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[RP] Les nuits perdues

Elisa.malemort
    «La douleur, c'est le vide.»
        Jean Paul Sartre



Parfois, on aimerait dormir, dormir longtemps, pour se réveiller seulement lorsque la douleur et la peine auront disparu. Se réveiller lorsque le cœur et le corps ne font plus mal. Mais si le corps arrive à cicatriser, quant est-il du cœur ? La Malemort ne pensait plus pouvoir cicatriser. Combien de fois cela est-il arrivé depuis toutes ces années ? Trop de fois… Beaucoup trois de fois, et aujourd’hui, elle n’était pas certaine que son cœur arriverait à s’en remettre. Comment peut-on réussir à se pardonner ? La jeune femme n’avait plus aucun doute, elle était la cause de ces pertes. Elle, et seulement elle.

Elle avait passé la nuit entière à regarder par la fenêtre, la moindre feuille du grand arbre qui bougeait, la Lune qui avançait dans le ciel, les nuages qui s’amusaient parfois à la couver d’un léger coussin soyeux, et puis finalement repartir un peu plus loin pour jouer avec les étoiles. Jusqu’à ce que finalement, de longues heures plus tard, le soleil vient refaire son apparition. D’abord en levant avec lui un ciel rouge orangé, jusqu’à laisser apercevoir ses rayons, réchauffant la nature qui s’était longuement endormie, elle, séchant la rosée matinale et réveillant les activités de chacun. La Malemort entendit ses gens se réveiller pour réactiver la vie de la demeure, puis des petits pas dans le couloir, s’arrêtant devant sa porte, rapidement chassés par la voix d’Eli qui se faisait encore plus douce qu’à l’habitude.
La journée passa aussi lentement que la nuit. Kye ne l’avait quasiment pas quittée. La Malemort sentait parfaitement qu’il était désemparé, qu’il ne savait pas comment réagir, et agir face au chagrin de sa fiancée. Et pourtant, elle-même était incapable de bouger. Elle était incapable de se tourner vers lui dire pour lui dire « Tout va bien, ne t’inquiète pas » afin de le rassurer, car c’était tout simplement faux. Elle n’allait pas bien. Elle n’était plus capable d’accepter la mort autour d’elle. Elle n’avait plus le courage… Et pourtant, le sentir, là, tout contre elle, sentir les battements de son cœur raisonner contre son dos, entendre sa respiration pour calmer ses peurs et parfois sentir la douceur de ses lèvres sur sa peau. A chaque baiser dans son cou, elle avait fermé les yeux, comme pour espérer que le contact de sa peau arriverait à effacer la veille, à lui permettre de panser ses blessures. Mais lorsque les lèvres du Noircastel quittaient sa peau, alors, les onyx s’ouvraient de nouveau. A chaque fois, le corps se glaçait un peu plus, en réalisant que tout cela était bien réel. Et à chaque fois, elle s’enterrait un peu plus profond dans son silence et sa douleur.

Ses yeux ne pleuraient plus. Elle n’avait plus besoin de pleurer… Ou alors… Elle n’arrivait plus à pleurer plutôt. Même ses yeux étaient devenus silencieux. Incapable d’y lire la moindre chose… Ils étaient noirs, terriblement noirs et finalement, ils reflétaient parfaitement le moment : Vide.
Le soleil commençait à se coucher. La journée touchait à sa fin, lorsqu’un vacarme se fit entendre en bas de la maison familiale. Cela dénota avec le reste de la journée où aucun bruit ne s’était fait entendre. Et pour autant, Elisa ne réagit pas. Elle resta allongée, toujours tournée vers la fenêtre. Le monde aurait pu s’écrouler autour d’elle, cela n’aurait rien changé… Son monde à elle était déjà au sol, émietté et piétiné.
Kye la quittait à ce moment précis. Elle se sentit encore plus seule et plus vide tandis qu’elle se retrouvait seule dans le lit. Durant son absence, la Duchesse réalisa, que même dans le silence, elle avait besoin de lui à ses côtés. Elle avait besoin de lui tout le temps près d’elle. Et pourtant… Bientôt, il lui faudrait partir, prendre ses affaires et quitter le Mans pour une nouvelle vie en Alençon. Elisa ne lui avait encore jamais dit, et elle ne lui dirait certainement jamais, mais elle ne se sentait pas capable de vivre de nouveau loin de lui. Elle n’était pas capable de vivre le quotidien sans lui. Elle n’était pas capable de se réveiller de nouveau seule, après s’être endormie seule. Elle n’était pas capable mais surtout, elle n’en avait pas envie…

