Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] J'ai oublié son nom...

Rouge_gorge
...dans le doux parfum d'une fleur.


[Quelques saisons auparavant]

L'esprit était si confus et la pièce si feutrée que Rouge ne savait plus dire qui du soleil ou de la lune trônait dans le ciel à cet instant. Les boucles affaissées par le poids de l'eau, les gouttelettes ruisselantes le long des cheveux bruns venaient se faire marre sur le buste habillé d'une ample chemise colorée. Le tissu collait dans le dos vouté et moulait la poitrine pressée contre les genoux. Recroquevillée au milieu des draps, les prunelles sombres couvaient la flamme vacillante et hypnotique d'une bougie sur la table de nuit.

Une forte odeur de cire d'abeille embaumait la chambre: une fragrance commune, chaude et rassurante pour l'Oiseau. Son corps n'était que douleurs et sa tête que cauchemars. Les veines de son cuir marbré éclataient en ecchymoses violacées, tachant la toile par de nombreux endroits visibles ou non. Boucle Brune fut tirée de sa contemplation lorsque l'on toqua à la porte. La carcasse se déploya de toute sa hauteur et les pas jonchèrent habits épars, cadavres de bouteille, parchemins noircis et froissés ainsi que bandes maculées de sang. La pièce était un véritable bordel mais le faible éclairage camouflait bien le tout dans la pénombre.

D'une rotation de loquet, l'huis s'ouvrit et l'oeillade noire se posa sur la silhouette. Les iris de jais tremblaient, il y avait de la peur et de la culpabilité dans le regard marqué par les insomnies et la paranoïa mais au fond, tout au fond des limbes obscurcies, dansait l'espoir que tout n'était pas que noir. D'une main abimée, Rouge invita sa visiteuse à entrer. D'un roulement de poignet, elle désigna le bureau dans un coin. Le mobilier était couvert de cire d'abeille fondue. Le parchemin d'un contrat signé était lacéré tandis qu'un éclat de lame tranchante enroulé dans des lanières de cuir -manche de fortune- fichait les écrits dans le bois.


Entre.

Dans sa tenue légère, Rouge regagna sa couche. Un miroir de plein pied était orienté vers la literie. De ses doigts tailladés, l'Oiseau ouvrit un pot d'onguent et en extirpa une noisette qu'elle entreprit de réchauffer au creux de ses paumes. Le parfum qui se dégageait était boisé, piquant mais rafraichissant comme une clairière au milieu d'une forêt dense. En s'aidant de son reflet, Boucle Brune massa un hématome sur l'extérieur de sa cuisse. Le geste était délicat et minutieux.

Je ne sais pas qui tu es mais j'ai ouï dire que tu pouvais m'aider. J'ai besoin de pallier à de fortes douleurs aussi corporelles qu'émotionnelles. Qu'as-tu à me proposer?
_________________


Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Datura.
« La fleur et l'oiseau

La fleur des champs, petite et pourtant si belle
N’ouvre qu’au rouge-gorge son calice odorant
Et cet oiseau est tout juste assez grand
Pour couvrir cette fleur en écartant ses ailes.

Et l’oiseau dit sa peine à la fleur qui sourit
Et la fleur est de pourpre et l’oiseau lui ressemble.
Et l’on ne sait pas trop, quand on les voit ensemble,
Si c’est la fleur qui chante ou l’oiseau qui fleurit.

La fleur et l’oiseau sont nés à la même heure.
Une même rosée avive chaque jour
Les deux époux vermeils, gonflés du même amour.
Mais quand la fleur est morte, il faut que l’oiseau meure !

Alors, sur ce rameau d’où son bonheur a fui,
L’on voit pencher sa tête et se faner sa plume.
Et plus d’un jeune cœur, dont le désir s’allume,
Voudrait, aimer comme elle, expirer, comme lui !
»


    C'était bien la lune qui trônait dans le ciel ce soir là. La nuit était un bon terrain de chasse pour trouver les âmes en quête de perdition. En terme d'abandon, Datura était connaisseuse, ses longs doigts fins faisant apparaître comme une magicienne, les pochons détenant ses petites drogues devant les visages de ceux qui en dépendaient inlassablement. Prêts à tout donner pour ses plantes magiques, les pauvres âmes vouées au dieu Psychotrope, enrichissait la famille de la blonde depuis quelques années déjà.

