Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2   >>

[RP] Chroniques Floréal 1465

Emelyne.alois
Le voilage bougeait lentement. Sous la brise légère qui s'invitait par la fenêtre grande ouverte de la chambre d'Emelyne. Le jour persistait, avait du mal à s'en aller, souhaitant sans doute admirer encore un peu les premiers arbres en fleurs et l'agitation dans les branches, les parterres qui reprenaient des couleurs vives, les pas allègres et joyeux des passants sur les pavés. Le jour laissait une lumière encore cahude, retardant l'heure des complies, le voile du soir patientant en s'étirant timidement.
Assise à sa petite table, l'adolescente lissait sa plume, regardant la lettre qu'elle avait à peine commencé à écrire en taverne avant d'être interrompue. Elle jeta un oeil au dehors, en sortant de sa rêverie, et se décida à faire la course contre le soleil, et de terminer sa lettre avant d'en être privée.

Citation:
Lyon, le 31 Mars 1465.


    Petit frère,
    Bien le bonjour,

    J'ai appris hier soir que vous étiez en chemin pour nous rejoindre. Je m'en réjouis, vous me manquez. Toi, Louis bien sûr, Kÿe, Eli. J'espère que l'on ne prendra pas cette habitude, d'être séparé ainsi, toi et moi.
    Je te demande pardon de ne prendre le temps de t'écrire que maintenant. Je suis une horrible grande soeur, n'est-ce pas ?

    Comment se passe votre voyage ? Le nôtre s'est déroulé sans accroche, ou presque. Mais pas de grande catastrophe à relever, rassure-toi. Je prie pour qu'il en soit de même pour vous et que vous nous arrivez entier et sans trop de fatigue.

    Emery... Comment était-ce à Argentan ? J'imagine que tu as dû sentir, à un moment, que quelque chose clochait. Je pense que toi et Louis vous en êtes aperçu, mais je ne sais si les raisons vous sont connues, tout comme le choix de ce voyage imprévu décidé si rapidement.
    Quoi qu'il en soit, avant que vous nous rejoigniez, je voulais que tu entendes quelque chose. Je voulais te dire quelque chose que je pense être important. Quelque chose que je voudrais que tu gardes toujours en mémoire. Quelque chose que j'ai appris au cours de notre voyage entre filles.

    C'est à propos de Maman.

    Je sais que tu es de l'avis que c'est la meilleure Maman du monde. Mais ce n'est pas tout à fait vrai. Je ne sais si tu vas comprendre ce que je vais te dire. Sans doute que oui, tu es loin d'être idiot. Mais sans doute que les mots que je t'écris t'apparaîtront dans toute leur ampleur un jour, que tu y penseras et que tu diras que pour une fois, ta grande soeur avait raison.
    Maman n'est pas très bien en ce moment. Elle a beaucoup de peine, et vous tous lui manquez énormément, ce qui n'arrange rien. Malgré le fait que j'ai demandé à Ehmée de se calmer un peu pour ménager Maman, elle n'en fait qu'à sa tête et multiplie ses facéties et ses numéros. Et il y a aussi une menace brigande à Lyon, bien qu'elle s'efface peu à peu. Elle accumule la fatigue du voyage et des tours de garde chaque soir depuis que nous sommes arrivées dans le Dauphiné.
    Et tu sais quoi ? Malgré sa peine, malgré son manque de vous tous, malgré les tourments qu'elle garde en elle pour nous préserver et ne pas alourdir nos coeurs, malgré le danger, malgré la fatigue, malgré tout cela... Elle continue à veiller sur nous. A nous sourire. A nous protéger. A me consoler lorsque j'en ai besoin, alors que mes chagrins sont dérisoires par rapport aux siens. A passer du temps avec nous, et à nous rendre heureuses.
    Voilà où je veux en venir. Maman n'est pas la meilleure Maman du monde. Elle est bien plus que cela. Bien plus.
    C'est notre Maman.
    C'est une femme extraordinaire. Parce qu'elle est humaine, parce qu'elle a ses failles, ses faiblesses, qu'elle fait peu d'erreurs. Mais qu'elle surpasse toujours ses failles pour toujours donner le meilleur d'elle-même envers ses devoirs, ses amis, envers nous. Elle se donne sans compter, sans rompre, sans condition, tous les jours, sans presque rien demander en retour, sans ne serait-ce que penser à se plaindre. Parce qu'elle est comme ça. Parce qu'elle pense que c'est son rôle et que c'est donc normal, alors que ça ne l'est pas. Et plus que jamais, je voudrais devenir comme elle. Bien que j'en suis encore tellement loin.

    C'est cela que je voudrais que tu gardes toujours à l'esprit. Je t'en parle à toi, parce que tu es en âge de te rendre compte à quel point Maman est exceptionnelle, comme tout ce qu'elle fait. Ne l'oublie jamais.

    Je t'embrasse.
    Soyez prudents.

    Emelyne.


PS- Le Printemps aidant, voudras-tu bien me porter secours à nouveau ? Satin et Flocon ne cessent de me ramener des dépouilles de rongeurs dans ma chambre !


___ - ... Grosse maligne...

Après avoir relu ses mots, la petite brune se rendit compte... qu'elle ne savait pas où envoyer la lettre. Où étaient-ils ? Si cela se trouvait, ils arrivaient demain à Lyon, et elle aurait l'air bien fine.
Regardant le soir, à travers le fin voilage ondulant à sa fenêtre, réussir par finir à envoyer le soleil dans sa chambre, et la pénombre envahir la pièce peu à peu, Emelyne fronça le nez. Quelques lumières clignaient au-dehors, dans les ruelles et par les embrasures des bâtiments. Que faire ? Elle avait vraiment envie qu'Emery lise ces mots avant qu'ils n'arrivent.

Emelyne finit par se lever pour aller chercher de quoi s'éclairer avant de se retrouver dans le noir, afin de prendre sa carte et de calculer leur trajet. Mais le temps changeait. Un orage se préparait. Un vent violent s'engouffra brusquement dans la chambre, gonflant d'un coup les voilages jusqu'au plafond, faisant s'envoler les papiers.
En revenant, elle ne retrouva plus sa lettre sur la petite table.
_________________
Elisa.malemort
    «On ne partage pas sa vie avec quelqu'un parce qu'il est gentil, mais parce qu'il vous fait vibrer, rire, parce qu'il vous emporte sans vous retenir, parce qu'il vous manque même quand il est dans la pièce d'à côté, parce que ses silences vous parlent autant que ses conversations, parce qu'il aime vos défauts autant que vos qualités, parce que le soir en s'endormant on a peur de la mort, la seule chose qui vous apaise est d'imaginer son regard, la chaleur de ses mains.»
        Marc Levy



Une nuit douce. Cela faisait plusieurs semaines que la Malemort n’avait pas réussi à dormir aussi paisiblement.Qu’elle ne s’était pas réveillée par la sueur de la fièvre venu envelopper son corps durant des cauchemars. Cette nuit, elle avait pu dormir d’un sommeil réparateur. Elle s’était endormie en se laissant bercer par la respiration de son fils blottit contre elle. Tandis que son corps, frissonnait par la chaleur du corps de son vieux loup blottit juste contre elle, dans son dos, et par la douceur de ses baisers tout le long de son cou. Elle ne s’était pas réveillée une seule fois durant la nuit. C’est seulement, au petit matin, lorsque Louis commença à déposer divers petits baisers sur le visage de sa mère, que la Malemort fini par ouvrir les yeux, ses lèvres s’étirant directement en un sourire. Elle serra un peu plus son fils contre elle et doucement elle murmura à son oreille.

- On fait une attaque sur Papa ?

Louis hocha tout de suite la tête, les yeux pétillants. La Malemort se retourne alors pour se détacher des bras du vieux loup encore endormi, Louis venant passer par dessus sa mère pour se retrouver entre Père et Mère. Les doigts d’Elisa viennent rejoindre les cheveux blanc du Loup, tandis que les petites lèvres rosées de leur fils commencent à envahir le visage du paternel pour le parsemer de baisers.

