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[RP] Dans les Hautes Sphères, la Lune.

Tigist


    Tout vient d'un Vladimir qui n'est pas plus russe que Tigist est blonde et d'un pli comprenant une requête ou un ordre.
    Un ordre, cela ne peut être. La Malemort toute princesse de sang qu'elle est, ne s'aviserait pas d'ordonner à l'éthiopienne quoi que ce soit, n'est-ce pas ? Espérons-le toujours auquel cas Tigist devra la décevoir dans ses habitudes.

    Alors pourquoi avoir accepté ? Pour crever l'abcès entaché du nom Malemort ? Pour lui faire plaisir sans rien attendre en retour ? Pour l'assurance de lier plus encore l'Altesse à sa vie ? Pour s'entraîner et faire ainsi les plus belles gravures sur peau du Royaume ?

    Clac clac. L'ongle entre les incisives. Et un reniflement peu élégant qui fait cesser le manège tandis que la noire repasse en revue le matériel qu'elle a étalé sur la malle de sa chambre. Neuf, le matériel qu'elle a voulu pour l'occasion, pas comme avec le montpelliérain qui s'est satisfait de ce qu'elle avait sous la main.
    Mais c'est une princesse qui l'a demandé, la future marraine de sa fille et surtout, une sacrée petite femme à la langue piquante, la jolie tournure et une franche dose de dérision.

    Dire qu'elles se sont trouvées ? Etaient-elles seulement perdues..


    « Vous avez vraiment demandé à une princesse de venir chez vous ? »

    Il y a de l'admiration dans le regard du valet du Nerra qui tout bougon qu'il peut être, n'en demeure pas moins un homme du peuple qui a su survivre aux fureurs du Colosse assez pour s'en rendre indispensable. Alors fréquenter de l'Altesse, pensez bien..

    « Evidemment. Je n'irai pas chez elle. »

    Par égard à Mélusine dont on a plus de nouvelles mais tout de même. 
    Et effectivement, à l'aube, elle avait fait parvenir un pli à la Malemort l'enjoignant à gagner sa chambre - pensez donc, celle d'à coté - au Nid où elle réside en attendant d'envisager un appartement à Limoges. Malemort qui doit être en prise à bien des douleurs après la soirée passée la veille mais qui n'aura pas beaucoup de pas à faire.
    Un autre pli était parti en direction de l'hôtel personnel de l'Altesse pour qu'une servante vienne porter une tenue adéquate le cas échéant. Même en gueule de bois, une princesse ne saurait démériter.

    Vladimir avait parlé et Melissandre avait demandé, reste donc à Tigist le soin d'appliquer. De sa pointe sur la peau fine de la Malemort.

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Melissandre_malemort
La lune était triste.

Elle était triste, quand elle riait aux éclats de grivoises plaisanteries. Elle était triste, quand elle prenait soin de Sea. Elle était triste, quand elle s'était endormie sur l'épaule de Vladimir. Elle était triste, quand elle buvait plus que de raison autour d'une table de taverne, en apprenant de la pire façon, au milieu d'une foule, que Maiwen était heureux. Et qu'il ne lui en avait rien dit. Et qu'elle n'avait personne à qui confier combien les remords la rongeait et à quel point elle détestait le sans nom de l'avoir ramené à la vie. Malemort avait noyé sa peine dans la prune. Puis dans l'abstinte d'Etienne. Enfin dans le vin épicé, seule dans sa chambre. Elle avait but jusqu'à vomir ses tripes en sanglotant, roulée en boule dans un recoin de sa chambre, puis elle s'était enfin endormi. Mal lui en avait prit. Le reveil avait été odieux, et ses tempes étaient deux enclumes sur lesquelles battaient inlassablement le glas de la pochtronnerie.

Inutile de préciser, donc, l'accueil qui fut fait à l'invitation de Tigist. La belle l'avait reconduit chez elle avec précaution, et sa bienveillance était d'autant plus tombé à point nommé que petite Lune s'imaginait oublier son chagrin dans des bras masculins. Elle continuait à chaque fois de s'étonner de la gentillesse de la Nubienne à son égard. Les femmes, habituellement, n'appréciaient guère Mélissandre et sa manie d'attirer les attentions masculines. Mais Tigist était différente. Un mélange détonnant de fraîcheur et d'insolence assaisonné au poivre d'une langue acerbe qui faisait la joie de la princesse. Parfois prompt à rire, souvent docte, la belle fascinait la gamine, et c'était à chaque fois une surprise renouvelée quand un geste, un mot ou un rire alimentait leur naissante amitié. Alors quand elle avait décidé, sur un coup de tête, de remplacer ses anciennes cicatrices par un tatouage lunaire, son nom s'était imposé.