    Vêtue d'une robe pastel sans fioritures, propre et de bonne qualité, l'on pouvait décemment dire que cette jeune femme n'était pas du genre à vouloir porter l'attention sur elle. Pas physiquement dû moins. Il n'y avait que cette couronne de fleurs glissée dans ses mèches solaire pour faire un peu de coquetterie, mais c'était davantage pour l'amour qu'elle portait aux plantes que par réelle envie de se mettre en avant. Il suffisait en revanche, de l'entendre causer pour percevoir tout le piquant que possédait cette mauvaise herbe. Elle utilisait la parole en guise de protection et si ça ne suffisait pas, l'un de ses frères traînait toujours dans les parages.

    Devant la porte de la chambre, elle fit jouer délicatement de son poing contre le battant pour alerter de sa présence et bientôt la silhouette impudique fit son apparition avant de la faire entrer. L'hésitation vint marquer les traits de la dealeuse, elle qui n'aimait ni le désordre, ni les corps nus, se fit toutefois une raison, parce que c'était une femme et non un homme. La porte se referma derrière elle et immobile, elle laissa filer son regard sur la pièce, jugeant tout du mode de vie de cette cliente là, jusqu'à s'attarder sur elle au moment où elle lui réclama de quoi faire taire corps et esprit.

    Si Datura savait bien quelque chose, c'est que ni l'un, ni l'autre ne pouvaient être définitivement apaisés, mais au moins possédait-elle de quoi les mettre en sourdine pour quelques heures. Elle évitait de regarder la femme, mais fouilla sa besace à la place pour mettre la main sur un pochon pourpre. Chaque petit sachet avait ses propriétés, celui-ci était un mélange de plantes à mâcher, importées du fin fond de l'orient. Elles offraient à qui les dégustait, un esprit aussi léger qu'une plume. A ce pochon, elle ajouta un autre aux teintes vertes. Celui-ci détenait de quoi fumer et s'abandonner à quelques gentilles hallucinations qui détournent l'attention des pensées sombres et des douleurs.

    En attendant que ce drôle d'oiseau finisse de soigner ses coups, la vendeuse - jouant souvent d'audace pour se donner l'allure d'être comme un poisson dans l'eau - vint s'appuyer contre le bureau où la cire avait durci, tout en lançant un bref coup d'oeil à la paperasse malmenée et laissée en plan. Les paumes lancèrent les pochons pour jongler avec, ce qui lui permettait de ne pas avoir à rougir des manières de sa cliente.

    Quand t'auras fini d'te tartiner, j'ai bien d'quoi améliorer ton humeur. Mais avant, as-tu seul'ment d'quoi m'payer ?

    Car à en juger l'état de la pièce, Datura préférait s'assurer qu'elle ne déboulait pas chez une junkie sans le sou. On était jamais assez prudent, surtout dans ce métier.

    J'vais pas perdre mon temps avec toi si t'es à sec.


Poème de Louis Bouilhet. Tung-whang-fung

_________________
Rouge_gorge
Impudique, Rouge travaillait son cuir tuméfié sous l'indifférence de sa revendeuse. Indifférence qu'elle-même partageait puisque même l'ayant sous le regard, elle ne la voyait pas.

Quand t'auras fini d'te tartiner, j'ai bien d'quoi améliorer ton humeur. Mais avant, as-tu seul'ment d'quoi m'payer ?

D'entre les lippes meurtries, s'échappa un soupir. Lourd de fatigue et profond d'épuisement. D'habitude, l'Oiseau avait toujours du répondant. Le bec affûté prêt à parer toute joute verbale. Mais ce soir, rien ne vint faire frétiller sa langue. Pas une idée, aucun mot ni même de son autre que ce filet d'air expulsé.

J'vais pas perdre mon temps avec toi si t'es à sec.

Boucle Brune se stoppa dans sa gestuelle comme un animal aveuglé. Elle avait besoin d'une dose. De quoi? Elle ne savait pas vraiment encore. Après tout, ce n'était pas une adepte de ce genre de plaisirs. Là, c'était un ultime recours, impossible que celui-ci ne lui échappe. Le corps se tordit et la senestre plongea sous l'oreiller pour en ressortir une bourse ronde. Les doigts firent rebondir la poche qui tinta le bruit des écus s'entrechoquant. Rouge avait grassement mérité son salaire. Ce dernier qui ne lui aurait servi qu'à panser les plaies de son labeur, sans réels bénéfices à proprement parlé.