- Papa… Debout… C’est l’heure... Réveille toi… C’est une attaque de bisous !

Et le père ouvrit les yeux petit à petit avec un sourire. Il s’était endormi dans le lit de son fils et plus tard dans la nuit Elisa les avait rejoint, mais surtout elle était restée. Il passe son bras par dessus son fils, entourant Elisa aussi et se serra à eux, bloquant leur fils entre leurs deux corps qui réagit immédiatement :

- Raaaah papa !

Vu que l’attaque de bisous ne pouvaient plus fonctionner maintenant, les petits doigts de Louis se mirent à chatouiller le flanc du vieux loup, qui au début ne réagissait pas, se contenant autant qu’il pouvait. Finalement, il éclata de rire et se mit à se tortiller sur le dos avant de lancer :

- Ah non ! Les chatouilles c’est maman !

Il se remit sur le côté, laissant à Louis le temps de se retourner aussi et tous les deux chatouillèrent Elisa. Celle-ci ne mit pas longtemps à réagir, passant d’un état choquée, puis outrée, finissant par rire. Elle se dandinait pour tenter d’échapper à leur main, à l’attaque de chatouilles. Elle n’arrive pas à rendre les chatouilles, trop occupée à tenter de se protéger les flancs des mains bourreaux face à elle. Sa respiration saccadée par les éclats de rire.

- Stop ! ça suffit ! Vous m’avez eue, d’accord !

Les deux hommes mirent encore quelques instants avant de s’arrêter. Epuisée, la Malemort vient s’allonger sur le dos, pour tenter de reprendre sa respiration. Sa poitrine se soulevant plus rapidement qu’à l’accoutumé, elle sentit néanmoins le petit corps de son fils venir se loger contre elle, son visage venant se poser sur son ventre. La main de la Malemort vient alors rejoindre les cheveux noir de son fils, exactement la même texture que les cheveux de son père. La jeune femme resta là, sans bouger, profitant de l’étreinte de son fils, sa tête tournée vers Kye, ses onyx logés contre l’azur des yeux du vieux loup.
Le Noircastel ne put s’empêcher de sourire à sa fiancée. Se tournant sur le ventre, il approcha son visage du sien pour déposer un baiser à la commissure des lèvres de la brune. Puis, il glissa ses doigts sur le dos de leur fils, remontant jusqu’à la nuque et les entrelaçant à moitié avec ceux de la Malemort dans les cheveux du garçon. Finalement, il se remit sur le côté, toujours les yeux dans ceux de la Malemort, glissant son bras libre sous les oreillers, sous elle et une fois de l’autre côté, il le replia, caressant du pouce le buste, juste sous l’épaule, ne pouvant aller plus bas, ni plus haut d’ailleurs.


- Vous vous rendez alors ?

L’Etoile se logea contre lui, son visage blotti dans le cou du Noircastel, c’était sa réponse pour dire oui. Ses lèvres toujours étirées par le sourire qui était né lors de son réveil. Elle adorait ce type de réveil, elle adorait cette tendresse de bon matin. Elle adorait simplement se réveiller avec lui et avec ses enfants. Cela faisait tellement longtemps que ça n’était pas arrivé, qu’elle en avait presque perdu la saveur, mais ce matin, tout lui était revenu. Les sauts dans le lit le matin, les enfants, l’un après l’autre. Ou bien les petits pieds froid qui viennent se blottir contre eux en pleine nuit. Ou enfin, les corps tremblants de peur les nuits d’orage qui viennent retrouver le lit parental, apaisant, rassurant.
Tous les trois étaient restés ainsi dans le lit jusqu’en milieu de matinée. Et puis après un moment, Louis avait décrété qu’il avait faim. Alors il avait embrassé son père puis sa mère et il avait rejoint Eli, pour qu’elle s’occupe de lui et de son petit déjeuner. A son tour, le couple s’était levé, la Malemort avait rejoint sa chambre, afin de pouvoir s’y préparer.

C’est en début d’après-midi, que la Malemort avait rejoint le salon de son appartement Lyonnais où elle s’était mise à lire. Les enfants, eux, étaient partis avec Eli pour se balader dans la ville. La vieille femme avait prit le parti de les éloigner de la demeure familiale afin de permettre aux parents de pouvoir enfin discuter sans être dérangés.
Kÿe avait fini par la rejoindre quelques instants plus tard, s’installant en face sans rien dire. Il regardait par la fenêtre, tapotant des mains sur les accoudoirs, il regardait tout autour de lui et puis fixa son regard sur la Malemort. Donnant encore quelques coups de paume il finit par lancer un :


- Tu lis quoi ?

Visiblement, il s’ennuyait et ne savait pas quoi faire. Comme son fils, il agissait de la même manière. D’abord, il faisait remarquer qu’il était là, l’air de rien, dans une discrétion légendaire, puis il s’intéressait à ce que faisait Elisa.
La Malemort avait cessé de lire, dès qu’il était entré dans la pièce. Elle avait observé son manège amusée. Ses onyx regardaient le moindre de ses gestes, son impatience, son ennui, elle souriait en coin. Lorsqu’il la regarda, elle refit semblant de lire. Elle s’amusait clairement de la situation.


- Vu le bruit que tu fais je lis rien… Pourtant j’aimerais tu vois. Mais tu n’aimerais pas mon livre, c’est l’histoire d’un homme qui refait sa vie auprès d’une nouvelle femme formidable. Il tourne le dos à son passé peu glorieux pour construire une nouvelle vie à ses côtés. C’est fabuleux.

Elle l’avait regardé lorsqu’elle avait répondu à sa question. Puis, ses prunelles noires avaient fini par rejoindre le fameux livre… Bon c’est vrai, ça n’était pas du tout la vraie histoire. Mais elle avait eu envie de s’amuser, alors ça n’était pas un vrai mensonge. Il ne viendrait pas vérifier de toute manière.
Seul un idiot n’aurait pas remarqué qu’elle parlait d’eux, alors Kÿe sourit légèrement, la suivant sur ce chemin.


- Ah oui ? Ça me dit quelque chose ce livre...t’es au passage où ils sont assis dans un salon, elle lit un livre, lui contemple sa beauté naturelle embellie par les rayons du soleil qui pénètrent par la fenêtre, non ?

Il avait penché la tête légèrement sur le côté, toujours avec son sourire, observant sa réaction. Profitant, surtout.
Elle l’entendant, elle se mit à rire, rajoutant un simple.


