bourguignonne, la vue des étoffes aux textiles travaillés et colorés ravit la blonde qui n'avait que trop supporté les coupes géométriques et le noir corbeau.
Bientôt, elle aurait sifflé la rente mensuelle qui lui était accordée.