Ses pensées furent stoppées lorsqu’elle entendit de nouveau la porte s’ouvrir. Quelques pas, puis la porte qui se referme. Et ensuite plus rien. Juste une respiration, qui n’était pas celle de Kye. La Malemort fait un effort, grimaçant, elle se retourne dans le lit afin de voir qui se trouve à l’intérieur. Lors de son demi-tour, elle émet un gémissement de douleur. Puis, son mouvement se stop d’un coup, lorsqu’elle voit Albin dans la pièce. Ses onyx toujours aussi vides et noirs se fixent dans le regard de son ami. Et tout à coup, elle est prise d’une rafale de sentiment. Tout à coup elle est mélangée entre douleur, honte, colère et peur. Tout à coup, ses onyx se remplissent de nouveau de larmes qui viennent rapidement inonder ses joues, tandis que la main de la Malemort se tend vers lui pour l’inviter à venir la rejoindre. Il est là, elle se loge contre lui. Ses mains viennent agripper son mantel, son visage se glisse dans son cou et elle pleure. Elle pleure toutes les larmes de son corps dans les bras de son ami de toujours. Elle pleure en guise de paroles, car elle n’a rien à dire, elle ne peut rien dire tellement elle a mal. Elisa continue de pleurer contre lui, car elle n’a que cela. Elle n’a plus que cela. Elle ne veut rien dire et pourtant, elle est reconnaissante qu’il soit là. Qu’il soit venu. Qu’il est tout quitté pour venir la rejoindre ici pour un peu de réconfort dans son malheur. Elle aimerait lui murmurer un « merci », mais il est encore trop tôt, et ses lèvres restent liées. Tout comme ses bras se sont liés autour de lui, son poing refermé contre son manteau.

Parfois, il n’y a pas besoin de parler, parfois, il suffit simplement d’avoir les bonnes personnes autour de soi.

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Albin.
Nul mot. Toute façon qu'y avait il à dire? Rien et parfois c'est mieux.
Les actes, les gestes valent mieux que les paroles dans certaines situations comme celle présente.

Quelques mois auparavant, c'était Elisa qui réconfortait Albin, tentant de lui faire retrouver le sourire alors qu'il n'avait guère le coeur à cela. Elisa avait réussi grâce à l'aide entre autre de l'une de ses filles, Ehmee, c'est désormais chacun son tour en lui rendant la pareil.
La pareil mais sans Gaelant, cela aurait été inconvenant et non adaptée que la Zaza voit son filleul en jeune âge alors qu'elle venait de perdre son enfant. Non ça n'aurait pas été vraiment le moment, il fallait laisser le temps au temps et que celui ci agisse lentement pour faire le deuil. La douleur restera quoi qu'il en soit toujours présente comme jamais on ne peut oublier ça. Vivre avec oui, oublier non.

A l'invitation par les bras tendus d'Elisa, Albin rejoignait alors son amie de longue date et tenter de lui offrir un peu de réconfort, juste être là dans ce moment difficile de la vie. Non la vie est loin d'être rose et facile mais c'est bien l’enchaînement d'épreuves et en tant qu'écorché vif le Albin savait parfaitement de quoi il en retournait alors pour vivre avec ces épreuves.
Rien ne pouvait faire sécher les larmes, Albin sentait ces gouttes qui coulaient le long des joues devenues humides.

Les mains de l'Ar Sparfel entouraient Elisa, il lui caressait le dos d'un geste de réconfort, il voulait lui dire juste quelques mots comme "parle moi !" "dis moi quelque chose" ou encore "je te l'ai dis que je serais toujours là pour toi dans n'importe quel situation". Au fond c'est ça l'amitié, l'amitié éternelle, d'être là dans les bons comme les mauvais moments, malgré l'éloignement des dernières semaines, malgré qu'ils se voient et se parlent peu.

En cet instant, il ne fallait qu'une seule chose : Elisa sèche tes larmes et soit forte. Soit La Courageuse.