- Beau parleur. J’ai déjà passé ce passage, raté. Tu me racontes la suite alors, puisque tu connais ce livre.
- C’est toi qui a déjà passé lu le passage et si tu me rafraîchissais la mémoire ?
- Je crois qu’ensuite, c’est le moment où ils prennent le temps de discuter, pour parler des derniers évènements. Mais la louve a très mal au ventre à cette idée, elle a très peur.
- Dans mes souvenirs, le vieux loup n’avait pas très l’air rassuré non plus...Et de quoi a-t-elle peur ?
- Elle a peur que le Loup puisse finalement partir définitivement, elle a peur que cette conversation soit la fin de quelque chose et en même temps elle a peut-être envie que cela change. Elle est toujours perdue.
- Et pourtant, si elle pouvait se glisser dans sa tête ou dans son coeur, elle verrait qu’il n’y a qu’elle. Qu’il y a toujours eu qu’elle et que ce sera toujours le cas. Qu’il lui reviendra toujours et qu’il fera tout pour rester avec elle.
- Le doute pour elle, ça n’est pas qu’elle puisse être seule dans son coeur ou dans sa tête. Elle sait qu’elle l’a blessé, déçu et qu’elle a brisé une partie de cette confiance qu’ils s’étaient offert l’un à l’autre. Elle ne sait pas se le pardonner, car elle sait que même s’ils se retrouvent, cela ne sera jamais comme avant.
- Et si elle se trompait ? Et que sa peur l’empêchait de faire le pas qui lui permettrait de voir cela, justement ?
- Mais si elle fait ce pas vers lui, arrivera t-il quand même à accepter qu’elle ne peut pas tourner la page sur ce qu’il s’est passé ? Elle ne peut pas et ne veut pas l’effacer de sa vie. Car elle n’a jamais su le faire.
- Il me semble qu’il n’a jamais voulu qu’elle efface son passé, puisqu’il fait ce qu’elle est aujourd’hui. Tout comme il n’a jamais voulu être le père des enfants, mais un père plutôt, il ne veut pas qu’elle efface les liens qui puissent l’unir avec son passé. Tout ce qu’il souhaite, c’est qu’ils n’empêchent pas de construire le leur, ni qu’ils le fragilisent.
- Tu trouves que cela les a empêché de construire leur avenir durant les neuf dernières années ?
- Cela n’a-t-il pas été difficile pour elle de retirer les bagues de ses précédents mariages ? Ou encore de ne plus utiliser le nom de son dernier époux ? Et pourtant, elle l’a fait. Elle a laissé leur lien se construire, sans pour autant défaire les précédents.
- Elle l’a fait par amour, pour lui. Oui, cela a été dur, bien entendu, elle a mit du temps pour arriver à le faire. Il lui a laissé ce temps là, d’ailleurs.
- Et peut-elle le faire à nouveau ?
- Elle a déjà retiré toutes les bagues, et elle ne porte plus que son nom.
- Certes, oui...Mais là, il n’est plus question de ça, il me semble. Le vieux loup est quelqu’un de très jaloux, mine de rien…
- De quoi est-il question, alors ?
- Que Bel, cherche à renouer des liens avec Emelyne, soit je peux l’accepter et je l’encourage même à le faire. Par contre, ce qu’il cherche à faire avec toi...ça je ne peux l’accepter…
- Il n’a pas tous les torts. J’ai une grande part de responsabilité. De le revoir, être tous les trois, avec Emelyne. Des moments que nous n’avions jamais pu vivre en famille… Je n’ai pas réfléchi aux conséquences. Je n’ai pensé qu’à ce temps que nous pouvions rattraper à ce moment précis.
- Je me doute, oui...Dans tous les cas, je ne vais pas supporter longtemps qu’il continue de batifoler autour de toi de cette manière...s’imaginant qu’il puisse avoir autre chose...Avoir plus…
- Que dois-je comprendre ? Tu refuses que je le revois ?
- Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’aimerai juste qu’il comprenne que si vous vous revoyez, c’est uniquement pour Emelyne, rien d’autre...Mais je ne te cache pas que comme pour Gannicus, vous savoir ensemble va me gêner dans un premier temps...Ma confiance en toi n’est pas le soucis, celle envers les autres est...limitée.
- Je pense qu’il le comprendra de lui même. Ni lui, ni moi n’avions prévu cela tu sais. C’est arrivé un peu comme ça, alors que tu n’étais pas très présent avec tes charges, puis le bonheur de voir Emelyne profiter de son papa… Je… Je sais que je ne mérite pas l’amour et la confiance que tu me portes, car à la première difficulté, j’ai succombé.
- Elisa, si tu étais à ma place, te contenterais-tu d’un : Je pense qu’elle comprendra d’elle-même ?

Elle frissonne en réalisant que la situation pouvait être inversée. Elle se demanda comment elle aurait réagit elle… Puis elle réalisa que clairement, elle n’aurait pas su être aussi calme qu’il l’était à l’instant précis. Qu’elle aurait voulu tuer la catin qui avait tenté de dissoudre leur fiançailles. Non, clairement, elle n’avait pas la mesure et le calme, que le vieux loup pouvait avoir. Alors, elle hocha la tête pour lui.

- Je lui dirais dans son prochain courrier alors…

L’effort qu’il faisait depuis qu’elle lui avait annoncé la nouvelle par courrier, était presque surhumain. Oui, l’idée de partir directement en Orléans pour tuer cet homme lui avait traversé l’esprit. Oui, l’idée de s’arrêter en Orléans, de fouiller toutes les villes une par une, jusqu’à le trouver pour lui casser la gueule, lui avait traversé l’esprit. Et même encore là, il avait envie de hurler, d’insulter cet homme, d’envoyer valser le mobilier. Mais pourtant, il ne faisait rien et essayait de rester d’un calme olympien.
A la réponse d’Elisa, il se leva et s’avança vers elle, s’agenouillant devant elle, lui prenant la main et y déposant un baiser avant de la regarder dans les yeux.


- Merci…

De nouveau, son sang ne fit qu’un tour. Elle ferma les yeux au contact de ses lèvres sur sa main. Elle ne voulait pas l’entendre la remercier.. La remercier de quoi d’ailleurs ? De l’avoir abandonné en Alençon ? De l’avoir trompé pour son ex-époux ? De l’avoir contraint à tout quitter pour la rejoindre à l’autre bout du Royaume ? De l’avoir fait souffrir ? De l’avoir blessé ? Non vraiment, elle ne méritait aucun merci. Alors, la Malemort se penche en avant, pour venir poser son front contre le sien.

- Ne me remercie pas de t’avoir fait souffrir, de t’avoir blessé et d’avoir failli nous briser…
- Tout ça, je l’ai déjà fait aussi, plusieurs fois même pour certaines choses...et pourtant nous sommes toujours là et nous le serons toujours, quoiqu’il arrive…
- Alors, tu veux toujours de moi ?
- Je te veux toujours comme ma fiancée...et plus.
- Tu es déjà bien plus à mes yeux, en étant le père de mes enfants…
- C’est vrai, mais on peut toujours faire plus.
- Tu veux toujours faire plus. Serais-tu un éternel insatisfait ?
- Moi ? Non...mais tu n’as qu’à lire mon courrier une cent-unième fois, peut-être que tu trouveras le message caché cette fois...et tu sauras ce que je veux exactement. Dit-il avec un léger sourire.
- Oh ! Mais c’est vrai, tu ne m’as toujours pas dévoilé le message caché ! Dis moi… S’il te plait…
- Non, tu n’es pas prête.
- Pas prête à quoi ?
- Si tu l’es, tu vas le trouver...sinon, c’est qu’il faut attendre encore un peu…
- Et toi tu es prêt ?
- Je suis prêt, oui.
- Comment le sais-tu ?
- Parce que c’est moi qui l’ait écrit. Je ne l’aurai pas fait si je ne l’étais pas.
- Et tu ne l’étais pas avant ce courrier ?
- Je pense que d’une certaine manière, nous nous sommes toujours trouvés des excuses pour repousser la chose...Alors j’ai envie qu’on le fasse, vraiment, qu’on arrête de tourner autour du pot.

Elle arqua un sourcil en entendant sa dernière phrase. Sans aucun doute, elle relirait la lettre encore une fois. Cette lettre qu’elle avait enfermé dans son coffre à bijoux. Elle la relirait afin de trouver le message caché, qu’elle n’avait toujours pas vu. Mais avant cela, avant de partir dans sa chambre pour retrouver la lettre, elle voulait encore profiter de lui. Elisa ne voulait pas décoller son front du sien. Doucement, elle vient se mettre à genoux, elle aussi, juste devant lui. Elle prit ses bras, pour lui demander de venir la serrer contre lui. Elle voulait être encore contre lui, sentir la chaleur de son corps contre elle, et ses bras autour d’elle.
Il s’exécuta alors, lâchant la main qu’il avait prit plus tôt et qu’il n’avait pas laissé partir depuis. Il remonta ses deux mains le long des cuisses de la Malemort, passant sur les flancs avant de tourner aux côtes, pour aller dans le dos. Le vieux loup la serra contre lui, la laissant se blottir dans ses bras, puis il s’installa plus confortablement sur le sol passant de agenouillé à une position en tailleur, mettant ses jambes de chaque côté d’elle pour mieux l’envelopper. Et pendant tout ce temps, il ne pu retenir quelques mouvements de tête vers le haut, caressant son nez avec le sien, effleurant ses lèvres avec les siennes. Jouant avec elle, comme elle le faisait avec lui depuis quelques jours. La position était peut-être plus agréable, néanmoins l’équilibre était limité, alors il se laissa tomber doucement en arrière, l’emportant avec elle sur le sol.