Pour l'instant, pourtant, Malemort brûlait d'assommer Tigist, qui comptait la charcuter à sa propre demande alors qu'elle traînait depuis le matin une gueule de bois à en faire pâlir n'importe quelle charpente de cathédrale. Par orgueil, il était impossible de décliner, et elle se présenta au lieu de rendez vous avec sa tête des mauvais jours : Bouclettes folles auréolant un minois pâle généreusement cerné, robe noir simplement ceinturé d'or et bottines fourrées sans bas. Soufflant au beau visage sombre désappointement lunaire, elle pénétra dans la chambre et se laissa tomber sur un fauteuil en geignant.

- Vous êtes tellement cruelle !
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Tigist


    L'éthiopienne quant à elle, songe près de la fenêtre grossière de l'auberge. Elle songe à ce bonheur trouvé comme par miracle au détour de la Vienne.
    Il en est ainsi de la Vie et de sa balance. Tout le monde pourrait y trouver son compte et pour autant, s'il y a du bonheur, il y a du malheur. Pourtant, Tigist ne connaît pas Maiwen et si cette nuit, elle a bien entendu la peine de la Malemort, elle s'est bien gardée d'aller jouer les consolatrices de minuit.
    Charge à d'autres qu'elle de serrer Melissandre dans leurs bras, le réconfort peut venir de bien d'autres façons et le contact n'a jamais eu sa prédilection.

    Mais n'allez pas dire à la Lune que nuitamment, la nourrice a été missionnée pour dégager les mèches autour du visage poisseux pour éviter qu'elle ne baigne dans la bile, Tigist démentirait tout en bloc.

    La porte s'ouvre et Malemort entre pour s'affaler avec l'élégance d'un goret dans sa flaque, la mine qui va avec et au reproche, c'est un sourire narquois qui répond mais pas que..


    « J'aurais été cruelle de laisser Ligny profiter de votre ébriété pour vous faire votre affaire. Je ne suis donc pas si mauvaise que j'en ai l'air, non ? Interroge-t-elle avec un regard malicieux. Allez, quoi. Melissandre, faut-il qu'un si grand malheur vous prenne pour que vous vous laissiez aller à des extrémités si révoltantes ? Ligny, tout de même.. »

    Car l'homme rencontré la veille a fait sensation auprès de Tigist. Elle le méprise autant qu'elle se délecte de constater le piètre jeu d'acteur de ce qui n'est pour elle qu'un maquereau de seconde zone. Il ait des personnes comme ça, où l'alchimie pointe son nez pour vous convaincre que vous ne les apprécierez jamais.
    Et l'attention même désinvolte que lui porte Melissandre lui apparaît sinon malsaine au moins tout à fait ridicule.

    Ce faisant, elle tire un guéridon près du fauteuil où la brunette s'est assise et y adjoint un tabouret pour elle-même. Sur le guéridon, la noire a étalé un matériel digne d'un barbier de haute volée et un joli pot d'encre fraîchement acheté.

    « Je vous l'ai dit. Ces yeux-là ne devraient pleurer aucun homme. »

    Parce qu'enfin, Méli.. Pourquoi pleurer pour un homme quand des dizaines s'accrochent à tes jupes ? Tigist pourrait feindre de ne pas comprendre l'acharnement de la donzelle et pourtant, au fond d'elle, il y a eu une amoureuse qui a tout risqué pour les beaux yeux d'un Corleone.
    Elle est morte. Et l'ambre ne pleure plus pour celui-ci.


    « Etes-vous prête ou doit-on attendre que les vapeurs d'alcool disparaissent tout à fait ? »

    Non parce que celle qui va se taper l'haleine avinée de Malemort, c'est elle, et les relents de vomi, c'est encore elle. En dépit du manque d'embrassades, il y a fort à parier que Tigist s'est déjà positionnée en tant qu'amie, sinon elle n'en supporterait pas autant.

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Melissandre_malemort
Tigist est belle. Un corps de liane, des traits de déesse exotique, une peau d'ébène bien tirée sur ses pommettes. Elle est de ces femmes qu'on regarde inlassablement, car il n'y a pas chez elle de perfection ennuyeuse. On dicerne même ça et là un infime défaut, un quelque chose qui capte l'attention et qui condamne à chercher ses yeux. D'immenses lacs noirs en amande qui sont si intenses qu'ils la font presque paraître plus agée qu'elle n'est. Les yeux de quelqu'un qui a beaucoup souffert, et qui à fait de chaque obstacle un élan supplémentaire. Une force de la nature, avec à ses bras deux enfançons qui comptent sur elle. Jamais la moindre faille pourtant. Elle était taillée dans le marbre.

