Au rez de chaussée
Le muet a choisi de se poser près de la cheminée pendant que la chaleur est déjà étouffante. La demi ombre ne suffit pas à les dissimuler, et les premiers regards des types qui entrent ici, vont tout naturellement vers cette cheminée aux lueurs rougissantes. Pour passer inaperçu, il ny avait pas mieux.. Muet et simplet, il avait vu juste pensa til alors.
A peine a-t-il passé commande que, sous sa chevelure noire retenu par un ruban rouge, il commence à bouillir, et ce au sens propre du terme. Cette chaleur mêlée à lodeur de vinasse va finir par lachever si il nôte pas de suite son léger manteau couleur de terre mouillée, et le simplet qui a choisit la cheminée.. Car malgré tout, pas question de se dévêtir, le manteau permettant de cacher justement tout ce qui doit lêtre, une épée destoc plutôt courte, mais aussi sa dague, et puis les multitudes de poches quil a confectionné en son intérieur renferme ses propres trésors.
Enfin lasperge tourne les talons, alors que Mônsieur embaume déjà lautre garde chiourme. Lasperge ne le quitte pas du regard, voyant aucun porte document contre lui, il en déduit que Mônsieur a dû finalement sasseoir dessus. Ses bottes résonnent sur le plancher quand il va prendre place à deux mètres environ du paon et du muet pour commencer son tour dhorizon.
Des ivrognes, des terreux, des étranges qui viennent prendre du bon temps. Il ignore totalement les sourires forcés des rouchies qui minaudent à nen plus finir, apportant choppes et promesse de détente, le tout dans des rires aussi graisseux que la table à laquelle il vient de prendre place : spectacle écurant. De plus, toutes ces catins, lui en rappèlent une autre, et non la moindre, mais de celle-ci, pour sur, personne nen avait jamais plus entendu parler.
Des cafards.. de la vermine à létat pur.. Et dire que je dois rester planter là avec un pontife et un muet ! songe til soudain, en rageant encore plus.
Ses yeux mi clos se pose sur un sac dos qui a lair de semmerder ferme et cest un sourire ironique qui monte quand sa pensée senvole et que sa main caresse lentement le pommeau de sa dague. Facile à chantourner, tant on lui voit les côtes..Facile, trop facile à tailler, suffit de suivre ses os.. Tss Tsss Pas dbol, pas dbol !
Retour à la réalité, lamusement après la besogne même si mentalement, il promet une criée mémorable à la catin.
Rapide oeillade vers le pédant assis le cul au bout de sa chaise, raide comme un i, manque plus que quelques plumes et la salle entière le verra dans toute sa splendeur. Son voisin lui, semble être totalement à laise dans ces lieux. Vu la tronche quil se trimbale, ça létonne moyen, de ses yeux vert pas des plus sains,il scrute les lieux comme les têtes, espoir quil ne soit pas manchot en plus dêtre muet, si jamais.. Laissant la lautre garde faire dans la nourrice irréprochable qui ne quitte pas le « mas-tu vu » puant, Nelle tourne de nouveau la tête à sa propre observation mais alors un bouseux lui gâche le paysage
Braies noires pas de première jeunesse, chemise plus que passé, et regard aussi rouge que les flammes qui dansent pas loin. Le gus fait dans le pécors imbibé dalcool mais une ombre au tableau chatouille lesprit de Nelle - il porte lépée à sa ceinture..Vu sa trogne, il fait cependant plus dans le gogo que dans le rusé et quand il sassied sans y être invité, il termine le tableau. Faire dans le garde chiourme dun paon, passe encore au vu des écus clinquants, mais devoir souffrir lidiot du village pour bernique, lidée lui plait bien moins.
Rester calme, il sait faire, mais depuis le début de ce voyage, tout lui tape sur les nerfs, sa respiration sen ressent tout comme ses épaules qui se crispent. Se calmer ? Facile à dire quand un trou du cul vous prend la tête depuis un paquet de lieues que lautre gars qui accompagne vous dévisage de la tête au pied, que vous entrez dans un bordel à lair irrespirable emplie de catin plus mielleuses les unes que les autres ; vrai, lidiot du village, vous ne songez quà le virer par lune des fenêtres !
Une violente envie de lui faire voler son dentier quand il lui propose un verre. Le style si amical dont il use fait encore plus deffet, les prunelles de Nelle deviennent glacial quand sous la table, ses poings fermés montrent des jointures blanchâtres.
Pourtant, se calmer. Chercher le ton de voix le plus approprié, reposer un court instant les yeux sur son épée, trouver que lidiot en fait beaucoup, aussi reprendre ses fonctions, et faire dans lhypocrisie la plus complète, inutile quil comprenne limportance que Mônsieur se donne.
Seul, oui, très souvent, mais plus à présent nest ce pas ?! Quand à la choppe, je la boirai volontiers.
Le ton y est, mais bien moins la bonhomie, le sourire se crispe autant que son être entier. Que cherche til donc ? est une de ses premières interrogations à son sujet . Et lautre enchaîne sur un jeu de parallèle..Faut dire que côté tronche, il na rien à lui envier. Entièrement barré de droite à gauche, à se demander comment il a su garder son nez, même si Nelle nen a rien à cirer. Le lourdaud lui tape même de plus en plus sur le système ; aussi essaye til de faire bonne figure du mieux quil peut, avec aucune intention cependant dy passer la soirée puis pour finir lautre lui refile un coup de coude qui a le don de lui faire crisser les dents. Lénervement est à son comble.
Continuer dans son jeu pourtant mais cest un rire forcé malgré lui qui sort du fond de sa gorge accompagnant ainsi celui du lourdaud. Sa mâchoire ne semble pas vouloir écouter sa raison, lhypocrisie, ne fut jamais son fort et cest quand il en a le plus besoin quelle va lui faire défaut. Si il louvre, cest sur que son ton ne suivra pas, autant la fermer, le lourdaud semble avoir du verbe pour trois.
La halte promet dêtre plus longue encore quil ne le pensait