- Oh !

Elle se laissa faire, légèrement contrainte, et pourtant tout à fait ravie. Ses deux mains viennent se poser sur le sol de chaque côté de la tête du Noircastel. Elle au dessus de lui. Ses onyx rivées contre les azur. Quelques instants plus tôt, il avait commencé à jouer, mais désormais, c’est lui qui était à sa merci, pris au piège, juste sous elle. Ses cuisses se resserrent sur son corps, l’une de ses mains se décollent du sol pour venir glisser dans ses cheveux. Doucement, son visage se baisse en direction du sien. Ses lèvres se plaquent contre son front, redescendant sur la tempe gauche, jusqu’à la joue, puis le long de sa mâchoire jusqu’à descendre dans son cou. Le chemin est parsemé de baisers, tandis que le cou est lui mordillé, passant au dessus de sa glotte, s’enfonçant de l’autre côté de son cou, qu’elle embrasse et mordille toujours, avant de remonter sur sa joue. Les lèvres dégustent la peau, remontant sur la tempe droite puis revenant au centre du front. La Malemort sourit. Sa bouche dépose un autre baiser entre les deux sourcils puis sur le bout de son nez, descendant ensuite sur le philtrum. Elle s’arrête là. Sans relever son visage, elle n’en a que faire du cliché que peut paraitre ce moment mais tout doucement… Elle écarte ses lèvres, non pas pour un nouveau baiser… Mais pour lui murmurer.

- Je t’aime mon Loup.

Il avait profité de chaque instant, de chaque baiser et de chaque morsure. Il avait soupiré d’aise, retenu sa respiration, elle s’était aussi accélérée par moment et évidemment il avait rougi, une chaleur l’ayant gagné entre temps. Oh oui, en cet instant, il n’avait qu’une envie, c’était de la faire basculer sur le côté, d’être sur elle et de lui rendre tout cela en centuple. Mais il se contenta de relever sa main gauche, qui comme la droite s’était glissée jusqu’aux hanches de la Malemort. La posant sur son visage, il caressa sa joue, replaçant une mèche de cheveux et répondit avec un léger sourire

- Je t’aime tout autant mon étoile.

Tandis qu’elle fond en l’entendant. Ses bras viennent finalement se plier et ses lèvres viennent rejoindre les siennes. D’abord fébrilement, puis reconnaissant leur douceur, leur goût, finalement le baiser devient de plus en plus passionné. Ses lèvres ne quittent plus les siennes, comme pour rattraper le temps perdu. Oublier la distance des dernières semaines où les lèvres se sont perdues. Elles se retrouvent, ils se retrouvent, lèvres et corps l’un contre l’autre, allongés ainsi au milieu du salon.
Cela, s’était spécifiquement, des retrouvailles à leur manière. Ils n’aimaient pas faire les choses comme les autres, ils ne sont pas comme les autres, alors forcément, ils ne peuvent pas se retrouver comme les autres.



[Rp écrit à quatre main avec Jd Kye]
_________________
Emelyne.alois
« Le Temps est l'image mobile de l'éternité immobile. »
Platon.




___ Le matin poignait à peine. Le ciel gardait ses teintes sombres de la nuit, repoussée peu à peu par la lumière naissante à l'horizon flavescent, qui grandissait, grandissait. A la faveur de l'aurore et de la solitude qu'elle offrait, Emelyne, qui s'était réveillée en sursaut après un rêve dérangeant, en profita pour s'asseoir sur le toit en pente douce, au sommet du bâtiment qui abritait l'appartement familial lyonnais.
Bien emmitouflée dans une couverture de laine, les pieds nus vivifiés par les tuiles glacées, elle croqua dans une pomme, lorgnant sur la première page d'un ensemble de feuilles reliées par des lanières, et recouvertes de cuir pour les protéger, où elle venait d'achever la calligraphie du nom de ce nouveau journal.



Chroniques de Floréal,
1465


Au bout d'un moment, elle afficha une expression satisfaite. Ce nom lui plaisait bien. C'était à la fois sobre, joli, et ça exprimait bien la période qui allait y être racontée. Elle avait envie de commencer un tout nouveau journal de voyage. Ou plutôt, elle en avait besoin. Un journal qui pouvait être tel que le précédent aurait dû être.
Car après tout, à présent... Il n'y avait plus de secret.

___ Elle tourna la page, une fois l'encre sèche, croqua dans la pomme, et inaugura le nouveau carnet.



Mardi 11 Avril 1465.
Lyon, Lyon, Lyon.


C'est la période des floraisons. Les arbres ont à présent tous abandonné leur nudité hivernal pour se parer d'innombrables fleurs, et les feuillages larges et généreux apparaissent.
Partout la vie éclate, le végétal reprend ses droit, il colore le paysage et arbore les promesses d'un Eté abondant et savoureux. Les oiseaux paradent auprès de leurs belles feignant l'indifférence, et même les poissons semblent sauter de joie de temps à autre hors de l'eau.

Maman semble avoir rajeunie, on dirait une jeune fille. Elle brille à nouveau. Elle sourit. Kÿe aussi, d'ailleurs, je ne me souviens même plus quand je l'ai vu de si bonne humeur. Mes petits frères sont guillerets aussi et s'amusent beaucoup, à présent que nous sommes tous réunis à nouveau. Et Andreaaa retrouve un frisson amoureux auprès d'un certain chevalier.

Oui, vraiment, c'est une belle saison. Un joli mois qui commence. Pâques approchent, et tout semble renaître, tout semble revivre, comme si les nuages et le froid des jours passés n'avaient été qu'une parenthèse.
Une simple parenthèse déjà oubliée.

L'adolescente releva le nez à ces mots. Elle repensa à ce qu'Auräe lui avait dit un soir, bien qu'il aurait sans doute préféré discuter avec Andreaaa.
Le temps n'est pas linéaire. Il est cyclique. Tout est un éternel recommencement.

Un doux bruissement suivi d'un petit bruit sec fit sortir la petite brune de ses réflexions. Elle adressa un sourire à Flocon, sa chouette harfang, qui l'avait retrouvée. Bien que son visage était toujours impénétrable, son regard doré exprimait beaucoup de choses... En l'occurrence, Flocon était joyeux et fier, et ses micro-mouvements d'ailes et de corps confirmait son humeur. Il venait de jeter une musaraigne fraîchement tuée sur les genoux d'Emelyne.
L'adolescente, des larmes aux yeux, s'efforça de toujours sourire à son oiseau, et de ne pas pousser un cri d'effroi et de déguerpir loin loin, comme son instinct lui commandait de faire. Cela n'aurait pas été prudent, de toute manière, là où elle se trouvait. Avec grand peine, elle saisit la queue du rongeur figé dans une position inconfortable, et fit semblant de le gober avec reconnaissance et enthousiasme, en le faisant glisser dans son dos, et mâcha dans le vide sous le regard ravi de la chouette qui se tenait sur une patte, puis l'autre, comme des petits pas de danse de satisfaction. Et bientôt, il s'envola, sans doute en quête d'une autre offrande pour la petite brune. Et alors, elle lança avec un air horrifié la pauvre dépouille, loin, très loin.



Nous allons bientôt quitter Lyon, après deux semaines ici. Lyon a tenu encore, face aux derniers brigands récalcitrants. Les Blanches sont déjà reparties. Les Hospitaliers s'en vont ce soir.
Je ne sais pas encore ce que va faire Andreaaa. Peut-être qu'elle voudra partir avec lui ?

Nous irons à Valence, voir la Maire actuelle qui a aidé Maman à mettre Emery au monde. Elle nous remettra les remèdes derrière lesquels je cours depuis janvier. Puis, il me semble que nous irons voir une connaissance à Montélimar, et certainement les élevages sauvages de nougats.