J'ai de quoi te payer, fleur des prés. Tes produits et ton expertise. Je suis prête à doubler la somme si tu te joins à moi lors de la...dégustation.

Oui, Rouge n'avait pas le verbe pour ce genre de pratiques. Peut-être se faisait-elle mener par le bout du nez par cette vendeuse mais que voulez-vous: la paix de l'esprit n'avait alors aucun prix pour l'Oiseau.
_________________


Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Datura.
    La fleurie était de ces jeunes femmes qui, sous couvert d’un parler direct et grossier, couvaient un mal-être profond. Le sien avait commencé à ses huit ans et elle l’entretenait sans difficulté, ne s’attachant à rien ni à personne tout en trouvant quelque réconfort à en voir sombrer d’autres pour ses petits pochons.

    Ainsi, dans la chambre, elle observait la femme qui était allée récupérer une bourse pleine et, experte, il ne lui fallut qu’un coup d’œil et qu’une oreille affûtée pour savoir qu’elle contenait assez d’argent pour ce qu’elle réclamait. Les écus sont la drogue de Datura. Econome et très peu dépensière, elle a cette manie de les amasser dans des malles, qui, si ça s’ébruitait, feraient le bonheur de certains truands. La demande de ce drôle d’oiseau la laissait un peu perplexe. L’expérience n’empêchait pas la jeune blonde d’être à chaque fois surprise que l’on veuille consommer sa dose de bonheur en la partageant avec elle. La femme n’était pas la première à vouloir vivre l’expérience à deux plutôt que seule, mais pour la dealeuse, c’était signe d’une chute profonde. Que l’on veuille de sa compagnie mal aimable plutôt que rien, signifiait que la brune préférait une vilaine fille à ses propres démons.

    La bourguignonne ne prenait pas souvent de ses produits, puisqu’elle préférait l’ivresse, mais savait faire quelques exceptions quand ça en valait le coup. Elle jaugea l’allure de la cliente et la somme proposée et cela suffit à la convaincre. Une nuit d’oubli dans une piaule serait au moins sécurisante et pour valider le pacte, elle alla tourner la clé à double tours dans la serrure, avant de la sortir pour la déposer dans sa gibecière.

    Simple précaution.

    Elle n’avait pas envie de déambuler dans la rue vulnérable et défoncée. Mieux valait qu’elles restent confinées jusqu’à ce que les effets se dissipent. Le sac fut donc délaissé contre le bureau après qu’elle en ait sorti sa pipe. Et pendant qu’elle la bourrait, elle fit passer le pochon carmin à l’inconnue, gardant la main tendue quand celle-ci s’en saisit, pour recevoir la bourse en contrepartie.

    Mange-les. Mâche lentement et... bon voyage petit lapin.

    Telle Alice devant le terrier, la jeune blonde s’apprêtait à chuter volontairement au pays des Merveilles, accompagnant un piaf au plumage en désordre.

    Mirror mirror on the wall
    I'm falling to the other side
    a thousand pieces on the floor
    so I can chase the fireflies
    I face the pain
    It's beautiful
    I don't have to run anymore



"Mirror mirror" - Marina Kaye
Miroir, miroir sur le mur
Je tombe de l’autre côté
En mille morceaux sur le sol
Donc, je peux chasser les lucioles
Je fais face à la douleur, c’est beau
Je n’ai plus à courir
Je n’ai plus à courir

_________________
Rouge_gorge
Le pesant d'or s’allégea considérablement au troc des jeunes femmes. Rouge soupesa le poids plume dans sa main et espéra intimement que tout son être puisse être aussi léger après l'ingestion. L'Oiseau glissa quelques feuilles entre ses lèvres et les mastiqua. C'était sa première prise de ce genre de psychotropes: elle n'avait tout bonnement aucune idée des effets que la dose lui offrirait. Le goût aussi astringent que l'odeur, elle mâcha la matière tendre des végétaux se muant en une pâte collante qui lui assécha le palais.

En tailleur sur le bord de la couche, Boucle Brune chiquait, les relents âpres dans sa gorge ne semblait pas la déranger. Son oeillade se perdait dans les volutes de fumée que recrachait Datura. L'oreille se laissait bercer par les bruits d'une mâchoire en action, de la respiration profonde et posée de la revendeuse et de quelques sons en sourdine émanant derrière la porte verrouillée.