Alors Lune se radoucie. Qui peut tenir tête à Tigist, de toutes façons ? Elle à ce quelque chose de princier dans le port de tête, dans les mouvements souples de ses doigts. Et même Mélissandre s'y plie, tortillant la bouche tendit qu'elle mâchonne sa mauvaise humeur pour la garder bien au chaud, loin d'impressionnante Nubienne. Maïwen en fera bien assez tôt les frais.

- Oh. Allez. Il est charmant. Un type aussi méchant cache forcément quelque chose, non ? On ne nait pas mauvais. On le devient. J'ai envie de le décortiquer. Cela ne veut pas dire que je vais finir dans sa couche. J'en ai dompté de plus revèches.

Encore que. Malemort mentirait en prétendant qu'elle n'en a pas parfois envie. Pas tant de lui, non, que du mal qu'il pourrait lui causer. Que cherche t'elle d'autre après tout, quand elle se rend à l'aphrodite au bras d'un Vladimir, sinon la trempe de ces types qui la traiteront sans égard ? On peut avoir dix hommes à ses jupes, quand on en désir un seul, les autres ne seront jamais que des instruments, des prétextes, des jouets. Quand à son existence... Elle avait fini dans la paix, et on l'avait recraché sans égard dans un monde où elle ne trouvait plus sa place. Son mal être n'était pas tant amoureux : Malemort se sentait en permanence baloté par des vents qui lui échappaient, soumise à des caprices célestes auxquels elle n'entendait rien.

- Je ne vais plus pleurer. Je ferais ce qu'il faut pour cela. Tout au plus vais je vomir, si vous me faites aussi mal que je l'imagine.

Pourtant, le regard de Mélissandre est doux. Tout entier dévoué à admirer Tigist avec quelque chose d'enfantin sur son petit minois. Et déjà, ses doigts tremblants s'échinent à défaire les lacets de sa robe. Elle l'aura volontairement choisi ample et aisée à enfiler, pour s'épargner de désagréables frottement. En dessous, une chemise préservera sa pudeur dans un premier temps. Il est l'heure, petite cadette princière, de graver à même ta chaire un passeport pour ta nouvelle vie. Trois lunes déclinantes, dégringolant d'entre ses seins jusqu'à son nombril.
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Tigist


    A peine hausse-t-elle un sourcil l'éthiopienne.
    Comment dire la chose aimablement et sans nuire à l'humanité que recèle encore le cœur de Melissandre ? Y a pas.


    « Permettez-moi de douter, non pas quant à la bonté qui naît en chaque homme. Dieu nous fait terreau fertile et neutre et nous entretenons nous-même notre jardin. Mais là, ma douce, ce n'est pas tant une question de méchanceté qu'une histoire de médiocrité. On a vu des bateleurs au verbe plus agréable, à la considération plus évidente mais plus encore, avec bien plus d'intérêt que ne peut en avoir Ligny. Ce qui le rend si intéressant à vos yeux, ce n'est ni plus ni moins que cette envie d'être une femme qu'il pourrait considérer quand il semble les mépriser toutes, lâche-t-elle avec un air navrée. Vous vous écorcherez les mains à ce jeu qu'il ne lâchera pas son os. Il n'a aucune considération pour le doux sexe et croyez-moi quand je vous dis qu'il n'en aura pas plus pour vous que pour un chien ramassé dans la rue, quand bien même vous lui céderiez tout ou tout du moins lui feriez croire que vous pourriez le faire. »

    Cet homme-là semble de la trempe de ceux qui attendent qu'on leur donne tout sans rien offrir en retour, et qui lorsqu'ils ne peuvent avoir gain de cause commencent à devenir mauvais.

    « Je serais vous, je m'en méfierai comme d'un chien qui a la gale et qui peut mordre. On le nourrit bien sûr puisqu'il gardera la maison mais on y touche pas. Allez, il y aura bien des hommes plus agréables et bien plus intéressants à vous mettre sous la dent, sinon nous en trouverons. »

    Voilà ! Trouvons donc à Malemort un nouveau jouet à mettre entre ses griffes comme on donnerait une souris à un greffier. Miaou.
    Mais quel homme ? L'esprit vagabonde à la recherche de celui qui de ceux qu'elles fréquentent pourrait convenir à la divertir assez pour lui passer ce chagrin qui semble ne pas vouloir la quitter.
    Car allons, on ne se fait pas tatouer par la première noire venue si on a pas quelque chose à expier ou se souvenir. Les tatouages sont autant de leçons annotées à même la peau en guise d'antisèches.