Voilà pour le moment.
Je me demande ce que fait Ehmée. Elle a déjà dû charmer toutes les nonnes.

Emelyne frémit de peur. Sa pomme venait de glisser de ses doigts, et rebondissaient sur les tuiles avant de plonger dans le vide et de s'écraser plus bas. Rejoignant sans doute la pauvre musaraigne. Elle marmonna un peu, plus parce qu'elle n'avait pas fini le fruit plutôt que par peur de tomber.
Elle savait que c'était dangereux de s'installer là pour écrire. Mais elle n'éprouvait aucune crainte à être là. Dernièrement, l'adolescente avait envie de faire des choses déraisonnables. Dans la limite du raisonnable, cela va de soi. Des choses déraisonnables qui n'avaient aucune conséquence, et tant que Maman n'en saurait rien. Peut-être avait-elle envie de se tester, de voir ce dont elle était capable de faire, de jauger ses limites. Peut-être que c'était sa manière de trouver ses nouveaux repères. Peut-être qu'il n'y avait aucune raison.

___ Le matin avait pris ses aises, les ombres de la nuit étaient effacées, jusqu'à la prochaine.
Elle admira le Rhône, paisible, au loin, en contrebas, qui prenait les couleurs du ciel, qui s'animait, laissait glisser quelques radeaux sur sa surface. Emelyne repensa, en contraste, à ses eaux noires, inquiétantes, murmurantes, lorsque la nuit était là. Emelyne repensa au rêve qui l'avait sorti de son sommeil et de son lit, et qu'avec le recul, elle trouva ridicule.

Il n'y avait plus de secret, maintenant...

La petite brune rangea son journal de voyage avec soin. Elle sortit un autre carnet. Un carnet qui s'ouvrait toujours sur une page déchirée.
Et elle arma sa plume avec de l'eau.
_________________
Kye
    « Les vrais mariages sont toujours insensés. »
        Paul Auster


Le couple Malemort-Noircastel avait fini par aborder à nouveau le sujet du courrier de Kÿe. C'était en taverne que cela avait eu lieu et Elisa avait préféré garder la lecture, ainsi que la lecture du message, pour le lendemain. Le vieux loup aurait clairement préféré qu'elle fasse tout ça de suite, mais l'endroit n'est pas vraiment approprié pour, il fallait bien le reconnaître.
Alors, pendant toute la nuit qui allait suivre, il allait s'imaginer les réactions d'Elisa. Réactions qu'il avait déjà commencé à imaginer le jour-même où il le lui avait envoyé. Au début, c'était surtout les mauvaises qui lui étaient venu en tête, avant de rapidement et depuis ne laisser places qu'aux bonnes. Cependant, cette nuit, son imagination allait de nouveau laisser places aux mauvaises réactions. L'étoile avait tenté de le rassurer, lui disant qu'elle l'empêcherait de penser aux mauvaises, en l'occupant pour seul subsistent les bonnes.

Au matin, ou du moins lorsqu'ils se réveillèrent après une nuit passée sur les murailles, c'était le moment pour le courrier. Toujours dans le lit, le vieux loup tenait sa louve entre ses pattes, il la serrait contre lui, autant qu'elle se collait à lui, baisant la peau nue du cou de la Malemort. Le parsemant de légers baisers, caressant parfois simplement des lèvres. Un réveil tout en tendresse. C'était là, le nouveau credo qu'ils donnaient à chacun de leurs réveils.

Des réveilles, ainsi, la Malemort en voulait pour toute la vie. Sentir ses bras entourer son corps, sentir la chaleur de sa peau contre la sienne, sentir ses lèvres venir déguster son cou et la moindre parcelle de sa peau ensuite. Elle voulait pas bouger. Elle souhaitait profiter de ce moment pour qu'il ne se termine jamais. Car ici, dans leur lit, personne ne viendrait les déranger. Personne ne viendrait ouvrir la porte pour venir discuter avec eux de tout et de rien, comme cela arrivait souvent en taverne. Ici, ils pouvaient être eux-mêmes. Ils pouvaient s'embrasser sans modération, ils pouvaient s'étreindre sans retenues. Ici, ils pouvaient simplement s'aimer entièrement.

Le soleil s'était déjà bien élevé dans le ciel, la matinée bien entamée. Quand la Malemort fini par venir déposer un baiser sur le bout du nez de Kÿe. Son ventre criait famine, et elle espérait qu'elle réussirait à l'avoir par les sentiments pour qu'il parte leur récupérer de quoi manger. Alors doucement, ses lèvres continuent d'inonder tout son visage de baisers, jusqu'à ses lèvres et descendant dans son cou. C'est arrivé là, qu'entre chaque baiser, elle réclame ce qu'elle convoitait...


- Mon...tendre...amour...si...tu...allais...nous...chercher...de...quoi...manger....

Lui, s'était laissé faire. Profitant de chaque baiser qu'elle lui offrait. Il avait lâcha un soupire d'aise, lorsqu'elle avait quitté les lèvres pour rejoindre le cou, frissonnant au passage de la mâchoire. Entre chaque mot, il frémissait, lâchant à mi-chemin un nouveau soupire d'aise. C'est ainsi que le piège c'était refermé sur lui et qu'il ne pouvait plus rien lui refuser, sans qu'il ne remarque absolument quoique ce soit.

- Qu'est-ce qui te ferait plaisir mon étoile ? Dit-il en se mettant à sourire, sous le coup des derniers baisers.
- Quelques fruits ça m'ira très bien...Mais si tu trouves du nougat en plus, ça sera parfait...
- Du nougat ? Tu pense qu'on aurait pas encore tout mangé ?
- C'est mal me connaître si tu penses que nous pouvons être à court. Regarde dans le panier tout en haut du meuble de la cuisine...
- Bien, je vais nous chercher ça. Je reviens immédiatement.

Et puis, sur ces mots, il se détacha complètement d'elle, non sans l'avoir embrassé une dernière fois juste avant. Ne sachant pas si la maison était déjà vide ou non, il prit le temps d'enfiler quelques vêtements légers, qui composaient en première instance une tenue pour la nuit, que le Noircastel n'avait pas gardé bien longtemps. Puis, Kÿe sorti de la chambre, direction la cuisine pour satisfaire la demande de Madame.
Une fois arrivé en cuisine, il se saisit d'un plat suffisamment grand, afin d'avoir assez de provisions pour ce qui restait de la matinée et une partie de l'après-midi, mais surtout pour eux deux. Il prit quelques pommes bien rouge, se saisit de plusieurs poignées de dattes et surtout de fruits secs. Le fruits étaient encore rares en ce début de saison printanière, mais bientôt on allait voir apparaître les premières cerises, fraises et autres framboises qui plaisaient tant à la famille. Evidemment, avant de quitter les lieux, il ne manqua pas d'attraper le panier en haut du meuble, le sésame de ce petit déjeuner, la cerise sur le gâteau : les nougats. Le plus simple serait de dire qu'il avait renversé ledit panier sur le plateau, tant il s'était servi généreusement en nougat, glissant une friandise dans sa bouche entre deux poignées.
Après avoir dévalisé la cuisine des fruits qu'elle possédait, il reprit le chemin direction la chambre, pour rejoindre Elisa, qu'il s'imaginait être toujours dans le lit, enroulée dans les couvertures encore chaudes.

Le Noircastel avait fini par se lever, s'échappant de l'étreinte et laissant immédiatement un immense vide et froid dans le lit. Elisa le suivi du regard jusqu'à ce qu'il quitte leur chambre. Lâchant un long soupire lorsqu'il le vit quitter la pièce. Elle resta un petit instant allongée sur le dos à regarder le plafond. Cette nouvelle nuit avait encore été plus que courte, la majeur partie du temps sur les remparts, puis au petit matin, ils avaient rejoint leur lit. La Malemort était complètement épuisée, oui, et pourtant, elle avait du mal à s'endormir le moment venu. Elle ne cessait de le regarder, de glisser ses doigts sur son torse, elle collait son nez dans son cou...Oui, elle regardait, elle touchait, elle sentait, car elle avait besoin de se rassurer. Elle avait besoin de se prouver qu'il était bien là, que ce n'était pas un rêve. Et c'est lorsqu'elle était convaincue que tout cela était bien réel, que ses jambes étaient venues se nouer autour des siennes, et que son visage s'était blottit au creux de son épaule, qu'enfin, elle trouvait le repos pour quelques heures.

