Ingeburge
Ingeburge suivit le mouvement, docile, membre improvisé d'un funeste corps de ballet.
Le premier mercenaire une femme brune qu'elle n'avait jamais vue avait été désigné par Eusaias pour ouvrir le bal des suppliciés et avait conduit sans ménagement vers une cellule qui n'avait rien d'une salle de banquet. Pourtant, ce serait là qu'auraient lieu les réjouissances, que les cruels convives pourraient prendre part au branle, que les cavaliers feraient admirer leurs mouvements empreints d'un professionnalisme implacable.
Point de précieux parquet de marqueterie, point de vifs flambeaux, point de tentures colorées, point de mets appétissants et de boissons enivrantes. Rien de plus qu'un sol rudimentaire, rien de plus que l'éclat vacillant de banales bougies de cire, rien de plus que la nudité des murs poisseux et humides.
C'était donc l'heure de l'ouverture, aria en douleur majeure, et le bourreau, en maître de ballet aguerri, orchestrait la danse macabre, prêt à user de tous ces instruments qui produiraient à coup sûr des sons arrachés des gorges des prisonniers. Les cris seraient d'abord tus, retenus, ténus annonçant que le morceau n'en était qu'à ses prémices, l'explosion sonore viendrait par la suite, amenée, provoquée avec un art consommé.
Un duo donc, un homme, une femme pour une basse danse des plus inusitées. Le crachat au visage avait marqué la révérence, salut spumeux qui avait mis le cavalier Eusaias dans des dispositions favorables. Il saurait traiter sa compagne avec toute la déférence qui lui était due et la guiderait d'une main sûre et d'un pied léger dans un tourbillon digne d'une tresque enlevée.
Et maintenant...
Et maintenant, l'on pouvait voir la première danseuse, totalement dénudée, son corps impudemment offert aux regards des spectateurs, mettant une tache claire dans la noirceur de la cellule. La danse avait commencé.
Mais plus que cette nudité crue, c'était son regard qui attirait, déterminé.
Et la Duchesse de Bourgogne, sombre ballerine pour le moment au repos, soutenait ces prunelles furieuses, drapée dans son indifférence coutumière. Seules les jointures blanchissantes de la main qu'elle gardait cramponnée sur le bras d'Aldarik auraient pu trahir son malaise d'être là, mais sa main était gantée, à l'image de tout son être, imperméable.
Le craquement écurant des doigts brisés sous la pression d'Eusaias mit une autre note détonante, discordante et elle seule pouvait interrompre la valse douloureuse. Elle était d'ailleurs attendue, comme si le spectacle lui était dédié elle qui représentait la Bourgogne violentée.
La Prinzessin s'approcha donc, avec une lenteur gracieuse, son regard glacé toujours vrillé dans celui de la prisonnière.
Elle s'approcha, posément, peu pressée d'entrer dans la danse, mais poussée par le devoir, contrainte par le besoin de savoir.
Elle s'approcha, doucement, ses pieds battant une mesure ralentie, mettant comme une respiration dans les mouvements échevelés, comme une pause dans le rythme infernal.
Alors, sa voix s'éleva, interrogative, marquée par une raucité légère :
Qui vous a envoyé? Et pourquoi la Bourgogne?
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Le premier mercenaire une femme brune qu'elle n'avait jamais vue avait été désigné par Eusaias pour ouvrir le bal des suppliciés et avait conduit sans ménagement vers une cellule qui n'avait rien d'une salle de banquet. Pourtant, ce serait là qu'auraient lieu les réjouissances, que les cruels convives pourraient prendre part au branle, que les cavaliers feraient admirer leurs mouvements empreints d'un professionnalisme implacable.
Point de précieux parquet de marqueterie, point de vifs flambeaux, point de tentures colorées, point de mets appétissants et de boissons enivrantes. Rien de plus qu'un sol rudimentaire, rien de plus que l'éclat vacillant de banales bougies de cire, rien de plus que la nudité des murs poisseux et humides.
C'était donc l'heure de l'ouverture, aria en douleur majeure, et le bourreau, en maître de ballet aguerri, orchestrait la danse macabre, prêt à user de tous ces instruments qui produiraient à coup sûr des sons arrachés des gorges des prisonniers. Les cris seraient d'abord tus, retenus, ténus annonçant que le morceau n'en était qu'à ses prémices, l'explosion sonore viendrait par la suite, amenée, provoquée avec un art consommé.
Un duo donc, un homme, une femme pour une basse danse des plus inusitées. Le crachat au visage avait marqué la révérence, salut spumeux qui avait mis le cavalier Eusaias dans des dispositions favorables. Il saurait traiter sa compagne avec toute la déférence qui lui était due et la guiderait d'une main sûre et d'un pied léger dans un tourbillon digne d'une tresque enlevée.
Et maintenant...
Et maintenant, l'on pouvait voir la première danseuse, totalement dénudée, son corps impudemment offert aux regards des spectateurs, mettant une tache claire dans la noirceur de la cellule. La danse avait commencé.
Mais plus que cette nudité crue, c'était son regard qui attirait, déterminé.
Et la Duchesse de Bourgogne, sombre ballerine pour le moment au repos, soutenait ces prunelles furieuses, drapée dans son indifférence coutumière. Seules les jointures blanchissantes de la main qu'elle gardait cramponnée sur le bras d'Aldarik auraient pu trahir son malaise d'être là, mais sa main était gantée, à l'image de tout son être, imperméable.
Le craquement écurant des doigts brisés sous la pression d'Eusaias mit une autre note détonante, discordante et elle seule pouvait interrompre la valse douloureuse. Elle était d'ailleurs attendue, comme si le spectacle lui était dédié elle qui représentait la Bourgogne violentée.
La Prinzessin s'approcha donc, avec une lenteur gracieuse, son regard glacé toujours vrillé dans celui de la prisonnière.
Elle s'approcha, posément, peu pressée d'entrer dans la danse, mais poussée par le devoir, contrainte par le besoin de savoir.
Elle s'approcha, doucement, ses pieds battant une mesure ralentie, mettant comme une respiration dans les mouvements échevelés, comme une pause dans le rythme infernal.
Alors, sa voix s'éleva, interrogative, marquée par une raucité légère :
Qui vous a envoyé? Et pourquoi la Bourgogne?
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