La mercenaire n'éprouvait pas le besoin de parler jusque là, elle se concentrait sur l'approche de son bien-être en ruminant. Le temps passa et insidieusement, la drogue se répandit dans son organisme. Rouge n'aurait pas su dire quand cela se déclencha précisément. Elle sentit son corps se dénouer fibre par fibre et un état d'excitation la gagna. Son sourire revint presque naturellement.


Je n'avais pas vu votre couronne, Fleur des prés. Vous les cueillez chaque matin pour qu'elles soient toujours fraiches de vie?

Boucle Brune n'avait pas prêté attention à son interlocutrice jusqu'à cet instant où elle ne voyait maintenant plus qu'elle. Les prunelles sombres et dilatées se fixaient sur la blonde. D'abord, sa chevelure fleurie puis ses yeux dont elle peinait à voir la couleur dans la pénombre. Comme l'ombre mangeait la plupart de son visage et de son corps, la serre de l'Oiseau décala légèrement l'inclinaison du miroir, jouant de son angle pour observer la revendeuse derrière sa fumée.
_________________


Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Datura.
    Le mélange de chanvre et de jusquiame était sans aucun doute le plus vicieux de tous. Insidieux, les effets se laissaient ressentir quand il était déjà trop tard pour faire marche arrière. La drogue glissait lentement dans les veines de la revendeuse, se diffusait petit à petit dans son corps qui paraissait sans doute moins crispé au bout de plusieurs minutes. C'était ensuite autour des pupilles de s'élargir, le noir mangeait sur les bleu-verts en se dilatant complètement.

    Datura, a d'abord surveillé sa cliente d'observations que l'on pourrait qualifier de malpolies tant elle avait cette fâcheuse manie à fixer les gens et à les juger. Cette femme, c'était un peu son opposé en tout du peu qu'elle avait su saisir. Bordélique, éparpillée, bigarrée, impudique, la liste était déjà très longue pour quelques minutes d'analyse et à chacun de ces qualificatifs, on pouvait employer son contraire pour décrire la jeune blonde.

    Le temps s'égraina, dans l'indifférence pour l'une, dans le jugement pour l'autre, jusqu'à ce que leurs esprits finissent par se scinder sous la Mère Drogue. Car c'est une forme de rupture avec la conscience que Datura propose par ses plantes. C'est une césure, une anesthésie, pour endormir un bout des pensées intempestives pour laisser place à d'autres effets plus créatifs. La cliente était passée de piaf qui perdait ses plumes à un oiseau plus resplendissant, une nouvelle énergie semblait l'animer, alors qu'elle-même était plutôt en train de se détendre.

    La main libre se porta à la couronne dans sa chevelure. La Deschanvre avait sur le crâne un mélange de printemps et d'été, la fraîcheur printanière entremêlée à la couleur des épis de blé, du sable chaud des côtes océaniques, du soleil estival chaud qui se nuançait dans les mèches féminines. Elle aimait les plantes, Datura et les exhibait fièrement sur le crâne, auto-désignée prêtresse fleurie des végétaux avec lesquels elle aimait jouer à créer quelques nouveaux mélanges. Un sourire s'afficha. D'abord parce que le surnom lui plaisait, il n'y avait rien de plus joli qu'un près parsemé de fleurs sauvages. Ensuite, parce que la fumette avait fait tomber quelques barrières. Enfin, parce que la femme la vouvoyait à nouveau, comme si les feuilles qu'elle avait mâché l'avaient rendue plus polie ou courtoise. L'idée lui sembla drôle et elle songea même qu'il fallait qu'elle-même en mâche plus souvent.

    L'matin est l'plus beau moment d'ma journée. J'les cueille quand elles sont encor' gorgées d'rosée.

    En parlant, la jeune femme avait rejoint le bord de la couche pour s'y asseoir, car il était bien trop inconfortable de tirer des lattes en restant debout. Le drap défait se froissa sous son assise et là où elle aurait habituellement tendu l'étoffe par maniaquerie, Datura se contenta de tendre sa pipe à la brune. L'oeil en profita pour détailler sa voisine et se posa finalement sur l'hématome à la cuisse de celle-ci qu'elle désigna, de l'index.

    Sympa tes décorations à toi. T'essaie d'ressembler à un coucher d'soleil ?