Sortant de sa rêverie, la Malemort finit par se lever du lit, s'approchant de l'armoire pour récupérer une longue robe blanche de nuit, assez fine et aux manches longues. Elle enfila rapidement celle-ci, puis elle s'assit devant sa coiffeuse pour coiffer ses cheveux restés en bataille par la nuit sur les remparts -bien entendu-. Une fois sa chevelure dressée, elle ouvrit sa boîte à bijoux afin de récupérer la fameuse lettre au ruban bleu, qu'elle avait déposé là depuis sa réception. Glissant le nœud qu'elle déposa sur la petite table, elle déplia la lettre pour se mettre à la relire, entièrement. Une fois la première lecture -de la journée- terminée, elle se mit à la lire une deuxième fois, en vain pour tenter de découvrir le message caché. Que pouvait-il bien vouloir dire dans cette lettre...?

Revenant dans la chambre, le Noircastel l'a découvrit assise à sa coiffeuse, lisant le courrier. Il esquissa un sourire en la voyant ainsi, elle cherchait encore. Il sourirait, mais intérieurement il se demandait surtout si elle avait trouvé le message. En l'absence de réaction de la Malemort à son retour, il en déduisit que ce n'était toujours pas le cas.
Il déposa le plateau de fruits et de nougats au bord du lit, puis s'installa en tailleur sur le matelas, observant la Malemort qui continuait de prospecter le courrier. Il se délectait de la voir ainsi, appréciant chacun de ses gestes, chacun de ses expressions faciales : parfois on lisait la frustration marquée par le froncement des sourcils et le pincement des lèvres, parfois c'était une lueur d'espoir qui éclairait le visage avant de repartir aussi vite. Il mangeait quelques dattes tout en la regardant puis lança, lorsqu'elle semblait être sur le point de débuter une nouvelle lecture.


- Alors ? Tu trouves ? Tu as des pites ou c'est le noir complet ? Dans sa voix on entendait le sourire qu'il avait sur les lèvres. Il n'était pas en train de se moquer, loin de là.
- C'est explicite ou bien il faut deviner ?
- Je suis sûr que si je te le dis, tu vas te demander comment tu n'as pas réussi à le trouver plus tôt...En tout cas, je te rassure, c'est le seul courrier où j'ai glissé un message.
- Grumpf, tu m'aides pas !

Elle se leva de sa chaise, pour venir s'installer juste devant lui, dos à lui. S'installant tout contre son torse, elle vint croquer dans le morceau de datte qu'il tenait dans sa main. Ses yeux viennent retrouverl a lettre, elle la tourne dans un sens, d'abord à droite, puis à gauche, elle retourne le vélin, puis regarde en transparence...Il se fichait d'elle, c'est pas possible...Il n'y avait rien. Strictement rien...Il ment...

- Oh !

Tout à coup, elle réalisa ce qu'il lui avait dit la veille au soir en taverne. Regarder l'épaisseur de certaines lettres...Elle glissa alors la chair de son index sur l'ensemble de la lettre. Et petit à petit, elle reconstitua..."Elisa"...Puis son doigt glisse, mot après mot, ligne après ligne, "M-A-R-I-O-N-S" puis "N-O-U-S" et enfin "A VALENCE". Ses yeux s'écarquillèrent. Ses doigts reprennent la lecture depuis le départ, elle veut s'assurer qu'elle a bien lu, elle veut s'assurer qu'il...

- Tu veux qu'on se mari ? A Valence ? Maintenant ?

Elle se retourne entièrement. Elle se met assise sur ses genoux, toujours sur le lit, face à lui. Ses onyx rivés dans l'océan de ses yeux. Elle ne sait pas ce qu'elle doit faire. Être heureuse ? Fuir ? Fuir très vite ? Fuir très très vite ? Elle cligne des yeux, la bouche entrouverte, complètement perdue, choquée, stupéfaite. Comment a-t-elle fait pour ne pas le voir avant ? Elle a déjà dû lire cette lettre une bonne trentaine de fois et elle n'a rien vu.

- Tu veux vraiment qu'on se mari après ce que j'ai fait ?

Pendant tout ce temps, le vieux loup avait profité de la position d'Elisa pour lui embrasser le cou. Il gardait un oeil sur la lettre, observant l'avancé de la Malemort. Lui, connaissait le message et à chaque fois, il le suivait du regard. Si elle avait pu voir ses yeux, assurément qu'elle aurait trouvé le message plus tôt. Il se mit à sourire, lorsqu'elle s'esclaffa et qu'elle montrait le chemin du bout du doigt. Son coeur s'accélérait à mesure qu'elle recomposait le message et il s'arrêta, lorsqu'elle s'assura qu'elle ne s'était pas trompée.
Les questions étaient toutes plus légitimes les unes que les autres. Au moins, elle ne fuyait pas et c'était déjà ça. Mais avait-elle vraiment une raison de fuir ? Après tout, le mariage ne datait pas d'hier. Elle avait accepté d'être sa fiancée une première fois en Rouergue, puis une seconde fois plus récemment. Le mariage était donc la suite logique de la chose et d'ailleurs les préparations allaient bon train, avant qu'elle ne prenne la route. La robe d'Elisa était commandée, le contrat restait encore à être écrit. Kÿe avait trouvé son témoin, mais toujours pas sa tenue. Alors, pourquoi fuir ? Ce n'était que reprendre là où ils s'étaient arrêtés.
Le Noircastel glissa une main sur celle d'Elisa et répondit simplement à la dernière question.


- Elisa...mon étoile...Je t'aime toujours autant. Tout comme je te considère toujours comme ma fiancée...Alors, oui, vraiment, je veux qu'on se mari. Et si ce n'était pas le cas...D'une part je n'aurai pas écrit ce message et d'autre part...je ne t'aurai jamais aidé à le trouver.
- Tu es fou.

Elle n'avait rien trouvé d'autre à dire. Oui, la première chose à laquelle avait pensé c'est qu'il était fou, complètement fou. Mais ça, elle le savait déjà. Lui avait prouvé bon nombre de fois, et il approuvait même souvent lorsqu'elle lui disait. Alors, naturellement, les mots étaient sorti d'entre ses lèvres. Elisa s'avança vers lui pour venir poser son front contre le sien. Et très faiblement elle lui murmura, ses yeux toujours dans les siens.

- Tu es complètement fou...Mais dans ce cas, soyons fou ensemble...Et tu as raison, faisons-le ! Oui...Allons à Valence et marions-nous !

La folie est-elle contagieuse ? Peut-être...Toujours est-il qu'elle venait d'accepter une nouvelle fois de l'épouser. Mais cette fois...Oui, cette fois, ça ne serait pas que des mots. Cette fois, plus rien ne pouvait les empêcher de le faire. Cette fois, ils aillaient vraiment devenir mari et femme ! Alors, elle descend légèrement son visage et elle vient l'embrasser tendrement d'abord, puis passionnément et enfin fougueusement.