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Elisa.malemort
    « L'amitié, comme l'amour, demande beaucoup d'efforts, d'attention, de constance, elle exige surtout de savoir offrir ce que l'on a de plus cher dans la vie : du temps ! »
        Catherine Deneuve



Il y a des amitiés qui ne se brisent pas. Et qui ne se briseront jamais. Il y a parfois des sentiments si fort, qui permettent de résister à toutes les épreuves. C’est exactement ça pour l’amitié réciproque qu’ils se portent. C’est exactement ce sentiment là qui coule dans les veines d’Albin & Elisa. La vie avait beau les éloignés parfois, souvent même, loin l’un de l’autre, ils finissaient toujours par se retrouver comme si rien n’avait changé. Dernièrement, ils s’étaient retrouvés au moment où tous les deux en avaient le plus besoin. Tous les deux malheureux et tristes par des déceptions amoureuses, ils s’étaient confiés l’un à l’autre. Il était devenu son autre. Cette personne, que l’on trouve parfois, et qui nous permet d’avancer, même lorsqu’on est au plus bas. Et aujourd’hui, encore une fois, aujourd’hui, cela se confirmait.

Il était là. Il était bien là. Enveloppée dans ses bras, la tête posée sur sa poitrine, elle pleurerait toutes les larmes qui n’étaient pas sorties ces dernières heures. Il lui permettait d’extérioriser tous le malheur qu’elle avait en elle. Il lui permettait de se libérer sans avoir peur d’être jugée ou abandonnée. Car elle savait pertinemment qu’il serait toujours là, comme elle serait toujours là dès qu’il aurait besoin d’elle. Aucun des deux n’avaient besoin de le prouver une nouvelle fois à l’autre. Les actes du passé prenaient le dessus sur les paroles du présent. Personne ne pouvait dire durant combien de temps ils étaient restés là, l’un contre l’autre. Les larmes de la Malemort avaient fini par s’arrêter de couler. Mais aucune parole n’avait été prononcée entre les deux amis. Les doigts de la Duchesse étaient venus chercher ceux de son ami pour les entrelacer comme ils avaient l’habitude de le faire. Et finalement, elle s’était endormie au creux de ses bras. Elle avait fini par dormir, sans cauchemar, sans terreurs, sans tremblements. Elisa avait juste dormi, tout contre lui, bercée par le rythme de sa respiration et les battements rassurant de son cœur.

La nuit avait fini par bien avancer. Le calme était revenu, on n’entendait que les chats errants dans la rue miauler pour espérer voir une porte s’ouvrir afin de trouver un peu de chaleur pour la nuit. Tout doucement, Albin s’était levé, il avait rallongé Elisa dans son lit, la recouvrant de sa couverture et il était reparti. Il avait accompli son rôle, il avait, l’espace d’une soirée apaisée la Duchesse pour lui permettre de s’endormir.
Et toute la nuit durant, elle avait dormi. Elle ne s’était pas réveillée, elle n’avait pas rêvait. Elle avait simplement dormi. Elle avait simplement eu ce sommeil qui l’aiderait à se réparer physiquement de l’accouchement et mentalement de la perte. Une étape par une étape. Tout doucement, avec du temps, avec de l’amour et avec du repos. Mais une chose était sur, la Malemort ne manquerait pas d’amour autour d’elle…

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Kye
Les jours qui suivirent se remblaient tous. Elisa restait silencieuse, elle ne sortait pas du lit et Kÿe restait à ses côtés, silencieux lui aussi. Les rares fois où il quittait la couche ce n'était que pour s'occuper des courriers qui arrivaient chez eux. Certains étaient destinés à Elisa, en sa qualité de prévôt, alors il les lisait rapidement et il transférait lorsque c'était nécessaire au vice-prévôt. Parfois, c'était des courriers qui lui étaient destinés, ceux-la, ils les mettaient sur le côté, avec ceux à caractère privé d'Elisa. Ce serait pour plus tard.
Certains courriers étaient difficile à lire. Il relisait les paragraphes, les phrases et même les mots, sans les comprendre. Quand bien même ils étaient correctement écrit, parfois ça ne voulait pas. Ce n'était pas le courrier le problème, c'était lui. Parfois aussi, il gardait la lettre dans la main, mais ne la lisait pas, il se contentait de regarder par la fenêtre, de laisser son regard se perdre vers l'horizon. A quoi pouvait-il bien penser dans ses moments-la ? Pensait-il seulement ?
Il lui arrivait aussi, de temps en temps, de se tenir devant la fenêtre. Regardant les gens qui passaient dans la rue. Il observait la vie, de l'autre côté de la fenêtre. Toute cette insouciance qui venait d'en bas. Il lâchait un soupire en les regardant, avant de rejoindre Elisa dans le lit.