_________________
Rouge_gorge
Sous les prunelles dilatées, le décor saturait: l'obscurité se faisait encore plus sombre mais la faible luminosité éblouissait. Un univers étrange se dévoilait petit à petit comme si on avait retiré le filtre de poussière et de grisaille du monde: l'esprit aussi s'éclairait.

Datura s'était posée sur la couche et bien qu'elle ne fut pas épaisse, son poids déséquilibra l'Oiseau dans son nid. Le bec sourit largement car maintenant, les traits de la revendeuse lui apparaissaient enfin. L'excitation de la drogue ou son goût prononcé pour les blondes fit s'emballer son palpitant et des cils, Boucle Brune papillonna.

La pipe changea de doigts mais avant qu'elle tire une bouffée, son regard sombre coula sur sa cuisse abimée. Les marques semblaient pulser comme des battements de coeur.


Un coucher de soleil, oui! Je suis l'astre rond qui vous a réchauffé et illuminé toute la journée! Maintenant, il est temps pour moi de prendre mon repos et doucement, je m'incline sur l'horizon tandis que madame la Lune s'élève gracieusement parée de ses mille et une étoiles...

La tirade était accompagnée de grands gestes théâtrales et lentement, le corps à demi nu ploya dans les draps à l'instar du soleil conté. La cuisse marquée se dressa en l'air et d'un index, Rouge en souligna les tâches.

Je m'endors alors sur le plus beau des paysages. Une jachère fleurie! A cet endroit sommeille un parterre de bleuets...

L'autre jambe se déplie et le genou gonflé est pointé.

Ici éclot un brin de phacélie...

Les échasses se rallongent et c'est à l'étoffe bariolé d'être relevée. Le doigt visiteur se pose sur une côte meurtrie.

Là s'inclinent des tournesols...Mais j'ai aussi tout un chemin bordé de coquelicots...Regarde...

Le cou s'étire pour laisser paraitre la cicatrice ceignant la gorge.

J'ai aussi des pois de senteur et...

Rouge partit d'un éclat de rire franc à ses pensées puis se redressa, énergique pour fumer. Le bec pincé sur le bois, elle inspira fort...Trop fort et s'étouffa dans les volutes de fumée tout en continuant de rire. C'était une euphorie grisante.
_________________


Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Datura.
Temps
nom masculin
1. Continuité indéfinie, milieu où se déroule la succession des événements et des phénomènes,
les changements, mouvements, et leur représentation dans la conscience.
2. Point repérable dans une succession par référence à un « avant » et un « après ».

    1. Trouble & Perception.

    Les gestes de la brune étaient observés avec fascination. Ce que la Fleurie regardait avec ses grands yeux écarquillés, c'était la défragmentation des mouvements. A chaque jambe levée, le temps se jouait d'elle. Il s'accélérait, ou ralentissait et transformait le corps de sa cliente en tableau vivant. La pudeur s'était défaite du regard clair, comme si la drogue agissait en œillères, cachant à la conscience, ce qui la hérisse tant d'ordinaire. Elle pouvait voir l'Oiseau et observer ses lignes ou sa silhouette, non pas comme l'on reluque un corps attirant, mais plutôt comme on détaille un phénomène captivant. Sans même s’en rendre compte, Datura avait ri. Ce rire lui semblait lointain, comme venant d’une autre bouche que la sienne. Et il y avait dans sa tête un paradoxe fabuleux qui consistait à lui donner une sensation de lourdeur et de légèreté à la fois. Parfois, il lui semblait que les ecchymoses ou cicatrices que lui dévoilait le Rouge-Gorge, se mouvaient, s’animaient sous son regard, tourbillonnaient ou ondulaient. Cette perception était insaisissable, dès qu’elle voulait s’y attarder, elle ne parvenait pas à la capturer. Comme l’on a beau vouloir capter un coucher de soleil, on ne parvient jamais à déceler le mouvement de ce dernier alors qu’on le voit plonger dans l’obscurité sans rien pouvoir y faire.