Le Noircastel aurait pu lui répondre que oui, il était fou, complètement fou amoureux d'elle. Il aurait pu lui faire remarquer à nouveau que le prénom de la Malemort à l'envers formait Alise et que ça ne devait donc pas être une simple coïncidence. Mais au lieu de ça, l'unique réaction du vieux loup était ses lèvres qui s'étiraient à mesure qu'Elisa lui répondait. Il fini par lâcher sa main, l'enlaçant dans ses bras, la serrant contre lui pour prolonger le baiser avec la même fougue et passion qu'elle. Il se colla contre elle, puis se laissa tomber doucement en arrière avant de basculer sur le côté à mi-chemin, inversant la position. Elle se trouvait sous lui et c'était maintenant Kÿe qui menait le baiser, les baisers.
La Malemort ne bougea pas, se laissant faire par les mouvements de Kÿe, ses bras entourant son cou pour prolonger les baisers qu'il lui donnait désormais. Toujours plus follement. Les fruits avaient valsés sur tout le lit à côté d'eux, accompagnés des nougats. Le petit déjeuner n'avait plus aucun intérêt. Elle ne voyait plus que par lui, il ne voyait plus que par elle.
La journée passa, rapidement, bien trop rapidement pour le couple qui ne quitta pas un seul instant la chambre. Ils étaient restés allonger dans ce grand lit durant une bonne partie de la journée. Laissant leur corps se lover l'un contre l'autre, les laissant s'étreindre, s'offrir et ne faire qu'un. Puis, ils s'endormaient, leurs doigts glissant conjointement sur le corps de l'être aimé. Ils ne faisaient plus qu'un à partir de maintenant, et bientôt, officiellement.



[Rp écrit à quatre main avec Jd Elisa]
_________________
Emelyne.alois
Emelyne avait fait un choix.

___ Au milieu de ses paquets, dans sa chambre de l'appartement familial lyonnais, l'adolescente faisait l'inventaire des affaires qu'elle laissait et celles qu'elle emmenait. Une activité devenue presque banale pour la petite brune, et une habitude qu'elle avait prise pour ne pas avoir trop de surprises à l'arrivée.
Peut-être qu'aux yeux d'Andreaaa, qui avait assisté à la question qu'Ysaoth avait posé à la jeune Malemort la veille au soir, elle avait pris sa décision rapidement. Mais en vérité, Emelyne avait beaucoup tergiversé.

Cela faisait déjà quelques semaines qu'elle se posait des questions. Et cela ne s'était pas arrangé, pour elle, lorsque Kÿe les avait rejointes. Elle gardait en elle beaucoup de choses dont elle aurait souhaité parler. Mais elle ne voyait pas à qui cela aurait été approprié d'en parler. Il y avait aussi beaucoup de choses qu'elle aurait aimé qu'on lui dise. Mais on ne lui disait rien. Sans doute que l'occasion ne s'était jamais présentée pour le faire. Ces dernières semaines, Emelyne avait vécu dans un certain inconfort intériorisé, ne sachant ce qu'il convenait de penser, ne sachant que qu'il convenait de faire, perdue entre ses peurs, ses doutes, ses incertitudes, ses questions. Tout cela avait pris en elle la forme d'eaux noires, tumultueuses, qui grondaient parfois si fort qu'elle n'arrivait pas à réfléchir correctement sans que ses pensées et ses émotions s'entrechoquent en vain, se mélangent, sans aboutir à quoi que ce soit de cohérent, et encore moins à un début de réponse à quoi que ce soit.
Mais elle tenait bon. Parce qu'elle se sentait un peu plus proche de Maman, un peu plus spéciale pour elle. Parce qu'elle lui avait fait confiance, parce qu'elle lui avait confié ce qui s'était passé entre elle et Papa, qu'elle avait jugé qu'elle était suffisamment grande pour l'entendre et pour ne pas lui cacher. Parce que même si elles ne se disaient pas tout, même si elle était incapable d'aider Maman à aller mieux, elles passaient beaucoup de temps ensemble sur les routes, dans les différents appartements et auberges. Parce que lorsqu'elle entrait dans un endroit, Maman l'attirait vite contre elle, et que l'adolescente adorait ça, et leurs mains se joignaient toujours. Et que Maman réclamait ses bisous en quittant un endroit.

___ La petite brune releva le nez en entendant du bruit. Peut-être en provenance du salon. Elle resta immobile un instant, le regard tourné vers la porte. Puis, elle décida de se lever pour aller voir ce qui se passait, abandonnant ses affaires en instance et son registre.
A dire vrai, depuis que Kÿe, et ses frères, les avaient rejointes à Lyon, les choses étaient revenues subitement... comme avant. Emelyne était à nouveau une enfant parmi les autres, comme ses frères. L'adolescente n'était plus spéciale. Maman ne lui disait plus rien. Elles ne passaient quasiment plus de moment seule à seule. Elle ne l'attirait plus contre elle aussitôt qu'elle arrivait. Elle ne réclamait plus ses bisous, elle ne respirait plus ses cheveux. Juste le même baiser habituel, comme avant. Maman s'occupait toujours aussi bien d'eux, et la jeune Malemort savait qu'à tout moment elle pouvait occuper un peu plus l'attention de Maman si elle le lui demandait. Mais elle s'effaçait, elle les laissait régler les choses entre eux, elle les laisser se retrouver, elle laissait ses frères profiter de Maman après en avoir été privé.
Les choses étaient redevenues comme avant. Sauf pour Emelyne. Ils ne lui avaient encore pas dit, mais l'adolescente avait bien compris que Maman avait choisi entre Papa et son Papa de coeur. Et elle n'arrivait pas à en être satisfaite, elle ne parvenait pas à s'en réjouir complètement. Elle ressentait de la tristesse pour ce Papa qu'elle découvrait et qui lui disait tout par courrier, et qui était seul, là-bas, en Orléans. Cela dit, elle aurait aussi ressenti de la tristesse pour Kÿe si Maman avait choisi Papa. Sauf que pour Eli, pour ses frères, pour Kÿe, sans doute que tout ceci n'avait était qu'une parenthèse dans leurs vies. Tout le monde semblait plus heureux que jamais. Et l'adolescente se sentait esseulée, car elle était la seule qui était liée à Papa, et la seule à s'attrister pour lui, qui avait quitté sa compagne par amour pour Maman. Et à se demander si c'était convenable de ressentir cette tristesse. Et à ne plus savoir si l'espoir -voir un jour Maman et Papa à nouveau ensemble- qu'elle avait toujours combattu refaisait surface en elle ou était mort à jamais. Et que les jours heureux passés ensemble, tous les trois, ne se reproduiraient sans doute plus jamais.

D'une certaine manière, il y avait de nombreux autres points sur lesquelles elle ne savait pas comment se positionner. Ehmée étant au couvent, elle se retrouvait la seule fille de la fratrie. Maman aimait ses enfants tous autant, et partageait son affection et son attention équitablement auprès de chacun d'eux. Sauf... Sauf qu'elle n'était plus une enfant. Lorsque Maman s'était confiée en partie à elle, Emelyne pensait avoir franchi un palier. Qu'elle était un peu plus grande, maintenant qu'elle était majeure, qu'elle était un peu plus adulte par rapport à ses frères et sa soeur. Qu'elle se différenciait d'eux. A présent, elle ne savait plus.
Elle avait appris aussi qu'elle avait d'autres soeurs et un autre frère, à Blois. Une autre famille, qu'elle ne connaissait pas du tout. Elle ne savait pas ce qu'il convenait de faire par rapport à eux, ni comment les considérer. Devait-elle les aimer autant qu'elle aimait Emery, Ehmée, Eyvin et Louis ? Est-ce que ça ne l'éloignerait pas d'eux avec qui elle a grandi ?...
Emelyne cherchait sa place, une nouvelle place, de nouveaux repères. Elle n'était plus une enfant, elle n'était pas encore une adulte. Elle ne savait pas, en fait, ce qu'elle était, ni où elle se situait. Et les eaux noires en elle grandissaient, se faisaient plus fortes, plus bruyantes. Elle s'y noyait. Ils occupaient ses nuits, la tirait de son sommeil très souvent, l'empêchaient de le retrouver. Si bien qu'un besoin impérieux de laisser le trop plein d'eau couvrir des pages de mots invisibles. Mais qui ne servaient à rien. Les eaux noires prenaient de plus en plus de place en elle.