Voilà le quotidien qu'ils avaient vécu pendant plusieurs jours et puis arriva le dimanche. Pour la première fois, il y eu des paroles. Malheureusement, elles n'étaient pas d'Elisa. Elles étaient de Kÿe et la nouvelle qu'elles annonçaient n'était pas des meilleurs.


- Mon étoile...Je vais devoir y aller...L'on m'attend à Paris...Je dois m'y rendre pour le serment des Hérauts...J'ai repoussé le voyage autant que je le pouvais, mais maintenant je dois y aller...Je reviendrai dès que possible, ça ne sera pas long, promis...

Dans ces gestes, dans le timbre de sa voix, l'on pouvait ressentir son envie de ne pas partir. Il y était contraint, à son grand désarroi. Il déposa quelques baisers sur l'épaule d'Elisa et quitta le lit pour préparer ses affaires. Evidemment, elle ne réagissait pas. Elle ne bougeait pas. Elle ne disait pas un seul mot. Au moins respirait-elle toujours. Dormait-elle encore ? L'avait-elle entendu prononcer ces quelques mots ? Kÿe se le demandait. Toujours est-il, qu'il ne prenait pas grand chose avec lui pour partir. Il l'avait dit, ce ne serait pas long et il reviendrait dès que possible. Alors, il prit le strict minimum pour les quelques jours où il serait absent.

Il lui avait annoncé son départ et elle n'avait pas réagi. Encore une fois, elle n'avait ni parlé, ni bougé. Tout cela devenait pesant pour le Noircastel, mais il essayait d'endurer cette situation comme il le pouvait. Certains auraient sûrement forcé Elisa à parler, à réagir, mais Kÿe n'est pas de ce genre. Non. Il préfère la laisser et lorsqu'elle se sentira prête, elle lui parlera. Mais en attendant, il souffrait. Il souffrait en silence, lui aussi. Il resta quelques secondes dans l'encadrement de la porte, espérant un mouvement, un mot, un murmure, un marmonnement, un bruit. Mais rien.

Il referma la porte derrière lui, alors qu'une petite boule de poils blanc se précipita dans la chambre. Il n'eut pas le coeur de faire sortir Kaïzer, leur chien, qui venait de rentrer dans la chambre et qui s'installait à côté du lit, assis sur ses pattes arrières, le museau sur le matelas, attendant une caresse de la maîtresse. Le maître, lui, lâcha un léger sourire et referma la porte derrière. Les premières lueurs du jour commençaient à réveiller la ville et la voiture qui devait l'emmener à Paris était déjà présente. Le cocher n'attendait plus que lui pour prendre la route. A contrecœur, il partait aujourd'hui. Il savait qu'il allait revenir dans trois jours, c'était le plus court qu'il pouvait faire, que ce n'était en soit pas un long voyage. Mais c'était un voyage tout de même. C'était un éloignement physique par rapport à Elisa et en cet instant, il ne s'en sentait pas capable, mais il n'avait pas le choix. Alors, il commençait à avancer dans le couloir, pour rejoindre le rez-de-chaussée, puis sortir de la maison.

Dans sa chambre, le visage inexpressif, Emelyne regardait sa chemise de nuit brûler dans la petite cheminée. Encore une mauvaise nuit, et un réveil froid, difficile, dans ces moments où encore en demi-sommeil, l'on n'arrive pas à contrôler ses pensées et où les plus cruelles prenaient le dessus, vous tiraillant entre l'envie de sortir du lit, se réveiller pour échapper aux pincements qu'ils vous infligeant ou rester dans cet état de torpeur, trop fatiguée pour se lever, sans force suffisante pour affronter la journée. Surtout lorsqu'on savait qu'il n'y aurait aucun plaisir qui vous y attendait ou qui en valait la peine.
L'adolescente fixait le feu qui dévorait son vêtement de nuit où une tâche carmine à un endroit compromettant était apparue, qu'elle avait aperçu en se déshabillant. Ce n'était pas franchement le moment...Alors, pour ne pas en rajouter pour inquiéter personne, la petite brune effaçait les traces.
Poussant un soupir, son attention capta des pas de fers à cheval résonner sur les pavés de la cour, ainsi que le cahotement et le grincement caractéristiques des voitures de cocher. Intriguée, alors que le soleil encore faible à cette heure matinale perçait avec peine les couches de nuages, Emelyne s'approcha de sa fenêtre et écarta les rideaux plus fins pour regarder ce qui se tramait.