    Elle avait donc suivi le sentier fleuri sur la silhouette féminine, la caboche connaisseuse voyait presque émerger de la peau les fleurs citées par l’Oiseau. Gabrielle, qui d’ordinaire est si mauvaise avec les inconnus, ne pouvait pas en l’état maintenir toutes ses piques qui ne lui servaient en réalité qu’à se protéger des mauvaises intentions, plus qu’elle ne souhaitait faire de mal. C’était devenu une seconde peau, une chrysalide cachée dans le corps d’un hérisson et c’était bien pour cette raison qu’elle évitait de consommer trop souvent ses drogues, puisqu’elle elle savait que ces psychotropes lui faisaient retirer son armure de guerre très facilement. A côté de ça, elle ne pouvait se soustraire à la fougue de la jeunesse et aux élans de folies qui l’amenèrent à cette situation précise. Le fait qu’elle se soit débarrassée de son bouclier devant une femme était la raison pour laquelle c’était plus facile. Un homme n’aurait pas eu le même résultat, sans aucun doute.

    2. Confusion & Défaillance.

    Le temps, ce concept abstrait et déjà trompeur quand on est sobre, devenait un labyrinthe dans lequel il valait mieux s’abandonner à bras le corps sous les effets des herbes de la jeune blonde. Car plus on souhaitait le saisir, plus il se tordait, se modifiait, sous nos yeux à en perdre l’esprit. Dans ces folles cavalcades à la lisière de l’onirisme, Datura n’était soudain plus tout-à-fait consciente, bien que quelques éclairs de lucidité pouvaient parfois lui faire prendre du recul, comme si elle pouvait observer la scène depuis un autre point de vue, détaché de son propre corps. Elle riait beaucoup, reprenait parfois la pipe des mains de sa compagne de nuit. Doigts s’effleuraient et bientôt son épaule se glissait contre la sienne, sans qu’elle ne réalise vraiment.

    Était-ce avant ou après avoir sorti un bâton de réglisse pour le glisser à sa bouche ? Le temps était confus, presque vertigineux. Les propos de l’Oiseau lui revenaient, incertaine quant à l’intonation qu’elle y avait vraiment mise. Était-elle sérieuse, rieuse, mystérieuse ? Les pensées de Gabrielle filaient, sautaient d’un temps à un autre. Elle avait relevé la tête de l’épaule, avait observé la marque sur le cou de plus près, comme si la proximité physique n’avait plus aucune importance. Et il y avait ce rire, encore, presque feutré, comme un rappel lointain qui semblait planer autour d’elles. L’instant d’après – ou était-ce avant ? – elle se laissait tomber sur la couche, chevelure de blé éparpillée dans les draps, couronne de fleurs perdue dans le mouvement et elle fit l’ange au beau milieu, bras ouverts pour les transformer en ailes et voler, planer, virevolter comme si elle devenait les aigrettes d’un pissenlit, s’envolant au gré du vent déclenché par les battements d’aile d’un Rouge-Gorge.

    Viens l’coucher d’soleil, j’ai b’soin d’une jolie vue pour m’envoler !

    Elle parlait peu la Fleurie, parce que dans sa bouche le goût du réglisse et des herbes avait aussi pris un autre parfum. Mais allez savoir quand les lèvres avaient effleuré celles de la voisine. Elle-même ne saurait dire si le temps ne s'était pas joué de ses souvenirs. L'avait-elle seulement embrassée ou seulement imaginé ? Blonde laissait à Chronos ces soucis temporels.

_________________
Rouge_gorge
Si le Temps, immuable, battait le rythme implacable de leurs existences, cette bride de vie de camées était une mélodie harmonieuse tantôt croche, tantôt blanche. Les notes et leurs instants s'étiraient langoureusement pour se raccourcir en piqué. Une musique entêtante avec pour seul choeur, leurs rires en écho.

Datura s'agitait dans la couche: l'étoffe pastelle se collait à ses courbes pour s'éparpiller en flaque de couleurs dans les draps et l'oeillade sombre s'y perdit quelques secondes, éblouie. Les lattes tirées de bouche en bouche leur offraient un semblant de voile intime. Un écran de fumée qui embrumait plus les esprits que les silhouettes réellement. Au goût âcre de l'herbe consumée se mêla bientôt le corsé de la réglisse. Bâton fut croqué, l'arôme qui se dégagea des fibres suçotées parfuma le palais. Drôle de mélange bien que rafraichissant.

A l'appel lointain d'une invitation à la proximité, Soleil ploya sur la ligne d'horizon. Il n'était pas blond et lumineux, il était sombre. Derrière les boucles brunes qui masquaient leurs visages, les lippes s'arrimèrent. Etait-ce les goûts ancrés dans leurs papilles qui rendirent leurs baisers si savoureux?


