Rouge_gorge
Campagne française, 1453
La certitude de n'être pas seul qui console même dans un cimetière*. Entourée par les tombes, piètre croix en bâton ou pierre gravée avec soin, Rouge-Gorge se sent dans son élément. Le silence, la quiétude qu'impose ce lieu de deuil mais aussi de renouveau pour certains: comme elle, par exemple. Même si sa première expérience en tant que fossoyeuse ne fut pas un succès, Boucle brune a pris l'habitude d'arpenter dans ces lieux de dernier repos. Elle observe les tombes, lit les épitaphes parfois inscrites, s'imagine des vies, s'invente des morts.
Par une nuit couverte, sans lune et sans étoiles, la jeune fille erre derrière l'église d'un petit village. La bouteille à sa main est devenue incontournable elle aussi malgré la pauvreté et l'âge. Survivant de menus larcins ou de la charité des bons de ce bas monde, l'alcool pour maigre pitance, l'ivresse lui apporte chaleur et réconfort là où personne ne pourrait lui offrir: du moins, aucun vivant. Sans aucune lumière et le regard trouble de larmes que l'état d'ébriété lui a fait resurgir, l'Oiseau avance à petits pas. Elle se prend les chausses plus d'une fois dans les racines sorties de terre. Elle siffle entre ses dents car les coups sont douloureux pour les pieds pauvrement couverts. Fatiguée de son piétinement à l'aveugle, Rouge-Gorge s'adosse contre une pierre tombale et vide sa bouteille en grandes lampées. Le contenu du flacon est imbuvable pour qui aurait un minimum de palais et son ventre se tord tandis que l'esprit vrille. La senestre se pose sur la dalle froide et voilà que Boucle brune inspire profondément pour se ressaisir. D'un revers de manche sale, elle chasse la peine de son visage et s'imprègne de l'ambiance du lieu. Lentement, son esprit se calme et l'imagination prend une fois de plus le dessus:
Bonsoir...Richard Lefevre. Pardonne-moi de m'asseoir sur ta tombe ainsi mais vois-tu je suis fatiguée. De toute façon, tu ne diras rien n'est ce pas? Tu es comme tous les autres ici. Mort! Quelle chance, je t'envie l'ami. Ce doit être si calme tout bas. Allongé, tu n'as plus à te lever le matin, lutter le midi et te coucher le soir. Mais dis moi...Étais-tu un bonhomme? Mérites-tu ce repos? Moi, je n'y ai pas le droit. Je suis destinée à endurer la vie. J'espère que tu compatis, l'ami...
Mais tandis que l'Oiseau se perd dans son monologue, une faible lueur dans la pénombre accroche son regard.
Oh! Une âme errante! Un feu follet? Qu'importe, je te laisse, Richard, ce soir, j'ai de la compagnie!
Redressant ses jupons pour se précipiter vers la lumière vacillante, la jeune fille déverse la moitié de sa boisson dans son agitation sur le chemin.
La certitude de n'être pas seul qui console même dans un cimetière*. Entourée par les tombes, piètre croix en bâton ou pierre gravée avec soin, Rouge-Gorge se sent dans son élément. Le silence, la quiétude qu'impose ce lieu de deuil mais aussi de renouveau pour certains: comme elle, par exemple. Même si sa première expérience en tant que fossoyeuse ne fut pas un succès, Boucle brune a pris l'habitude d'arpenter dans ces lieux de dernier repos. Elle observe les tombes, lit les épitaphes parfois inscrites, s'imagine des vies, s'invente des morts.
Par une nuit couverte, sans lune et sans étoiles, la jeune fille erre derrière l'église d'un petit village. La bouteille à sa main est devenue incontournable elle aussi malgré la pauvreté et l'âge. Survivant de menus larcins ou de la charité des bons de ce bas monde, l'alcool pour maigre pitance, l'ivresse lui apporte chaleur et réconfort là où personne ne pourrait lui offrir: du moins, aucun vivant. Sans aucune lumière et le regard trouble de larmes que l'état d'ébriété lui a fait resurgir, l'Oiseau avance à petits pas. Elle se prend les chausses plus d'une fois dans les racines sorties de terre. Elle siffle entre ses dents car les coups sont douloureux pour les pieds pauvrement couverts. Fatiguée de son piétinement à l'aveugle, Rouge-Gorge s'adosse contre une pierre tombale et vide sa bouteille en grandes lampées. Le contenu du flacon est imbuvable pour qui aurait un minimum de palais et son ventre se tord tandis que l'esprit vrille. La senestre se pose sur la dalle froide et voilà que Boucle brune inspire profondément pour se ressaisir. D'un revers de manche sale, elle chasse la peine de son visage et s'imprègne de l'ambiance du lieu. Lentement, son esprit se calme et l'imagination prend une fois de plus le dessus:
Bonsoir...Richard Lefevre. Pardonne-moi de m'asseoir sur ta tombe ainsi mais vois-tu je suis fatiguée. De toute façon, tu ne diras rien n'est ce pas? Tu es comme tous les autres ici. Mort! Quelle chance, je t'envie l'ami. Ce doit être si calme tout bas. Allongé, tu n'as plus à te lever le matin, lutter le midi et te coucher le soir. Mais dis moi...Étais-tu un bonhomme? Mérites-tu ce repos? Moi, je n'y ai pas le droit. Je suis destinée à endurer la vie. J'espère que tu compatis, l'ami...
Mais tandis que l'Oiseau se perd dans son monologue, une faible lueur dans la pénombre accroche son regard.
Oh! Une âme errante! Un feu follet? Qu'importe, je te laisse, Richard, ce soir, j'ai de la compagnie!
Redressant ses jupons pour se précipiter vers la lumière vacillante, la jeune fille déverse la moitié de sa boisson dans son agitation sur le chemin.