Son cœur rata un battement en reconnaissant les cheveux grisonnant de la personne qui fendait la cour pour rejoindre la voiture, une valide au bout du bras. Elle fit un pas en arrière, puis un deuxième. Puis ni une, in deux, Emelyne enfila rapidement une liquette et martela le sol pour se précipiter à travers les couloirs, dévalant l'escalier, traversant le hall d'entrée pour pousser les battants avec fracas.


Kÿe ! Hurla-t-elle à plein poumon, en lui jetant un regard belliqueux.Vieux con ! Baltringue...Pirate !

Un haussement de sourcil du côté Noircastel. Surpris autant par cette interruption que par les mots choisis. Qu'est-ce qui lui prenait ? Que voulait-elle ? Ce n'était pas l'heure de jouer. Et quand même bien, il s'agissait d'un jeu, il ne supportait pas de se faire insulter de la sorte. Alors, rapidement une colère lui monta au nez, qu'il essaya de contenir tant bien que mal.

- Emelyne, ce n'est pas le moment...

Il avait repoussé son voyage aussi longtemps qu'il le pouvait pour rester auprès d'Elisa, mais maintenant, c'était l'heure de partir, vraiment. Pas le temps de jouer donc, ni pour un sermon d'ailleurs.
Emelyne reprenait son souffle, elle n'en croyait pas ses yeux, elle ne voulait pas croire ce qu'elle voyait, ce n'était pas possible. Fulminante, elle sautilla les marches, sentit les pavés glacés sous ses petits pieds pour se mettre devant Kÿe, et étendre les bras de chaque côté pour l'empêcher de passer, avec un air de défi.
Un léger soupire du Noircastel, faites des enfants qu'ils disaient. Bref, il se penche légèrement et profite de la position de la jeune fille pour la ceinturer au niveau de la taille et la soulever sur son épaule, lâchant au même moment :


- Puisque c'est comme ça...

Poussant un cri perçant de mécontentement, l'adolescente agita des pieds et bras, se débattant de tout son être, abattant de ses petits poings contre le dos de Kÿe. Le but de l'opération était de l'empêcher de partir, pas de partir avec ! Si bien que, voyant le peu d'effet que ses coups avait sur lui, elle finit par se redresser tant bien que mal en se tortillant et s'en aidant de sa rage, et mordit le plus fort possible la nuque du Noircastel. Lui, il avait fini par atteindre la voiture, malgré l'agitation d'Emelyne sur son épaule et lorsqu'il sentit la morsure, il la lâcha aussi vite sur le marchepied, posant par réflexe sa main sur sa nuque criant :

- M'enfin ! Mais qu'est-ce qu'il te prend aujourd'hui ?! Quelle satanée mouche t'a piqué ce matin ?!!

Emelyne serra les poings, si fort que ses jointures blanchirent.

- C'est parce que tu recommences ! C'est parce que...

L'adolescente baissa la tête. Elle tremblait de rage, ses poings tremblaient, ses bras, son corps tout entier tremblait. Elle s'immobilisa un instant et se tut. Elle ferma fort les yeux, elle bouillait littéralement de colère à l'intérieur, elle avait envie d'envoyer ses poings partout, de tout envoyer valser, de tout démolir. Elle sentait sans le vouloir, ses pieds nus s'enfoncer de frustration contre le bois du marchepied. Et, lorsqu'elle leva à nouveau la tête, son visage était ravagé de larmes.

- Ne nous laisse pas...S'il te plait, s'il te plait, ne nous laisse pas...

Le sang du Vieux Loup ne fit qu'un tour. Par tous les diables, où avait-elle bien pu aller chercher tout ça ? Il esquissa un tendre sourire et puis, il la prit dans ses bras, murmurant sur un ton apaisant :

- Ne t'inquiète pas, je vais juste à Paris pour mon serment de Héraut...Ensuite, je reviens...Tout au plus trois jours...Ça va aller ?