Elle a bon goût
La bouche des filles
Elle est pleine de joues
De dents et de papilles
On s'enroule dans leur palais
Elles ont bon goût les filles et leur baisers*


Rouge, gourmande et aventureuse, partit en quête d'autres parfums. Ses lèvres sillonnèrent d'un coin de bouche jusqu'à la pointe du menton. Attirée par la fragrance chaude de la rose sauvage dont Fleur des prés se parait, le bec tenta de se perdre dans la peau fine du cou. Mais là, cuir se contracta et corps se noua sèchement. L'Oiseau ne se fit pas plus insistant et poursuivit son envol. Surplombant la blonde, Soleil avait tout le loisir de contempler le paysage qui s'offrait à lui. Sous la vision saturée, les arômes échangés et cette odeur sensuelle, les sens s'affolaient. Perte de focus, l'Oiseau voyageait si loin, si haut.

Les doigts, à l'instar des rayons de l'astre solaire, se dardèrent et glissèrent sur la peau pour la réchauffer de gestes tendres et fiévreux. Caresses et baisers relevaient la température de la nuit déjà tiède. La jachère fleurie se pressa langoureusement contre les formes de Fleur des prés, cherchant le velours de sa peau. L'Oiseau n'avait sorti ni serres, ni crocs. Il se contenta de chérir tendrement les pétales que bientôt, il égrainera...Un peu, beaucoup, passionnément.

Lascifs, les corps féminins s'enlacèrent dans la couche. Les monts de l'une complétaient les vaux de l'autre dans une parfaite harmonie. Les phalanges de Boucle Brune, s'activèrent, arachnéennes, pour, lentement, remonter le jupon pastel. La voix de Datura perça alors les froissements des draps, les claquements des lèvres sur la chair et les soupirs lourd de désir.


Elle a bon goût
La peau des filles
De l'épaule au genou
Des genoux aux chevilles
On croque dans la chair de leurs fesses
Elles ont bon goût les filles et leurs caresses


L'Oiseau se redressa, retirant le dernier rempart coloré de sa peau pâle et marbrée de veines. Sa poitrine ronde et lourde ballota légèrement dans le mouvement, hypnotique. D'un souffle sec, la flammèche vacillante sur la table de chevet fut éteinte. La nuit tomba alors dans la chambre mais Soleil, sous les draps comme à l'autre bout du monde, continuait sa course, distillant chaleur à l'abri des regards indiscrets.

Paroles de "Le goût des filles" des Wriggles

_________________


Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
Datura.
    Noir s’abat sur la chambre. L’obscurité douce, enveloppante, qui les englobe, cocon épais à peine traversé par quelques rayons de lune. Le soleil s’est enfui, mais pas son énergie, qui pulse sous les peaux, chauffe contre les lèvres, brûle dans les souffles. Fleur aveuglée voit pourtant mille étoiles à ses pupilles dilatées. L’ortie se défait de sa peau urticante, offre la douceur d’une épaule, étoffe glisse sur sa silhouette, échoue au sol pour la laisser parée d’ombres rassurantes.

    Ta peau n'est pas étanche
    Elle coule de désir
    De trop longues absences
    Et d'envie tu soupires


    Esprit disloqué a besoin d’ancrage et c’est à son pouls que blonde s’accroche. C’est un rythme plus cadencé, qui paraît si fort qu’il semble agiter le derme à chaque pulsation. Grisée, veines frémissantes, comme enivrée à la bouche brune, le temps se joue d’elle, la propulse, désinhibe. Appétence monte, lèvres courent sur la gorge, effleurent les marques d’une Mort manquée, s’arriment finalement aux rondeurs arrogantes. Tête tourne, un peu, la nuit s’est bien engagée, mais elles pourraient être là depuis quelques minutes ou quelques heures que ça ne changerait rien à la ferveur qui s’empare de chacune.

    Découverte se fait. Pour l’une à travers les herbes ingérées, pour l’autre à travers les caresses saphiques. Mais l’esprit n’est pas aux questions, celles-ci égarées avec la raison. Instinct et désir ont surplombé toute réflexion et ils suivent le même chemin que les frissons qui dévalent son échine. Bouche déguste, mais n’est pas seule à s’animer, car dextre et senestre font aussi leur part en remontant les galbes des cuisses fines.

