Helvalia
... Parce que cest gratuit.
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Fin novembre 1467
- Un an, déjà. Un an, seulement. Douze mois qui auront suffit pour que la Renarde oublie tout des effluves putrides de ce cloaque, autrefois reconnu comme étant son foyer. Si lon shabitue aux choses même les plus abjectes, il est toujours surprenant de voir la facilité avec laquelle on sen détache.
Une étrange mélancolie semble pourtant la lier encore à la Cour, comme ce doit être le cas pour tous les Miraculés. Douce folie qui la poussée à venir errer dans ces étroites ruelles, quand il aurait sans doute été bien plus plaisant daller se perdre aux Halles, pour y dépenser les quelques écus empruntés à Jehan, au détour dun papillonnage de cils en règle. Mais la perspective daller quérir une nouvelle robe hors de prix, ou de dérober quelque collier clinquant restait bien moins plaisante que le plaisir coupable de retourner sur les traces de cette vie à laquelle elle parvenait, peu à peu, à échapper. Curieuse perspective de lesprit qui, au détour dune ruelle, dun visage légèrement familier, se perd à imaginer le quotidien qui pourrait être le sien, si elle nétait pas partie. Se serait-elle finalement laissée entraîner entre les murs dun bordel renommé, pour espérer en obtenir une certaine protection ? Aurait-elle continué à errer sur les pavés noircis de la Cour, noffrant ses charmes quaux malfrats suffisamment pingres pour préférer les trottoirs parisiens aux salles feutrées de lAphrodite ?
Cest en réalité la première fois, que la Renarde arpente les venelles miraculées, sans chercher à sy vendre. Les mains fines, toujours baladeuses en revanche, ne peuvent sempêcher de se tendre, allant quérir au creux de poches trop lâches les bourses peu garnies dont elle na, en réalité, pas besoin. Réflexe instinctif, ancré dans les veines de ceux qui ont trop longtemps dû voler pour se nourrir.
La dextre effleure, légère, un mantel masculin, risque un instant de remonter vers le renflement perçu sous le tissu, espérant y trouver quelques objets de valeur. Mais le geste sinterrompt, suspendu, quand les azurs levés croisent le regard clair, glissent sur le minois fin, les traits qui semblent taillés dans lacier. Les sourcils se froncent, comme le museau se plisse, tandis que les lippes sétirent en une moue dincompréhension. Si lhomme qui se tient face à elle lui paraît familier, la rouquine est bien incapable de mettre un nom, un souvenir sur ce visage.
« Excusez-moi, est-ce que nous nous connaissons ? »
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