- Non. Parvint-elle à marmonner entre deux sanglots et en essayant de le repousser faiblement, elle ajouta Tu mens, tu mens...Tu vas partir...

Ces derniers jours, Emelyne voyait tout en noir. Ses peurs enfantines remontaient, ses angoisses d'abandon, la solitude qu'elle avait connu au taudis d'Autun loin d'eux. Tout remontait, tout éclata soudainement en voyant Kÿe partir à nouveau, avec une valise. Emelyne, n'arrivait plus à supporter son cœur devenu trop lourd, lourd des cris de sa mère et de son silence depuis, lourd d'avoir perdu un petit frère - ou une petite sœur - qu'elle aimait déjà, lourd d'avoir peur que tout continue d'aller encore plus mal. Et de perdre un père...pour la troisième fois.

Le Noircastel se laissa repousser sans offrir de résistance à l'adolescente, mais toujours sur le même ton, il répondit :


- Je te promets que je vais revenir. Ce qui nous arrive est terrible, mais j'aime ta mère et peu importe ce qui nous tombe dessus, je sais qu'on s'en sortira toujours mieux ensemble que séparément...Et si tu ne me crois pas et bien...tu verras dans trois jours !

Emelyne renifla et se calma quelque peu, rivant ses yeux dans ceux de Kÿe pour tenter de lire la vérité. Elle y vit de la tendresse, qui accompagnait un timbre de voix plus doux. Allait-elle se laisser berner ?...Non, Kÿe ne mentait pas. Il ne mentait jamais. Il ne se jouait pas d'elle. Il était sincère, comme toujours. Elle cilla, écrasant quelques larmes, puis se blottit contre lui, sans un mot. Elle retrouvait une respiration moins saccadée, plus normale, puis, même si elle ne voulait pas le lâcher, le libéra. Et descendit du marchepied pour lui laisser la place de monter.
Il profita pour la prendre une dernière fois dans ses bras, déposant un baiser au sommet de son crâne. Une petite marque de tendresse qui ne ressemblait pas vraiment à cette homme au premier abord glacial. Il murmura un "merci" puis la lâcha à son tour, avant de monter dans la voiture. Cependant, il sortit la tête à travers la fenêtre afin de dire une dernière chose.


- Prenez soin de votre mère, tous. Et toi, prends soin de tes frères et sœur. Pas de bêtises pendant mon absence. Soyez gentils avec Eli. Je fais au plus vite

Quelques indications de la part d'un père avant de partir, rien de plus classique, mais ça faisait du bien de le dire et de l'entendre, surement. Emelyne tenta d'esquisser un sourire, le plus beau possible, pour l'offrir à Kÿe. Elle ne mesurait pas encore bien à quel point ces trois petits jours allaient être longs. Mais elle hocha la tête à ses instructions, pour lui confirmer qu'elle avait bien pris note et qu'elle tenait à les suivre avec détermination. Puis, il tapa de la main contre le bois. C'était le signal. Fouette cocher.

- Attendez !

La voix d'Emelyne avait repris un peu d'assurance. Après s'être assurée que le cocher l'avait bien entendue et s'était exécuté, elle adressa un dernier regard inquiet vers le Noircastel, qui s'en allait prêter serment.

- Kÿe...?

- Hm ?

-...Pardon de t'avoir mordu

Un léger sourire sur le visage du Noircastel se dessina.

- Ce n'est pas grave, Louis me vengera.

Et le cocher reprit la route, une fois l'échange fini.


Rp en parti écrit à 4 mains avec JD Emelyne

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Emelyne.alois
« De tenter, sans force et sans armure, D'atteindre l'inaccessible étoile. »
Jacques Brel, La Quête.




___Une brise fit pleuvoir des feuilles d'or, tombant avec délicatesse des arbres qui frissonnaient, au ralenti, dessinant quelques figures aériennes et légères avant d'effleurer le sol sans bruit. Ce fut lorsque la voiture, que Kye avait prise pour se rendre à Paris, ne fut plus qu'un petit point sombre s'évanouissant dans l'horizon qu'Emelyne se rendit compte qu'elle avait froid. Alors elle rentra.

