.elle
...c'est son parfum.
(Proverbe Persan)
~ 9 Janvier 1468, Milieu de matinée, Paris, L'Aphrodite ~
- Deux jours que le courrier de Dacien lui était parvenu, se voyant lu et relu, encore et encore, chercher à comprendre ce qui y siégeait et ce qui n'y était pas dit avant d'y faire réponse, perplexe quand à savoir quoi dire à un homme qui, plein de promesses, encore fraiches pour certaines, avait tout balayer d'un revers de main en l'abandonnant depuis des semaines, des mois même maintenant.
Une présence lors du bal de Noël, sans qu'il ne vienne à elle, lui faisant paradoxalement porter une rose éternelle le surlendemain, rouge avec la symbolique associée, figée dans la cire, éternité se couplant au message de cette merveille carmin, et ce bouquet oeillets blancs et épineuses sanguines, pureté de la passion contrastant au détachement que semblait vouloir exprimer les mots.
Oui, Réponse avait été faite... et pourtant jamais il ne la lirait, la main de la florale l'ayant offert aux flammes du silence, il était temps... temps d'affronter ce qui avait secoué son carde douloureusement, l'engourdissant autant que son esprit de colère et d'incompréhension. L'affaiblissant d'une perte de contrôle bien trop marqué à son goût.
Et comme attendu, le fiacre avait pris en charge une rose en milieu de matinée pour se rendre au point de rendez-vous donné, personne n'était informé de son départ, nul besoin, le voyage ne la menait pas si loin, tout au plus Justine la savait en extérieur et c'était largement suffisant.
~ 9 Janvier 1468, Fin de Matinée, Paris, Relais des Trois Auberges ~
- La blancheur du paysage s'affirmait sous le regard émeraude pensif, au fur et à mesure que le fiacre s'éloignait des faubourgs parisiens, quelques lieues où l'ont aurait pu croire être déjà hors de Paris alors qu'il n'en était rien. Toujours était-il que le sol boueux de neige fondue du tumulte de La Jussienne n'avait plus lieu de citer ici, tout au plus les ornières des charrettes, carrosses et autres moyens de se déplacer ayant empruntés la route qui la menait vers cet endroit neutre où celui qui souhaitait la voir lui avait donné rendez-vous.
La non-réponse était un risque en soi, qu'il ne soit pas là, certes, cela dit aucune réponse n'avait été mandé, tout juste une proposition de le retrouver à ce relais, ce qu'elle faisait au final alors que les dites trois auberges se dessinèrent dans le paysage.
Ce qu'allait donner cette entrevue ? Qui pourrait seulement le deviner...
Peut-être bien Elle ? La rose ne jurait plus de rien...
Peut-etre Lui ? Qui sait...
Toujours était-il que le cocher stoppa l'avancée au devant d'une bâtisse, épineuse affirmant la capuche sur le chatoyant de ses bouches rassemblées en un chignon informel, quelques rebelles s'en échappant pour flirter avec la grasse de sa nuque sous le couvert de l'étoffe.
Porte s'ouvrant sur le conducteur, main offerte pour l'aider à descendre fut prise en appui, sortant de l'habitacle pour découvrir sans entraves l'entièreté du lieu de rendez-vous, une longue respiration fut prise, formant une nuage vaporeux à l'expiration, mains gantées resserrant la luxueuse pélerine sanguine à l'encolure quand un signe de tête, petit hochement formel fut offert à l'homme.
- Rangez donc les chevaux et la voiture et allez vous mettre au chaud, j'ignore pour combien de temps je vais en avoir.
Bourse tendue vers le côcher, le regard se posa sur lui.
- Je saurais vous faire trouver quand j'en aurais besoin, ne vous enivrez pas.
Et le pas de la rose se mit en branle, prenant la direction du relais, serait-il là... Une boule d'appréhension commença à se nouer au creux de sa gorge, autant que cette colère sourde qui commençait à revenir tambouriner à ses tempes en repensant aux derniers mois.
Stoppant sa progression, l'épineuse pris alors une lourde inspiration, secouant la tête afin de se calmer, de ne pas être trop aisément en proie à une perte de contrôle inopinée, et enfin le lieu fut rejoint y pénétrant en laissant son regard se porter vers l'aubergiste passant à proximité à cet instant, reconnaissable à ce tablier qu'il semblait aimer à arborer, qui avait surtout une certaine utilité, paraissait-il.
Attendant simplement dans l'entrée, à peine avancée de quelques pas pour ne pas risquer de se prendre la porte à un arrivant, "Elle" esquissa un sourire, léger, lorsque le gérant de l'endroit vint s'enquérir de sa personne.
- Une table, propre, et un vin chaud je vous prie.
Nul besoin d'en dire plus, ni de demander après qui que ce soit, si le rendez-vous se voyait honoré, Dacien se présenterait ici tôt ou tard, et pour l'heure, une silhouette féminine, encapuchonnée de brocard bordeaux délicatement brodé de noir, se réchauffait à une table, seule, d'un vin chaud manquant cruellement d'épices à son goût.
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