Et alors, elle avait rencontré Eliénore, un soir, en taverne.
Elles avaient beaucoup parlé de choses et d'autres, une conversation en somme assez banale, mais l'adolescente appréciait beaucoup l'auvergnate et la soirée fut plaisante en sa compagnie. La Duchesse vint la trouver le lendemain, et apprit à Emelyne qu'elle avait parlé d'elle à son compagnon qui venait d'entrer chez les Hospitaliers, et que ce dernier projetait de demander à Maman de lui confier la jeune Malemort afin d'en faire son écuyère.
La petite brune, bien que stupéfaite, avait été flattée et honorée par l'intérêt que lui portait le couple, et par le fait qu'ils croyaient en elle. Lorsqu'elle rencontra alors Ysaoth, il lui posa la question, en présence d'Andreaaa, pour savoir si l'adolescente était d'accord pour qu'il écrive à sa mère, et pour qu'ils l'emmènent avec eux en voyage dès à présent, car ils quittaient Lyon le lendemain. Aux yeux de sa meilleure amie, Emelyne devait avoir semblé donner une réponse rapide et sans réflexion. Mais, en vérité, entre-temps, la petite brune avait eu deux jours pour réfléchir, en silence, sans en parler à personne car elle n'était pas censée être au courant, avant de rencontrer le Duc de Vichy.
Et elle ne savait pas au juste, ce qu'Andreaaa avait pensé de sa réponse.

Et si c'était le moment de partir ?
En l'état, Emelyne s'était bien rendue compte à quel point Maman n'avait pas besoin d'elle. Peut-être qu'en partant avec Eliénore et Ysaoth, et intégrer les Hospitaliers pour lesquels elle n'avait jamais caché son admiration, elle apprendrait rapidement, elle deviendrait une meilleure personne. Peut-être même que Maman accepterait enfin qu'elle l'accompagne sur les remparts lorsqu'une menace planait, et qu'elle ne la considérerait plus comme une gêne, comme tout le monde s'évertuait à lui expliquer lorsqu'on lui demandait si elle défendait aussi. Peut-être qu'elle pourrait accomplir des choses dont ses parents seraient fiers. A cet âge, on trouve le temps long, et il tardait à Emelyne de faire ses preuves et de découvrir enfin si elle pouvait être la hauteur des expectations de Maman, d'être véritablement digne d'être sa fille.
Un jour, Maman lui avait dit qu'elle avait de grands projets pour elle. Elle n'en savait pas plus, mais qu'est-ce qu'elle aimerait l'entendre lui dire cela à nouveau...
Peut-être qu'il fallait qu'elle parte. Pour grandir. Pour trouver sa place. Peut-être qu'il était temps qu'elle quitte Maman, sinon elle resterait une enfant. Eliénore et Ysaoth lui proposait une belle opportunité. De grandir plus vite.

___ La petite brune déboucha au bout du couloir et ouvrit les portes du salon pour découvrir la scène et la source du bruit. Elle resta un court moment, les yeux tout ronds, puis finit par éclater de rire.

A la proposition d'Ysaoth, ce soir-là, Emelyne avait refusé. Soudainement, en entendant parler de partir en voyage avec eux, tout devint clair dans son esprit. Il était hors de question de vivre loin de Maman.
Elle comprit alors qu'elle était elle-même la source de ses eaux noires. Elle comprit qu'elle ne pensait pas sous le bon angle. Elle comprit qu'elle avait été présomptueuse. Elle n'avait pas besoin d'être spéciale aux yeux de Maman. Être sa fille était déjà amplement suffisant. Et si Maman n'avait pas besoin d'elle, elle, elle avait besoin encore de Maman. Peu importe ce que pouvait penser les autres, peu importe qu'ils pensent qu'à son âge elle devrait prendre ses ailes juste parce qu'elle en avait le droit. C'était son seul vrai souhait dans la vie, un souhait plutôt simple. Elle voudrait ne jamais vivre sans Maman.

___ Et tandis qu'elle riait encore de bon coeur pour une raison qu'aucun des siens ne comprenait, Emelyne comprit autre chose.
Les eaux noires se turent, elles s'évaporaient.
Elle était à sa place. Avec eux.


C'était un mercredi. Le 19 avril 1465. Ils quittaient enfin Lyon.

_________________
Emelyne.alois
Malgré l'approche du souper, le soleil était aveuglant au-dehors. Il faisait encore jour comme au coeur de l'après-midi, alors qu'il y a peu, à cette heure, le soir commençait à poser son chapiteau. La plupart des arbres avaient tapissé le sol de leurs pétales tournoyant et s'envolant au moindre vent, et ils arboraient des feuillages consistants et majestueux pour offrir un coin d'ombre bienvenue à qui en souhaitait.
Le vent, doux, léger, ne sifflait plus entre les branches crochus. Il chuchotait entre les feuilles frémissantes.

Un linge enveloppant encore ses cheveux pour les aider à sécher, une chemisette en lin sur les épaules, Emelyne ouvrit les chroniques de Floréal, cherchant la dernière page noircie de mots pour reprendre le court récit de leurs voyage, histoire de s'occuper en attendant de pouvoir se coiffer, et que le repas du soir soit prêt.



Dimanche 23 Avril 1465.


Comme dit hier, les olibrius de l'Eldorado semblent se plaire dans le Lyonnais-Dauphiné. Mais les rondes d'hier soir à Valence semblent n'avoir rien donné. Je n'en suis pas certaine, mais je crois qu'on ne sait toujours pas où ils sont, après la prise de Montélimar, qui fort heureusement, a déjà été régulée.

Le ciel nous gâte. La lumière du soleil semble si pure ces jours-ci... Bien que les matins restent frais, il fait si bon en journée que je me demande si cela ne va pas se payer en de nombreux jours de pluie en Mai qui approche. Nous verrons bien.

En début d'après-midi, en taverne, Andreaaa et moi avons fait la connaissance d'une toute jeune Lorraine. Prya. De ce que j'ai appris, elle ne voyageait pas avec ses parents, mais avec des amis. Je n'ai osé en demander plus. En tout cas, elle était adorable. Je lui ai appris à faire une étoile à la ficelle -Tout du moins, n'ayant pas de ficelle, j'ai dû sacrifier un ruban de mes cheveux- à l'aide d'Andreaaa, et son sourire et son émerveillement m'ont fait plaisir.
Ehmée me manque.

Puis... Il s'est passé quelque chose.
Il y a eu un homme. Un certain Vadorann... En fait son nom n'a pas vraiment d'importance. Après le départ d'Andreaaa et rebondissant sur ses paroles, il a longuement argumenté avec moi pour pouvoir caresser mes cheveux. C'est plutôt bizarre, non ? Mais pour lui, c'était parfaitement censé, à croire que je laisserais n'importe qui toucher à mes cheveux. Il a même avancé la main, en attente de mon accord, mais j'ai refusé fermement. Et c'est là que c'est devenu étrange... Plus que ça ne l'était déjà. Il s'est mis à me proposer de me caresser à divers endroits car il disait qu'il n'y avait pas que mes cheveux qu'il avait envie de caresser chez moi. Son regard s'est fait plus intense. Il s'est mis à me scruter minutieusement, avec un plaisir non dissimulé, à détailler chaque partie de mon corps, si bien j'avais l'impression qu'il parvenait à voir ou deviner ce qui se trouvait derrière les tissus de ma tenue. Et il y avait cette lueur dans ses yeux...
Tu sais, cher journal, c'est la toute première fois qu'un homme me regarde de cette façon. Pas comme une enfant, mais comme... Il y avait quelque chose dans ce regard, quelque chose d'insistant, de terriblement insistant, comme s'ils me parlaient, comme s'ils me disaient qu'il voulait vraiment me voir, me toucher. Et... Je vais te confier quelque chose, cher journal... En toute honnêteté... Cela va peut-être te surprendre, mais... Purée, c'était franchement dégoûtant !!!
Oui ! Trois points d'exclamation !
Si j'étais restée une minute de plus, je lui aurai collé mon poing dans l'oeil !

Ce jour-là, la petite brune prit énormément de bains, à coup de brosse et de beaucoup de saponaire.
_________________
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)