Vladimir_kriev
Vladimir lève le museau de son verre, hoche doucement la tête. Visite attendue.
Cixi Apollonia col remonté sur le nez, s'approche, bottes fendant les restes de neige . L'air est humide, et des naseaux des chevaux comme de ceux des hommes, des écumes de volute vaporeux et fantomatiques tissent l'atmosphère. Quelque part au bord de la Sarthe, un talon fait crisser quelques herbes encore cristallisées du gel de la nuit.
D'un geste sans tendresse, la Hase tend la provocation en duel d'un air roide.
- C'est quoi, ça.
Vladimir baisse le museau sur la provocation en duel, puis le repose sur l'Apollonia.
- Demande-moi plutôt pourquoi, Cixi.
Et la réponse sera : par crainte de trop te protéger.
Vladimir tire son éternel sourire, un brin goguenard. Bien incapable, à vrai dire, de dire ce qui lui est passé par la caboche en défiant la Hase, si ce n'est sympathie certaine et attirance probable. Ils sont là , ces contrastes criants. D'une bouche qui sourit trop, et rappelle à l'autre qu'elle ne le fait pas assez. Et les bleus condamnent les gris à leur stupeur, stupide fierté. Cixi Apollonia arque un sourcil. Ne s'attendait vraiment pas à cette réponse là. Et que quelqu'un la désarçonne reste un exercice désagréable. Percée de gel se fend d'une légère fissure. Sous la neige de décembre, demeurent encore quelques cendres...
Vladimir n'est pas Fechter, Apollonia.
Elle range le pli dans sa poche.
- Je vais te faire bouffer la neige.
Le col est remonté et la Hase se tourne vers la Sarthe.
J'espère bien, Cixi.
Au fait.
La voix se fait légèrement plus forte, puisqu'elle lui tourne le dos.
- Je pars. En Valachie.
Les yeux balaient le courant tranquille qu'aucune crue n'a encore gonflé. Au fond, l'occasion de ce duel remet dans ses veines quelques impulsions bénéfiques, tranchant avec le calme de ces derniers mois . Il ne s'est rien passé pour elle depuis le Tournois de Blois que l'attente. Les mots qui parviennent à son esgourde semblent assourdir un peu l'environnement. Ils sont accueillis d'un gel absolu.
- Il part.
Vladimir se redresse, abandonnant la souche déneigée qui fait office d'assise. Félin fend la neige, crissement des bottes dans la poudreuse, jusqu'à l'orée des flots gris.
Elle chasse une mèche brune de sa tempe, renifle silencieusement au vent frais qui fouette le haut de ses joues découvertes.
- Quand pars tu?
- J'attends, pour l'heure. Nous voilà au même point.
Hase sent le gouffre au bord duquel elle se tient, ramenée in extremis à un autre jour de départ. Un autre jour d'annonce. Un autre jour d'au revoir. Transformé à l'insu de son plein gré en adieu. Elle porte à sa bouche un morceau de quelque chose, sorti de sa poche d'une main aux jointures rougies par le froid, et le mâche en silence. Digérant l'agacement. Il faut accueillir la colère de ressentir. Et le regret de laisser partir.
- Je serai à l'heure au duel.
Lâche-t-elle, atone, en tournant les talons.
Regard acier se perd sur les flots gris. Soupir, noyé dans une gorgée. Mauvais alcool, qui a pour seul mérite l'ivresse. De l'urgence d'y plonger, pleinement, pour tuer ombres et songes le temps d'une soirée, d'une nuit. Demain, il faudra lutter. Ce soir, l'urgence est de s'abandonner. Procrastiner dans le cauchemar.
Post à 4 mains, avec JD Cixi Apollonia.
_________________