Emelyne.alois
Le voilage bougeait lentement. Sous la brise légère qui s'invitait par la fenêtre grande ouverte de la chambre d'Emelyne. Le jour persistait, avait du mal à s'en aller, souhaitant sans doute admirer encore un peu les premiers arbres en fleurs et l'agitation dans les branches, les parterres qui reprenaient des couleurs vives, les pas allègres et joyeux des passants sur les pavés. Le jour laissait une lumière encore cahude, retardant l'heure des complies, le voile du soir patientant en s'étirant timidement.
Assise à sa petite table, l'adolescente lissait sa plume, regardant la lettre qu'elle avait à peine commencé à écrire en taverne avant d'être interrompue. Elle jeta un oeil au dehors, en sortant de sa rêverie, et se décida à faire la course contre le soleil, et de terminer sa lettre avant d'en être privée.
___ - ... Grosse maligne...
Après avoir relu ses mots, la petite brune se rendit compte... qu'elle ne savait pas où envoyer la lettre. Où étaient-ils ? Si cela se trouvait, ils arrivaient demain à Lyon, et elle aurait l'air bien fine.
Regardant le soir, à travers le fin voilage ondulant à sa fenêtre, réussir par finir à envoyer le soleil dans sa chambre, et la pénombre envahir la pièce peu à peu, Emelyne fronça le nez. Quelques lumières clignaient au-dehors, dans les ruelles et par les embrasures des bâtiments. Que faire ? Elle avait vraiment envie qu'Emery lise ces mots avant qu'ils n'arrivent.
Emelyne finit par se lever pour aller chercher de quoi s'éclairer avant de se retrouver dans le noir, afin de prendre sa carte et de calculer leur trajet. Mais le temps changeait. Un orage se préparait. Un vent violent s'engouffra brusquement dans la chambre, gonflant d'un coup les voilages jusqu'au plafond, faisant s'envoler les papiers.
En revenant, elle ne retrouva plus sa lettre sur la petite table.
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Assise à sa petite table, l'adolescente lissait sa plume, regardant la lettre qu'elle avait à peine commencé à écrire en taverne avant d'être interrompue. Elle jeta un oeil au dehors, en sortant de sa rêverie, et se décida à faire la course contre le soleil, et de terminer sa lettre avant d'en être privée.
Citation:
PS- Le Printemps aidant, voudras-tu bien me porter secours à nouveau ? Satin et Flocon ne cessent de me ramener des dépouilles de rongeurs dans ma chambre !
Lyon, le 31 Mars 1465.
- Petit frère,
Bien le bonjour,
J'ai appris hier soir que vous étiez en chemin pour nous rejoindre. Je m'en réjouis, vous me manquez. Toi, Louis bien sûr, Kÿe, Eli. J'espère que l'on ne prendra pas cette habitude, d'être séparé ainsi, toi et moi.
Je te demande pardon de ne prendre le temps de t'écrire que maintenant. Je suis une horrible grande soeur, n'est-ce pas ?
Comment se passe votre voyage ? Le nôtre s'est déroulé sans accroche, ou presque. Mais pas de grande catastrophe à relever, rassure-toi. Je prie pour qu'il en soit de même pour vous et que vous nous arrivez entier et sans trop de fatigue.
Emery... Comment était-ce à Argentan ? J'imagine que tu as dû sentir, à un moment, que quelque chose clochait. Je pense que toi et Louis vous en êtes aperçu, mais je ne sais si les raisons vous sont connues, tout comme le choix de ce voyage imprévu décidé si rapidement.
Quoi qu'il en soit, avant que vous nous rejoigniez, je voulais que tu entendes quelque chose. Je voulais te dire quelque chose que je pense être important. Quelque chose que je voudrais que tu gardes toujours en mémoire. Quelque chose que j'ai appris au cours de notre voyage entre filles.
C'est à propos de Maman.