    Trois lunes ou un proverbe topé dans un almanach, il vaut mieux choisir les astres.


    « Ce n'est pas tant qu'il ne faille plus pleurer Melissandre mais à quoi cela vous sert-il ? Tant à s'épuiser, tant à regretter et si peu à vivre. Et moi, je vous aime mieux vivante disons-le clairement. Si vous bougez, ce sera raté. Ne bougez plus donc. »

    Ce qui n'a aucun rapport avec le début de la phrase, on vous le concède mais Tigist suit une logique qui lui est propre.
    Elle a depuis le début essayé d'éviter ce regard qui la dévore sans bien savoir pourquoi, car d'ordinaire si on l'observe c'est pour deviner sous la noirceur une peau plus claire ou pour comprendre comment elle en est arrivée à ce degré de carnation. Là, à la lisière de la chemise, la main s'appuie, renfonçant le petit corps fluet dans le dossier pour utiliser la cage thoracique comme support et éviter de trembler.

    Parce que quoi qu'ils en pensent tous, elle n'est pas tatoueuse de profession la noire, tout au plus, peint-elle à l'aide d'une aiguille à scarifier des motifs et des arabesques sur les peaux qu'elle tanne. Pourquoi ce sont-ils tous mis cette idée dans la tête ? Cela ne peut que dégénérer.


    « Un homme, donc. Mais est-ce que c'est tout ce qui vous rendrez heureuse ? N'est-ce que cela ? Une chaleur dans la couche, des doigts sur la peau et des mots d'amour ? Il y a de la circonspection dans ces questions, ça ne peut être que ça Melissandre.. Pourquoi ce dessin ? »


    Et les aiguilles trempées dans l'encre griffent la peau d'albâtre de la Lune. Ne mens pas Malemort, ton cœur est juste sous ses doigts et ce serait bien trop facile de le remarquer.

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Melissandre_malemort
Mélissandre est maigre. Elle n'est pas faussement menue, arborant sous ses pudeurs courbes affriolantes. Si son ossature d'oisillon la préserve d'être anguleuse, chaque os se devine sous la peau blanche, et une ligne découpe son buste en son milieu jusqu'à son ventre plat. Ses seins sont ronds mais à peine esquissés, couronnés de rose pâle, et la première lune se greffe juste entre leurs deux arrondis. Un croissant noir, auquel succédera un autre, légèrement moins croissant, et encore un autre, si fin qu'il se fond là où les côtes flottantes se séparent.

- Oh seigneur... Tigist. Je ne crois pas que Monsieur de Ligny pourrait me considérer. Pas plus moi qu'une de ces malheureuses qu'il prostitue sous le terme galvaudé de "Galante". Je n'ai point la naïveté d'espérer quoi que ce soit de sa part. Votre inquiétude pourtant me touche, et je puis vous assurer que si je ne le juge pas aussi durement que vous, je n'ai aucune confiance en lui. Je souhaite simplement le décortiquer, comme un enfant arracherait des ailes aux mouches.

Une crispation dans ses reins. L'aiguille s'enfonce dans la chaire pour y injecter son venin coloré, incrustant au derme lunaire vocation. La douleur est plus vive qu'imaginée, et chaque minuscule plaie infligée lui crispe le corps qui se bande sous l'effort, petites doigts enfoncés dans les accoudoirs de son fauteuil.

- Je ne manque point d'homme à qui m'intéresser. Je n'en ai jamais manqué. Ils sont trop nombreux, même, à voir en moi ce que je soupçonne chez Ligny. De tout temps, je suis celle vers qui les regards convergent. Je ne savais pas ce qu'on ressentait, à être rejetée. Je l'ai découvert et par le créateur, je lui aurais volontiers pardonné son orgueil, si cela n'avait pas si vivement blessé le mien.

Un japement de douleur. Mais vite on se reprend, on renverse le visage et on porte sur Tigist un nouveau regard d'admiration. Le cœur s'accélère sous les doigts d'ébène. Elle bavasse sans discontinuer, passant d'un sujet à l'autre comme si s'arrêter, même pour respirer, pouvait tarir le flot de ses confidences.