Elle retrouva avec aise le plancher de la maison, bien plus doux et moins piquant pour ses pieds nus que les pavés glacés de la cour. Emelyne se sentait mieux. Sans qu'elle ne puisse s'expliquer pourquoi, ses idées s'étaient éclaircies. Il lui semblait que sa tête était moins encombrée, elle sentait un regain d'énergie. Ces derniers jours, elle avait étouffé, elle avait porté un masque lorsqu'elle sortait pour se changer les idées ou devant ses frères et sa soeur, elle se détestait de faire cela, et alors qu'elle craignait que la spirale négative ne s'arrêterait jamais, que les choses iraient de pire en pire. Elle était terrorisée et qu'elle gardait tout en elle.
Y compris sa tristesse, celle de tant regretter ce qui était arrivé à Maman ce soir-là, de savoir qu'elle avait souffert, qu'elle souffrait encore, qu'elle ne la voyait plus, qu'elle n'avait rien pu faire, qu'elle ne pouvait rien faire encore aujourd'hui, pour qu'elle aille mieux. Qu'elle n'aurait pas ce frère qu'elle imaginait déjà, qu'elle aurait aimé choyer, aider à s'en occuper, lui apprendre des choses, à s'allonger avec lui dans l'herbe, à regarder les nuages ou les étoiles et de voir son air émerveillé, tout comme elle aimait observer ceux de ses petits frères et petite soeur.
Mais sans savoir pourquoi, Emelyne se sentit mieux en rentrant dans la maison. Toujours profondément marquée par l'image de sa mère tordue de douleur dans sa chambre cette nuit-là, toujours inquiète et étreinte d'un sentiment d'insécurité et d'incertitude. Mais Kye avait prononcé ces mots qu'elle avait besoin d'entendre, ces mots que jusque là, personne ne lui avait encore dit.
"Ça va aller."
Cela équivalait à une étincelle d'espoir suffisante pour l'adolescente qui pensait encore simplement à son âge. Cela lui suffit à le penser. Qu'il était possible que les choses aillent mieux.

___Durant quelques secondes, son regard d'ambre se perdait vers les marches les plus hautes de l'escalier. Et au bout de ces quelques secondes, la petite brune se décida à les gravir. Et à s'arrêter devant la chambre parentale. Celle-là même qu'elle évitait même du regard jusqu'à présent. Celle-là même où une aura sombre semblait émaner. Celle-là même où quelques soirs plus tôt, l'image qui nourrissait ses récents cauchemars l'avait frappée avec violence.
Sans dire un mot, elle regarda Eli. Puis elle glissa affectueusement ses doigts sur sa manche, comme pour la rassurer. Elle toqua alors doucement sur la porte, puis souffla à travers la serrure :

- C'est moi, Maman. J'entre.

Bien sûr, elle était nerveuse. De peur de déranger Maman, de peur que cette dernière n'ait pas envie de la voir. De lui faire plus de mal en venant. Mais Kye était parti. Et c'était son rôle, à présent, de ne pas la laisser toute seule.
Dès qu'elle rabattit la porte derrière elle, elle s'empressa de faire un signe d'apaisement vers Kaïzer qui reposa à nouveau sa tête sur la couche, et de dire à Maman de ne pas bouger, que ce n'était pas la peine. Emelyne la voyait de dos, tournée vers la fenêtre blanchie de lumière. Et cela l'arrangeait bien, car elle ne voulait pas que Maman s'inquiète en voyant son visage bouffi par les larmes, tout en passant les doigts sur ses yeux et ses joues, tout en lissant sa liquette qu'elle trouvait soudainement bien courte, pour se rendre un tant soit peu présentable.

___A petit pas, Emelyne s'empara d'un peigne sur la coiffeuse. La brosse attendra. Au moins le peigne pour cette fois. La petite brune grimpa avec précaution sur le lit, pliant la couche sous son poids plus qu'elle n'aurait voulu, évita le chien blanc qui ne broncha pas et la suivait à peine du regard -tout juste s'il bougea une oreille-, et elle s'agenouilla derrière Maman, ramenant ses jambes fines sous elle. Le plus paisiblement possible, elle piqua les longues dents de l'accessoire dans les cheveux ébènes, encore souples, soyeux, pour les faire glisser lentement, jusqu'aux pointes. Emelyne prenait son temps pour peigner Maman, pour démêler un peu ses cheveux, pour les ramener vers l'arrière, dégager son oreille, son visage, en espérant qu'elle se sente un peu mieux ainsi. Ses doigts tremblaient encore de son altercation avec Kye, mais l'adolescente y mit tout son amour, toute sa tendresse pour Maman, tout son manque d'elle, qui ne pouvaient s'empêcher de déborder à travers ces gestes pourtant si simples.