Je sais que tu es de l'avis que c'est la meilleure Maman du monde. Mais ce n'est pas tout à fait vrai. Je ne sais si tu vas comprendre ce que je vais te dire. Sans doute que oui, tu es loin d'être idiot. Mais sans doute que les mots que je t'écris t'apparaîtront dans toute leur ampleur un jour, que tu y penseras et que tu diras que pour une fois, ta grande soeur avait raison.
Maman n'est pas très bien en ce moment. Elle a beaucoup de peine, et vous tous lui manquez énormément, ce qui n'arrange rien. Malgré le fait que j'ai demandé à Ehmée de se calmer un peu pour ménager Maman, elle n'en fait qu'à sa tête et multiplie ses facéties et ses numéros. Et il y a aussi une menace brigande à Lyon, bien qu'elle s'efface peu à peu. Elle accumule la fatigue du voyage et des tours de garde chaque soir depuis que nous sommes arrivées dans le Dauphiné.
Et tu sais quoi ? Malgré sa peine, malgré son manque de vous tous, malgré les tourments qu'elle garde en elle pour nous préserver et ne pas alourdir nos coeurs, malgré le danger, malgré la fatigue, malgré tout cela... Elle continue à veiller sur nous. A nous sourire. A nous protéger. A me consoler lorsque j'en ai besoin, alors que mes chagrins sont dérisoires par rapport aux siens. A passer du temps avec nous, et à nous rendre heureuses.
Voilà où je veux en venir. Maman n'est pas la meilleure Maman du monde. Elle est bien plus que cela. Bien plus.
C'est notre Maman.
C'est une femme extraordinaire. Parce qu'elle est humaine, parce qu'elle a ses failles, ses faiblesses, qu'elle fait peu d'erreurs. Mais qu'elle surpasse toujours ses failles pour toujours donner le meilleur d'elle-même envers ses devoirs, ses amis, envers nous. Elle se donne sans compter, sans rompre, sans condition, tous les jours, sans presque rien demander en retour, sans ne serait-ce que penser à se plaindre. Parce qu'elle est comme ça. Parce qu'elle pense que c'est son rôle et que c'est donc normal, alors que ça ne l'est pas. Et plus que jamais, je voudrais devenir comme elle. Bien que j'en suis encore tellement loin.
C'est cela que je voudrais que tu gardes toujours à l'esprit. Je t'en parle à toi, parce que tu es en âge de te rendre compte à quel point Maman est exceptionnelle, comme tout ce qu'elle fait. Ne l'oublie jamais.
Je t'embrasse.
Soyez prudents.
Emelyne.
PS- Le Printemps aidant, voudras-tu bien me porter secours à nouveau ? Satin et Flocon ne cessent de me ramener des dépouilles de rongeurs dans ma chambre !
___ - ... Grosse maligne...
Après avoir relu ses mots, la petite brune se rendit compte... qu'elle ne savait pas où envoyer la lettre. Où étaient-ils ? Si cela se trouvait, ils arrivaient demain à Lyon, et elle aurait l'air bien fine.
Regardant le soir, à travers le fin voilage ondulant à sa fenêtre, réussir par finir à envoyer le soleil dans sa chambre, et la pénombre envahir la pièce peu à peu, Emelyne fronça le nez. Quelques lumières clignaient au-dehors, dans les ruelles et par les embrasures des bâtiments. Que faire ? Elle avait vraiment envie qu'Emery lise ces mots avant qu'ils n'arrivent.
Emelyne finit par se lever pour aller chercher de quoi s'éclairer avant de se retrouver dans le noir, afin de prendre sa carte et de calculer leur trajet. Mais le temps changeait. Un orage se préparait. Un vent violent s'engouffra brusquement dans la chambre, gonflant d'un coup les voilages jusqu'au plafond, faisant s'envoler les papiers.
En revenant, elle ne retrouva plus sa lettre sur la petite table.
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