- Il me désire pourtant. Je le sais. Je le sens dans ses regards. Mais il ne me cédera que difficilement et moi, je m'entêterais à essayer. Je le rendrais jaloux. Je le broierais entre mes doigts jusqu'à avoir ce que je veux de lui. Il finira par céder, car je sais éveiller en lui des appétits que je suis seule à connaitre. Et cela me rendra heureuse, mais lui... Lui il se détestera. Je ne peux pas lui faire subir cela. Je ne veux plus jamais flouter l'émeraude de ses yeux. Mais c'est gravé dans le marbre, Tigist, car je suis un être profondément mauvais. Alors je lui ai dis adieu ce matin. Pour ne plus pleurer. Pour que jamais plus il ne pleure. Pour qu'il vive, et tant pi si j'en meurs.

Elle parle. Comme jamais encore depuis son retour d'ailleurs, elle n'avait parlé. Parcequ'il y a, chez la Nubienne, une bienveillance latente. En guise de réponse à l'emblème, elle glisse ses petits doigts sur son blason royal, Lune Malemort se détachant sur sable royal.

- Je ne veux ni amour, ni doigts sur ma peau. Je veux oublier. Je veux me délester des poids qui reposent sur mes épaules. Je veux oublier que Sea s'est confit dans l'alcool. Je veux... Et vous Tigist ? Que voulez vous, finalement ? Vous êtes tout à la fois créature sauvage et curieux félin. Je me demande ce qu'il peut manquer à une femme comme vous.
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Tigist


    Indifférente aux soubresauts du corps autant pour ne pas que la main tremble que pour ne pas les rendre importants au point d'en être intolérables, l'Ethiopienne grave à l'encre sur ce parchemin plus si vierge tout ce que la Lune recèle et cache.

    Mélissandre parle comme si sa vie en dépendait, et ça coule, ça ne s'arrête pas, ça ne s'arrête plus. Tant et tant de tristesse et de désillusions dans un si petit corps. N'est-ce donc que ce que la vie à apporter aux femmes ? Ce petit corps si proche, elle voudrait l'étreindre mais ne le fera pas. Parce que ça ne changerait rien, parce que ça ferait mal avec le tatouage, parce que ce serait une atteinte à ce qui naît entre elles. Prématurée cette étreinte.

    Faute de bras, on met des mots.


    « Tu ne mourras pas. Ton cœur bat trop fort, lui, il ne veut pas mourir, se faisant, elle se recule un peu pour observer la première lune qu'elle tamponne d'un linge oint d'huile pour éviter que le sang et l'encre ne voilent la vue, celle sur l'âme de Malemort. Tu aimeras encore, tu aimeras plus fort encore. Egarée est sur le chemin. Même si tu te perds, c'est toujours un chemin que tu empruntes. Libre à toi d'en faire une route après tout et de poser dans les ornières ce qui t'encombre.»

    L'oubli pourtant ne vaut rien. Mais elle ne lui dira pas qu'on oublie jamais tout à fait, ce n'est pas l'heure. Et ce tutoiement est venu aplanir les différences restantes entre elles. Princesses d'entre-deux terres, les barrières érigées sont celles des règles dictées par des hommes. Les femmes sont au dessus de cela.
    Il y a entre les menus seins de Melissandre ce qu'un homme ne saurait effleurer du doigt et Tigist y plonge son aiguille sans pitié. Plus intime lors qu'un amant, plus fort qu'une amie. L'encre entre et s'infiltre pour vider l'abcès qu'un ancien amour pourrait engendrer.


    « On m'a donné beaucoup et on m'a pris plus encore. Il manque tant de choses qu'une liste ne servirait qu'à alimenter de la rancoeur. Et quoi ? Je serais bien moins amusante à ressasser ceux qui me manquent, l'homonyme est-il volontaire, va savoir toi, Je n'ai pas oublié mais j'ai fermé les yeux pour laisser l'eau laver tout cela. Dans la mer, les larmes font pâle figure. Et puis, il y a Volkmar. »

    Tu souris Tigist, ça se voit. Un œil se ferme à demi pour considérer ton œuvre mais pas assez pour un répit, parce que quitte à lui infliger de la douleur, autant le faire d'un trait.

    « Ce n'est pas de l'amour ou tout du moins, je serais bien incapable de le mettre sur la balance face à la passion que j'ai pu ressentir pour d'autres. Il n'y en a pas moins mais plus que cela, il y a cet être qui s'ouvre comme on ouvre les bras et qui se referme sur vous sans vous étouffer. Comme la mer. »

    Confidences pour confidences. C'est bien la première fois qu'elle parle à quelqu'un du moustachu et il faut que ce soit à Malemort. Pourquoi ? Parce que c'est l'instinct.

    « Voudras-tu nager avec moi un jour ? »


    Et effacer de ta face ce que ton cœur souffre.

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