- Tante Constance me charge de te dire qu'elle t'aime. Elle pense très fort à toi, même si elle ne peut pas venir. Elle le voudrait pourtant.

Emelyne continuait à rassembler les mèches de Maman ensemble, à les caresser avec le peigne.

- Oncle Foulques dit... que... Ce n'est la faute de personne. Que ce n'est pas de ma faute. Pourtant, pourtant, je n'arrête pas de me dire que c'était possible de mieux faire les choses... Et que je suis pas très utile. Mais je sais que c'est stupide de penser comme ça. C'est même plutôt présomptueux de penser que j'aurais pu faire quelque chose pour empêcher ça, alors que je ne suis qu'une gamine... Ce serait m'attribuer des pouvoirs, que je n'ai pas, de penser comme ça.

Emelyne était calme en disant cela. Sereine. Même si sa voix tremblotait.

- C'est ce que je pense dans ma tête, en tout cas. Ce que je pense dans mon coeur est tout autre...

Elle posa le peigne sur la tête de lit, à l'abri de toute chute, lorsqu'elle fut assez satisfaite de son travail. Les mots sortaient tous seuls, maintenant qu'elle avait commencé à parler. Elle se rendit compte qu'elle n'avait plus de contrôle sur eux, et elle se rendait compte qu'elle n'avait aucune envie de les en empêcher.

- Tu sais, Maman... ? Pour moi aussi, tu es une étoile. Et moi, je suis... comme un marin. Et je te cours après. Mais mon étoile ne brille plus en ce moment. Alors je sais plus où je dois aller.

Il n'y avait pas une once de reproche dans la voix d'Emelyne. Au contraire, cette image fit sourire la petite adolescente. Il y avait beaucoup d'amour et de tendresse dans les mots qu'elle prononçait.
Sans s'en rendre compte, et tout en parlant, la jeune Malemort se frottait les yeux.

- Mais c'est pas grave. Tu es fatiguée, n'est-ce-pas, ma petite Maman... Tu as juste besoin de te reposer. Repose-toi autant que tu voudras. On t'attendra autant qu'il le faudra. Tout comme j'attends le retour de Kye. Tout comme tu avais attendu mon retour le mois dernier. C'est à mon tour de t'attendre.

Et lorsque que tu reviendras, je mangerai de baisers tes petites joues trop mignonnes, et je te tiendrai fort tout contre moi pendant des heures, pour m'assurer que tu es bien revenue pour de vrai.


Emelyne ne put réprimer un grand sourire en paraphrasant une des lettres de sa Maman, qu'elle relisait souvent, qu'elle relisait encore, qu'elle avait reçu d'elle lorsqu'elles étaient séparées. Enivrée par son humeur plus légère et apaisée depuis son échange avec Kye avant qu'il ne parte, par le parfum de Maman et la torpeur de la chambre qui lui devenait agréable, la jeune fille s'allongea dans le dos de Maman, à l'ombre qu'elle formait. Juste un peu. Juste un instant. Juste un instant...

Elle avait envie de lui parler de ses saignements de cette nuit... Mais elle se dit que ce n'était peut-être pas encore le bon moment pour ça. Elle se sentait fatiguée. Trop pour en parler sans embarras. Tout en battant les paupières de plus en plus lentement, Emelyne chuchota. Tout bas. Elle se mit à réciter un poème qu'elle espérait familier à Maman.

- Dans la vie, tout peut s'user...
Mes bras, mes robes, mes souliers,
Les draps, les craies, les statues de l'Antiquité,
Les outils, les montagnes, le Soleil en fin de journée,
Les bijoux, les colliers, la Patience, la Volonté,
Mais il y a une chose qui ne s'usera jamais jamais...


Emelyne bougea un peu.

- Juste... une seule chose... Une seule...

Elle ne sut jamais à quel moment elle s'était endormie.
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