    Et je m'affaiblis
    et je ne tiens plus debout
    Allonge mon corps ici
    Tout en haut du Ventoux


    A rires feutrés, corps s’étreignent, se renversent, s’inversent. Ce soir c’est soirée privée et l’homme n’est pas souhaité. Couche accueille sous la Lune mère, les dignes filles de Séléné, héritières de Sappho, s’aiment secrètement le temps d’une nuit, de quelques heures, de quelques râles. Soupirs vibrent d’échos, se pâment de maladroites attentions, comme il est plus étrange d’aimer un corps si proche et pourtant si différent. A calice, lèvres et langue s’abreuvent, goûtent, pénètrent, font naître d’autres étoiles que la drogue n’aura pas su allumer.

    Sonne minuit, le village dort, mais pas elles. Elles qui, enlacées dansent, l’une contre l’autre, peaux froissées sous les doigts, comme pour les draps, toile vierge où le tableau de l’Oiseau et la Fleur s’esquisse, se travaille de courbes et de pressions, de gestes fougueux qui peaufinent l’œuvre aux silhouettes enchevêtrées. Et elle, elle qui habituellement se pare de vanité, n'est plus que volupté, quand l'exquis rejoint l'extase. Datura est plus que jamais Gabrielle dans cette piaule. A nue, jusque dans la façon qu'a sa voix de se briser de plaisir, jusque dans le dévouement qu'elle applique de baisers éparses sur les contours de l'Oisal, jusque dans l'attention des mains fines et douces qui, au début timides, se sont vues devenir plus audacieuses.

    Folie, que cette rencontre, que cette femme cabossée qu'elle couvre de baisers. Folie que cette drogue qui, à son apogée, fait se confondre fantasme et réalité. Folie que ce cœur qui bat bat bat à en soulever la poitrine. Folie que cette nuit, où les ombres dansent d'étreintes charnelles.

    Et couvre-moi de lavande
    Et de sel si tu pleures
    Avant la neige de décembre
    Avant que ne fanent les fleurs
    Je veux mourir maintenant
    Et renaître au printemps
    Je veux mourir maintenant
    Et renaître au printemps


    "La lavande" - Pomme


_________________
Rouge_gorge
Colchique mon amour,
Fleurisse, fleurisse.
Les amants d'aimés,
Perissent, périssent.


Soleil et Fleur des prés invoquaient dans leur danse, le renouveau au clair de lune. Si Boucle Brune n'était plus à sa première "douce de nuit", elle avait fini par apprendre que chacune était singulière. Les peaux ne réagissaient pas forcément aux même gestes, les soupirs ne trahissaient pas de semblables désirs. A même sexe, plaisirs différents. Là résidaient tout l'enjeu et la curiosité de découvrir encore et toujours sa partenaire. A ça, se rajoutaient la déconcentration et la maladresse liées à la prise de psychotropes. C'était beau et attendrissant, drôle et grisant.

Printemps nocturne donc, Rouge se fit abeille et se glissa de baisers en caresses entre les cuisses de la Blonde. Langue dardée, elle butina avec envie les pétales délicates, en lissa le velours gorgé de rosée de ses doigts et se joua de son bouton de rose. Tout lui semblait si irréel. Plongée dans l'obscurité, elle percevait encore des couleurs. La pulpe de ses doigts lui paraissaient tellement sensible qu'elle se sentait capable de compter un à un tout le grain de peau qui s'hérissait sous ses caresses. Que dire du goût du miel qui s'écoulait sur sa langue? Gourmande, elle but longuement à la source jusqu'à plus soif. Les jambes de la plante se faisaient lianes autour de son cou. Oiseau avait trouvé son nid un temps et quand les feulements résonnèrent dans la chambre baignée de faisceaux lunaires, ce fut de son corps déplumé qu'elle se fit elle-même cocon.

Dans de chaudes étreintes, les courbes lascives étroitement mêlées, se chevauchèrent pour mieux rouler dans les draps. Esprits chaviraient, corps vacillaient et coeurs balançaient, dans un parfait équilibre où jouissance était équitablement partagée tour à tour.


L'amour même eternel,
Ne connait d'antidote,
A ce poison mortel,
Autre qu'une capote.
Moi je veux te garder,
Là au creux de mes jambes.
Et ce temps pour s'aimer,
Ne doit rien voler.*


*Paroles de "Colchique, mon amour" de Robert

_________________


Avatar par l'illustrateur Skälv. Oeuvre personnalisée et protégée. Merci de ne pas la réutiliser ou la copier.
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)