Le retour du Patron dans ses locaux avait semé un peu de trouble auprès des serviteurs mais plus encore auprès des courtisans qui, se doutaient de quelque chose, sans pour autant mettre le doigt sur l'agitation ou l'agacement qui anime l'un des gérants, Dacien. Employé par Etienne, en tant que portier, Bertrand servait surtout d'informateur, d'oreilles et de yeux indiscrets pour colporter les maux, les indiscrétions et tout ce qui pourrait fuser sur son retour. Pourtant, ce soir-ci, il remarqua sans aucune difficulté l'esprit agacé du Dacien et de Elle. Quant à connaître la raison de ce dernier, il ne pouvait y avoir -selon lui- que deux possibilités, la réunion dans le bureau de la direction avec le seul et unique propriétaire des lieux ou leur relation ambiguë qui battait déjà de l'aile. Car oui, disons le, Bertrand était l'origine d'un pari qui avait réuni les serviteurs et animé un peu leur quotidien. Dacien troussera-t-il Elle pour lui arracher ses épines et lui butiner le bourgeon. Tel était l'enjeu du pari et la raison de ces petits regards et sourires en coin que les serviteurs s'échangeaient une fois dans leur quartier lorsqu'ils annonçaient ce qu'ils avaient vu, aperçu ou soupçonné dans le comportement de ce couple de gérant.
Présent à son poste, il laisse entrer les clients dont un, qui ne l'inspire pas. Si cela ne tenait qu'à lui, il ferait un tri dans ce défilé de noble pour refermer la porte à celui-ci, au minimum. Pourquoi est-ce que sa tête ne lui revient pas ? Peut être est-ce cette assurance ou plutôt cette médisance qui se lit sur son visage, ce vice sadique qui se décèle sans difficulté lorsqu'il observe Elle s'avancer dans le salon. Visiblement, il s'agit d'un de ses réguliers au vu de ces quelques regards échangés qui pourtant, leur permet de s'entendre, se comprendre sans avoir à articuler un mot. Ils disparaissent donc dans La Décadente et tandis qu'il reste à son poste, le temps file. Trop à son goût pourtant sans que la courtisane et son client ne sorte de la chambre. Pourtant, c'est bientôt l'heure de la réunion...Cela ne sent pas bon.
D'un geste, il invite un petit serviteur à donner les effets et les armes à ce client, lambda qui souhaite quitter l'établissement pendant qu'il s'éclipse pour aller mater dans le couloir dérobé. Sans difficulté, il retrouve l'arrière de la Décadente, ouvre le judas et découvre alors, cette scène qui le laisse amer. Mains graciles liées, violences gratuites, coups de reins mués en coups de butoir, fessées traditionnelles transformées en des claques cinglantes qui s'abattent sans ménagement sur le corps délicat de la Rose. Nul doute qu'il va lui faire tomber quelques pétales, ce con à la malmener de la sorte. Et pourquoi diable, a-t-elle les mains liées avec un tel client ? Le Bordel manquait à ce point de tunes qu'ils ont revu leur règle de survie à la baisse ou quoi ? Elle a l'air complètement perchée la Rose, l'esprit embrumé tandis qu'il la besogne. Sans déconner...Ressaisis-toi ! T'es pas une Rose délicate là, juste..une putain de bas étage qui subit la passe...
Il ne peut agir, réagir mais il rapportera cela à Etienne car après tout, ce qu'il a vu, le choque suffisamment pour qu'il estime nécessaire de balancer. Finalement, il retourne à son poste et après un temps, certain, le client finit par s'échapper de la Décadente, sourire suffisant aux lippes, phalanges rougies qu'il prend soin de recouvrir de ses gants sous ses yeux. Quelle gueule de con celui là avec ce sourire de pervers..
Le temps passe, encore, et pourtant Rose ne quitte pas l'Indécente. Sourcils se froncent, alors qu'il s'apprête, de nouveau à se faire remplacer, jusqu'à ce que finalement, le pas se fige en voyant Dacien arriver pour se présenter devant la porte. Voilà qu'il arrive à temps celui-là. Tant mieux, ça évitera de se faire remarquer en abandonnant une, seconde fois son poste.
Pensif, il se contraint à chasser cette idée, cette scène mais plus encore ce corps meurtri d'un revers de main. Après tout, c'pas la première donzelle qu'il voit subir ce genre de joug...Et ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un établissement de luxe, que le vice se trouve limité. Au contraire..Quitte à y mettre le prix, certains estiment avoir le droit, d'être eux-même..